CONTROVERSES NUCLEAIRES !
VEILLE NUCLEAIRE INTERNATIONALE
2010

L'Europe peine à mettre le projet Iter sur les rails
ADIT, depuis juin, mises à jour octobre
V/ Désaccord européen sur le financement d'ITER
http://www.sciencesetavenir.fr/
     Le Parlement européen a rejeté le dernier accord trouvé pour le financement d'ITER, prototype de réacteur à fusion nucléaire. Les opposants au projet –sur lequel pèsent de nombreuses incertitudes- marquent des points.

     Mécontent de ne pas avoir été consulté lors des négociations entre les Etats membres de l'UE et la Commission, le Parlement européen a rejeté le compromis trouvé en juillet dernier pour financer le projet ITER, le prototype de réacteur nucléaire à fusion.
      Afin de trouver les deux tiers des 1,4 milliard € nécessaires au financement de la part européenne du projet pour 2012-2013, ce compromis prévoyait notamment de piocher 460 millions € dans les programmes de recherche de l'UE et 400 millions dans le budget de la Politique agricole commune (PAC).
     Faisant écho aux critiques formulées par plusieurs physiciens européens au cours de l'été –dont le prix Nobel français Georges Charpak- le député Carl Haglund a qualifié la réorientation de crédits de recherche vers ITER de «mauvaise décision». Les socialistes et libéraux ont donc finalement emboîté le pas aux Verts qui dès le début s'étaient inquiétés de l'impact d'une telle mesure sur les autres projets énergétiques de l'UE, notamment sur le développement des énergies renouvelables. Lundi 13 septembre le Parlement a voté contre le texte de juillet.

Un gouffre financier
     Le projet ITER devait coûter 5 milliards € mais ce chiffre a explosé sous l'effet combiné du renchérissement des matières premières et des retards accumulés dans la construction, si bien que les estimations actuelles avancent le chiffre de 15 milliards €. La part de l'UE, qui en tant qu'hôte du réacteur a accepté de contribuer pour 45% du budget, se situerait donc autour de 7,2 milliards € au lieu des 2,7 initialement prévus. Ce surcoût accrédite les arguments des détracteurs d'ITER qui lui reprochent son caractère pharaonique alors même que plusieurs problèmes techniques ne sont toujours pas réglés.

«L'énergie des étoiles»
     Fruit d'une collaboration entre les grandes puissances nucléaires (Etats-Unis, UE, Russie, Japon, Corée du Sud, Inde et Chine), ITER a pour ambition de construire le premier réacteur capable de tirer de l'énergie sous forme de chaleur (mais pas encore sous forme d'électricité) d'une réaction de fusion nucléaire -la réaction qui fournit son énergie au Soleil.

Sur le même sujet:
    * ITER se dote de robots géants
    * Les premiers défis d'ITER

suite:
     A l'inverse des réactions de fission utilisées aujourd'hui qui fonctionnent par «cassage» d'un atome lourd en atomes plus petits, la fusion consiste à faire se rencontrer deux atomes légers (deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium et le tritium dans le cas d'ITER) pour former un atome lourd (l'hélium). Pour réussir à vaincre la répulsion naturelle entre deux atomes, il faut d'abord séparer les noyaux de leurs électrons, ce qui n'est possible qu'à une température dépassant plusieurs dizaines de millions de degrés. La soupe atomique (on parle de «plasma») ainsi obtenue doit alors être confinée par piégeage magnétique.
     Les arguments en faveur du projet ne manquent pas. Source d'énergie considérable, la fusion produit des déchets qui ne sont pas ou peu radioactifs et le danger en cas d'accident nucléaire est moindre car le risque de réaction en chaîne n'existe pas. De plus le deutérium utilisé comme combustible est présent en quantité presque infinie dans l'eau de mer.

Des défis techniques à relever
     Cependant plusieurs incertitudes demeurent. Ainsi, on ne connaît toujours pas de matériau capable de résister sur le long terme au bombardement de neutrons de haute énergie (14 MeV) qui seront produits par la fusion et qui, n'étant pas chargés, s'échapperont du piège magnétique.
     Autre inconnue: le tritium que la réaction consommera n'existe pas à l'état naturel et ne peut être produit que par un autre réacteur nucléaire. Aussi, pour éviter autant que possible d'avoir à transporter cette matière radioactive et sensible (la bombe H repose sur une réaction explosive d'atomes de tritium), ITER devra générer lui-même une partie de son combustible. Une solution serait d'obtenir ce tritium par cassage d'atomes de lithium mais les technologies qui permettront d'y arriver directement à l'intérieur du réacteur ne sont pas encore complètement maîtrisées.

Nouvelles discussions en vue
     Néanmoins, l'arrêt du projet ITER, lancé depuis plus de 5 ans, serait lourd de conséquences économiques et politiques, tant au niveau européen qu'international. Le Parlement européen n'a donc pas tardé à annoncer qu'il travaillerait en lien avec la Commission pour repenser le financement du projet. Et en attendant un éventuel compromis, la construction d'ITER va se poursuivre sur la base des crédits déjà votés. Il faudra néanmoins patienter au moins jusqu'en 2020 pour qu'ITER fusionne ses premiers atomes.
 

Hadrien Kurkjian
Sciences et Avenir.fr
IV/ ITER: la fusion nucléaire est fascinante, mais pas nécessairement idéale
http://energie.lexpansion.com/
Par Jacques Foos
     Le prix Nobel Georges Charpak a surpris en mettant en cause la pertinence du projet international ITER, qui cherche à maîtriser la fusion nucléaire. Retour sur quelques uns des "avantages" contestés de ce projet scientifiquement fascinant.
     De nombreux physiciens s'interrogent sur la pertinence du projet de fusion contrôlée - projet ITER-  mené à Cadarache par des équipes internationales de chercheurs. Certains dont le Prix Nobel Georges Charpak demandent même l'arrêt du projet.
     Il est vrai que certains des avantages présumés de la fusion n'apparaissent plus aussi évidents tandis que les difficultés techniques rendent le coût très lourd et les délais de réalisation considérables.

Radioactivité, appétit en lithium, coût et délais 
     Ses partisans mettent souvent en avant le fait qu'il ne produit pas de déchets comme dans la fission classique. Mais il libère du tritium qui est un élément radioactif difficile à confiner en raison de sa très petite taille: il ne faudrait pas que les quantités de tritium produites ici fassent qu'on en retrouve des proportions non négligeables dans l'environnement: bien qu'il soit très peu radio-toxique, tout dépend évidemment des quantités rejetées.
     Par ailleurs, les réactions de fusion produisent des neutrons très énergiques qui vont induire de la radioactivité (ce qu'on appelle des produits d'activation) dans tous les matériaux de structure y compris dans l'enceinte du réacteur, ce qui n'est pratiquement pas le cas dans les réacteurs d'aujourd'hui. En terme de radioactivité créée, on peut dire que, par kilowatt-heure produit, dans le futur, il y aura autant de "becquerels" créés que pour la fission.
     Autre argument: c'est une source d'énergie inépuisable. Cependant, le réacteur à fusion nécessite pour son fonctionnement, d'importantes quantités de lithium, qui est un métal relativement rare. Et surtout l'argument ne vaut plus vraiment aujourd'hui avec l'avènement, dans des délais beaucoup plus proches, des réacteurs de 4ème génération, en particulier, les réacteurs à neutrons rapides qui font du combustible classique (uranium et plutonium) une source d'énergie sur plusieurs millénaires.
     On peut aussi légitimement s'interroger sur un tel projet, compte tenu de son coût passé, cette année, de 6 à 16 milliards €. 45% de cette somme est à la charge de l'Europe alors que l'on devrait voir là un projet international au sens large: si le projet aboutit, il est certain que les retombées technologiques bénéficieront au monde entier, que l'on ait financé au départ ou non. Il serait logique que tous payent «pour voir». Ce n'est pas le cas aujourd'hui et certains, dont la France, paient un bien lourd tribut !  Par ailleurs, rien n'indique que ce budget ne va pas encore être revu à la hausse dans l'avenir: on joue là sur des décennies alors qu'il a déjà quasiment triplé sur quelques années.
     Enfin, compte tenu du retard pris, le combustible ne sera pas chargé, au plus tôt, avant 2026 et ceci ne veut pas dire démarrage! Combien de ceux qui sont aujourd'hui engagés dans cette expérience vont participer aux premiers essais?

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Un défi pour les scientifiques
     Mais bien sûr, la maîtrise de la fusion est un formidable défi pour les sientifiques. L'histoire de la fusion est vieille comme l'Univers puisque les premières réactions nucléaires démarrent un millionième de seconde après le Big Bang! Aujourd'hui encore 90% des étoiles de l'Univers brillent par des réactions de fusion. C'est le cas de notre soleil qui consomme à chaque seconde 460 millions de tonnes d'hydrogène pour une puissance dissipée de 4 milliards de milliards de milliards de kW!
     En effet, les réactions de fusion sont celles qui produisent le plus d'énergie (7 fois plus que les réactions de fission utilisées dans nos réacteurs nucléaires). Toutefois, pour que des noyaux atomiques puissent fusionner, il faut les faire se toucher, ce qui nécessite, même pour les plus petits d'entre eux, des températures considérables, proches du milliard de degrés!
     On trouve naturellement ces températures au sein des étoiles. C'est une autre affaire si l'Homme désire re-créer de telles conditions, surtout s'il veut contrôler la réaction.
     Ceci explique pourquoi la première utilisation de ces réactions de fusion a été militaire, sous forme d'une bombe. Dans ce cas, il n'y a pas à contrôler la réaction; de plus, on utilise une «bombe A» classique à fission pour obtenir la température nécessaire! Le travail est beaucoup plus compliqué si on veut contrôler la réaction: il faut trouver un moyen de produire cette énergie gigantesque au départ dans des matériaux qui ne supportent pas, à l'état solide, des températures dépassant quelques milliers de degrés. D'où l'idée de confiner le plasma chaud avec des champs magnétiques.
     Les premières expériences ont eu lieu aux USA dès 1938 et les premiers modèles expérimentaux de réacteurs -les tokamaks-  prennent leur essor dans la décennie 1958-1968. Plusieurs tokamaks fonctionnent en France, en Angleterre, au Japon, aux Etats-Unis.
     Le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) n'est pas encore un prototype. Il doit démontrer la faisabilité industrielle d'un réacteur de fusion. Pour cela, il faut  qu'il parvienne à produire plus d'énergie qu'on ne lui en fournit pour réaliser le processus de fusion -c'est une évidence - et à contrôler ce processus pendant une durée de l'ordre de 5 minutes.
     Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Jacques Foos a tenu la chaire de "rayonnements, isotopes et applications", de 1983 à 2008, formant ainsi plusieurs centaines d'ingénieurs...

Note:
     "... il ne faudrait pas que les quantités de tritium produites ici fassent qu'on en retrouve des proportions non négligeables dans l'environnement: bien qu'il soit très peu radio-toxique, tout dépend évidemment des quantités rejetées... "
     Il est heureux que la problématique du tritium semble enfin prise au sérieux. A ce sujet, voir: http://www.afcn.fgov.be/
     Par ailleurs, il est question du colloque organisé le 15 septembre par l'Université Paris-Diderot et son Groupe de recherche en Radiotoxicologie (GRRT) , avec le soutien de l'ANDRA, et dont le thème général est «Nucléaire et communication». La liste des intervenants donne le ton...
http://www.sfenjg.org/

III/ La Commission européenne propose des financements supplémentaires issus du 7e PCRD

     La Commission européenne propose de « couvrir » le coût supplémentaire de 1,4 milliard d'euros nécessaire au financement 2012-2013 d'Iter, le réacteur thermonucléaire international expérimental, annonce-t-elle, mardi 20 juillet 2010. Elle réserverait 100 millions € issus du 7e PCRD en 2012, 360 millions € en 2013, et ferait un «virement initial de crédits inutilisés provenant d'autres budgets de l'UE vers le budget consacré à Iter, pour un montant de 400 millions €». «Un autre transfert du même type sera précisé plus tard; le processus débutera dans le contexte de la concertation budgétaire en novembre», précise-t-elle. Cette révision a été rendue « nécessaire par la forte augmentation globale du coût d'Iter, qui a porté le montant à financer par l'Europe à près de 7,2 milliards au lieu des 2,7 milliards € prévus au départ », rappelle la Commission.
     Le Parlement européen et le Conseil des ministres doivent à présent «accepter la proposition de modification du cadre financier pluriannuel actuel pour 2007-2013», indique la Commission. Elle souligne qu'elle est désormais en mesure de soutenir - sous réserve de l'accord ultérieur de l'autorité budgétaire - l'adoption de la «base de référence» d'Iter, c'est-à-dire le calendrier de la construction et les coûts associés, lors de la réunion extraordinaire du Conseil de l'organisation internationale Iter qui aura lieu les 27 et 28 juillet 2010 à Cadarache (Bouches-du-Rhône).

CONTRIBUTION DE L'UE DE 6,6 MILLIARDS € JUSQUE 2020
     Le Conseil des ministres du 12 juillet 2010 a chargé la Commission d'adopter comme «base de référence» une «contribution de l'UE de 6,6 milliards €, principalement en nature, pour 2007-2020». Dans ses conclusions, le Conseil a souligné sa «détermination à mener à bien le projet Iter et en a approuvé les besoins de financement estimés». Il a préconisé des «mesures strictes de maîtrise des coûts afin qu'il soit possible d'apporter la contribution nécessaire malgré le fait que ce budget [soit] inférieur aux 7,2 milliards € estimés au départ par F4E (Fusion for energy), l'agence de l'UE qui gère la participation de celle-ci au projet».
     «L'UE doit faire preuve d'imagination et de détermination pour surmonter les difficultés financières actuelles et honorer son engagement envers ce projet au niveau international. La solution que nous proposons aujourd'hui est équilibrée; nous pensons qu'elle peut répondre aux aspirations du Conseil comme du Parlement européen, tout en cadrant avec les objectifs d'Europe 2020, parmi lesquels le maintien et l'accroissement des investissements dans la recherche et l'innovation figurent au premier rang», déclarent Janusz Lewandowski, commissaire européen au Budget et à la Programmation financière, et Maire Geoghegan-Quinn, commissaire européenne à la Recherche et à l'Innovation.
     Iter, dont le siège est à Cadarache, est un projet collaboratif international, regroupant l'UE (Euratom), les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Inde, la Russie et la Corée du Sud, destiné à «démontrer le potentiel de la fusion nucléaire comme source d'énergie». L'accord conclu entre les sept parties est entré en vigueur le 24 octobre 2007. Iter a été identifié dans le Set plan (plan stratégique pour les technologies énergétiques) comme l'un des jalons en termes de technologies clés à long terme pour répondre aux objectifs de 2050 de réduire les émissions de CO2 et la dépendance énergétique.


Iter: le conseil d'administration approuve le calendrier et le financement
     Le conseil d'administration de Iter Organization, maître d'ouvrage et exploitant d'Iter (réacteur expérimental de fusion thermonucléaire) a «unanimement approuvé le 'scénario de référence' qui lui a été présenté, lequel inclut le calendrier, ainsi qu'un plafonnement du coût du projet», indique l'organisation. Il s'est réuni en session extraordinaire le 28 juillet 2010 à Cadarache (Bouches-du-Rhône), rassemblant les délégués des sept membres d'Iter, la Chine, l'UE, l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis, ainsi qu'un observateur de l'IAEA (agence internationale de l'énergie atomique). Les délégués au conseil Iter ont été accueillis par Bernard Bigot, administrateur général du CEA et haut-représentant pour la réalisation en France d'Iter, s'exprimant au nom de Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et de Pierre Lellouche, secrétaire d'État aux Affaires européennes. «C'est un moment décisif dans l'histoire de ce programme scientifique particulièrement ambitieux: nous entrons aujourd'hui dans la phase de construction du réacteur », déclare-t-il.
     Lors du conseil, les Etats membres de l'UE ont accepté une contribution de celle-ci «plafonnée à 6,6 milliards €, principalement en nature, pour 2007-2020», dont «1,4 milliard supplémentaires pour les années 2012-2013». Il s'agit de la proposition récemment faite par la Commission européenne, qui souhaite couvrir ce coût en puisant dans des «fonds du 7e PCRD» et des «crédits inutilisés provenant d'autres budgets de l'UE» (AEF n°135419).
     Quant au calendrier, il prévoit «l'obtention du premier plasma (gaz ionisé qui conduit l'électricité) au mois de novembre 2019», signale l'organisation. Le conseil Iter a recommandé «d'explorer la possibilité d'optimiser le calendrier» pour premiers tests avec combustibles (deutérium - tritium) en 2026 au lieu de 2027.

NOUVEAU DIRECTEUR GENERAL
     Lors de sa réunion extraordinaire, le conseil Iter a également nommé Osamu Motojima à la fonction de directeur général d'Iter organization. Le physicien japonais remplace Kaname Ikeda, «qui assumait ces fonctions depuis le mois de novembre 2005, et qui avait exprimé le souhait de quitter son poste dès que le 'scénario de référence' aurait été adopté». Ancien directeur général du NIFS (National institute for fusion science), institut de recherche japonais sur les sciences de la fusion, Osamu Motojima avait notamment «supervisé la construction du LHD (Large helical device), une machine de fusion».
     Iter, qui sera bientôt la «plus grande installation expérimentale de fusion jamais construite», est un projet collaboratif international destiné à «démontrer le potentiel de la fusion nucléaire comme source d'énergie». L'accord conclu entre les sept parties est entré en vigueur le 24 octobre 2007. La contribution de l'Europe représente 45% du coût de construction, celle des six autres membres devrait s'établir à 9% chacun. Iter a été identifié dans le Set plan (plan stratégique pour les technologies énergétiques) comme l'un des jalons en termes de technologies clés à long terme pour répondre aux objectifs de 2050 de réduire les émissions de CO2 et la dépendance énergétique.


(suite)
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Iter : «La France va devoir doubler son financement, qui va ainsi passer de 600 millions à 1,1 milliard €» (Bernard Bigot, CEA)
«La France va devoir doubler son financement, qui va ainsi passer de 600 millions € à 1,120 milliard €. En fait, elle a accepté de payer 20% sur les 45% de la part européenne, soit 9% du financement total, tout comme les Etats-Unis, par exemple. En contrepartie, la France bénéficie de retour financier avantageux dû à l'emplacement du site à Cadarache», affirme Bernard Bigot, administrateur général du CEA, à propos d'Iter (réacteur expérimental de fusion thermonucléaire). Après le conseil Iter (1), réuni en session extraordinaire les 27 et 28 juillet 2010 à Cadarache (Bouches-du-Rhône), Bernard Bigot revient pour AEF sur les décisions qui ont été prises, notamment sur l'augmentation du budget et le calendrier. Il évalue le poids de la contribution française et donne les prochaines étapes de construction.

AEF: Quel est le rôle de l'administrateur général du CEA par rapport à Iter?
     Bernard Bigot: J'ai été nommé en 2007 «haut représentant français pour la réalisation en France d'Iter». C'est une fonction interministérielle, qui permet la coordination des services de l'Etat en réponse aux engagements pris par notre pays en 2003 à l'égard de l'Organisation Iter. J'ai, à ce titre, fait partie de la «commission d'urgence Iter», un groupe de travail mis en place par la présidence espagnole de l'UE pour favoriser l'échange d'informations entre les Etats membres de l'UE et la Commission européenne. Elle s'est réunie quatre fois au mois de juin afin de trouver un consensus sur l'avant-projet détaillé, comprenant notamment le calendrier et le partage des coûts du projet.

AEF: Quelles sont les avancées validées au conseil Iter des 27 et 28 juillet 2010 à Cadarache?
     Bernard Bigot: Les Etats membres de l'UE ont approuvé officiellement l'avant-projet détaillé avec un plafond de financement pour 2007-2026, désormais fixé à 6,6 milliards €. Il sera seulement réactualisé en fonction de l'inflation. Jusqu'au 12 juillet, la Commission européenne n'avait pas proposé de financement précis. Finalement, le 28 juillet, nous avons pu atteindre un accord unanime, entre les sept partenaires d'Iter. Le conseil Iter a aussi nommé un nouveau directeur général à la tête de l'Organisation Iter, le professeur Osamu Motojima.
     Il a également pris la décision d'améliorer la gouvernance, car après une phase d'installation et de réflexion, nous entrons dans une phase de construction industrielle d'un projet dont le coût est d'environ 12 milliards d'euros.

AEF: L'UE vient de décider d'augmenter sa contribution. Qu'en est-il des autres membres d'Iter?
     Bernard Bigot: Les six autres États partenaires avaient déjà assumé l'augmentation du coût au titre de leur participation, qui a été fixée à 9,1% du coût total depuis la signature de l'accord en 2006. Le surcoût aujourd'hui constaté fait environ doubler la part de chacun. Mais Iter est une machine unique, et un projet trop attractif pour que ces pays y renoncent, même si leur contribution doit augmenter. Ce surcoût est dû entre autres à la hausse du prix des matières premières et de l'ingénierie en Europe. Les Etats-Unis, et d'autres, avaient alerté l'Europe sur le fait que si l'opération n'était pas lancée maintenant, ils subiraient encore un renchérissement des coûts, avec des difficultés supplémentaires que l'on imagine aisément.
     L'accord international Iter, signé pour 35 ans, fait en sorte qu'un pays partenaire ne puisse pas quitter le projet sans répondre à l'obligation d'apporter sa contribution financière, prévue lors de l'engagement en 2006. Mais, il fallait absolument parvenir à un accord en juillet, sinon, certains pays auraient eu plus de difficultés pour maintenir cet engagement. C'est pour cela qu'il y a eu une certaine pression sur l'Union européenne, la dernière dont on attendait une réponse depuis novembre 2009.

AEF: A combien s'élève la contribution française dans ce projet?
     Bernard Bigot: La France va également devoir doubler son financement, qui va ainsi passer de 600 millions € à 1,120 milliard €. Elle va aussi contribuer au budget européen à hauteur de 16% qui est la valeur de sa contribution au PIB européen. En fait, elle a accepté de payer 20% sur les 45% de la part européenne, soit 9% du financement total, tout comme les Etats-Unis, par exemple. En contrepartie, la France bénéficie d'un retour financier avantageux dû à l'emplacement du site à Cadarache, et donc d'un avantage compétitif pour ses entreprises, par exemple pour la construction de bâtiments. L'installation d'entreprises japonaises, américaines et indiennes sur le sol français, pour obtenir des contrats avec Iter, est aussi intéressant pour la France qui bénéficiera de parts. Il y a aussi les 450 salariés de l'Organisation Iter, qui sont basés en France et contribuent à l'activité économique de notre pays.

AEF: Concrètement, quelles sont les prochaines étapes de constructions?
     Bernard Bigot: La construction du bâtiment du siège Iter, par une entreprise française, a débuté le 2 août pour une livraison début 2012. La responsabilité de la construction revenant à la France et au CEA, nous avions anticipé et lancé les appels d'offres en amont. De même, le chantier du grand bâtiment de fabrication des bobines poloïdales de 200 m de long et 30 m de large - un marché de 42 millions € - est déjà en route depuis quinze jours. Quant à l'excavation du tokamak (installation capable de produire les conditions nécessaires pour obtenir une énergie de fusion), qui sera de 20 m enfoui sous le sol et de 50 m au-dessus, débute dans huit jours. Pour construire ces équipements, nous avons étalé les opérations dans le temps pour éviter que les grandes entreprises mondiales n'abandonnent leurs autres commandes. L'obtention du premier plasma (gaz ionisé qui conduit l'électricité) est prévue pour novembre 2019.


(1) Réunissant les sept membres partenaires d'Iter: la Chine, l'Union européenne, l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis.
II/ http://www.sciencesetavenir.fr/
PARIS (AFP) - Georges Charpak et d'autres scientifiques invitent à renoncer au réacteur à fusion nucléaire Iter

     Le prix Nobel de physique Georges Charpak et d'autres scientifiques invitent à "renoncer" au projet de réacteur expérimental international à fusion nucléaire Iter, qui est "hors de prix et inutilisable", dans une tribune publiée mardi dans le quotidien Libération.
     "Le coût de construction d'Iter venant de passer de 5 à 15 milliards €, il est question d'en faire subir les conséquences aux budgets de financements de la recherche scientifique européenne", menaçant "de nombreuses recherches autrement plus importantes", s'inquiètent-ils.
     "C'est exactement la catastrophe que nous redoutions", écrivent MM. Charpak, Jacques Treiner (Université Pierre et Marie Curie, Paris) et Sébastien Balibar (Ecole normale supérieure), assurant qu'il est "grand temps de renoncer" à Iter, qui doit être construit à Cadarache (Bouches-du-Rhône).
     "Si l'on continue, tous les secteurs de la recherche vont souffrir", soulignent-ils.

     Contrôler la fusion nucléaire est un "rêve ancien". La "méthode consiste à chauffer un mélange d'hydrogène lourd (un plasma de deutérium et de tritium) jusqu'à 100 millions de degrés", pour que les noyaux d'atomes fusionnent, en dégageant une énergie colossale, rappellent ces scientifiques.
     Mais cela implique, écrivent-ils, de "surmonter trois difficultés majeures: maintenir le plasma à l'intérieur de l'enceinte, produire du tritium en quantités industrielles et inventer des matériaux pour enfermer ce plasma".
     Or, "c'est seulement à partir de 2019 qu'Iter doit commencer à étudier la première de ces difficultés", et la troisième semble "la plus redoutable". Pour ces scientifiques, on est donc "loin de la mise au point d'un prototype de centrale électrique" et de "l'avènement d'une nouvelle filière de production d'énergie".
     Ils estiment donc qu'au "lieu d'investir dans Iter, la communauté internationale et surtout l'Europe feraient mieux de reconstruire" une centrale nucléaire de quatrième génération, "afin d'améliorer ce que Superphénix nous a déjà appris".
     Les réacteurs nucléaires de quatrième génération, encore au stade de la recherche, pourraient transformer les déchets actuels en combustible et fournir "ainsi une énergie propre pour au moins cinq mille ans", assurent ces scientifiques. (NdW: !?!?)
I/ http://www.lesechos.fr/
16/06/10 - Les Echos

     L'Union européenne, principal partenaire du programme de recherche sur la fusion thermonucléaire, n'est pas prête à signer le document de base qui l'engage.
     L'Europe veut d'abord obtenir des Etats membres leur adhésion à long terme. Mais le temps presse: lassé de ces délibérations infructueuses, Washington pourrait réduire son financement à Iter.
PAUL MOLGA, Les Echos

DE NOTRE CORRESPONDANT A MARSEILLE.
     Mauvaise nouvelle pour Iter, ce programme de recherche sur la maîtrise de la fusion thermonucléaire, une technologie censée fournir à la planète une source d'énergie inépuisable et bon marché. Faute d'avoir trouvé un accord sur son financement à long terme, la Commission européenne doit annoncer ce matin qu'elle ne sera pas prête à signer le document qui doit définitivement mettre le projet sur les rails. Ses sept partenaires (Russie, Japon, Etats-Unis, Chine, Corée du Sud, Inde et Suisse) réunis aujourd'hui en Chine sont à cran: en novembre, lors du cinquième conseil d'Iter, l'Europe, pourtant principal contributeur, avait déjà contesté le planning qu'elle estimait trop serré et techniquement trop risqué.
     Ce nouveau report pourrait ouvrir une crise diplomatique. «Iter est parmi les sujets les plus chauds du moment pour la Commission européenne, confie un proche du dossier. A cause de ses enjeux en termes de sécurité de l'approvisionnement énergétique mondial, de lutte contre le changement climatique et d'investissement, son statut n'est plus seulement scientifique. C'est désormais un projet politique où le jeu de la diplomatie tient un rôle aussi important que le résultat des équations de recherche
     Ces dernières semaines, les éclats de voix et recadrages en ont fourni une retentissante démonstration. Le coup est parti du groupe Europe Ecologie, qui a dénoncé «un mirage scientifique devenu un scandale financier», faisant référence au quasi-triplement du budget européen nécessaire, passé de 2,7 milliards à 7,2 milliards € entre la première estimation en 2001 et le devis définitif confirmé fin mars.
     Pour tenter de ramener le calme, la présidence européenne espagnole a créé une commission d'urgence qui s'est déjà réunie deux fois, le 3 et le 8 juin, sans pouvoir mettre d'accord les Etats membres. «C'est un bras de fer», témoigne un observateur. Le comité de gestion d'Iter donne 5 droits de vote sur 70 à la Commission européenne, à parité avec la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni. L'unanimité est requise pour toutes les décisions.
     La commissaire chargée de la recherche, Máire Geoghegan-Quinn, a posé ses conditions lors du Conseil des ministres européens du 26 mai, en exhortant les Etats membres à «mettre Iter sur une base viable et durable pour la durée de la vie du projet». Autrement dit: l'engagement financier des Vingt-Sept jusqu'en 2040 est un préalable indispensable pour sortir le programme de l'impasse budgétaire.
     Deux rendez-vous
     «Bruxelles ne libérera l'enveloppe [1,4 milliard € pour engager le gros du chantier en 2012 et 2013] qu'à cette condition, insiste le porte-parole de la commissaire en charge du dossier. On ne peut pas s'engager si on n'en a pas les financements. Il y va de la pérennité de ce projet, dont l'Europe assure 45% du coût total
     Les Vingt-Sept plieront-ils? La commission d'urgence s'est encore donné deux rendez-vous (les 21 et 25 juin) pour tenter de mettre tout le monde d'accord avant la fin de la présidence espagnole et les délibérations budgétaires des autres partenaires internationaux d'Iter. Le temps presse: lassée de ces délibérations infructueuses, l'administration Obama a prévu de réduire de 40% son financement à Iter dans son projet de loi de 2011 et d'autres pourraient suivre le même chemin. D'où l'empressement de la Commission, qui souhaite que soit convoqué un nouveau conseil Iter avant la fin de juillet.

suite:
     «Nous sommes confiants», assure-t-on dans l'entourage de Máire Geoghegan-Quinn rappelant l'unanimité obtenue en faveur du projet. Ses deux autres piliers ne font en effet plus débat: les scientifiques sont d'accord pour considérer qu'un plasma d'énergie de plus de 400 secondes dans l'anneau magnétique prouvera la faisabilité industrielle de la fusion.
     Le planning a également été approuvé: premier plasma «à blanc» en 2019, puis premiers tests avec les combustibles (deutérium et tritium) en 2026. L'objectif sera de produire 10 fois plus d'énergie que celle nécessaire au démarrage. Une analogie de circonstance avec la situation actuelle.

Une gabegie, selon les Verts
     Les Verts sont parmi les plus remontés contre le projet Iter.
     «La Commission demande l'impensable, avait estimé au début du mois le député Yannick Jadot. Elle veut que les citoyens européens paient ce dépassement budgétaire malgré la crise sociale, les plans d'austérité et la pénurie des financements publics. Il faudra alors soit rogner sur d'autres dépenses européennes, soit que les pays européens remettent de l'argent au pot. Pour la France, qui est le principal contributeur européen en tant que pays hôte du site, une rallonge de 800 millions € viendrait s'ajouter aux 500 millions déjà promis. Il faut mettre fin à cette gabegie et suspendre le projet
     «Il est temps de réfléchir à sa pertinence à la lumière des avancées technologiques dans les énergies renouvelables comme le solaire concentré ou encore l'éolien offshore, renchérit une autre eurodéputée Verte. Avec Iter, on parie sur une technologie dont on ne sait même pas si elle fonctionnera un jour


Financement européen en suspens, réunion extraordinaire en juillet

PEKIN (AFP)

     Le conseil d'Iter, réuni mercredi et jeudi à Suzhou, dans l'est de la Chine, a avalisé la nomination de son nouveau directeur, le physicien japonais Osamu Motojima, sans régler la question des surcoûts du projet de réacteur à fusion thermonucléaire, a-t-on appris auprès d'un délégué européen.
     Les sept partenaires du projet international ont décidé de se retrouver "pour une réunion extraordinaire les 27 et 28 juillet à Cadarache" (sud de la France) avec l'espoir qu'une réponse serait apportée à la question en suspens des financements européens, a indiqué Bernard Bigot, un des quatre Européens du conseil, représentant la France, Etat hôte du futur réacteur.
     Dans l'intervalle, le projet continue d'avancer et "sort de la première phase de conception pour rentrer dans la phase de construction, avec un accord désormais sur le calendrier de réalisation", s'est félicité le responsable.
     Le conseil d'Iter a donc "acté le changement de direction" et l'arrivée du Pr Osamu Motojima "ayant déjà fait une grande réalisation au Japon", qui remplacera son compatriote Kaname Ikeda, un ancient diplomate et ingénieur nucléaire.
     Le projet Iter qui réunit la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les Etats-Unis, vise à faire de la fusion thermonucléaire une source d'énergie illimitée et plus propre que la fission de noyaux d'atomes lourds des centrales nucléaires actuelles.
     Mais le coût estimé du réacteur a explosé avec la part prévue pour les Européens entre 2007 et 2020 passée de quelque 3,5 milliards € selon les estimations de 2006 à 7,2 milliards aujourd'hui.
     "Il ne reste qu'une question: comment les Européens vont-ils s'organiser pour remplir leurs engagements et notamment couvrir la dépense nouvelle? (A Suzhou), l'Europe a expliqué à ses partenaires pourquoi elle ne pouvait pas aujourd'hui prendre d'engagement et une réunion extraordinaire a été programmée les 27 et 28 juillet à Cadarache", a dit Bernard Bigot.


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Réacteur Iter: l'UE à la recherche de fonds européens pour financer le surcoût