LE MONDE | 17.11.07
Tamarasset, dans le Sahara algérien. Vue des formations montagneuses du Tassili des Ajjers. | AFP Oubliez les réacteurs nucléaires
en Lybie: l'avenir de l'énergie dans les pays du sud de la Méditerranée
n'est pas l'atome, mais le soleil. Un groupe d'ingénieurs allemands
en a convaincu le gouvernement de Berlin et des partenaires du pourtour
de la mer. Leurs arguments progressent aussi à Bruxelles, où
deux parlementaires européens, Rebecca Harms et Anders Wikjman,
organisent un colloque le 28 novembre 2007 sur un des projets technologiques
les plus ambitieux de l'époque.
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"L'idée de TREC tient la route,
renchérit Alain Ferrière, spécialiste de l'énergie
solaire au CNRS. Elle table sur le fait que l'on a besoin de développer
la technologie pour en faire baisser le coût." Pour l'instant,
en effet, les centrales solaires se comptent sur les doigts de la main,
en Espagne, aux Etats-Unis, ou en Allemagne. De plus, elles s'installent
souvent sur des zones agricoles ou végétales, ce qui, d'un
point de vue environnemental, n'est guère satisfaisant. La centrale
de 40 MW de Brandis, en Allemagne, couvrira ainsi de panneaux solaires
110 hectares de bonne terre. Dans le désert, ce gaspillage d'espace
est moins préoccupant. D'où l'intérêt croissant
porté au concept de TREC par plusieurs compagnies d'électricité
en Egypte et au Maroc. Et, plus encore, en Algérie.
Détenteur d'un des potentiels solaires les plus importants de tout le bassin méditerranéen, ce pays a annoncé, en juin, un plan de développement assorti d'un calendrier, qui devrait être mis en oeuvre par la compagnie NEAL (New Energy Algeria). Le 3 novembre 2007, l'acte fondateur du projet a été effectué par le ministre de l'énergie Chakib Khalil, qui a posé la première pierre d'une installation hybride, comprenant une centrale à gaz de 150 MW et une centrale solaire de 30 MW, dans la zone gazière de Hassi R'mel (Sahara). Son ouverture est prévue pour 2010. Une première étape vers ce qui pourrait, une fois réduits les coûts de production, devenir à terme une installation majoritairement solaire. Le 13 novembre, une autre étape a été franchie: le PDG de NEAL, Toufik Hasni, a annoncé le lancement du projet d'une connexion électrique de 3.000 km entre Adrar, en Algérie, et Aix-la-Chapelle, en Allemagne. "C'est le début du réseau entre l'Europe et le Maghreb. Il transportera de l'électricité qui, à terme, sera solaire à 80%", affirme M. Hasni, interrogé par Le Monde. L'Europe s'étant fixé un objectif de 20% d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2020, cette perspective pourrait intervenir à point nommé. Les financements de la connexion Adrar - Aix-la-Chapelle restent cependant à boucler. Comme restent à aborder les conséquences négatives que pourrait avoir sur le paysage la création d'un réseau à haute tension entre le Maghreb et l'Europe. Côté positif, le recours au soleil pourrait en retour contribuer à résoudre certains problèmes lancinants des pays arabes. Un volet du projet TREC envisage ainsi une centrale solaire dans le désert du Sinaï pour alimenter la bande de Gaza, qui manque cruellement d'électricité. Un autre imagine d'installer au Yémen une centrale permettant de dessaler l'eau de mer : une urgence pour la capitale, Sanaa, qui sera confrontée à l'épuisement de ses réserves d'eau souterraine d'ici quinze ans. Plus globalement, le développement de l'énergie solaire, soulignent ses promoteurs, pourrait servir la cause de la paix en devenant un substitut crédible à l'énergie nucléaire. Celle-ci, comme le montre le cas iranien, pouvant toujours favoriser un développement militaire. Hervé Kempf
LES PROMESSES DU SOLEIL
- Deux techniques permettent de produire de l'électricité à partir du soleil. La première, photovoltaïque, convertit directement la lumière en électricité. Elle est adaptée aux toits des maisons, mais non à une production importante. La seconde, thermique, utilise l'énergie solaire pour chauffer de l'eau. Elle permet de monter des centrales de bonne puissance (jusqu'à 100 MW), mais requiert une surface au sol importante (environ 2 hectares par MW). - L'énergie solaire représente, actuellement, 0,04% de la consommation mondiale d'électricité. Selon les promoteurs du projet TREC, près de 25% de l'électricité européenne pourrait être fournie en 2050 par 19.000 km2 de Sahara : soit environ 1 millième de sa superficie globale. |