Guillaume Mollaret
01/02/2008
Le site de Curbans bénéficie
d'un ensoleillement exceptionnel qui a convaincu les investisseurs.
À Curbans, en
Provence, on ne parle que de cela: la construction, sur 300
hectares, de la plus grande centrale solaire d'Europe.
Coincé entre
le parc régional du Lubéron et le massif des Écrins,
Curbans (Alpes-de-Haute-Provence) est un village de 420 âmes à
peine. C'est dans cette petite commune qu'Electrabel France (filiale de
Suez) a choisi d'installer ce qui serait à ce jour la plus grande
centrale solaire d'Europe.
Au sommet verglacé
du col de Blaux, à près de 1.000 mètres d'altitude,
Daniel Rolland, maire du village promène son 4×4 sur les trois
plateaux, au total 300 hectares, qui devraient bientôt accueillir
entre 150.000 et 250.000 panneaux solaires pour une puissance installée
«de 30 à 50 mégawatts crête (MWc)»,
l'équivalent d'une vingtaine d'éoliennes. Par comparaison,
l'immense centrale en construction dans les environs de Leipzig n'occupera
que 220 hectares. «Voyez ici, il n'y a pas la moindre trace d'ombre.
Le terrain est exposé plein sud, et le soleil brille du matin au
soir.»
L'élu, agriculteur
en retraite, qui termine son quatrième mandat, est fier de son coup.
Sûr des qualités d'ensoleillement de son site, c'est lui,
avec son équipe municipale, qui est allé chercher des groupes
intéressés pour investir sur une commune, qui abrite déjà
une centrale électrique EDF sur la rive gauche de la Durance et
un barrage hydraulique (lire ci-dessous). |
C'est même Curbans qui s'est payé
le luxe de choisir la filiale de Suez face à deux concurrents également
alléchés par l'offre. «Ce n'est pas Suez qui mettait
le plus d'argent sur la table, mais nous avons choisi cette entreprise
pour les valeurs éthiques qu'elle véhicule», soutient
Daniel Rolland.
La France à la traîne
C'est à peine
un mois après leur rencontre en novembre dernier, qu'Electrabel
et Curbans signent une promesse de bail de trente ans renouvelable deux
fois dix ans sous réserve d'une modification du plan local d'urbanisme.
Electrabel, qui n'a pas encore obtenu d'autorisation auprès de l'administration
française, investira entre «150 et 250 millions €»
sur le site, en fonction de ce qui lui sera permis de réaliser.
Un investissement encore
jamais consenti en France où le marché du photovoltaïque,
bien qu'à la traîne par rapport au reste de l'Europe, est
en plein essor. Les projets fourmillent et les groupes sont en quête
de sites. «C'est une aubaine que la commune soit venue nous chercher
car le lieu qui est situé en altitude, loin des regards, ne reçoit
pas d'ombre, qui plus est dans la région la plus ensoleillée
de France, affirme le responsable technique du projet chez Electrabel,
Thierry Robot. Le développement des centrales photovoltaïques
est tout neuf. Cela fait à peine plus d'un an que les industriels
se sont vraiment lancés dans cette course. La tenue du “Grenelle
de l'environnement” n'y est pas étrangère», explique-t-il
encore.
En France, l'objectif
de production d'énergie photovoltaïque s'élève
à 150 MWc en 2010. Si le projet de Suez dans les Alpes-de-Haute-Provence
voit le jour, il représenterait, à cette date et à
lui seul, un tiers de la puissance hexagonale. Une fois opérationnelle,
la centrale emploiera une quinzaine de personnes, ce qui permettra au site
d'atteindre son seuil de rentabilité vingt ans après que
le premier Watt aura été produit et vendu.
Un premier Watt qu'Electrabel
aimerait commercialiser dès la fin 2009. Une bénédiction
pour Curbans, d'autant que les panneaux solaires ne seront pas (ou presque)
visibles depuis la vallée. Comme le résume ce chasseur autochtone
qui voit le projet d'un bon œil: «Là où elle sera,
cette centrale ne dérangera que les sangliers.» |