Selon le Comité scientifique
des Nations unies sur les effets des radiations atomiques (UNSCEAR
- souligné par nous), les rayonnements naturels du Soleil
et de la Terre transmettent à chaque individu environ 2,4 milli-Sievert(1)
(mSv) par an. Les activités humaines nous exposent à une
dose supplémentaire de radiations, en particulier les techniques
de pointe de diagnostic médical non invasif (radiographie, CT-scanner)
de plus en plus répandues dans les pays industrialisés. L’UNSCEAR
estime à environ 1,2 mSv/an la dose individuelle moyenne reçue
dans ce cadre.
Quant aux impacts actuels de Tchernobyl, des essais nucléaires atmosphériques et de la production d’électricité par les centrales nucléaires, ils ne représentent plus que des proportions infimes, respectivement de 0,002, 0,005 et 0,0002 mSv. Toutes ces radiations sont donc peu élevées par rapport au seuil(?2) d’environ 100 mSv en deçà duquel elles n’ont pas d’effets cancérogènes établis. Environnement, activité, héritage…
A la recherche du chaînon manquant
Les hypothèses formulées par les scientifiques
se heurtent à un obstacle : on comprend mal les liens entre les
effets précoces des radiations – provoquant des dommages sur les
brins d’ADN – et les effets à long terme – le développement
de cancers, qui est un processus complexe et long. Ce chaînon manquant
de connaissance est l’objet des recherches du projet intégré
européen Risc-Rad.
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Margot Tirmarche, de l’Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire français, a participé,
quant à elle, à une vaste étude épidémiologique
menée par le Centre international sur le cancer auprès des
travailleurs du nucléaire, publiée en juin dernier dans le
British Medical Journal. Elle explique que "les résultats de
cette étude, menée sur une population dont on connaît
avec précision les doses reçues, montrent une relation de
proportionnalité entre le cumul de doses et l’augmentation du risque.
Des facteurs génétiques sont certes pris en compte quand
on étudie la courbe de distribution dose/effet dans une étude
épidémiologique, mais ils sont mêlés à
l’exposition à d’autres agents toxiques. Les spécialistes
de la biologie moléculaire ne sont pas, à l’heure actuelle,
en mesure de nous dire quels facteurs génétiques il faut
isoler."
Le challenge de Risc-Rad est de combler ce manque et d’identifier les gènes candidats jouant un rôle dans la susceptibilité à développer un cancer radio-induit et de tester leur validité sur des modèles animaux. "Une fois qu’on aura trouvé ces gènes, on pourra chercher, dans la population, les polymorphismes correspondants, c’est-à-dire les différentes variantes de ces gènes", précise Laure Sabatier. Melting-pot disciplinaire
Le projet Risc-Rad
Même à faibles doses, les radiations ionisantes, sous forme d'ondes (rayons X et gamma) ou de particules (alpha et bêta), sont des rayonnements pénétrants, capables d’arracher un électron aux atomes ou molécules du milieu à travers lequel ils se propagent, et d'ainsi les transformer en ions électriquement chargés. Elles agissent sur les cellules de l’organisme en provoquant des lésions de l’ADN, vecteur de l’information génétique. De ce fait, ou les cellules irradiées meurent – cette propriété est utile lors du traitement des cancers par radiothérapie – ou des mécanismes biologiques spécifiques réparent les lésions de l’ADN. Ces réparations ne sont pas exemptes d’erreurs. A long terme, la transmission de ces dommages aux descendantes des cellules irradiées et la multiplication des aberrations chromosomiques peuvent entraîner le développement de cancers. L’action des radiations peut donc être bénéfique et néfaste : leur utilisation contrôlée requiert la connaissance précise de leurs effets. |