Réunis à Lisbonne
les 31 août et 1er septembre derniers, les ministres de l’environnement
des États membres européens ont abordé la question
cruciale des pénuries d'eau et de la sécheresse, en liaison
avec le changement climatique. Le constat est clair : le manque d’eau et
les sécheresses sont des problèmes qui ont des incidences
socio-économiques et environnementales spécifiques sur la
population et sur de nombreux secteurs comme l'agriculture, le tourisme,
l'industrie, l'énergie ou encore les transports. Ils sont les plus
aigus dans les régions les plus sèches du monde et dans les
pays en voie de développement, mais les pays développés
doivent également faire face à cette menace à un niveau
différent. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux mais
leur occurrence a augmenté ces dernières années, à
la fois en intensité et en fréquence, en Europe et aux régions
voisines. Rappelons que 100 millions de personnes et un tiers du territoire
de l'Union européenne ont été touchés par la
grande canicule de 2003 pour un coût de 9 milliards d'euros.
La Commission européenne est bien convaincue que le déséquilibre à long terme résultant d'une demande en eau supérieure aux ressources disponibles n'est plus un phénomène isolé. Comme elle l'indique dans le livre vert sur l'adaptation au changement climatique présenté en juin 2007, elle s'attend à une aggravation de la situation en Europe si les températures continuent à augmenter et si aucune stratégie d'atténuation claire n'est adoptée. À l’occasion du Conseil, la Commission européenne a d’ailleurs présenté un rapport dans lequel elle démontre que l'utilisation rationnelle de l'eau pourrait progresser d'environ 40% grâce à certaines améliorations technologiques et que ce pourcentage pourrait être encore plus important si l'on parvient à modifier les comportements des consommateurs ou les schémas de production. Si aucun changement n'est apporté, on estime que la consommation d'eau par les ménages, l'industrie et l'agriculture devrait augmenter de 16% d'ici à 2030. En revanche, en utilisant des technologies permettant d'économiser l'eau et en appliquant des mesures de gestion de l'irrigation dans les secteurs industriels et agricoles, les abus de consommation devraient diminuer de 43%. Plus globalement, le gaspillage de l'eau pourrait être réduit d'un tiers grâce à des mesures d'utilisation rationnelle de la ressource. |
Face à ce constat, les ministres ont
demandé à la Commission européenne d'étudier
les moyens de renforcer la capacité de prévention, de réaction
et d'aide de l'UE. Le temps est venu pour l'action, a indiqué Jean-Louis
BORLOO, Ministre d'État, Ministre de l'Écologie, du Développement
et de l'Aménagement durables. Il faut économiser l'eau, lui
trouver un juste prix et organiser la solidarité entre Etats membres,
a ajouté le ministre avant de lister une série de bonnes
pratiques : mise en place de compteurs d'eau systématiques chez
les exploitants agricoles en France, équipement des bâtiments
pour collecter et recycler l'eau de pluie, réutilisation des eaux
des lave-linges pour l'arrosage…
Dans la communication sur la rareté de l'eau et sur la sécheresse adoptée en juillet 2007, la Commission a défini une première série d'options stratégiques à mettre en œuvre aux niveaux européen, national et régional afin de lutter contre la pénurie en eau dans l'Union. Selon elle, la fixation du juste prix de l'eau est au cœur des options stratégiques et le principe «pollueur-payeur» doit devenir la règle, quelle que soit la provenance de l'eau. La Commission estime également qu’il y a lieu d'envisager une répartition adéquate de l'eau entre les secteurs économiques ainsi que l'intégration des économies d'eau dans toutes les décisions stratégiques. Une tarification efficace de l'eau, des mesures rentables, la durabilité des ressources en eau et l'utilisation durable des sols doivent être intégrées dans l'élaboration des politiques dans des secteurs tels que l'agriculture et le tourisme où toutes les activités sont adaptées à la quantité d'eau disponible au niveau local. Par ailleurs, les ministres ont bien accueilli la proposition de la Commission d’inclure la gestion de la rareté de l’eau dans la prochaine politique agricole. Les ministres ont également insisté sur la nécessaire coordination frontalière dans le cadre des plans de gestion de la sécheresse pour les bassins versants à cheval sur plusieurs états membres. Enfin, les ministres ont appuyé l’idée d’installer un observatoire européen de la sécheresse qui permettrait d’augmenter et diffuser la connaissance sur ce sujet. En France, l’Inspection générale de l’environnement (IGE) vient de publier une série de préconisations concernant la mise en œuvre du plan national de gestion de la rareté de l’eau adopté en octobre 2005. Les auteurs du rapport rappellent en premier lieu que les déséquilibres entre ressources et usages dans de nombreux bassins versants sont toujours importants et qu’ils ont un impact négatif sur l’atteinte du bon état écologique des eaux, objectif majeur de la directive-cadre sur l’eau, ce qui exposerait la France à de coûteux contentieux à moyen terme. Le rapport insiste donc sur la nécessité d’engager une démarche à l’échelle de chaque bassin-versant déficitaire. Il recommande plus globalement de réduire l’irrigation, de développer des systèmes d’exploitation moins consommateurs d’eau, d’accentuer les recherches sur les substituts au maïs comme le sorgho, l’augmentation des ressources par la construction de retenues, l’application de la réglementation et de mesures financières incitatives, la gestion optimale des eaux… |