Kinshasa, Politics
En dépit des mises en garde et des interdictions, des milliers de jeunes mineurs exploitent les carrières d'uranium de Shinkolobwe au Katanga, au sud-est de la RDC. Exposés à la radioactivité, ils opèrent clandestinement pour le compte de trafiquants locaux et étrangers. Jeunes diplômés au chômage ou anciens fonctionnaires déçus par la précarité de leur Situation, ils viennent par milliers de toutes les provinces de la RDC travailler dans les mines du Katanga. Sans bottes, ni cache-poussière, sans gants, ni combinaisons de protection, ils recherchent le cuivre, le zinc et le cobalt et, dans la mine de Shinkolobwe, l'uranium. Là, les mineurs descendent au fond des carrières en équipe de deux à cinq personnes par des escaliers taillés sommairement. Une fois en bas, ils creusent dans la boue ou cassent des pierres pour créer des galeries et trouver les bons filons. Puis ils chargent des sacs de raphia de 50 à 60 kg sur leur dos et les remontent à la surface. Dans ces galeries profondes parfois de plus de 200 m, le travail se fait à l'aide de pelles, de pioches, éclairé par des torches et des lampes-tempête. « Ces conditions rudimentaires de travail sont à la base des éboulements qui tuent chaque mois des creuseurs dans l'anonymat total. Le dernier en date est celui du 8 juillet 2004 à Shinkolobwe. «Nous n'avons pas le chiffre exact des creuseurs qui meurent dans ces éboulements car c'est difficile d'y avoir accès même pour la Monuc (Mission des Nations unies au Congo)», se plaint Dieudonné Masudi, directeur d'un Centre des Droits de l'Homme à Lubumbashi. |
Risques d'irradiation
En outre, les risques d'irradiation liés à l'uranium sont importants. Prudents, les acheteurs qui viennent sur le site sont d'ailleurs minutieusement protégés par des vêtements et des bottes anti-radiation. Ils sont munis d'appareils sophistiqués pour analyser la teneur en cobalt, uranium, cuivre, zinc, or, etc. des minerais proposés. Selon le chef de l'équipe des experts onusiens, membre de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), René Nijenhuis, «Les résultats préliminaires de l'enquête menée sur le terrain du 27 octobre au 4 novembre 2004 montrent que l'irradiation à Shinkolobwe est supérieure aux normes internationales et l'exposition de la population à l'uranium constitue un danger». Un danger déjà dénoncé en 2003 par le professeur Loris Nda Bar Tung de l'Université de Lubumbashi. Il avait alors été menacé par certains responsables congolais qui tirent profit du trafic des déchets radioactifs. Les creuseurs ne sont pas les seuls en danger. Les véhicules transportent les minerais uranifères dans des camions ouverts sur 120 km jusqu'à Lubumbashi. Tout le long du parcours, ils essaiment de la poussière radioactive alors que de nombreux marchés vendant des denrées alimentaires sont installés le long de la route. Ces mines d'uranium étaient exploitées avant l'indépendance. C'est de là qu'on a extrait les 1500 t d'uranium qui ont permis aux Américains de fabriquer les bombes atomiques larguées sur Nagasaki et Hiroshima. Officiellement fermées en 1960, ces mines ont été gardées par des militaires jusqu'à la chute de Mobutu en 1997. Depuis lors, elles ont été investies par des mineurs clandestins qui continuent de passer outre à l'interdiction d'exploitation décrétée par le gouvernement de Kinshasa en janvier dernier. L'uranium est acheté par les Chinois, Coréens, Pakistanais, etc. On en retrouve aussi à Kinshasa d'après l'Ong Global Witness. Selon un ingénieur de la Gécamines ayant requis l'anonymat, ce trafic ne concerne pas seulement l'uranium extrait de Shinkolobwe ou de Luswishi près de Lubumbashi mais aussi les déchets radioactifs enfouis au Katanga dans les années 1970... Le Révélateur/Bethuel Kasamwa
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