Résumé, commentaire et analyse
(Travail fait en accord avec l'auteur de la conférence)
Yves Renaud, CERN
(septembre 1999)
ANNEXE 5
Peut-on enseigner la thermodynamique après
le tout-électrique?
Les locataires des Grands Pêchers interrogés
dans le documentaire de Nils et Bertrand Tavernier (De l'autre côté
du périph', France 2, 14/12/97) ont vivement dénoncé
le chauffage électrique de leurs HLM comme fauteur d'inconfort et
de charges exorbitantes (14 000 F pour un F3...). Et l'un d'eux répéta
cette question avec véhémence : pourquoi ne pas avoir installé
le chauffage central au gaz ?
Une enquête complémentaire auprès
des responsables des HLM donne la réponse : c'est sous la pression
d'EDF-GDF qui lançait sa campagne de promotion du "tout-électrique"
qu'ils ont fait équiper tous ces logements du chauffage électrique
par convecteurs. Ils s'en excusent aujourd'hui, et déclarent avoir
compris que EDF visait simplement à faire consommer toujours plus
d'électricité. Et que Gaz de France, qui était alors
sous la même direction, allait même jusqu'à proposer
des tarifs inabordables pour inciter les promoteurs à se rabattre
sur l'électricité [1] .
Horreur économique et horreur scientifique
Il semble que c'est le moment de rappeler
qu'à cette "horreur économique" s'ajoute une horreur scientifique
: si on utilise directement le combustible primaire (gaz, fioul...), on
en tire 100% de sa chaleur, alors que si on passe par une centrale électrique,
on ne peut en convertir qu'environ 30% en électricité, qu'il
est aberrant de retransformer en chaleur pour se chauffer. Pas étonnant
que cette aberration, de plus couverte par de somptueuses opérations
publicitaires, finisse par revenir cher ! Mais ce que ne sait sans doute
pas cet habitant des Grands Pêchers, c'est qu'elle contrevient aussi
aux règles les plus élémentaires de la thermodynamique,
qui imposent que les services de la fée électricité
soient réservés à ce qui ne peut se faire que par
elle.
Ayant enseigné pendant plusieurs années
la chimie physique en premier cycle universitaire, j'ai dû traiter
parmi d'autres le difficile sujet des bases et des conséquences
du deuxième principe de la thermodynamique. Or, je me souviens que
dans les années 1980, alors que j'avais cru faire comprendre à
mes étudiants pourquoi il était aberrant d'utiliser l'électricité
pour le chauffage domestique par appareils à résistances
(limités jusqu'à cette époque au chauffage d'appoint),
j'eus la surprise de voir, à notre sortie de l'amphi, qu'un immense
panneau vantant les avantages du "tout électrique" venait d'être
hissé sur le chantier de construction voisin. Quelle opinion, dans
ces conditions, les étudiants allaient-ils pouvoir se faire sur
les dispositifs thermodynamiquement fondés que j'avais cités:
co-utilisation de la chaleur dissipée à la source de l'énergie
mécanique ou électrique produite par machine thermique (ce
qu'on appelle plus communément "cogénération"), et
installation de pompes à chaleur?
La cogénération : le simple bon sens éclairé
par la thermodynamique
Quand on fonctionne en cogénération,
on produit de l'électricité et on utilise en même temps
la chaleur dégagée par la machine. Pourquoi est-ce que ça
devrait être la règle pour les centrales thermiques ? Parce
qu'avec une machine thermique on ne peut pas transformer en électricité
la totalité de l'énergie primaire produite par la source
chaude : une partie importante doit obligatoirement transiter vers la source
froide pour que la machine tourne:
Cette partie est donc produite de toute façon,
mais on ne peut l'utiliser que sous forme de chaleur. Dont on peut cependant
tirer profit, puisque nos locaux à chauffer font naturellement partie
de la source froide (extérieur de la machine). C'est ainsi qu'on
chauffe l'habitacle de nos voitures tout en roulant, à partir de
la chaleur dégagée par le moteur. On fait alors de la cogénération
sans le savoir, parce que ça procède du simple bon sens,
en même temps que du "deuxième principe" de la thermodynamique...
De même, sous nos climats nous avons souvent besoin d'électricité
et de nous chauffer en même temps.
Pourquoi alors cette logique ne s'est-elle pas imposée?
A propos de la cogénération, on va bien sûr objecter
la difficulté qu'il y a à transporter la chaleur aussi facilement
et aussi loin que l'électricité. Des compagnies de distribution
de chaleur existaient pourtant dans certaines grandes villes, et à
Paris en particulier, ceci avant qu'on y ait généralisé
le réseau électrique. Comment se fait-il alors qu'on ait
cru devoir planifier et construire des sites de production d'électricité
en ignorant ces réseaux de chaleur? Et qu'on ait persisté
dans l'augmentation de taille des centrales thermiques, dont la puissance
a été multipliée par dix durant ces quarante dernières
années [2]. Ce qui rend d'autant plus problématique
l'utilisation conjointe de l'électricité et de la chaleur
qui doit obligatoirement aller à la source froide.
Car pour que ce soit intéressant, il
faut que leur puissance n'excède pas trop les besoins en chauffage
de proximité du secteur concerné. Ce qui implique un maillage
du territoire analogue à celui des anciennes usines à gaz
ou du réseau d'alimentation en eau aujourd'hui, par villes ou groupements
de communes. Pourquoi pas ? Mais de plus en plus difficile à réaliser
avec la multiplication des centrales nucléaires modèle américain
Westinghouse. Ces monstres sont aussi des centrales thermiques, ce qu'on
a bien su nous faire oublier. Que la source chaude vienne d'une matière
à noyaux fissiles et non d'un combustible chimique ne change rien
à l'affaire : nous sommes censés le savoir depuis Carnot
(1824), le rendement ne dépend que des températures des sources
chaude et froide. Et le rendement des centrales nucléaires, 33%,
est inférieur à celui des centrales à gaz, qui dépasse
parfois les 40%. Mais avec une seule tranche nucléaire de 1200 Mégawatts
électriques, les besoins en chauffage de proximité sont dérisoires
par rapport aux 2400 Mégawatts de chaleur qu'il faut écouler,
de sorte qu'on a beau jeu de préférer les évacuer
en pure perte dans l'atmosphère: cf. les énormes tours de
refroidissement qui flanquent les centrales nucléaires.
"Le nucléaire n'est pas pire que le reste..."
On peut cependant concéder au lobby des "électriciens"
que le nucléaire bien assumé (transparence des choix et des
risques, vérité des coûts) n'est pas, à tout
prendre, pire que le reste. Il faut se souvenir que ces gigantesques machines
nucléaires thermiques dérivent des mêmes prototypes
que les réacteurs à eau pressurisée (REP) qui équipent
les sous-marins à propulsion nucléaire
[3].
Il y a donc des puissances intermédiaires dont la technologie est
bien maîtrisée et qui pourraient servir en cogénération
suivant le système d'électrification décentralisée. Il
y a une belle diversité de petits générateurs nucléaires
embarqués à bord des engins spatiaux [4],
et on dit que des générateurs électronucléaires
de quelques centaines de Kilowatts ont fonctionné dans des endroits
reculés de l'ex-URSS. De tels systèmes,
comme de nombreux autres plus classiques, ne sont pas seulement valables
pour les pays en développement [5], comme
on cherche à nous le faire croire. Montés chez nous en cogénérateurs,
ils permettraient d'énormes économies à la production
et sans privations pour le public. Pour une centrale thermique dont le
rendement électrique est de 40%, on peut en plus tirer 40% en chaleur
pour le chauffage, ce qui double le rendement global. Et si la turbine
est moins performante, donc moins coûteuse, le rendement électrique
baisse mais le rendement thermique augmente d'autant...
Cette quantité de chaleur qui, dans
une machine thermique, doit obligatoirement aller à la source froide,
les industriels de l'énergie la considèrent toujours comme
une perte inévitable. Pourtant, cette phase est aussi active que
les autres dans le cycle de Carnot, qui affirme dès 1824 : il ne
suffit pas, pour donner naissance à la puissance motrice, de produire
de la chaleur, il faut encore se procurer du froid ; sans lui la chaleur
serait inutile. A son époque, le rendement
des machines à vapeur restait dérisoire, malgré les
ingénieuses mais tâtonnantes améliorations de Watt.
C'est pour remédier à cette situation de gaspillage brouillon
que le jeune Sadi Carnot s'engagea dans une subtile et géniale méditation
sur la "puissance motrice du feu" [6]
qui, après
que Thomson (futur Kelvin) et Clausius eurent résolu l'apparente
contradiction de sa théorie avec les résultats de Joule,
servit de fondements à la thermodynamique, nouvelle science montante
du 19ème siècle, indépendante et rivale de la mécanique
alors toute puissante. Dans la forme achevée de la thermodynamique
classique, il apparaissait bien que l'énergie mécanique produite
par machine thermique est indissociable de cette chaleur qui doit transiter
de la source chaude à la source froide, et donc qu'il faut les utiliser
conjointement si on veut tirer le meilleur profit du combustible dépensé.
Une autre intuition de Carnot se trouva confirmée. La machine peut
marcher en sens inverse : en lui fournissant de la puissance motrice, on
peut faire revenir de la chaleur de la source froide à la source
chaude. C'est le principe des pompes à chaleur:
Une perte massive, refusée seulement par une minorité
de professionnels avisés
Malgré l'évidence de ces données,
ce furent plutôt des améliorations d'ordre mécanique
qui furent apportées aux machines, comme le remplacement du système
alternatif piston-cylindre par la turbine. L'adoption des moteurs à
combustion interne à essence ou Diesel qui équipent les automobiles
n'est pas une révolution par rapport au cycle de Carnot : leur rendement
en énergie mécanique plafonne à 20-25%.
On n'a que rarement cherché à tirer
partie des deux flux qui s'écoulent au travers des machines thermiques,
et on laisse toujours se perdre le plus abondant : en dehors de quelques
industriels avisés [7], certains établissements
ont quand même surmonté cette désinformation généralisée.
Ce sont ceux qui, comme les hôpitaux, sont obligés de maintenir
en parfait état de marche un groupe électrogène de
secours puissant et efficace. A l'avantage thermodynamique s'ajoute pour
eux celui de pouvoir amortir des frais fixes qu'ils doivent de toute façon
supporter. Un moteur à gaz ou Diesel assure la période de
chauffe tout en produisant de l'électricité qui est achetée
par EDF: les hôpitaux de Lens, de Castres, de Périgueux, une
clinique à Toulouse, la prison centrale de Muret, de même
que certains incinérateurs alimentant le chauffage urbain, se sont
équipés de cogénérateurs.
La stratégie de l'écrémeuse...
L'industrie de l'énergie opérant
à partir des différentes sources de chaleur devrait pouvoir
se comparer avec l'industrie laitière. Depuis longtemps, on utilise
une grande partie du lait des vaches pour en tirer du beurre, mais on tire
aussi parti du lait écrémé, autrefois pour faire la
pâtée des cochons et des volailles, aujourd'hui par de multiples
autres valorisations. Or, la machine thermique (figure 1) qui tire de sa
chaudière de l'énergie mécanique (la crème)
transformée ensuite en électricité (le beurre) fonctionne
à la manière d'une écrémeuse... auto-entretenue
! Mais le sous-produit, ici la chaleur qui doit retourner au milieu environnant
par la source froide, est en l'absence de cogénération traité
comme si la laiterie rejetait directement son lait écrémé
avec ses eaux usées, alors qu'il peut servir de base pour d'autres
aliments... Ce que ne se permettent pas les industriels du lait, semble
au contraire aller de soi pour ceux de l'énergie! Pour nourrir la
basse-cour, on achètera à l'extérieur... Curieuse
gestion de ses produits !
La métaphore de l'écrémeuse
nous montre aussi que nous-mêmes en tant qu'utilisateurs de combustibles,
nous ne faisons pas pour le mieux, même avec la meilleure des chaudières.
Utiliser directement toute la chaleur produite pour se chauffer, c'est
comme si un paysan versait de suite le lait de sa traite dans l'auge des
cochons... Un meilleur usage se ferait en remplaçant les chaudières
par des modules de cogénération, qui "écrémeraient"
la partie qui peut être transformée en électricité,
le reste (c'est-à-dire au moins les deux-tiers) étant utilisé
pour le chauffage. L'électricité produite, auto-consommée
ou envoyée sur le réseau, amènerait à réduire
le nombre et la puissance des centrales, nucléaires ou autres. On
aurait alors une gestion globale de nos énergies en accord avec
la thermodynamique la plus élémentaire. On ne devrait pas
pour autant se trouver "hors économie" puisque, malgré les
manipulations de tarifs, le kilowattheure électrique est payé
par EDF de l'ordre de 35 centimes, alors que le kilowattheure thermique
ne dépasse guère les 10 centimes.
Voilà donc des idées toutes
simples, qui n'impliquent que les technologies banales et bien rodées
du chauffage central et des moteurs thermiques. Pour ces derniers, les
fabricants de cogénérateurs (ils sont quand même cinq
ou six en France) ont trouvé un autre débouché que
dans les automobiles, ce dont, soit dit en passant, le P.D.G. de notre
firme nationale s'est montré incapable...
Face aux diktats de la pensée unique
Si la Commission européenne cherche
à faire passer la part d'électricité produite en cogénération
de 9 à 18% d'ici à 2010 [8], celle-ci
reste infinitésimale en France. EDF fait tout pour freiner le développement
des petites centrales, dont elle est obligée d'acheter la production,
de par son statut de monopole. L'entreprise publique a été
sévèrement condamnée par le Conseil de la concurrence
début 1997 pour abus de position dominante vis-à-vis de la
Compagnie générale de chauffe, qui pratique la
Cogénération [9]
On est frappé par la pensée
unique, centralisatrice, dogmatique, antiscientifique, qui continue de
prévaloir face à la diversité des solutions rationnellement
et économiquement fondées. Car il ne s'agit pas là
d'économies de bout de chandelle comme avec les lampes à
basse consommation, ou les illusoires et coûteux systèmes
de régulation et d'isolation à outrance qui iraient bien
jusqu'à transformer nos habitations en véritables thermostats...
Il s'agit de possibilités de réduction massive de la consommation
en énergies primaires, par des technologies existantes simples,
sans privations sensibles pour les consommateurs, donc avantageuses au
triple plan économique, humain et environnemental.
Au lieu de ça, c'est une culture de
l'hégémonie au prix du gaspillage qui se maintient envers
et contre tout, comme si les Carnot, Thomson et Clausius n'avaient pas
existé. A quoi bon alors enseigner la thermodynamique ?
Les pompes à chaleur : une merveille offerte par la thermodynamique
C'est que de plus, il y a une façon
intelligente et pertinente, parce qu'en accord avec les lois de la thermodynamique,
d'utiliser l'électricité pour se chauffer. C'est le système
des pompes à chaleur : en apportant de l'énergie mécanique,
on fait remonter de la chaleur de la source froide (l'extérieur)
vers la source chaude (les locaux à chauffer). Il se trouve que
ceci peut se faire à très bon compte car dans ce cycle inversé
(figure 2) la différence entre la température de la source
froide et celle de la source chaude est beaucoup plus faible que dans le
cas du cycle moteur, où on cherche au contraire à la rendre
aussi grande que possible pour reculer la limite du rendement théorique
dictée par le principe de Carnot. Pour la
pompe à chaleur, on définit un "coefficient de performance"
(Cop) qui est le rapport entre la quantité de chaleur qu'elle fait
ainsi remonter et l'énergie électrique qu'elle consomme.
On ne peut plus parler de "rendement" car ce Cop est très supérieur
à 1 : il est théoriquement de l'ordre de 10, et en pratique
d'environ 3 à 4 [10]. Les pompes à
chaleur sont donc une merveille thermodynamique qui permet d'obtenir 3
à 4 fois plus de chaleur que d'électricité consommée
pour cela. C'est sans doute ce qui chagrine les
marchands d'électricité, qui ne les ont jamais encouragées,
sauf par une discrète allusion aux climatiseurs inversables qui
peuvent assurer une fonction chauffage, et pendant une courte période
en 1978-80 où EDF avait monté le programme "Perche" pour
le système air-air, le moins performant par rapport à ceux
qui opèrent à partir de la nappe phréatique (puits)
ou de capteurs enterrés. Le mercantilisme que manifeste un tel black-out
est là encore indigne d'une entreprise publique [11].
D'autant plus que là aussi la technologie et le savoir-faire existent
et sont bien rodés : ce sont les mêmes que pour les réfrigérateurs
et les installations frigorifiques.
Qu'adviendrait-il si les lois de la physique figuraient au code civil
?...
Il faut rappeler que le chauffage électrique
(par radiateurs à effet Joule, le plus anti-thermodynamique qui
soit) représente 47% de la puissance "appelée en pointe"
dans l'habitat [12] et
surtout que la campagne de publicité que nous assène régulièrement
pour cela EDF depuis 20 ans lui (nous) coûte ces dernières
années dix fois le budget de l'Agence de l'environnement et pour
la maîtrise de l'énergie (ADEME) [13].
Comment alors comprendre que ce soient les responsables du marketing qui
fassent la loi dans une entreprise publique où presque tous les
cadres supérieurs sortent de Polytechnique (ou d'une autre prestigieuse
et orgueilleuse grande école...)? Et que la thermodynamique élémentaire
soit bafouée par ceux-là même qui sont les mieux formés
pour la faire appliquer? Pourtant Sadi Carnot fut
un de leurs plus brillants anciens à Polytechnique, et l'enseignement
qu'on y reçoit aujourd'hui ne démérite pas : dans
les applications qu'il donne de sa présentation unifiée de
la thermodynamique, l'auteur d'un cours de physique statistique à
cette école [14] prend soin de préciser
: on pourrait économiser jusqu'à 90 % d'électricité
en chauffant les maisons à l'aide de pompes à chaleur au
lieu de radiateurs.
Il est vrai que l'enseignement de la thermodynamique
se décline invariablement selon un formalisme désincarné
hérité de l'idéal mécaniste, aux antipodes
de l'approche intuitive des "Réflexions" de Carnot qui ne contiennent
aucune équation. De sorte qu'on peut être rompu à ce
formalisme et avoir perdu de vue les principes fondateurs. Ceci au terme
d'un cursus d'école, mais comment expliquer qu'en situation de hautes
responsabilités, des individus bien doués et bien formés
ne ressentent pas un tel principe fondamental comme ayant valeur "d'impératif
catégorique" ? Au plan moral, en fonction de ses conséquences
aux plans scientifique et technologique. Qu'adviendrait-il si une loi physique
comme le deuxième principe de la thermodynamique figurait au code
civil? Et si les ressources naturelles épuisables étaient
assimilées à des biens sociaux?... On frémit à
toutes ces questions, et on pense à celle qu'ont posée de
nombreux physiciens à la fin de la deuxième guerre : peut-on
continuer à faire de la physique nucléaire après Hiroshima?
En fonction des problèmes et des échéances qui s'annoncent,
après les dérives massives que je viens d'évoquer
et qui seront tôt ou tard jugées impardonnables, peut-on encore
enseigner la thermodynamique sans s'inscrire dans une véritable
"insurrection des savoirs", comme disait Foucault, face à l'arrogance
des "savoirs mercantiles"?
Le rendement idéal théorique
d'une machine thermique fonctionnant suivant le cycle de Carnot est nettement
inférieur à 1. Ceci veut dire que lors du transfert spontané
de la chaleur de la source chaude vers la source froide, nous ne pouvons
en détourner à notre profit qu'une fraction sous forme d'énergie
mécanique et électrique W.
Le rendement réel des centrales thermiques
se situe en général entre 30 et 40% d'où la nécessité
de fonctionner en cogénération pour tirer parti aussi de
la chaleur Q2 que la machine doit obligatoirement évacuer à
l'extérieur (source froide, dont nos locaux à chauffer font
naturellement partie). Le rendement global (électrique + thermique)
peut alors être de 80 % pour une centrale à gaz ordinaire.
L'ensemble du dispositif fonctionne aussi
bien en sens inverse (cf. figure 2)
En lui fournissant l'énergie électrique
(mécanique) W, la machine fait revenir la chaleur de la source froide
(air extérieur, ou mieux nappe phréatique) vers la source
chaude (locaux à chauffer).
Le rendement (coefficient de performance)
idéal théorique est alors nettement supérieur à
1. Pour maintenir une température intérieure de 20° C
(T1=293 K) à partir de l'air extérieur à -10°
C (T1-T2 = 30 K), la formule ci-dessus donne une valeur de l'ordre de 10,
donc 1000 %... C'est le principe de la pompe à chaleur, qui permettrait
d'économiser jusqu'à 90 % par rapport au chauffage électrique
par radiateurs à résistances qui banalise une utilisation
"dégradante" de l'électricité...
Le coefficient de performance réel
des pompes à chaleur est d'environ 3 à 4, c'est-à-dire
qu'on obtient 3 à 4 fois plus de chaleur que d'électricité
dépensée. Ceci par une technologie qui est la même
que celle des réfrigérateurs, donc parfaitement disponible
et maîtrisée.
Références
[1] Le tout-électrique, plaie des HLM
; Libération, 6-7/12/97, p. 4
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[2] Benjamin Dessus, Atlas des énergies
pour un monde vivable, Syros, 1994
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[3] J.P. Schapira, L'actualité chimique,
novembre 1984, p. 29-33
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[4] Clefs CEA, n° 5, avril 1987
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[5] Fondation Energies pour le monde (co-sponsorisée
par EDF...)
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[6] S. Carnot, Réflexions sur la
puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer
cette puissance, Paris, 1824
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[7] Informations Chimie, n° 368,
mai 1995, p. 78
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[8] La Recherche, Décembre 1997,
p. 17
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[9] Le Monde, 5 février 1997
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[10] Systèmes solaires, n°
119, p. 56
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[11] Manifeste des agents et des syndicalistes
d'EDF-GDF, 1997
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[12] INESTENE, 1996
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[13] Rapport
Souviron, 1994
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[14] Roger Balian, Du microscopique au
macroscopique, Ellipses, 1977, p. 215
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