CONTROVERSES ENER...ETHIQUES
et NUCLEAIRES

ACTUALITE INTERNATIONALE
2006
Le débat nucléaire en Australie
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/31425.htm

     Après de nombreuses années de "tabou nucléaire", il ne se passe plus un jour sans que ce sujet soit évoqué dans la presse australienne. La production d'énergie d'origine nucléaire, l'ouverture de nouvelles mines d'uranium, et la gestion des déchets font en effet l'objet d'un débat qui divise l'opinion, les syndicats et les partis.

1. La production d'énergie nucléaire
     Le seul réacteur nucléaire australien a près de 50 ans d'âge et est situé à Lucas Heights, près de Sydney. Il est destiné à la recherche scientifique et à la production de radionucléides pour les applications médicales. Un nouveau réacteur est en construction sur le même site, et devrait être opérationnel, pour les mêmes utilisations, en 2007.
     Une étude prospective avait bien été réalisée en 1980, visant à évaluer le coût de construction et d'exploitation d'une centrale nucléaire dans le Victoria. Mais ce rapport est maintenant obsolète. Malgré une intervention - vite étouffée - de Bob Carr, alors Chef Ministre de Nouvelle-Galles du Sud, lors du congrès local du parti travailliste en juin dernier, ni la classe politique, ni le gouvernement australien n'envisagent de recourir à l'énergie nucléaire dans un avenir proche. Le sol australien recèle en effet des ressources en gaz naturel et en charbon abondantes et d'accès facile.

2. La production de minerai d'uranium
     L'Australie assure environ 24% de la production mondiale d'uranium (chiffre 2004) et possède plus du tiers des réserves mondiales connues de minerai. La presque totalité de l'uranium produit sur le sol australien, soit plus de 11.000 tonnes de "yellowcake", est exportée principalement vers les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud et la France. Il faut noter cependant que les exportations d'uranium ne représentent jamais que moins de 1% des exportations australiennes de ressources minérales.
     Trois sites sont actuellement en cours d'exploitation: en Australie du Sud, "Olympic Dam" par BHP Billiton et "Beverley Mine" par Heathgate Resource, et dans le Territoire du Nord "Ranger and Jabiluka" par Energy Resources of Australia (ERA). Le débat actuel tourne essentiellement autour de l'ouverture de nouvelles mines. Bob Hawke, Premier Ministre travailliste de 1983 à 1991, avait à cette époque réconcilié les courants de son parti, divisés sur ce sujet, en limitant à 3 le nombre de sites exploités sur l'ensemble du territoire.
     Ce débat a été relancé le 22 septembre dernier par Bill Ludwig, président du syndicat des ouvriers australiens (AWU), lors d'une requête auprès de Peter Beattie, Chef Ministre du Queensland, visant à ouvrir de nouvelles mines d'uranium dans cet état. Le Parti Travailliste a rejeté les propositions de l'AWU, "nuisibles à la cohésion de la gauche australienne pour vaincre le Parti Conservateur". Si les Etats et Territoires australiens, tous gouvernés par le Parti Travailliste, sont opposés à l'ouverture de nouvelles exploitations, rejoignant ainsi la position des deux autres syndicats (AMWU et CFMEU, qui regroupe des milliers de mineurs de charbon), le gouvernement fédéral, aux mains du Parti Libéral, appuie cette position pour des raisons économiques évidentes: selon l'ABARE (Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics),

le prix de l'uranium devrait enregistrer une hausse importante au cours de cette annee fiscale, induisant un accroissement de 30% en valeur des exportations de minerai et les amenant au niveau de 616 millions de dollars. Le gouvernement fédéral souhaite profiter de cette envolée des prix.

3. Le stockage des déchets radioactifs
     Le stockage des déchets est aussi susceptible de contribuer à l'économie australienne de facon substantielle. Les 11.000 tonnes de minerai conduiraient, une fois traitées, à environ 1.400 tonnes d'uranium enrichi, dont résulte, dans les pays consommateurs, à peu près autant de déchets nucléaires en fin de cycle. Outre le fait que l'Australie pourrait se sentir une dette morale à récuperer les déchets que le pays a contribué à injecter dans le cycle, le stockage devrait, à raison d'environ 1 million de dollars la tonne, rapporter près de 2 milliards de dollars.
     La stabilité politique et géologique du pays lui permet d'envisager un stockage approprié, après un traitement des déchets qui pourrait être fait à l'étranger ou sur place. L'Australie a en effet mis au point un procédé original, dénomme Synroc. Ce procédé, développé dès 1978 par l'ANU (Australian National University) et l'ANSTO (Australian Nuclear Science and Technology Organisation), permet le stockage, sous forme de matrice verre-céramique, de déchets de haute activité, tels que le plutonium. En outre, un site de stockage unique permettrait de s'affranchir de la gestion, difficile et à la securite aléatoire, de la centaine de sites de déchets repartis dans tout le pays, utilisés notamment par les hôpitaux et les centres de recherches, et où sont entreposés plus de 4.000 mètres cube de déchets à faible et moyenne activité. Bob Hawke a récemment suggéré qu'outre l'ouverture de nouvelles mines, l'Australie pourrait accueillir la totalité des déchets radioactifs produits sur la planète. Les recettes ainsi engrangées seraient utilisées à des fins environnementales (remédiaition à la salinisation des nappes notamment) ou sociales (populations aborigènes).
     Le gouvernement fédéral a identifié 3 sites de stockage possibles près d'Alice Springs et de Katherine, dans le Territoire du Nord. Malgré une farouche opposition du Chef Ministre de ce Territoire, Claire Martin, la Chambre des Représentants a voté, le 2 novembre, l'acte de gestion nationale des déchets radioactifs. Le Sénat devrait se prononcer sur ce texte très rapidement.
     Le débat sur le nucléaire, qui a enflammé et divisé la classe politique, oppose de fait les syndicats et les industries minières impliquées dans l'exploitation de l'uranium aux tenants du charbon. La plupart des Etats, qui possèdent des ressources en charbon pour plusieurs centaines d'années, ne souhaitent pas remettre en question un équilibre économique et social qui à jusqu'à présent fait ses preuves. Le développement de l'énergie nucléaire à travers le monde et des considérations environnementales pourraient remettre en question cette analyse.
     Le Ministre de l'Education et de la Science Brendan Nelson, et celui de l'Industrie Ian Macfarlane ont recommandé au Premier Ministre John Howard de lancer une nouvelle étude, pour un coût de 1 million de dollars, sur l'opportunité de créer une véritable industrie nucléaire en Australie. Cette étude pourrait être entreprise par l'Académie Australienne des Sciences.

Rédacteur: Robert Farhi