CONTROVERSES NUCLEAIRES !
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Nucléaire civil, la menace proliférante
ADIT, http://www.letemps.ch, décembre 2007

    · Trois hommes viennent d'être arrêtés en Slovaquie avec un kilo d'uranium enrichi sur eux.
    · L'AIEA a recensé 250 vols de matériel fissile en 2006. Les experts craignent les bombes sales terroristes.
    · Le nucléaire civil a retrouvé un nouveau dynamisme avec le réchauffement climatique.
     Trois hommes ont été arrêtés mercredi en Slovaquie et en Hongrie alors qu'ils détenaient un kilo d'uranium enrichi d'une valeur de 1,2 million de francs (suisses ~ 700.000€). Cet épisode n'est pas le premier. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a recensé 250 vols ou pertes de matériel nucléaire dans le monde en 2006, soit une augmentation de 200% depuis 2002. En une décennie, cette même AIEA a enregistré 1250 cas de trafic de matériel atomique. Ces exemples montrent que la dissémination du nucléaire même civil n'est pas sans danger. Le cas slovaque survient alors que 300 experts de 70 pays viennent de se pencher sur ces risques à Edimbourg. Responsable de la lutte antiterroriste au Ministère britannique de l'intérieur, William Nye était en Ecosse: «Al-Qaida cherche activement de l'uranium hautement enrichi et du plutonium afin de faire exploser une bombe sale dans une grande ville telle que Londres ou Washington.» Parallèlement, un rapport secret russo-suédois qui vient d'être ébruité par le New Scientist tire la sonnette d'alarme: les 35 sites à risque de la péninsule de Kola, au nord-ouest de la Russie sont insuffisamment sécurisés et pourraient devenir «proliférants».

Les pays aux ambitions nucléaires
     Face aux risques de trafic de matières fissiles, le retour du nucléaire inquiète. D'autant que les perspectives chiffrées impressionnent. De 439 réacteurs aujourd'hui répartis dans 31 pays, le monde pourrait en compter le double au cours des cinq prochaines décennies. Parmi les pays désireux d'acquérir la technologie nucléaire figure l'Iran. Mais aussi l'Egypte, la Jordanie, les pays du Golfe, la Libye, la Tunisie, l'Algérie ou encore le Maroc. Des Etats qui n'ont pas d'expérience nucléaire et dont la stabilité politique est fragile. En Asie et en Amérique latine aussi, plusieurs pays émergents ont ou revendiquent la technologie nucléaire. L'Iran veut se doter de la technologie nucléaire, mais on le soupçonne de le faire à des fins militaires. La perspective préoccupe d'autant plus que le régime des mollahs soutient le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique. La Suisse en a conscience puisqu'elle s'active à trouver une voie de sortie à la crise iranienne. Ex-directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Bruno Pellaud avait émis plusieurs propositions avec l'ex-ambassadeur de Suisse en Iran Tim Guldimann. Il trouve que la Confédération pourrait se charger elle-même de livrer à la République islamique l'uranium enrichi dont elle a besoin (voir ci-dessous) pour cadrer les besoins nucléaires iraniens.

Garde-fous insuffisants
     Une étude publiée il y a quelque temps par le Massachusetts Institute of Technology (The future of nuclear power) recense les principaux risques liés au nucléaire civil. Le premier est lié aux garde-fous insuffisants que représentent le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et l'AIEA. De fait, les contrôles internationaux ne sont pas suffisamment stricts pour exclure un passage du nucléaire civil au nucléaire militaire.

Le problème des déchets
     Les déchets, qui représentent au plan mondial plus de 1000 tonnes de plutonium, constituent un autre problème aigu. Il suffit de 8 kilos de ce matériau pour construire une arme nucléaire. Les pays industrialisés, en particulier nucléaires, sont relativement bien armés pour se prémunir contre les vols de ces déchets. Mais dans des pays confrontés à difficultés économiques, les mesures de sécurité laissent à désirer. Ces déchets peuvent servir à la création de bombes sales. 

     Pour les chercheurs américains, le développement rapide de capacités industrielles et de nouvelles technologies risque de faciliter la prolifération dans les pays en voie de développement qui cherchent à acquérir des armes nucléaires.
     François Heisbourg ne partage pas ce pessimisme. Le président du Centre de politique de sécurité de Genève montre par là la différence de sensibilité entre Français (où le nucléaire est responsable de 78% de la production électrique) et Américains ou Scandinaves: «Ce n'est pas la technologie qui pose problème. Aujourd'hui, plus personne ne vend des réacteurs à uranium naturel. Ceux-ci permettaient de décharger le combustible en cours de route. C'est ce qui a permis aux Indiens d'acquérir la bombe. Maintenant c'est fini. Le combustible doit être utilisé jusqu'au bout. Cela facilite la tâche de l'AIEA. Si on veut faire une bombe, il faut désormais soit construire des réacteurs de recherche comme au Zaïre ou en Biélorussie, soit installer des centrifugeuses comme en Iran.» Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, Bruno Tertrais remet lui aussi les pendules à l'heure: «Le type de plutonium extrait du combustible irradié dans une centrale électronucléaire n'est pas adapté à la fabrication d'armes atomiques

Stabilité sociale nécessaire
     Konstantin Foskolos pense que même avec un doublement du parc actuel de centrales nucléaires, la fonte du réacteur restera toujours cinquante fois moins probable que la moyenne d'il y a trente ans. Le directeur suppléant du Département d'énergie et de sûreté nucléaire de l'Institut Paul Scherrer estime qu'un élément essentiel pour le déploiement du nucléaire est une stabilité sociale: «Quand l'URSS s'est écroulée, le risque majeur était lié aux transferts de connaissances nucléaires tous azimuts par les scientifiques russes. Les Occidentaux en ont eu conscience. Ils ont tout fait pour créer le plus vite possible des emplois sur place
     Quant au risque de construire une usine de retraitement en cachette, Konstantin Foskolos n'y croit pas. Vu les techniques d'espionnage et les satellites, une telle installation, s'étendant sur plusieurs centaines de mètres carrés, ne passe pas inaperçue. Le rêve des responsables nucléaires? Voir l'avènement des réacteurs de 4e génération. Ils permettraient de fermer presque complètement le cycle du combustible. En plus, le combustible usé pourrait être retraité sur place. Sans risque de vol lors de transports.

L'enseignement irakien
     Ex-candidate à la présidentielle française, Corinne Lepage rappelle, sur son site internet, que l'accord secret conclu en 1976 entre Jacques Chirac et Saddam Hussein avait permis la construction de la centrale d'Osirak, bombardée par Israël. On connaît la suite. Accusé de détenir des armes de destruction massive en 2003, Saddam a livré le prétexte de l'invasion américaine en Irak. L'exemple ne semble pourtant pas vouloir freiner le président Nicolas Sarkozy qui déclarait, en septembre 2007, que son pays était prêt à aider tous les pays (Libye y compris) qui veulent se doter de l'énergie nucléaire civile. Le marché, estimé à 165 milliards CHF, est attrayant. La Russie, la Chine et le Japon sont prêts à se le disputer avec la France.