http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/31425.htm
Après
de nombreuses années de "tabou nucléaire", il ne se passe
plus un jour sans que ce sujet soit évoqué dans la presse
australienne. La production d'énergie d'origine nucléaire,
l'ouverture de nouvelles mines d'uranium, et la gestion des déchets
font en effet l'objet d'un débat qui divise l'opinion, les syndicats
et les partis.
1. La production d'énergie
nucléaire
Le seul réacteur
nucléaire australien a près de 50 ans d'âge et
est situé à Lucas Heights, près de Sydney. Il est
destiné à la recherche scientifique et à la production
de radionucléides pour les applications médicales. Un nouveau
réacteur est en construction sur le même site, et devrait
être opérationnel, pour les mêmes utilisations, en 2007.
Une étude prospective
avait bien été réalisée en 1980, visant à
évaluer le coût de construction et d'exploitation d'une centrale
nucléaire dans le Victoria. Mais ce rapport est maintenant obsolète.
Malgré une intervention - vite étouffée - de Bob Carr,
alors Chef Ministre de Nouvelle-Galles du Sud, lors du congrès local
du parti travailliste en juin dernier, ni la classe politique, ni le gouvernement
australien n'envisagent de recourir à l'énergie nucléaire
dans un avenir proche. Le sol australien recèle en effet des
ressources en gaz naturel et en charbon abondantes et d'accès facile.
2. La production de minerai d'uranium
L'Australie
assure environ 24% de la production mondiale d'uranium
(chiffre 2004) et possède plus du tiers des réserves mondiales
connues de minerai. La presque totalité de l'uranium produit sur
le sol australien, soit plus de 11.000 tonnes de "yellowcake", est exportée
principalement vers les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud et
la France. Il faut noter cependant que les exportations d'uranium ne représentent
jamais que moins de 1% des exportations australiennes de ressources minérales.
Trois sites sont actuellement
en cours d'exploitation: en Australie du Sud, "Olympic Dam" par BHP Billiton
et "Beverley Mine" par Heathgate Resource, et dans le Territoire du Nord
"Ranger and Jabiluka" par Energy Resources of Australia (ERA). Le débat
actuel tourne essentiellement autour de l'ouverture de nouvelles mines.
Bob Hawke, Premier Ministre travailliste de 1983 à 1991, avait à
cette époque réconcilié les courants de son parti,
divisés sur ce sujet, en limitant à 3 le nombre de sites
exploités sur l'ensemble du territoire.
Ce débat a été
relancé le 22 septembre dernier par Bill Ludwig, président
du syndicat des ouvriers australiens (AWU), lors d'une requête auprès
de Peter Beattie, Chef Ministre du Queensland, visant à ouvrir de
nouvelles mines d'uranium dans cet état. Le Parti Travailliste a
rejeté les propositions de l'AWU, "nuisibles à la cohésion
de la gauche australienne pour vaincre le Parti Conservateur". Si les
Etats et Territoires australiens, tous gouvernés par le Parti Travailliste,
sont opposés à l'ouverture de nouvelles exploitations, rejoignant
ainsi la position des deux autres syndicats (AMWU et CFMEU, qui regroupe
des milliers de mineurs de charbon), le gouvernement fédéral,
aux mains du Parti Libéral, appuie cette position pour des raisons
économiques évidentes: selon l'ABARE (Australian Bureau of
Agricultural and Resource Economics), |
le prix de l'uranium devrait enregistrer une
hausse importante au cours de cette annee fiscale, induisant un accroissement
de 30% en valeur des exportations de minerai et les amenant au niveau de
616 millions de dollars. Le gouvernement fédéral souhaite
profiter de cette envolée des prix.
3. Le stockage des déchets
radioactifs
Le stockage des déchets
est aussi susceptible de contribuer à l'économie australienne
de facon substantielle. Les 11.000 tonnes de minerai conduiraient, une
fois traitées, à environ 1.400 tonnes d'uranium enrichi,
dont résulte, dans les pays consommateurs, à peu près
autant de déchets nucléaires en fin de cycle. Outre le fait
que l'Australie pourrait se sentir une dette morale à récuperer
les déchets que le pays a contribué à injecter dans
le cycle, le stockage devrait, à raison d'environ 1 million de dollars
la tonne, rapporter près de 2 milliards de dollars.
La stabilité
politique et géologique du pays lui permet d'envisager un stockage
approprié, après un traitement des déchets qui pourrait
être fait à l'étranger ou sur place. L'Australie
a en effet mis au point un procédé original, dénomme
Synroc.
Ce procédé, développé dès 1978 par l'ANU
(Australian National University) et l'ANSTO (Australian Nuclear Science
and Technology Organisation), permet le stockage, sous forme de matrice
verre-céramique, de déchets de haute activité, tels
que le plutonium. En outre, un site de stockage unique permettrait de s'affranchir
de la gestion, difficile et à la securite aléatoire, de la
centaine de sites de déchets repartis dans tout le pays, utilisés
notamment par les hôpitaux et les centres de recherches, et où
sont entreposés plus de 4.000 mètres cube de déchets
à faible et moyenne activité. Bob Hawke a récemment
suggéré qu'outre l'ouverture de nouvelles mines, l'Australie
pourrait accueillir la totalité des déchets radioactifs produits
sur la planète. Les recettes ainsi
engrangées seraient utilisées à des fins environnementales
(remédiaition à la salinisation des nappes notamment) ou
sociales (populations aborigènes).
Le gouvernement fédéral
a identifié 3 sites de stockage possibles près d'Alice Springs
et de Katherine, dans le Territoire du Nord. Malgré une farouche
opposition du Chef Ministre de ce Territoire, Claire Martin, la Chambre
des Représentants a voté, le 2 novembre, l'acte de gestion
nationale des déchets radioactifs. Le Sénat devrait se prononcer
sur ce texte très rapidement.
Le débat sur
le nucléaire, qui a enflammé et divisé la classe politique,
oppose de fait les syndicats et les industries minières impliquées
dans l'exploitation de l'uranium aux tenants du charbon. La plupart
des Etats, qui possèdent des ressources en charbon pour plusieurs
centaines d'années, ne souhaitent pas remettre en question un
équilibre économique et social qui à jusqu'à
présent fait ses preuves. Le développement de l'énergie
nucléaire à travers le monde et des considérations
environnementales pourraient remettre en question cette analyse.
Le Ministre de l'Education
et de la Science Brendan Nelson, et celui de l'Industrie Ian Macfarlane
ont recommandé au Premier Ministre John Howard de lancer une nouvelle
étude, pour un coût de 1 million de dollars, sur l'opportunité
de créer une véritable industrie nucléaire en Australie.
Cette étude pourrait être entreprise par l'Académie
Australienne des Sciences.
Rédacteur: Robert Farhi |