CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2003 
Premiers pas vers la sortie du nucléaire?

© La Libre Belgique 2003
MARCEL LINDEN, Mis en ligne le 14/11/2003

Allemagne: la centrale nucléaire de Stade a été définitivement arrêtée vendredi.
Le programme allemand prévoit une sortie complète du nucléaire d'ici 2021.
Mais les prochaines élections pourraient chambouler ces ambitions.
 
BELGA / AFP
CORRESPONDANT À BONN
    Vendredi matin à 8h32, un ingénieur actionnait un levier déconnectant définitivement du réseau d'électricité la centrale nucléaire de Stade sur les bords de l'Elbe. Par ce geste, il lançait concrètement le programme de sortie du nucléaire du gouvernement rouge-vert. L'accord conclu en juin 2001 avec les producteurs d'énergie prévoit que le dernier des 19 réacteurs allemands sera débranché en avril 2021. Les 45.000 habitants de Stade ne pavoisent cependant pas, la centrale était en effet le plus gros payeur d'impôts communaux. Sur les 300 employés, la moitié devra démanteler le réacteur jusqu'en 2015; l'autre moitié étant recasée dans d'autres unités du groupe Eon, géant allemand de l'énergie.
    A Berlin, le ministre vert de l'Environnement, Jürgen Trittin, a fêté l'événement. «La déconnexion de Stade est le signe visible de la fin de l'ère nucléaire. Je suis sûr qu'il n'y aura plus de centrale nucléaire produisant encore du courant en 2020», a-t-il confié au «Süddeutsche Zeitung». Un quotidien dans lequel le ministère de l'Ecologie et de la Sécurité nucléaire avait également publié un encart publicitaire vantant l'opération de Stade.
    Dans les faits, la décision d'Eon relevait d'impératifs propres. «Nous aurions aussi fermé Stade s'il n'y avait pas de programme de sortie. La centrale n'était plus rentable», a déclaré un porte-parole du groupe de Düsseldorf. Avec 31 ans d'âge et seulement 640 mégawatts (contre 1300 MW pour les centrales plus récentes), Stade était condamné depuis trois ans. En principe, Eon aurait pu reporter la clôture jusqu'en mai 2004. En fermant plus tôt, il peut reporter la capacité Stade restante sur d'autres unités plus performantes.
    Compte à rebours enclenché
    Ceci dit, la fermeture de Stade est bien le début du compte à rebours. En 2005, la centrale d'Obrigheim en Bade-Wurtemberg fermera ses portes à son tour. Actuellement le nucléaire couvre 31pc des besoins allemands en électricité. Seules les centrales au lignite des bassins rhénan et saxon produisent du courant aussi bon marché. Le marché de l'électricité dispose encore de surcapacités en ce moment, mais on ne sait pas ce qui remplacera le nucléaire après 2010-2020.
    En juin 2001, les patrons des trois majors de l'énergie, RWE, Eon et EnBW (dont l'EDF française possède 34,5pc des parts) avaient accepté la sortie du nucléaire pour faire cesser la politique de harcèlement du ministre Trittin et pour pouvoir préparer un repli ordonné. En contrepartie, ils avaient renoncé à exiger des dommages et intérêts qui auraient pu faire sauter le budget fédéral. Sur le fond les patrons continuent à défendre le nucléaire, mais ils refusent de construire de nouvelles centrales atomiques en l'absence d'un consensus politique.
    Si l'opposition CDU-CSU revient au pouvoir en 2006 - ce qui est tout à fait probable - un gouvernement de droite amendera certainement le programme de sortie. La présidente de la CDU Angela Merkel est une scientifique absolument pro-nucléaire. Mais on ne sait pas ce que feront alors les producteurs d'énergie. L'énergie renouvelable n'est certainement pas une issue, mais les centrales au charbon deviennent de plus en plus propres et performantes. Le sort du nucléaire allemand est tout à fait ouvert, estiment les experts.


Nucléaire civil, une sortie à géographie variable
R.C.
Mis en ligne le 14/11/2003
Si certains pays européens se désengagent, d'autres restent fidèles à l'atome.

    Avec la déconnexion du réseau, vendredi, de la première des 19 centrales allemandes, l'Allemagne inaugure un long et controversé processus européen d'abandon progressif du nucléaire civil. Sur les huit pays européens qui ont recours à ce type d'énergie, cinq ont manifesté l'intention de ne pas renouveler leur parc de centrales dans les années à venir. Il s'agit de l'Allemagne, de l'Espagne, de la Suède, des Pays-Bas et de la Belgique.
    La France, le Royaume-Uni et la Finlande, pour leur part, restent fidèles à l'atome.
    La France regroupe à elle seule plus du tiers des réacteurs européens (59), suivie par le Royaume-Uni (33), l'Allemagne (19), la Suède (11), l'Espagne (9), la Belgique (7), la Finlande (4), les Pays-Bas (1). Depuis 10 ans, seule la Finlande a pris la décision de construire un nouveau réacteur, c'était en mai 2002. Cette politique à double courant en matière d'énergie n'est pas sans inquiéter la commission européenne. Les 143 réacteurs nucléaires que compte l'Union européenne produisent -avec 849 Twh- environ 35 pc de l'électricité européenne. Or, la commission, par la voix de la commissaire à l'Energie, Loyola de Palacio, table largement sur le nucléaire pour assurer l'indépendance énergétique de l'Europe. «Si l'Union européenne continue sur sa lancée actuelle, elle devra d'ici 20 à 30 ans importer 70 pc de sa consommation d'énergie», a maintes fois souligné la commissaire. Reste que le non-renouvellement des centrales dans certains pays européens contribuera à faire baisser la part du nucléaire dans la consommation d'énergie européenne. Selon les calculs de Bruxelles, si le nucléaire couvre aujourd'hui 15 pc des besoins d'énergie totaux de l'Union européenne, la part devrait tomber à 6 pc en 2030.

Nouveaux venus
    Avec l'arrivée de nouveaux Etats-membres dans l'Union européenne, la donne devrait toutefois se modifier. Cinq pays disposent de centrales nucléaires représentant au total 18 réacteurs: la Slovaquie (6), la République tchèque (5), la Hongrie (4), la Lituanie (2) et la Slovénie (1). La Bulgarie et la Roumanie, candidats à une entrée ultérieure dans l'Union européenne, comptent respectivement 6 et 1 réacteurs.