CONTROVERSES ENERG...ETHIQUES !
Energies renouvelables, environnement-écologie, développement...
Biocarburants de seconde génération
ADIT, http://www.editions-ti.com/l
Techniques de l'ingénieur, collection documentaire technique et scientifique en français
mai 2009
INTRODUCTION
(pour le document entier, voir le site ci-dessus)

1. Intérêt des biocarburants de seconde génération

     La demande en énergie mondiale est croissante et très largement dépendante des sources d'énergie fossiles. Il est admis qu'une part significative de la progression de cette demande sur le court et moyen terme concernera le secteur des transports, notamment en provenance des pays émergents. Selon la même source, en 2030, ce secteur devrait être responsable du tiers des émissions mondiales de CO2 . Cette considération, conjuguée à l'augmentation importante et soutenue du prix du pétrole, explique l'intérêt que portent tous les pays, et notamment les pays non producteurs de pétrole, pour les biocarburants.
      Il existe un nombre important d'options de carburants alternatifs pour les transports comme l'illustre la figure 1. Ces solutions ont atteint des degrés de maturité divers et certaines d'entre elles font l'objet d'importantes recherches au niveau international comme c'est le cas des biocarburants (aussi appelés agrocarburants dans la mesure où les biocarburants actuellement utilisés sont élaborés à partir de produits agricoles). L'objet de cet article est de dresser un rapide état des lieux des filières technologiques de production des carburants de seconde génération, dont nous préciserons plus loin la définition, de présenter leurs avantages et les verrous technologiques existants afin de dégager les opportunités et les besoins de recherches encore nécessaires pour amener ces technologies à maturité.

Figure 1

Large gamme de carburants alternatifs aux produits pétroliers (d'après)

GPL: gaz de pétrole liquéfié
GNL: gaz naturel liquéfié
DME: diméthyléther
EMHV: ester méthylique d'huiles végétales

     Les biocarburants sont des produits élaborés à partir de biomasse ou, plus généralement pour ceux qui sont actuellement commercialisés, de produits agricoles.
     Les biocarburants conventionnels comme les huiles végétales brutes, l'éthanol et les esters d'huiles végétales, sont dits de première génération dans la mesure où ils sont déjà disponibles sur le marché et où les techniques de production ont atteint un niveau de maturité technologique qui ne laisse plus espérer que de faibles gains de rendement ou de productivité. Ils n'utilisent qu'une fraction mineure de la plante : sucre et amidon pour l'éthanol, huiles végétales pour les esters.
     Par opposition, les biocarburants de seconde génération ne sont, quant à eux, pas encore disponibles sur le marché et les technologies de conversion dont ils sont issus en sont encore au stade soit de la recherche, soit du pilote industriel. Leur principal atout, qui justifie les programmes de recherche mis en œuvre (encore bien timides au regard des enjeux), tient au fait que ces procédés doivent permettre de convertir l'intégralité de la biomasse et notamment de ses constituants ligno-cellulosiques. La biomasse en effet, dans sa grande majorité, est constituée de lignine (15 à 20%), de cellulose (35 à 50%) et d'hémicellulose (20 à 30%) plus ou moins intimement liés. La composition de quelques biomasses ligno-cellulosiques susceptibles d'être utilisées pour la production de biocarburants est donnée dans le tableau 1:

 
 
Tableau 1 - Composition élémentaire de trois biomasses de référence
Biomasses
Paille (blé)
Bois (epicéa)
Miscanthus
Carbone (%)
46,0
51,9
47,9
Hydrogène (%)
5,5
6,16
5,5
Oxygène (%)
41,4
41,7
41,0
Azote (%)
1,65
0,12
0,54
Soufre (%)
0,1
0,03
0,11
Chlore (%)
0,15
0,02
0,18
Cellulose (%)
33
41
45
Hémicellulose (%)
23
31
30
Lignine (%)
17
27
21
Matières minérales (%)
5 (5 à 12,8)
0,1 (0,1 à 0,4)
4,8 (1,5 à 4,8)
Pouvoir calorifique (MJ/kJ)
18 400
20 200
19 100
suite:
     Si l'usage des biocarburants s'est considérablement accéléré ces dernières années, leur part relative au niveau de la consommation mondiale reste somme toute limitée et ce, pour deux raisons essentielles, leur coût tout d'abord, mais surtout pour ce qui constitue indiscutablement le principal inconvénient des biocarburants actuels, une faible productivité ramenée à l'hectare cultivé. Ainsi, si le nombre de plantes oléagineuses répertoriées dans le monde est de plusieurs centaines, moins de dix d'entre elles sont utilisées dans la production de biocarburant. Il s'agit principalement du colza, du tournesol, du soja, du palme et du coton. Il en est de même pour la production d'éthanol qui ne concerne que la canne à sucre, le maïs, le blé, la betterave, le manioc et de quelques autres céréales en complément du blé en Europe.
    Pour la majorité de ces plantes, de 50 à 70% de leur masse totale n'est pas utilisée ou pas convertie en biocarburant; seule une fraction des sous-produits trouve une application alimentaire (tourteaux de pressage) ou énergétique (électricité pour la bagasse de canne à sucre). De plus, pour atteindre des niveaux de productivité élevés compatibles notamment avec la production de carburants, ces cultures sont relativement exigeantes en termes d'intrants (engrais, pesticides...), de qualité de sol ou de disponibilité en eau, principale limite à leur forte expansion.
     A l'horizon 2015-2020, deux grandes voies technologiques sont susceptibles de valoriser plus ou moins complètement ces polymères: la voie biochimique (hydrolyse et fermentation) qui permet la production d'éthanol et la voie thermochimique (thermolyse et synthèse) qui permet la production de méthanol, de biodiesel et de toute une gamme de produit de synthèse.
     Toute la biomasse étant potentiellement convertie en carburants, les rendements (GJ/ha) des biocarburants de seconde génération sont bien supérieurs (de deux à quatre fois la productivité par hectare) aux biocarburants de première génération, à l'exception de la canne à sucre ou de l'ester de l'huile de palme, s'ils sont produits dans des conditions pédoclimatiques favorables.
     Les caractéristiques et les propriétés physico-chimiques des carburants de substitutions sont déterminantes pour les choix technologiques, notamment leur compatibilité pour une utilisation en mélange avec les carburants conventionnels ou leur compatibilité avec les infrastructures existantes de distribution. Ces aspects ont conduit au niveau de la filière thermochimique à privilégier la synthèse Fischer-Tropsch au détriment du méthanol (plus toxique) ou du DME (volatil à température ambiante), qui de plus nécessiteraient des adaptations moteurs et des investissements dans les systèmes de distribution plus importants. C'est pourquoi, dans les paragraphes qui vont suivre, nous nous limiterons, au niveau de la filière thermochimique à la seule production de biodiesel par synthèse Fischer-Tropsch.
     Par rapport aux produits agricoles, la biomasse cellulosique est plus abondante et moins coûteuse parce qu'elle n'entre pas directement en compétition avec les usages alimentaires de ces derniers. Il y a donc de nombreux avantages à privilégier la production de biocarburants à partir de la biomasse cellulosique:
     * compétition limitée entre usage alimentaire et non alimentaire des produits agricoles et sur les terres à usage agricole;
    * augmentation potentiellement du revenu de l'agriculture par une valorisation complète de la plante, à la fois sur le grain pour l'alimentaire et le résidu pour le carburant;
    * accroissement de la productivité potentielle à l'hectare (valorisation de la plante entière) et donc amélioration du bilan économique;
    * amélioration du bilan environnemental lié aux aspects agronomiques (recours limités aux intrants) et à la valorisation complète de la plante à partir de solutions technologiques intégrées qui permettent l'autonomie énergétique mais aussi la revente d'excédents électriques. La faible maturité des technologies de seconde génération et les controverses actuelles sur les méthodologies d'évaluation ne permettent cependant pas de prendre une position tranchée à ce niveau;
    * opportunité pour l'utilisation de terres marginales ou les jachères, avec des plantes moins exigeantes (encore que ce dernier point mérite discussion);
    * valorisation à terme de nombreux résidus et déchets organiques tels que les ordures ménagères.
SOMMAIRE
1. Intérêt des biocarburants de seconde génération
2. Voie biochimique: éthanol cellulosique
2.1 Prétraitement
2.2 Hydrolyse
2.3 Fermentation éthanolique
2.4 Valorisation de la lignine et intégration énergétique du procédé
2.5 Principaux procédés et acteurs
3. Voie thermochimique
3.1 Gazéification
3.2 Épuration et conditionnement du gaz
3.3 Synthèse d'hydrocarbures liquides
3.4 Situation actuelle et acteurs
4. En guise de conclusion

AUTEUR(S)
    * Laurent VAN DE STEENE, docteur en énergétique et transferts, est chercheur dans l'unité de recherche biomasse-énergie du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), Montpellier, France.
    * Philippe GIRARD, docteur en génie chimique et énergétique, est conseiller scientifique au 2iE (Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement), Ouagadougou, Burkina Faso.
    * François BROUST, docteur/ingénieur en génie des procédés, est chercheur de l'unité de recherche biomasse-énergie du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), Montpellier, France.
Voir notre site "BIOCARBURANTS"