Jusqu'alors, les estimations des
conséquences de la hausse du niveau des mers, consécutive
au changement climatique, restaient assez vagues. On traçait la
ligne de côte en retrait, un calcul approximatif du nombre de gens
concernés - des millions - et basta. D'où l'intérêt
de cette étude qui a pris le problème par un autre bout,
plus précis. Celui des 136 villes importantes de bord de mer menacées
par ce phénomène. Avec un calcul du nombre de personnes qui
y résideront en 2070 et du patrimoine exposé.
100% de risque L'autre originalité fut de ne pas se contenter du niveau moyen des mers prévu par les océanographes, dont la hausse est provoquée par la dilatation thermique de sa couche de surface et par la fonte des glaciers. Les auteurs de l'étude ont préféré se pencher sur les conséquences d'une tempête centennale - survenant statistiquement une fois par siècle. Sauf que cela signifie également presque 100% de risque qu'au moins une de ces villes soit touchée sur cinq ans. Sous les tropiques, il s'agit bien sûr d'événements provoqués par des cyclones dont l'intensité et le nombre pourraient croître avec le changement climatique. Mais ils ont également tenu compte des mouvements de terrains locaux, d'origine naturelle ou dus à l'homme, par exemple le pompage des eaux souterraines qui fait s'affaisser les terres. Une démarche au demeurant classique lorsqu'ingénieurs et responsables politiques se demandent à quel niveau construire une digue de protection contre l'inondation fluviale ou la marée. Le résultat fait frémir D'abord par le nombre de personnes exposées. L'évolution démographique prévisible de ces centres urbains, en expansion dans les pays en développement, le situe aux alentours de 150 millions de victimes, contre 50 millions aujourd'hui. |
On est loin, très loin des exemples
populaires, abondamment utilisés par les ONG, des quelques milliers
d'îliens du Pacifique… Ensuite par les dégâts économiques
possibles. Même si le calcul est hautement discutable, il est logique
que ces grandes villes, toutes industrielles, portuaires, représentent
un potentiel économique - et donc de destruction de capital - important.
Pas moins de 9% du PIB mondial prévisibles en 2070 écrivent
les économistes de l'OCDE.
Faut-il craindre la réalisation de ce risque? Répondre par la négative de manière assurée suppose un pari: que les gouvernements concernés prennent à temps les décisions permettant de construire les protections nécessaires. Un problème moins technique - les ingénieurs savent faire - que politique et financier. Les ingénieurs américains savaient comment protéger La Nouvelle-Orléans d'un cyclone. Les Etats-Unis sont un pays très riche. Et pourtant, la survenue de Katrina s'est terminée en tragédie: plus de 1.200 morts, 500.000 personnes évacuées, 80% de la ville inondée. Exemple isolé? En 1953, les digues des Pays-Bas lâchent devant une tempête: 1.800 morts. La leçon est rude. Il n'est pas facile, même pour un pays riche, de prendre la décision d'investir lourdement dans la protection contre un risque naturel énorme, mais à faible probabilité d'occurrence. Prévisible Et, une fois la décision prise, il faut des décennies pour que les ouvrages bâtis soient opérationnels, pas moins de trente ans pour la barrière sur la Tamise ou les digues néerlandaises. Aujourd'hui, les Pays-Bas se demandent si l'énorme appareil de protection sera construit suffisamment tôt en raison de la hausse prévisible du niveau marin. Mais qu'en sera-t-il au Bangladesh, au Vietnam, au Nigeria et en Inde, où le déficit de moyens financiers rend la prise de décision encore plus délicate? |