CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2004
La Chine accélère son programme nucléaire: la France, les Etats-Unis et la Russie en compétition

Pékin : Pierre de Vilmorin
[31 mars 2004]
    Fer de lance de l'économie chinoise, la province méridionale du Guangdong entend démarrer d'ici deux ans la construction de la plus grande centrale nucléaire du pays, avec six tranches d'un total prévu de 6 000 mégawatts, a révélé ce week-end la revue China Business Weekly.
    Ce projet géant, Yangjiang II et III, va surtout relancer la compétition entre la France, les Etats-Unis, la Russie et peut-être le Canada. Il préfigure une remise en route massive du programme électronucléaire chinois, grâce à d'importants transferts de technologie étrangère : Pékin souhaite bâtir 27 tranches nucléaires d'ici à 2020. A Yangjiang, les deux premières tranches de 1 000 mégawatts devraient rentrer en service en 2010, selon Qian Zhimin, directeur général de la Guangdong Nuclear Power Co Ltd. Dans cette province en pleine expansion, la demande d'électricité excédera l'offre de 10% cette année.
    L'annonce faite par l'intermédiaire du très officiel Business Weekly apparaît comme «une pression sur le gouvernement central», afin d'accélérer le lancement des travaux à Yangjiang, estime Daniel Chavardès, conseiller à l'ambassade de France en Chine. Pékin n'a pas encore fait d'annonce définitive pour ce site.
    Les choix techniques qui seront faits dans la province du Guangdong s'annoncent décisifs pour la compétition internationale. La Chine veut standardiser sa technologie nucléaire, l'objectif étant de ne mettre au point qu'un seul type de réacteur pour l'ensemble du programme. Le choix du vainqueur est d'autant plus déterminant que dans les quinze années à venir, «la Chine représentera plus de 90% de ce qui va se faire dans le nucléaire» mondial, estime Hervé Machenaud, le président d'EDF pour la branche Asie-Pacifique.
    La Commission chinoise au développement et à la réforme (Cedr) devrait bientôt donner son feu vert à la sélection du fournisseur des quatre réacteurs à eau pressurisée, dont deux seront édifiées à Sanmen dans la province du Zhejiang (Est), et deux dans le Guangdong (Sud), à Lingdong. Les autorités chinoises veulent engager une coopération sur le long terme pour acquérir et standardiser une technologie nucléaire avancée, qui leur permettra de construire des centrales en série. Cette formule permettra à la fois de compresser les coûts, de faciliter la formation du personnel et de garantir une meilleure sécurité dans les centrales.
    A terme, le but est pour la République populaire de ne «dépendre que d'elle-même», explique René de Préneuf, le directeur d'Areva pour la Chine, c'est-à-dire une indépendance fondée sur une maîtrise complète de la conception et de la fabrication des centrales.
    Le réacteur Framatome ANP d'Areva semble avoir une longueur d'avance sur ses deux principaux rivaux, l'américano-britannique Westinghouse (réacteur AP 1000) et la Russie. Le groupe français a déjà transféré de la technologie en participant, avec EDF, à la construction de deux centrales dans la province du Guangdong. «La France apparaît aussi comme un partenaire politique fiable», insiste M. Chavardès, qui ménage ses relations avec Pékin en proposant la formation de trois cents ingénieurs chinois par le CEA (Commissariat à l'énergie atomique).
    L'américain Westinghouse a, quant à lui, un produit qui répond bien à la demande des Chinois, sur le papier en tout cas. Son handicap est de n'avoir pas construit de réacteur depuis la fin des années 70. Il garde pourtant toutes ses chances de l'emporter, si Pékin décidait de rééquilibrer son énorme excédent commercial avec les Etats-Unis grâce à l'importation de technologie nucléaire. Signe qui ne trompe pas, la coopération dans ce domaine est l'un des enjeux de la première visite officielle que le vice-président Dick Cheney fera à Pékin à la mi-avril.
    Les Russes, eux, sont bien implantés en Chine, où ils terminent en ce moment la construction de deux unités de 1 000 mégawatts. Mais ils se sont positionnés sur un produit de technologie plus ancienne, a priori peu compatible avec le souci chinois de mettre en oeuvre le «réacteur du futur».