CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE

L'impossible réaction
Sciences et Vie
Mars 2000

PuO2

Des chercheurs américains viennent d'obtenir une réaction chimique que l'on croyait impossible. Une découverte qui pourrait remettre en question la stratégie de stockage des déchets radioactifs.

Un atome de plutonium pour deux atomes d'oxygène. Pour les radiochimistes du monde entier, la formule du bioxyde de plutonium est parfaite pour manipuler le dangereux plutonium, découvert en 1940 par les chimistes américains partis sur le chemin de la bombe atomique: on la retrouve pour le recyclage des combustibles nucléaires, la confection des ogives militaires ou le stockage des déchets radioactifs.

Cette poudre jaune-vert est en effet considérée comme inoxvdable: «Jusqu'à aujourd'hui, aucun oxyde de plutonium dont la proportion d'oxygène par rapport au plutonium est supérieure à deux n'avait pu être préparé», souligne Charles Madic, directeur de recherche à la direction du cycle du combustible du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Longtemps, le trioxyde de plutonium (PuO3) fut recherché, mais personne ne réussit jamais à en fabriquer.

John Haschke et deux collègues du laboratoire national de Los Alamos (Nouveau-Mexique) aux Etats-Unis, viennent pourtant de montrer dans un récent numéro de Science (no 5451) que le bioxyde de plutonium peut en fait réagir avec l'eau à une température de 25 à 350oC, pour former un composé stable plus oxydé: la proportion entre l'oxygène et le plutonium peut aller jusqu'à 2,27. De plus, cette réaction dégage de l'hydrogène, un gaz très explosif. Pour Charles Madic, «c'est un vrai coup de tonnerre dans le monde du nucléaire». Cette réaction entre l'eau et le bioxyde de plutonium est en effet problématique: «L'eau est le principal vecteur potentiel de dissémination radioactive lors de l'enfouissement des déchets en profondeur», explique le chimiste français. «Le danger serait que les traces de bioxyde de plutonium présentes dans les déchets à enfouir réagissent avec l'eau pour former cet oxyde supérieur. Une petite fraction du nouvel oxyde pourrait alors peut-être se dissoudre dans l'eau et se disséminer lentement aux alentours.»

Cette réaction insoupçonnée pourrait expliquer l'étrange observation faite l'année dernière par le laboratoire de Laurence Livermore (Californie) au voisinage d'une caverne du Nevada où, il y a plus de trente ans, furent effectués des tests d'explosions nucléaires par les Etats-Unis. Sous le choc des explosions, le plutonium s'était alors vitrifié sur les murs de la caverne, sous forme de bioxyde. Or, les chercheurs ont repéré des traces de plutonium jusqu'à 1,3km de la caverne. Dans un article paru dans le journal Nature (No - à revoir- 00 6714), ils suspectaient l'eau souterraine d'être responsable de cette migration.

En France, le bioxyde de plutonium est stocké en surface, dans des boîtes étanches, pour être ensuite réutilisé soit dans des centrales ordinaires, sous forme de combustible MOX (Mixed OXyde), soit dans des surgénérateurs qui brûlent directement ce plutonium. Dès la lecture de l'article, Henri Métivier, directeur de recherche à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), a prévenu ses collègues des nouvelles mesures de sécurité à appliquer: «il faut maintenant s'assurer que les locaux de stockage du bioxyde de plutonium sont parfaitement secs, sans aucune vapeur d'eau

H. P.