INFORMATIONS CHRONOLOGIQUES DIVERSES SUR LE NUCLÉAIRE
2006
Une série d'articles d'un journal économique belge
Belgique, et si le problème était ailleurs?
     Un moratoire sur la construction de nouvelles centrales décidé en 1988, un calendrier de démantèlement des centrales en fonction de leur âge... c'est l'essentiel de la législation belge de gestion du parc nucléaire.
     On a fait grand cas de ce calendrier arc-en-ciel censé tourner la page entre 2015 et 2025. Depuis dix ans, les gouvernements successifs n'ont pas pour autant pris la mesure de l'engagement, ni vraiment encouragé les alternatives. Confrontées aux impératifs d'approvisionnement, des voix isolées comme celles des ministres Reynders ou Antoine se risquent parfois, réclamant une révision du calendrier de démantèlement, quitte à l'assortir de compensations à finalités publiques puisque l'investissement nucléaire aujourd'hui revendu a déjà été largement amorti.
     En deux mots, le souci est de tout faire pour garantir un approvisionnement à prix compétitif tout en respectant les contraintes environnementales. C'est aussi l'objectif explicite d'Electrabel, dont le porte-parole concède toutefois que «le nucléaire n'est pas LA solution mais qu'il n'y a pas non plus de solution sans nucléaire».
     Ce qui laisse entendre qu'effectivement le problème est bien ailleurs, comme l'explique Didier Goetgebuer, de l'Institut de conseil et d'études en développement durable (ICEDD). La production d'électricité est privatisée et sur un marché libéralisé, rien n'empêchera plus un producteur de produire à l'étranger à un prix que le marché européen détermine. Tout ce qui se passe à l'échelon national semble bien ne plus être qu'inutiles gesticulations s'il ne pèse pas sur les décisions à l'échelon européen. Par contre, il est urgent d'observer que le nucléaire ne pèse que pour 55% des 17% de la part d'électricité dans nos besoins énergétiques, soit moins de 10% de nos besoins. Urgent aussi d'inciter d'abord à freiner une inconsciente boulimie énergétique qui nous menace parce que les prix vont s'affoler comme ils affolent déjà les entreprises. Par contre, l'électricité est à ce point névralgique qu'il faudra sans doute garder au nucléaire et rendre au charbon sa part, pour des raisons géopolitiques, sous peine de se pendre avec le monopole du gaz, haut et court à la Russie.

L'Echo: Après avoir été stigmatisé,
le nucléaire se voit réhabilité un peu partout dans le monde

     Avec ses 58 réacteurs civils répartis entre 20 sites de production d'électricité, la FRANCE est incontestablement LE champion du nucléaire. Deuxième producteur mondial, après les états-Unis, l'Hexagone est le pays où la proportion d'électricité produite à partir du nucléaire est la plus importante au monde (78%). Un choix politique qui a fait du pays le candidat idéal pour l'implantation du projet Iter (réacteur thermonucléaire expérimental international) dans lequel sont présents l'Union européenne, les états-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et la Corée du sud. C'est à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, que le projet sera implanté.

FINLANDE
     Même les pays que l'on qualifierait de prime abord d'écologistes se sont mis à l'heure du nucléaire. La Finlande, par exemple, dont la configuration géographique l'empêche notamment d'exploiter ses immenses étendues d'eau à des fins énergétiques, a résolument opté pour le nucléaire. Une façon pour elle de dépendre un peu moins du voisin russe pour son approvisionnement. Le pays scandinave a même fait office de précurseur en 2002 lorsqu'il a décidé de la construction d'un cinquième réacteur nucléaire sur son territoire alors que la tendance, en Europe, était encore au démantèlement.

ROYAUME-UNI
     Alors que Londres annonçait encore en mars dernier qu'elle allait confier le démantèlement d'une vingtaine de centrales nucléaires à des sociétés privées, le gouvernement est en train de sérieusement revoir sa politique en la matière. Le Premier ministre a en effet annoncé sa volonté de renforcer le parc des réacteurs britanniques. Principale raison invoquée par Tony Blair: le fait que sans une politique énergétique renforcée, la GrandeBretagne deviendrait dépendante pour 80 à 90% de sa consommation du pétrole et du gaz provenant du Moyen-Orient, de Russie et d'Afrique.Alors que 20% de l'électricité produite en Grande-Bretagne est d'origine nucléaire, il ne resterait qu'une centrale en activité en 2025 si rien n'est fait. Dans son dernier rapport énergétique, publié en juillet, le gouvernement propose dès lors la construction de nouvelles centrales nucléaires parallèlement au démantèlement des anciennes installations.

ETATS-UNIS
     Outre-Atlantique, il ne faisait plus bon parler de nucléaire après la catastrophe de Three Mile Island (Pennsylvanie) en 1979. Jusqu'à ce que la hausse des cours pétroliers et la politique étrangère des états-Unis au Moyen-Orient poussent le président Bush à présenter en février dernier un plan énergétique visant à réduire la dépendance énergétique des états-Unis. Parmi les mesures préconisées: la construction de nouvelles centrales nucléaires. Les états-Unis comptent à eux seuls pour 30% de la production mondiale d'énergie nucléaire. Cela ne représente cependant que 20% de leur production nationale.

AUSTRALIE
     Le pays continent abrite 40% des réserves mondiales d'uranium. Canberra n'a pourtant jamais souhaité s'engager sur la voie du nucléaire, lui préférant notamment l'optique solaire comme source alternative d'énergie. Mais alors que l'Australie traverse l'une des pires sécheresses de son histoire, le gouvernement de John Howard est en train de revoir ses positions. Son rejet du protocole de Kyoto et de ses obligations en termes de baisse d'émissions de gaz à effet de serre devient en effet de plus en plus difficile à justifier. Et Howard de tenter donc la parade en proposant le nucléaire comme solution au réchauffement climatique. «Si nous voulons avoir un débat sérieux sur le réchauffement (...), nous devons avoir la volonté d'envisager l'option nucléaire», a-t-il déclaré hier.

CHINE
     Avec ses taux de croissance économique à deux chiffres, la Chine sera bientôt l'économie la plus énergivore au monde. Dépendant aujourd'hui largement du charbon, et faisant activement ses emplettes de gaz et de pétrole dans le golfe persique et en Afrique, la Chine s'est aussi résolument tournée vers le nucléaire. Pékin a prévu la construction d'une trentaine de centrales dans les 20 années à venir. Objectif: produire d'ici 2020 4% de son électricité à partir du nucléaire. Et ce n'est qu'un début...

L'Echo: Le retour en grâce du nucléaire relance le jeu des alliances industrielles

     Areva, n° 1 mondial du nucléaire civil, et Mitsubishi Heavy Industries négocieraient un rapprochement. La Russie suit le mouvement.
     Le nucléaire est à nouveau au-devant de l'actualité. Impossible d'y échapper. La fameuse fusion GDF-Suez? Suez va devoir se séparer d'une partie de sa production nucléaire en Belgique
     La Corée du Nord? La communauté internationale est désormais prête à appliquer des sanctions au régime communiste après l'annonce de son (supposé) premier essai nucléaire.
     D'une manière générale, partout la question nucléaire a refait surface. Plusieurs pays, dont principalement les états-Unis et la Chine, sont engagés dans des projets de constructions de centrales… Des projets de grande envergure.
     En France, pays du nucléaire par excellence où 80% de l'électricité provient de l'atome, on travaille déjà à la construction d'un réacteur de troisième génération EPR (European Pressure Reactor). Aux Pays-Bas, la construction d'une deuxième centrale nucléaire… pour des raisons écologiques devrait se concrétiser au cours de la prochaine décennie.
     Derrière cet intérêt renouvelé pour l'atome, les mouvements de rapprochement se multiplient.
     L'industrie du nucléaire, qui emploie quelque 400.000 personnes en Europe, est aujourd'hui marquée par une extrême concentration des acteurs, à la fois géographique, pour ce qui concerne l'exploitation des ressources en uranium, et industrielle pour les activités d'enrichissement, de fabrication des combustibles et de retraitement. Le nombre d'acteurs dans la construction des chaudières nucléaires, jusqu'il y a peu encore réparti entre un nombre important de sociétés, tend lui aussi à se restreindre par le jeu des alliances industrielles. On ne compte plus ainsi, à l'heure actuelle, qu'une dizaine de constructeurs de par le monde. Et les rapprochements se poursuivent.

COMBLER LE RETARD
     Dernière opération en date: l'alliance qui se dessine entre le numéro 1 mondial du nucléaire civil, Areva, et le n° 1 japonais du même secteur, Mitsubishi Heavy Industries (MHI). L'un et l'autre sont, selon la presse japonaise, dans la dernière phase de négociation.
     But de la manoeuvre: réduire les coûts de développement, d'achats de pièces et d'ingénierie. Une alliance cruciale pour Areva, détenu par l'état français et qui cherche par tous les moyens à changer son image d'entreprise publique. Sa présidente, Anne Lauvergeon, est en effet convaincue que son statut d'entreprise publique va rapidement nuire à Areva dans sa quête de contrats aux états-Unis, après la décision du gouvernement français, le mois dernier, d'exclure toute privatisation du groupe pendant les cinq prochaines années.
     Un deal également décisif pour Mitsubishi Heavy Industries après un récent échec de rapprochement avec Westinghouse.
     Car Areva et Mitsubishi Heavy Industries sont à la traîne de leurs concurrents Toshiba/Westinghouse et General Electric, en partenariat avec Hitachi. Mitsubishi Heavy a perdu face à Toshiba dans la course pour le rachat du constructeur américain de centrales nucléaires Westinghouse, où Toshiba a pris une participation de 77%.
     Mitsubishi craint de ce fait un affaiblissement, voire une rupture de ses relations avec Westinghouse, entretenues pendant 40 ans. Derrière ces trois ou quatre acteurs « bien connus », il en est un encore en gestation qui pourrait chambouler le paysage actuel.
     La Russie a en effet l'intention de fusionner l'ensemble de ses entreprises nucléaires civiles au sein d'un groupe unique sur le modèle du géant gazier Gazprom, afin de mieux faire face aux grands acteurs mondiaux du secteur.
     Des sociétés comme Rosenergoatom (conduite des centrales russes), Tekhsnabexport (exportation de combustible), TVEL (fabrication de combustible) et Atomstroïexport (construction de centrales) seraient ainsi fondues dans le nouvel ensemble, baptisé Atomprom
     L'idée du Kremlin, qui pilote en sous-main l'opération, serait de créer un champion national capable d'aller directement concurrencer des groupes tels que l'Allemand Siemens ou le Japonais Toshiba.
     Si pareille ambition se concrétise, Sergueï Kiriyenko, le directeur de Rosatom, l'agence russe de l'énergie atomique, est persuadé en effet que la Russie disposera d'une entreprise non seulement capable de se battre à l'international mais de surpasser à terme tous ses concurrents.


L'Echo, Le docteur Abdul Qadeer Khan ou le marchand de bombes nucléaires

     Maître de la technologie nucléaire et père de la bombe atomique pakistanaise, Abdul Qadeer Khan est aujourd'hui un nom que personne n'ignore. L'homme qui a permis à son peuple de faire face à la puissance nucléaire indienne se trouve depuis plusieurs années à la tête d'une véritable multinationale régissant un vaste trafic noir du nucléaire. Même si, aujourd'hui, le sexagénère est limité dans ses mouvements: Khan est maintenu en résidence surveillée depuis qu'il a reconnu, en février 2004, avoir dirigé un réseau d'exportations illégales de technologies nucléaires au bénéfice d'états «parias» comme l'Iran, la Libye et... la Corée du Nord.
     Le président du Pakistan, Pervez Musharraf, a confirmé lui-même cela dans les mémoires («In the Line of Fire») qu'il vient de publier. Le chef d'état révèle notamment que des experts nord-coréens se rendirent régulièrement au Pakistan pour y être formés secrètement. Une dizaine d'allers-retours en tout. De même, Khan aurait livré les plans de construction de centrifugeuses de type P2, c'est-à-dire des centrifugeuses avancées sur le plan technologique. Une livraison qui semble avoir été payée par Pyongyang en nature, c'est-à-dire avec des missiles chinois Nodong. Cependant, le président pakistanais, Pervez Musharraf, a réfuté la semaine dernière les déclarations accusant son pays de contribuer, par l'intermédiaire d'un de ses chercheurs aujourd'hui en disgrâce, à l'essai nucléaire de la Corée du Nord. «Cette bombe (de la Corée du Nord) est au plutonium. Nous n'avons pas de bombe au plutonium. Nous sommes sur des projets à l'uranium», a déclaré Musharraf.
     Le fantôme de Khan - qui est au moins aussi dangereux qu'Oussama Ben Laden, selon la CIA - pourrait toutefois continuer à planer sur nos têtes. Le réseau de la prolifération de ce Dr Jeckyll du nucléaire risque en effet de se maintenir, voire de prendre de l'ampleur derrière les dizaines de sociétés écrans créées par les trafiquants. Car le secret de la bombe peut être transmis d'acheteur en acheteur...Et se répandre ainsi comme une traînée de poudre.
     Dans le quotidien «Le Figaro», des chercheurs français de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) notent par ailleurs que le niveau croissant des fournisseurs illégaux et la mondialisation des instruments financiers facilitent ce commerce illicite. Surtout lorsqu'un état privatise une activité aussi sensible que la recherche nucléaire, tel que cela s'est vu au Pakistan pour le Dr Khan. Ce dernier avait en effet eu autorisation de l'état pakistanais de monter sa société Khan Research Laboratory pour mener les recherches de l'état. «Je suis fier du travail que j'ai fait pour mon pays, a déclaré récemment l'icône du nationalisme pakistanais.
     Cela a donné aux Pakistanais de la fierté, de la sécurité et un renom sur le plan scientifique», a ajouté Khan sans préciser le montant de sa fortune garée sur des comptes anonymes à Dubaï.