La pile à
combustible présentée par PSA et le CEA permet aux laboratoires
français de combler leur retard. Les défis technologiques
restent nombreux.
En 2007, PSA compte sortir le premier prototype à hydrogène de conception française. Cette perspective inimaginable il y a encore quelques années a été annoncée à l'occasion de la présentation de la pile à combustible Genepac réalisée par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Fruit d'un programme national de recherche de 10 millions d'euros, cette technologie replace la France dans la course à la future voiture sans émissions de CO2, promise avant 2020. Genepac a effectivement permis aux Français de revenir dans le peloton de tête des spécialistes mondiaux des piles à membrane échangeuse de protons (PEM), coeur des motorisations à hydrogène. «Le programme visait en priorité à atteindre le meilleur niveau en compacité. Aujourd'hui, on montre qu'on sait mettre la pile, son système autour, le stockage et le moteur électrique dans une voiture», explique Jean-Philippe Poirot, directeur du programme au CEA. La pile Genepac atteint 80 kilowatts pour une masse de 78 kilos et un volume de 57 litres. Sur les autres paramètres, elle a des performances classiques. A puissance maximale, elle atteint un rendement de 47% qui passe à 55% à puissance intermédiaire. Des performances qui sont le double des moteurs à explosion. Les champions de cette technologie automobile sont peu nombreux. General Motors développe ses propres piles comme Toyota et Honda. En Allemagne, Daimler s'est associé au spécialiste canadien de la pile Balard. La France comble donc un retard de quelques années. Genepac, dont les 10 millions d'euros sont financés essentiellement par le ministère de l'Industrie, n'est pas pour autant 100% français. En réalité, le coeur de la pile vient de fournisseurs étrangers que les partenaires refusent de dévoiler. D'après les spécialistes, c'est une façon d'éviter de parler du prix de la pile qui n'est peut-être pas «à niveau». Le CEA explique de son côté que l'enjeu du programme était la conception de l'assemblage d'une pile et non les composants séparément. Nicolas Bardi, responsable des programmes hydrogène au Commissariat, précise : «Comme les autres laboratoires, nous travaillons à différentes échelles. Le CEA a plusieurs projets internes de recherche sur chaque brique technologique comme les membranes ou les catalyseurs. Un niveau au-dessus, nous étudions la pile dans son ensemble avec des pièces du commerce. Quant aux constructeurs automobiles, ils prototypent des voitures à hydrogène sans forcément utiliser leur propre pile.» Pour Thierry Alleau, le président de l'Association française de l'hydrogène, la pile Genepac a le mérite de remettre les Français en selle, mais elle ne résout rien. «Les laboratoires butent sur le même problème depuis vingt-cinq ans, c'est la membrane.» |
Un problème de prix
Comme les autres, le CEA et PSA sont passés au rayon «Nafion» chez le chimiste DuPont. Ce polymère règne depuis des décennies en maître sur cette technologie du XIXe siècle qui a même touché la Lune sur les missions Apollo. Sa position quasi monopolistique en fait un produit cher. Quant à ses performances, elles suffisent pour faire des prototypes, mais restent insuffisantes pour des produits de grande consommation comme les voitures qui exigent 5.000 heures de durée de vie. Car le grand problème de ce type de polymère, c'est qu'il ne supporte pas les températures supérieures à 80°C, ce qui pose deux soucis aux ingénieurs. Il impose d'abord un gros système d'extraction de la chaleur dégagée par la réaction électrochimique de la pile. «En plein été, à l'arrêt sur l'asphalte d'une autoroute, maintenir une telle température exige un gros ventilateur», explique un ingénieur. Le Nafion ne satisfait pas non plus les chercheurs qui comptent limiter les problèmes de corruption chimique du catalyseur grâce aux hautes températures. Le platine qui constitue cette pièce se dégrade rapidement en présence de monoxyde de carbone. A 80°C, il n'en tolère que 20 ppm (partie par million) alors que la tolérance grimpe à 500 ppm au-delà de 140°C. Les constructeurs de Genepac s'estiment moins concernés car la pile fonctionne à l'hydrogène pur contrairement aux piles à reformeur qui s'alimentent aux hydrocarbures. Pour Thierry Alleau, l'argument ne tient pas car il ignore la présence de monoxyde dans l'air, l'autre acteur de la réaction. En ville, le polluant est omniprésent et peut endommager la cathode. Le platine pose également un problème de prix. Bizarrement d'ailleurs, le jour du dévoilement de Genepac, le cours du platine a atteint à Londres son plus haut niveau depuis près de vingt-six ans à plus de 1.000 dollars l'once. Ce matériau est au coeur de la sainte trinité des piles puisqu'il sépare l'anode et la cathode de l'électrolyte. On en trouve environ une centaine de grammes dans chaque pile automobile. Pour atteindre des coûts raisonnables, les scientifiques comptent diviser cette quantité par dix. «Nous misons sur les nanotechnologies pour réduire l'épaisseur de la couche de platine. L'utilisation de nanoparticules de platine augmenterait aussi la surface active du matériau avec l'air et l'hydrogène», explique Nicolas Bardi. Les chercheurs doivent également résoudre un autre défi de taille, la sensibilité des PEM au gel. Par grands froids, l'eau formée par l'électrosynthèse bouche et endommage les coeurs des modules. C'est l'un des deux thèmes que va étudier maintenant PSA et ses partenaires dans une seconde phase de Genepac financée à hauteur de 3-4 millions. Honda joue sur ce point le lièvre puisqu'il vient d'annoncer une pile capable de démarrer à - 20°C. Pour 2010, le CEA et PSA ont l'intention de participer à la course puisqu'ils se donnent des objectifs ambitieux : doubler la température de fonctionnement de la membrane, multiplier par cinq la durée de vie et la surface du catalyseur, etc. Le projet de prototype de PSA s'attaquera quant à lui à l'intégration du système complet. Car la pile ne représente en fait que la moitié de l'ensemble, en incluant le compresseur, la gestion électronique, etc. Le prototype de PSA traitera aussi le délicat problème du stockage de l'hydrogène sous forme cryogénique. |