AFP [31 janvier]
BURE - A 490 mètres sous la surface du globe, l'histoire s'est arrêtée il y a 155 millions d'années. C'est à ce stade d'un voyage dans le temps et vers le centre de la Terre que se poursuivent les expériences sur un éventuel stockage souterrain des déchets nucléaires nucléaires, qui fait toujours débat. Conformément à la loi de 1991 dite "loi Bataille", le laboratoire doit vérifier que la géologie du secteur est favorable à la conservation en toute sécurité de matières radioactives pendant plusieurs centaines de milliers d'années. Il doit aussi s'assurer - originalité française - que ce stockage est "réversible", afin de préserver la liberté de choix des générations futures. "Faisable", a conclu en substance l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) qui gère les installations de Bure (Meuse), dans un rapport remis en décembre aux autorités du nucléaire en France: "quand l'Andra conclut sur la faisabilité de principe, elle conclut sur un stockage sûr", note Marie-Claude Dupuis, sa directrice générale. Mardi, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), organisme public d'expertise sur le nucléaire, a rendu un avis favorable et noté qu'à ce stade les investigations "n'avaient pas mis en évidence d'élément rédhibitoire" si la décision du stockage souterrain devait être prise. Cette décision sera débattue courant 2006 par le Parlement, qui pourra s'il le souhaite établir la feuille de route des étapes à franchir. Selon Marie-Claude Dupuis, si la décision de stockage souterrain était prise en 2006, celui-ci ne commencerait pas avant 2025, entre la demande d'autorisation, les études complémentaires indispensables et les travaux. L'avantage du site de Bure - deux puits verticaux de 4 et 5 m de diamètre, une niche expérimentale à -445 m, et 400 m de galeries en forme de H à -490 m - c'est "une couche argileuse stabilisée depuis 20 millions d'années, épaisse (160 m) et homogène", détaille Mme Dupuis. |
Cette couche argileuse est
elle-même située sous 420 m de calcaire.
La nature de cette argilite - un mélange d'argile, de carbonates et de quartz - "a la capacité d'arrêter les ions positifs et de freiner les négatifs, ce qui permet de ralentir la propagation le plus longtemps possible et au moins le temps que la radioactivité s'épuise" en cas de stockage de déchets nucléaires, explique le directeur du laboratoire Jack-Pierre Piguet. Une "zone de transposition" de 200 km2 au moins, équivalent géologique du site du laboratoire, pourra être utilisée en cas de stockage de déchets nucléaires. Bure accueillerait les déchets de type B, moyennement actifs mais à vie longue, et C, très actifs et à longue durée, reprend Mme Dupuis. Une centaine d'hectares seraient réservés à la zone B et 500 à la zone C. "Le stockage de combustibles usés (uranium) non traités a été envisagé à titre exploratoire mais nécessiterait une emprise supérieure de l'ordre de 1.200 ha", ajoute-t-elle. Depuis novembre, les chercheurs simulent en accéléré, sur quelques mois, ce que représenterait sur plusieurs dizaines de milliers d'années l'infiltration d'eau provenant des couches de calcaire. "Avec cette expérience, Bure a commencé à tester ce que pourrait être, dans un processus de stockage souterrain, le bouchage des alvéoles appelées à recevoir les +colis+ de déchets radioactifs", précise le directeur du laboratoire. "La sécurité du stockage s'évalue sur le très long terme", fait valoir la directrice de l'Andra. "Le pic d'impact sur l'environnement dure 200.000 ans, au-delà desquels les déchets ont perdu leur radioactivité". Site Web de l'IRSN |