Belgique, et si le problème était
ailleurs?
Un moratoire sur la construction
de nouvelles centrales décidé en 1988, un calendrier de démantèlement
des centrales en fonction de leur âge... c'est l'essentiel de la
législation belge de gestion du parc nucléaire.
On a fait grand cas
de ce calendrier arc-en-ciel censé tourner la page entre 2015 et
2025. Depuis dix ans, les gouvernements successifs n'ont pas pour autant
pris la mesure de l'engagement, ni vraiment encouragé les alternatives.
Confrontées aux impératifs d'approvisionnement, des voix
isolées comme celles des ministres Reynders ou Antoine se risquent
parfois, réclamant une révision du calendrier de démantèlement,
quitte à l'assortir de compensations à finalités publiques
puisque l'investissement nucléaire aujourd'hui revendu a déjà
été largement amorti.
En deux mots, le souci
est de tout faire pour garantir un approvisionnement à prix compétitif
tout en respectant les contraintes environnementales. C'est aussi l'objectif
explicite d'Electrabel, dont le porte-parole concède toutefois que
«le nucléaire n'est pas LA solution mais qu'il n'y
a pas non plus de solution sans nucléaire».
Ce qui laisse entendre
qu'effectivement le problème est bien ailleurs, comme l'explique
Didier Goetgebuer, de l'Institut de conseil et d'études en développement
durable (ICEDD). La production d'électricité est privatisée
et sur un marché libéralisé, rien n'empêchera
plus un producteur de produire à l'étranger à un prix
que le marché européen détermine. Tout ce qui se passe
à l'échelon national semble bien ne plus être qu'inutiles
gesticulations s'il ne pèse pas sur les décisions à
l'échelon européen. Par contre, il est urgent d'observer
que le nucléaire ne pèse que pour 55% des 17% de la part
d'électricité dans nos besoins énergétiques,
soit moins de 10% de nos besoins. Urgent aussi d'inciter d'abord à
freiner une inconsciente boulimie énergétique qui nous menace
parce que les prix vont s'affoler comme ils affolent déjà
les entreprises. Par contre, l'électricité est à ce
point névralgique qu'il faudra sans doute garder au nucléaire
et rendre au charbon sa part, pour des raisons géopolitiques, sous
peine de se pendre avec le monopole du gaz, haut et court à la Russie.
L'Echo: Après avoir
été stigmatisé,
le nucléaire se voit réhabilité
un peu partout dans le monde
Avec ses 58 réacteurs
civils répartis entre 20 sites de production d'électricité,
la FRANCE est incontestablement LE champion du nucléaire.
Deuxième producteur mondial, après les états-Unis,
l'Hexagone est le pays où la proportion d'électricité
produite à partir du nucléaire est la plus importante au
monde (78%). Un choix politique qui a fait du pays le candidat idéal
pour l'implantation du projet Iter (réacteur thermonucléaire
expérimental international) dans lequel sont présents l'Union
européenne, les états-Unis, la Russie, la Chine, le Japon
et la Corée du sud. C'est à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône,
que le projet sera implanté.
FINLANDE
Même les pays
que l'on qualifierait de prime abord d'écologistes se sont mis à
l'heure du nucléaire. La Finlande, par exemple, dont la configuration
géographique l'empêche notamment d'exploiter ses immenses
étendues d'eau à des fins énergétiques, a résolument
opté pour le nucléaire. Une façon pour elle de dépendre
un peu moins du voisin russe pour son approvisionnement. Le pays scandinave
a même fait office de précurseur en 2002 lorsqu'il a décidé
de la construction d'un cinquième réacteur nucléaire
sur son territoire alors que la tendance, en Europe, était encore
au démantèlement.
ROYAUME-UNI
Alors que Londres annonçait
encore en mars dernier qu'elle allait confier le démantèlement
d'une vingtaine de centrales nucléaires à des sociétés
privées, le gouvernement est en train de sérieusement revoir
sa politique en la matière. Le Premier ministre a en effet annoncé
sa volonté de renforcer le parc des réacteurs britanniques.
Principale raison invoquée par Tony Blair: le fait que sans une
politique énergétique renforcée, la GrandeBretagne
deviendrait dépendante pour 80 à 90% de sa consommation du
pétrole et du gaz provenant du Moyen-Orient, de Russie et d'Afrique.Alors
que 20% de l'électricité produite en Grande-Bretagne est
d'origine nucléaire, il ne resterait qu'une centrale en activité
en 2025 si rien n'est fait. Dans son dernier rapport énergétique,
publié en juillet, le gouvernement propose dès lors la construction
de nouvelles centrales nucléaires parallèlement au démantèlement
des anciennes installations.
ETATS-UNIS
Outre-Atlantique, il
ne faisait plus bon parler de nucléaire après la catastrophe
de Three Mile Island (Pennsylvanie) en 1979. Jusqu'à ce que la hausse
des cours pétroliers et la politique étrangère des
états-Unis au Moyen-Orient poussent le président Bush à
présenter en février dernier un plan énergétique
visant à réduire la dépendance énergétique
des états-Unis. Parmi les mesures préconisées: la
construction de nouvelles centrales nucléaires. Les états-Unis
comptent à eux seuls pour 30% de la production mondiale d'énergie
nucléaire. Cela ne représente cependant que 20% de leur production
nationale.
AUSTRALIE
Le pays continent abrite
40% des réserves mondiales d'uranium. Canberra n'a pourtant jamais
souhaité s'engager sur la voie du nucléaire, lui préférant
notamment l'optique solaire comme source alternative d'énergie.
Mais alors que l'Australie traverse l'une des pires sécheresses
de son histoire, le gouvernement de John Howard est en train de revoir
ses positions. Son rejet du protocole de Kyoto et de ses obligations en
termes de baisse d'émissions de gaz à effet de serre devient
en effet de plus en plus difficile à justifier. Et Howard de tenter
donc la parade en proposant le nucléaire comme solution au réchauffement
climatique. «Si nous voulons avoir un débat sérieux
sur le réchauffement (...), nous devons avoir la volonté
d'envisager l'option nucléaire», a-t-il déclaré
hier.
CHINE
Avec ses taux de croissance
économique à deux chiffres, la Chine sera bientôt l'économie
la plus énergivore au monde. Dépendant aujourd'hui largement
du charbon, et faisant activement ses emplettes de gaz et de pétrole
dans le golfe persique et en Afrique, la Chine s'est aussi résolument
tournée vers le nucléaire. Pékin a prévu la
construction d'une trentaine de centrales dans les 20 années à
venir. Objectif: produire d'ici 2020 4% de son électricité
à partir du nucléaire. Et ce n'est qu'un début... |
L'Echo: Le retour en grâce
du nucléaire relance le jeu des alliances industrielles
Areva, n° 1 mondial
du nucléaire civil, et Mitsubishi Heavy Industries négocieraient
un rapprochement. La Russie suit le mouvement.
Le nucléaire
est à nouveau au-devant de l'actualité. Impossible d'y échapper.
La fameuse fusion GDF-Suez? Suez va devoir se séparer d'une partie
de sa production nucléaire en Belgique
La Corée du Nord?
La communauté internationale est désormais prête à
appliquer des sanctions au régime communiste après l'annonce
de son (supposé) premier essai nucléaire.
D'une manière
générale, partout la question nucléaire a refait surface.
Plusieurs pays, dont principalement les états-Unis et la Chine,
sont engagés dans des projets de constructions de centrales… Des
projets de grande envergure.
En France, pays du nucléaire
par excellence où 80% de l'électricité provient de
l'atome, on travaille déjà à la construction d'un
réacteur de troisième génération EPR (European
Pressure Reactor). Aux Pays-Bas, la construction d'une deuxième
centrale nucléaire… pour des raisons écologiques devrait
se concrétiser au cours de la prochaine décennie.
Derrière cet
intérêt renouvelé pour l'atome, les mouvements de rapprochement
se multiplient.
L'industrie du nucléaire,
qui emploie quelque 400.000 personnes en Europe, est aujourd'hui marquée
par une extrême concentration des acteurs, à la fois géographique,
pour ce qui concerne l'exploitation des ressources en uranium, et industrielle
pour les activités d'enrichissement, de fabrication des combustibles
et de retraitement. Le nombre d'acteurs dans la construction des chaudières
nucléaires, jusqu'il y a peu encore réparti entre un nombre
important de sociétés, tend lui aussi à se restreindre
par le jeu des alliances industrielles. On ne compte plus ainsi, à
l'heure actuelle, qu'une dizaine de constructeurs de par le monde. Et les
rapprochements se poursuivent.
COMBLER LE RETARD
Dernière opération
en date: l'alliance qui se dessine entre le numéro 1 mondial du
nucléaire civil, Areva, et le n° 1 japonais du même secteur,
Mitsubishi Heavy Industries (MHI). L'un et l'autre sont, selon la presse
japonaise, dans la dernière phase de négociation.
But de la manoeuvre:
réduire les coûts de développement, d'achats de pièces
et d'ingénierie. Une alliance cruciale pour Areva, détenu
par l'état français et qui cherche par tous les moyens à
changer son image d'entreprise publique. Sa présidente, Anne Lauvergeon,
est en effet convaincue que son statut d'entreprise publique va rapidement
nuire à Areva dans sa quête de contrats aux états-Unis,
après la décision du gouvernement français, le mois
dernier, d'exclure toute privatisation du groupe pendant les cinq prochaines
années.
Un deal également
décisif pour Mitsubishi Heavy Industries après un récent
échec de rapprochement avec Westinghouse.
Car Areva et Mitsubishi
Heavy Industries sont à la traîne de leurs concurrents Toshiba/Westinghouse
et General Electric, en partenariat avec Hitachi. Mitsubishi Heavy a perdu
face à Toshiba dans la course pour le rachat du constructeur américain
de centrales nucléaires Westinghouse, où Toshiba a pris une
participation de 77%.
Mitsubishi craint de
ce fait un affaiblissement, voire une rupture de ses relations avec Westinghouse,
entretenues pendant 40 ans. Derrière ces trois ou quatre acteurs
« bien connus », il en est un encore en gestation qui pourrait
chambouler le paysage actuel.
La Russie a en effet
l'intention de fusionner l'ensemble de ses entreprises nucléaires
civiles au sein d'un groupe unique sur le modèle du géant
gazier Gazprom, afin de mieux faire face aux grands acteurs mondiaux du
secteur.
Des sociétés
comme Rosenergoatom (conduite des centrales russes), Tekhsnabexport (exportation
de combustible), TVEL (fabrication de combustible) et Atomstroïexport
(construction de centrales) seraient ainsi fondues dans le nouvel ensemble,
baptisé Atomprom
L'idée du Kremlin,
qui pilote en sous-main l'opération, serait de créer un champion
national capable d'aller directement concurrencer des groupes tels que
l'Allemand Siemens ou le Japonais Toshiba.
Si pareille ambition
se concrétise, Sergueï Kiriyenko, le directeur de Rosatom,
l'agence russe de l'énergie atomique, est persuadé en effet
que la Russie disposera d'une entreprise non seulement capable de se battre
à l'international mais de surpasser à terme tous ses concurrents.
L'Echo, Le docteur Abdul
Qadeer Khan ou le marchand de bombes nucléaires
Maître de la technologie
nucléaire et père de la bombe atomique pakistanaise, Abdul
Qadeer Khan est aujourd'hui un nom que personne n'ignore. L'homme qui
a permis à son peuple de faire face à la puissance nucléaire
indienne se trouve depuis plusieurs années à la tête
d'une véritable multinationale régissant un vaste trafic
noir du nucléaire. Même si, aujourd'hui, le sexagénère
est limité dans ses mouvements: Khan est maintenu en résidence
surveillée depuis qu'il a reconnu, en février 2004, avoir
dirigé un réseau d'exportations illégales de technologies
nucléaires au bénéfice d'états «parias»
comme l'Iran, la Libye et... la Corée du Nord.
Le président
du Pakistan, Pervez Musharraf, a confirmé lui-même cela dans
les mémoires («In the Line of Fire») qu'il vient de
publier. Le chef d'état révèle notamment que des experts
nord-coréens se rendirent régulièrement au Pakistan
pour y être formés secrètement. Une dizaine d'allers-retours
en tout. De même, Khan aurait livré les plans de construction
de centrifugeuses de type P2, c'est-à-dire des centrifugeuses avancées
sur le plan technologique. Une livraison qui semble avoir été
payée par Pyongyang en nature, c'est-à-dire avec des missiles
chinois Nodong. Cependant, le président pakistanais, Pervez Musharraf,
a réfuté la semaine dernière les déclarations
accusant son pays de contribuer, par l'intermédiaire d'un de ses
chercheurs aujourd'hui en disgrâce, à l'essai nucléaire
de la Corée du Nord. «Cette bombe (de la Corée du Nord)
est au plutonium. Nous n'avons pas de bombe au plutonium. Nous sommes sur
des projets à l'uranium», a déclaré Musharraf.
Le fantôme de
Khan - qui est au moins aussi dangereux qu'Oussama Ben Laden, selon la
CIA - pourrait toutefois continuer à planer sur nos têtes.
Le réseau de la prolifération de ce Dr Jeckyll du nucléaire
risque en effet de se maintenir, voire de prendre de l'ampleur derrière
les dizaines de sociétés écrans créées
par les trafiquants. Car le secret de la bombe peut être transmis
d'acheteur en acheteur...Et se répandre ainsi comme une traînée
de poudre.
Dans le quotidien «Le
Figaro», des chercheurs français de la Fondation pour
la recherche stratégique (FRS) notent par ailleurs que le niveau
croissant des fournisseurs illégaux et la mondialisation des instruments
financiers facilitent ce commerce illicite. Surtout lorsqu'un état
privatise une activité aussi sensible que la recherche nucléaire,
tel que cela s'est vu au Pakistan pour le Dr Khan. Ce dernier avait en
effet eu autorisation de l'état pakistanais de monter sa société
Khan Research Laboratory pour mener les recherches de l'état. «Je
suis fier du travail que j'ai fait pour mon pays, a déclaré
récemment l'icône du nationalisme pakistanais.
Cela a donné
aux Pakistanais de la fierté, de la sécurité et un
renom sur le plan scientifique», a ajouté Khan sans préciser
le montant de sa fortune garée sur des comptes anonymes à
Dubaï. |