Nucléaire et développement
durable parviennent parfois à faire bon ménage. Jacques Schneider
et son fils Charles, céréaliers à Salives (Côte-d'Or),
exploitent la plus importante chaufferie à paille de France, avec
une puissance de 5 mégawatts. Selon le même principe de
fonctionnement
qu'une chaudière à bois, le combustible est ici de la paille
broyée à laquelle peuvent s'ajouter des déchets de
scierie.
L'unique utilisateur de ce procédé de cogénération encore peu répandu en France est inattendu. Il s'agit de l'installation du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Valduc, implantée sur la même commune. Classé secret-défense, l'établissement effectue des recherches sur les matériaux et fabrique des sous-ensembles d'armes nucléaires. Les deux tiers de la chaleur nécessaire pour chauffer ses 194.000 m2 de bureaux et laboratoires proviennent, depuis le début de l'hiver, de la combustion de la paille. Association insolite? Les écologistes locaux ne se privent pas de railler l'établissement nucléaire qui utilise une énergie renouvelable pour se donner bonne conscience. Robert Isnard, directeur du CEA de Valduc, ne cache pas que l'initiative lui est profitable en termes d'image. Chiffres à l'appui, il tient même le discours d'un adepte du développement durable. "Par rapport au fioul que nous utilisions, ce mode de chauffage réduit annuellement les rejets de CO2 dans l'atmosphère de 6.390 tonnes et les rejets de soufre de 29 tonnes", précise-t-il. |
Ces performances ont convaincu les pouvoirs publics (Etat, Union
européenne
et collectivités locales) de subventionner la moitié de
l'investissement
de 2,3 millions €.
"Au départ, se souvient Charles Schneider, nous voulions utiliser la paille pour chauffer des serres, cultiver des plantes et, finalement, le voisinage du CEA, gros consommateur d'énergie, juste de l'autre côté de la route, nous a décidés à lui proposer d'acheter cette matière première." Il suffisait de creuser deux canalisations de 1,5 km pour, comme dans un chauffage central classique, transporter l'eau chaude du foyer au réseau de chaleur du CEA. Reconvertis en fournisseurs d'énergie, Jacques et Charles Schneider, qui ont créé la SARL Agro-Energie, n'oublient pas pour autant leur motivation première : recycler un sous-produit des cultures céréalières. Car, dans cette région où l'élevage disparaît lentement, on ne sait que faire de la paille après la récolte des céréales. Rarement utilisée comme amendement des sols, elle est le plus souvent brûlée sur place, technique encore autorisée en Côte-d'Or mais de plus en plus critiquée. Depuis sa mise en route, en novembre 2005, l'installation suscite la curiosité. Elle a déjà reçu la visite de plusieurs agriculteurs du département voisin de l'Yonne, gros producteur de céréales. Christiane Perruchot |