Le phénomène vient d'être
mesuré par Eric Rignot, du Jet Propulsion Laboratory de Pasadena
(Californie), et par Pannir Kanagaratnam, du centre de télésurveillance
des calottes polaires de l'université du Kansas. Publiées
dans la revue Science, ces observations ont été présentées,
jeudi 16 février, pour l'ouverture du congrès annuel de l'Association
américaine pour l'avancement des sciences (AAAS), qui se tient jusqu'au
20 février à Saint Louis (Missouri).
Des mesures radar, aériennes et satellitaires, conduites en 1996, en 2000 et en 2005, montrent que le déficit en glace de la calotte groenlandaise a plus que doublé au cours de cette période. Elle est passée de 90 à 220 km3 par an. Pour Eric Rignot, cette perte est due, pour les deux tiers, à un changement de comportement des glaciers. "C'est un peu comme si des barrages étaient en train de lâcher", résume le chercheur français. CONSÉQUENCES DU RÉCHAUFFEMENT
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Les conséquences sur l'élévation
du niveau des mers sont encore minimes. On estime que si la calotte groenlandaise
fondait intégralement, l'eau monterait de 7 mètres. L'apport
annuel mesuré par Eric Rignot et par son collègue montre
que sa contribution actuelle est de l'ordre de 0,6 millimètre par
an. C'est trois fois plus que les estimations faites il y a dix ans. "Le
Groenland contribuera plus, et plus rapidement, à la hausse des
niveaux des mers que ce que les modèles prédisaient",
insiste M. Rignot. Il faut donc relativiser les mesures plus rassurantes
publiées ces derniers mois (Le Monde du 24 octobre 2005)
suggérant une accumulation de la glace à l'intérieur
du Groenland sous l'effet d'une augmentation des précipitations.
Ce nouveau régime neigeux ne compense pas, semble-t-il, le changement
d'écoulement des glaciers.
La découverte de l'influence prédominante de leur comportement sur l'évolution globale de la calotte groenlandaise pourrait conduire à réévaluer les modèles numériques utilisés par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC, IPCC en anglais), qui ne tiennent pas compte de ce type de mécanisme. Le GIEC prépare pour 2007 un rapport dressant divers scénarios sur les conséquences du réchauffement. "Ces nouvelles observations vont sans doute élargir le spectre des prédictions", avance M. Rignot qui, bien que membre du GIEC, les juge très prudentes (entre 9 et 88 cm d'élévation du niveau des mers d'ici à 2100). D'autant que le phénomène observé au Groenland est aussi à l'oeuvre en Antarctique, "dont la perte de masse est presque équivalente", selon le chercheur. De plus, les glaciers ne sont pas seulement en péril sur les calottes polaires. Leur retrait est général. Ils fondent dans l'Himalaya, château d'eau de l'Asie, où l'approvisionnement de 2,5 milliards de personnes est en jeu. Et sont tout aussi menacés dans les Andes et en Patagonie, où l'on redoute glissements de terrain et coulées de boue catastrophiques. Hervé Morin
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