CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE NUCLEAIRE
2008
juillet-août
Scandale nucléaire au Tricastin:
1) plus de 770 tonnes de déchets radioactifs enfouis depuis plus de 30 ans à même le sol!
Source http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=14890

     Dans le même ordre d'idées, voir: Fuite d'une solution contenant de l'uranium sur le site nucléaire de Tricastin
Scandale au Tricastin: plus de 770 tonnes de déchets radioactifs enfouis depuis plus de 30 ans à même le sol, en toute illégalité !

     La CRIIRAD demande la publication d'un bilan exhaustif, la reprise de la totalité des déchets et la décontamination intégrale du site.
     Le site nucléaire du Tricastin est implanté à la limite des départements de la Drôme et du Vaucluse, sur le territoire des communes de Pierrelatte, St-Paul-3-Châteaux et Bollène. Il englobe 8 Installations Nucléaires de Base (INB[1]), plusieurs Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE) ainsi que l'Installation Nucléaire de Base Secrète (INB-S) du CEA-Cogéma.
     A diverses reprises dans le passé, le laboratoire de la CRIIRAD a mis en évidence des niveaux d'irradiation anormalement élevés en limite du site nucléaire du Tricastin. Ces contrôles révélaient des défauts d'application des règles de radioprotection et soulevaient d'importantes questions sur l'exposition des travailleurs intervenant à l'intérieur du site. Les niveaux les plus irradiants étaient identifiés sur le côté Ouest, au niveau du parc à fûts et du portail d'entrée AREVA - SAUR: de l'ordre de 400 coups par seconde (c/s) relevés au DG5 pour un bruit de fond normal d'environ 60 c/s.
     Une autre zone anormale, bien que moins marquée (130 à 140 c/s), était repérée sur le côté Est, au nord des installations EDF et COMURHEX, au droit d'une sorte de tumulus. Cette butte de terre est située dans le périmètre de l'INB-S dont le CEA est propriétaire et Cogéma (AREVA NC) l'exploitant.
     Les recherches documentaires que nous avons effectuées conduisent à considérer que le rayonnement détectable sur le chemin des agriculteurs pourrait provenir du tumulus lui-même. En effet, il ne s'agit pas d'une simple butte de terre mais d'un amoncellement de déchets radioactifs et chimiques directement enfouis dans le sol!

ANALYSE DES INVENTAIRES ANDRA
     L'Agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA) publie régulièrement son inventaire national des déchets radioactifs.
     • Le premier inventaire, publié en 1993, ne mentionne ni le tumulus, ni même l'existence des déchets enfuis dans le tumulus.
     • Les inventaires publiés de 1994 à 1999 consacrent une fiche aux déchets radioactifs de l'INB-S CEA-COGEMA de Pierrelatte (fiche référencée RHO 28, puis RHO 28B). Ils sont présentés comme des «déchets d'exploitation et d'assainissement issus des installations d'enrichissement de l'uranium par diffusion gazeuse et traitements chimiques». Il s'agirait de «déchets de barrières de diffusion gazeuse, fluorures, boues chromiques» pour une activité totale de 42 GBq et de «déchets divers, gravats...» pour 8 GBq. La fiche indique qu'il s'agit d'un entreposage mais ne fait aucune allusion au fait que les déchets ne sont pas dans des modules bâtis mais ont été directement enfouis dans le sol.
     • Il faut attendre l'inventaire ANDRA de 2002[2] pour apprendre que les déchets des installations de production d'uranium enrichi à usage militaire ont été «enfouis entre 1969 et 1976 dans une butte de terre d'un volume d'environ 15.000 m3». La terre, qui recouvre les déchets, les dissimule à la vue mais pas à l'action délétère des eaux météorites. Il s'agit d'une violation caractérisée des règles de stockage qui doivent garantir que les déchets sont isolés de l'environnement et qu'il est possible de les contrôler et, si nécessaire de les reconditionner. Ces pratiques sont choquantes y compris pour le début des années 70.
     On ne peut exclure que l'ANDRA ait souhaité occulter les conditions de stockage scandaleuses de ces déchets mais le plus probable est qu'elle ne fasse que répercuter les informations que l'exploitant veut bien communiquer. La CRIIRAD a pu constater sur plusieurs dossiers que l'Agence n'effectue aucun contrôle sur le terrain et que l'analyse critique des données des exploitants est très insuffisante[3]. Les informations contenues dans les inventaires doivent donc être considérées avec beaucoup de recul.

LE CONTENU DU TUMULUS
     Si l'on se réfère à l'inventaire ANDRA plus récent (publié en 2006, avec une mise à jour à mai 2005 pour la fiche RHO-43), l'amoncellement de déchets radioactifs serait constitué de:
     -  déchets radioactifs provenant des 4 usines militaires de séparation isotopique (usines militaires basse, moyenne, haute et très haute correspondant respectivement à de l'uranium faiblement, moyennement, fortement et très fortement enrichi, soit plus de 90% d'uranium 235). Ces déchets seraient constitués de barrières de diffusion pour une masse totale de 760 tonnes. L'ANDRA ne donne aucune précision ni sur la composition des déchets, notamment sur leur teneur en uranium 235, ni sur les éventuels risques de criticité;

     -  des déchets de catégorie TFA-VL - très faible activité mais vie longue (en l'occurrence, très, très longue) - constitués de filtres de conditionnement (46 m3) et de fluorines ((14.000 m3);
     -  de déchets toxiques sur le plan chimique (chrome trivalent notamment) présentés comme exempts de radioactivité (mais sans précision chiffrée, en particulier sur les protocoles de contrôle ni sur les seuils de détection). L'ANDRA indique qu'il s'agit de boues issues de la station de traitement des effluents, sans préciser le volume ou le tonnage déversés sur le tumulus.
     Par ailleurs, la CRIIRAD a reçu récemment plusieurs courriers et appels téléphoniques de travailleurs intervenant sur le site du Tricastin l'alertant sur des dysfonctionnements graves, et notamment:
     1/ sur l'érosion que subit le tumulus de déchets (pluie, vent...), érosion qui a mis à jour récemment un certain nombre de fûts et qui a été traitée en déversant une nouvelle couche de terre sur les déchets;
     2/ sur la contamination (chimique et radiologique) de la nappe située au droit du site;
     3/ sur les conditions de travail des salariés des sociétés de sous-traitance.

LES DEMANDES DE LA CRIIRAD
     Sur la base des investigations conduites par son laboratoire et des messages alarmants qui lui sont parvenus, la CRIIRAD demande:
     1- la communication d'un état détaillé de la structure du tumulus et des déchets radioactifs et chimiques qu'il contient : descriptif de l'emplacement; historique des déversements: dates, volumes, masses, nature des conditionnements (s'ils existent), masses de terre utilisées pour le recouvrement, etc.
     2- la reprise des déchets, leur caractérisation, leur reconditionnement éventuel (vérification de l'étanchéité des fûts, de leur absence de contamination externe) et leur transfert vers des installations d'entreposage ou de stockage ad hoc;
     3- le contrôle radiologique et chimique de la terre dans laquelle les fûts et autres déchets ont été enfouis et, si nécessaire, le conditionnement et le stockage des volumes contaminés;
     4- l'autorisation d'accéder au site afin d'effectuer des mesures radiamétriques et spectrométriques au niveau du tumulus et de procéder à des prélèvements d'eau au niveau des piézomètres afin de vérifier si les informations relatives à la contamination des eaux souterraines sont avérées ou relèvent de la rumeur.

L'URGENCE
     Les interventions doivent être conduites dans les meilleurs délais. En effet, plus le temps passe, plus le nombre de fûts corrodés et éventrés augmente, plus augmentent les risques de pollution du sol et des eaux souterraines, le nombre de personnes exposées aux rayonnements émis par le tumulus et les risques de contamination par inhalation. Il ne faut pas compter sur la diminution de la radioactivité avec le temps: l'uranium 238 a une période physique de 4,5 milliards d'années et l'uranium 235 de 700 millions d'années!
     Cela fait plus de 30 ans que ces déchets toxiques, tant sur le plan radioactif que chimique, ont été enfuis dans le sol. Ce dysfonctionnement perdure en toute impunité, en violation des principes fondamentaux de gestion des déchets, principes censés garantir la préservation de l'environnement et la protection sanitaire des travailleurs et du public.
     Il est choquant de constater que ni l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), ni les ministères concernés n'ont exigé de mise en conformité et qu'ils continuent au contraire d'accorder aux exploitants de nouvelles autorisations pour augmenter les productions, les stockages et construire de nouvelles installations. Le traitement des pollutions passées et le confinement des déchets toxiques devraient constituer un préalable.
     Le statut d'INB secrète est là pour préserver des informations à caractère militaire pas pour servir de couverture à des pratiques choquantes ou pour permettre à AREVA et au CEA de faire des économies sur la gestion de leurs déchets. Par ailleurs, plusieurs responsables sont intervenus dans le cadre de la CIGEET pour affirmer que le «transfèrement» des déchets avait été envisagé... puis écarté. On ne sait si le motif de l'abandon du projet était le souci de limiter les coûts ou des problèmes liés à la dangerosité des déchets. Aucune de ces explications ne justifie l'inaction. La situation ne peut en effet qu'empirer et si les exploitants ne financent pas le traitement du problème tant qu'ils sont solvables, dans 50 ou 100 ans, ce sera à la collectivité de le faire... ou d'en subir les conséquences environnementales et sanitaires.
Source/auteur : http://www.criirad.org
Mis en ligne le samedi 5 juillet 2008, par cyril

     1 INB 87 et 88 correspondant aux 4 réacteurs du CNPE EDF; INB 93 pour l'usine EURODIF d'enrichissement par diffusion gazeuse (Georges Besse); INB 105 pour l'usine COMURHEX de conversion de l'UF4 en UF6; INB 138 pour les installations SOCATRI d'assainissement et de récupération de l'uranium; INB 155 pour l'usine TU5 d'AREVA NC (Cogéma); INB 157 pour l'installation de maintenance nucléaire d'EDF, dite Base Chaude Opérationnelle du Tricastin (BCOT); INB 168 pour la future usine SET d'enrichissement de l'uranium par centrifugation (Georges Besse II) dont la construction a été autorisée en avril 2007.
     2 Il est possible que l'information figure dans l'inventaire publié en 2000 dont la CRIIRAD ne dispose pas. En 2001, il n'y a pas eu de publication.
     3 Cf. par exemple les dossiers Malvési-Comurhex (aucune mention de la présence des transuraniens dans les quelques 300.000 tonnes de déchets radioactifs, disparition du radionucléide clef, le thorium 230, etc) et Gueugnon-AREVA (rien sur les 26.000 tonnes de résidus radioactifs présents dans le sol du parking du stade de foot, pour ne citer que les plus récents).

2) Le scandale des remblais radioactifs
Le Point, août
article du 24 juin
     Des déchets de mines d'uranium ont été recyclés pendant des années comme caillasse à tout faire. Sans aucune mise en garde sur les risques encourus.
Christophe Labbé et Olivia Recasens


©DR

     C'est un village du Cantal où le compteur Geiger s'affole. A Saint-Pierre, les déchets radioactifs de l'ancienne mine d'uranium fermée il y a plus de vingt ans ont été utilisés comme remblai un peu partout. Le terrain de foot a ainsi été construit sur des résidus radioactifs, tout comme un lotissement résidentiel. Dans un terrain contigu au camping municipal affleure du yellow cake . Cette matière pâteuse, ultraconcentrée en uranium, provient de l'usine d'extraction. En aval du site, la commune a aussi creusé un plan d'eau où ruissellent les eaux contaminées. Quant au mur de l'ancien concasseur d'uranium, il avait été reconverti en mur d'escalade!
     D'anciens sites miniers farcis d'uranium comme celui-ci, on en compte en France plus de 200, éparpillés dans 25 départements. Une épine dans le pied du géant mondial du nucléaire, Areva, propriétaire d'une partie de ces anciennes mines dont la dernière a fermé en 2001. «Partout où nous sommes allés faire des prélèvements, nous avons constaté une radioactivité anormale provoquée par des transferts de pollution via l'eau ou la dispersion des remblais radioactifs», s'alarme Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et responsable du laboratoire de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad). Ces roches extraites de la mine qui ne contenaient pas assez d'uranium pour être exploitées étaient utilisées comme de la caillasse bon marché par des particuliers, des mairies ou par les directions départementales de l'Equipement.

On estime à 700.000 tonnes la quantité totale de remblais radioactifs sortis de terre en France. Une caillasse qui affiche en moyenne une radioactivité 20 fois supérieure à celle du granit, avec des points chauds. C'est le cas autour de Saint-Priest-la-Prugne. Dans cette commune de la Loire, le CEA puis la Cogema, devenue Areva, ont fait tourner pendant plus de vingt ans, jusqu'en 1980, des mines d'uranium et une usine d'extraction. Là encore, les remblais radioactifs ont été dispersés sans contrôle. Sur le parking d'un foyer de ski de fond, la Criirad a ainsi décelé récemment des morceaux de minerai qui «crachaient» 500 fois la radioactivité naturelle. Laquelle, d'après une étude de l'Inserm, serait responsable de 2.500 décès par cancer chaque année. Dans le Limousin, où la Criirad a ausculté 10 des 40 anciennes mines d'uranium, la situation de certains lacs ou cours d'eau serait catastrophique. «Par endroits, les berges sont tellement impactées qu'elles pourraient être considérées comme des déchets radioactifs.» Résultat: «Les riverains de ces anciens sites miniers subissent un niveau de radiation nettement plus élevé qu'autour d'une centrale nucléaire
     La Criirad a déjà contraint Areva à décontaminer plusieurs sites, dont une scierie, le parking d'un centre de loisirs, ou encore la cour d'une école à Lachaux, dans le Puy-de-Dôme. Cette dernière avait été remblayée avec les déchets de la mine d'uranium de la commune.
     Des résidus radioactifs que l'on retrouve même sous le parking du fameux stade de football de Gueugnon, en Saône-et-Loire. A cet endroit, le compteur Geiger indique jusque 30 fois la radioactivité naturelle. Explication: la ville abritait jusqu'en 1980 l'une des huit usines d'extraction d'uranium construites en France. Des sites qui, en plus des déchets de minerais, ont généré 50 millions de tonnes de boues radioactives contenant un peu d'uranium, mais surtout ses descendants ultratoxiques, comme le radium ou le polonium. «L'uranium a une durée de vie de 4,5 milliards d'années. On ne peut pas rester sans rien faire, dénonce Bruno Chareyron. La Criirad s'apprête à saisir les pouvoirs publics afin que tous ces sites soient dépollués au plus vite