Il y a beaucoup de bruit dans
la presse ces jours-ci à propos d'un projet à 400 milliards
€ visant à alimenter l'Allemagne (voir une partie de l'Europe)
avec de l'électricité solaire nord-africaine: DESERTEC.
A ce stade, une entreprise allemande, Munich RE, a émis le désir d'inviter (d'ailleurs sans l'accord de la fondation DESERTEC dont les responsables se sont fachés avec Munich RE à propos de la paternité de l'initiative...) d'autres entreprises allemandes le 13 juillet à Munich pour discuter du projet DESERTEC. A lire la presse, on a l'impression que 20 grands groupes allemands ont décidé d'investir 400 milliards € (!) dans le projet DESERTEC, ce qui est faux. En 2007, le concept DESERTEC ("Clean power from deserts") proposé par la TREC (branche allemande du Club de Rome) m'a beaucoup séduit. Savoir qu' 1% de la surface du Sahara en centrale solaire suffit pour répondre à la totalité de la demande électrique mondiale a un coté rassurant en enthousiasmant. Et le solaire à concentration a un coté un peu magique, la concentration des rayons solaires, c'est vraiment très beau. C'est même aveuglant. J'ai alors rejoint la branche anglaise du réseau, TREC-UK, branche très active (http://www.trec-uk.org.uk/ ). J'ai aussi contacté mi-2007 plusieurs députés et sénateurs français pour leur faire part du concept DESERTEC. Puis, via mon blog Objectif Terre, plusieurs personnes m'ont contacté et m'indiquaient regretter l'absence d'antenne TREC/DESERTEC en France. Depuis le Mexique où je réside, j'ai donc décidé début 2008, après en avoir discuté avec M. Knies (le père du concept DESERTEC), de fonder une antenne en France, baptisée TREC-France. J'ai lancé un appel depuis ObjectifTerre. Une soixantaine de personnes ont rejoint le réseau TREC-France: ingénieurs, chercheurs (CNRS, CEA, BRGM etc.), chefs d'entreprise, responsables stratégiques pour de grands groupes industriels, spécialistes du milieu bancaire, journalistes, enseignants, etc. Juillet 2008, ayant approfondi personnellement la réflexion à propos du projet DESERTEC, un certain nombres de points me posaient problèmes. Je contacte alors M. Knies pour lui faire part de ces points. J'indique notamment à M. Knies que 594 millions d'africains n'ont pas accès à l'électricité, dont 47 millions en Afrique du nord et je propose que soit mise en place une clause visant à ce que l'électricité produite par les centrales solaires nord-africaines alimente en priorité les africains, au lieu de partir vers l'Europe. J'indique à M. Knies (et également aux coordinateurs des branches TREC-UK et TREC-Pays-Bas) qu'il faut prendre garde à ce que le projet DESERTEC ne soit pas perçu comme un projet néo-colonialiste par les populations africaines. M. Knies me répond "Il faut laisser faire le marché". Je lui répond: "Si on laisse faire le marché, il est évident que toute l'électricité solaire partira vers l'Europe car les africains n'ont pas les moyens d'acheter le kWh à plus de 20 centimes €." Je lui indique qu'à mon avis, un problème d'ordre éthique se pose. M. Knies ne tient pas compte de mes propositions et je décide donc, en toute logique et en bons termes avec M. Knies, de quitter le réseau TREC-France que j'avais fondé (ceci tout en poursuivant les échanges réguliers d'informations et de réflexions avec les membres du réseau international TREC, notamment avec ceux des antennes hollandaise, anglaise, allemande et indienne) laissant le soin à ceux qui voulaient continuer l'aventure TREC-France de prendre la relève (personne n'a pris la relève depuis). M. Knies m'a dit regretter ce changement de position de ma part, mais il était hors de question pour moi de soutenir un projet qui vise à alimenter avec de l'électricité africaine les européens ceci alors que les 3/4 des africains n'ont pas accès à l'électricité. Un système d'aide directe (aides de l'UE, des USA etc.) et bénéficiant en premier lieu aux plus pauvres me semble de loin préfèrable (du type de l'initiative Energizing Africa proposée par Jean-Louis Borloo, voir plus bas). J'ai alors créé un autre réseau de réflexion indépendant, Repower-Europe (inspiré de l'initiative Repower America et de Clean Energy 2030, et basé sur une base géopolitique claire: l'union européenne); plus de la moitié des membres de l'ex-réseau TREC-France (les membres les plus actifs) ont rejoint ce nouveau réseau. Nous avons notamment entammé, au sein de ce réseau, une réflexion sur l'énergie à l'échelle de l'Union africaine en mettant l'accent sur les projets décentralisés (micro-éolien, micro-solaire à concentration, géothermie, micro-hydraulique au fil de l'eau etc.) pouvant bénéficier aux populations les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique (notamment en Afrique sub-sahérienne). Je continue, depuis juillet 2008 et à ma petite échelle, à faire pression pour que le projet DESERTEC englobe toute l'Union africaine et fixe comme priorité l'alimentation en électricité des populations les plus pauvres. Il vaut mieux acheter les fruits produits localement, pas ceux produits à des milliers de kilomètres. Idem pour l'électricité. Quelques réflexions additionnelles:
- La France a proposé une initiative à mon sens très
pertinente pour l'Afrique:
(suite)
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suite:
"Faisons enfin le geste le plus évident, organisons l'autonomie en énergie renouvelable de l'Afrique. Moins d'un quart des Africains ont accès à l'énergie, cela a des conséquences catastrophiques en matière de déforestation (...)" a souligné Jean-Louis Borloo, ajoutant qu'une décision concrète pourrait intervenir au cours du sommet mondial sur le climat de Copenhague en décembre. Selon le ministre français, un tel plan devrait coûter entre 300 et 400 milliards de dollars sur 20 ans (...)" - AFP Cette initiative française sera présenté au sommet de Copenhage (COP15) en décembre. Elle mérite à mon sens d'être largement soutenue. - L'Europe n'a pas besoin d'importer de l'électricité d'Afrique du nord: par exemple, pour avoir un ordre d'idée du potentiel, un parc éolien équivalent au tiers de la surface de la mer Baltique est suffisant pour répondre à la totalité de la demande électrique européenne (sans parler de la mer du Nord, de la Manche, de la façade Atlantique et de la Méditerannée); et sans parler de la géothermie, des énergies de la mer, du photovoltaïque et du solaire thermodynamique sud-européen). Le problème de l'intermittence de la ressource éolienne est complètement résolu avec le pompage/turbinage maritime (île-énergie; voir ce document de F. Lempérière, polytechnicien expert des énergies renouvelables et en particulier de l'hydroélectricité et des énergies marines : http://www.hydrocoop.org/cinq_fois.doc). Cette solution éolien offshore + stockage par pompage turbinage est meilleur marché que l'importation d'électricité solaire nord-africaine. Le projet SpiritOfIreland s'inscrit dans cette perspective: http://www.spiritofireland.org/ Coût du kWh des différentes énergies: Les coûts indiqués (levelized cost of electricity generation) sont indiqués en dollars américains. Réactions: - Energie solaire en Afrique... pour l’Europe - Le projet Desertec
de grandes centrales solaires dans le Sahara va être annoncé
le 13 juillet. Mais ce projet vise à alimenter l’Europe en énergie,
alors que l’Afrique manque cruellement d’électricité (...)
Nous estimons qu’il ne serait pas moralement acceptable s’il n’impliquait
pas la fourniture simultanée d’une part notable de l’électricité
produite aux populations subsahariennes (...)
- Point de vue de SolarWorld (http://www.solarworld.de/):
"Baut man die Solarkraftwerke in politisch instabilen Ländern,
bringt man sich in die gleiche Abhängigkeit wie beim Öl"
- Point de vue d'EuroSolar: "Pourquoi aller
chercher loin quand on a ce qu'il faut à la maison? -
DESERTEC: Warum in die Ferne schweifen, wenn das Gute liegt so nah (...)
Mit den neuen Stromspeichertechniken, die für die Informationstechnologie
und für die Elektroantriebe entwickelt und produziert werden, wird
sich das Speicherproblem von Solar- und Windstrom effizient und kostengünstig
von selbst klären. Mit anderen Worten: Bis zu dem Zeitpunkt, zu
dem Solarstrom aus Nordafrika zu den von DESERTEC versprochenen Preisen
geliefert werden kann (also frühestens 2020), wird die Solar- und
Windstromerzeugung hierzulande deutlich preisgünstiger sein (...)
- Témoignage d'un ami journaliste belge: "J'avais réalisé une interview de Pierre Papon qui a démonté le projet DESERTEC en disant notamment que, honnêtement, si on construisait ce genre de truc en afrique, ce serait d'abord pour les africains" [ Pierre Papon a été directeur général du CNRS de 1982 à 1986 et président directeur général dede l'IFREMER de 1989 à 1995, il est président de l'Observatoire des sciences et des techniques depuis 1990 et préside depuis 2007 le Forum Engelberg qui réunit des conférences sur les questions de science, de technologie, d'économie et d'éthique.] - Un étudiant en Master Sciences Po Paris qui réalise un mémoire sur ces questions et qui a interrogé un haut fonctionnaire du Ministère du développement durable m'a dit que ce dernier lui a déclaré: "DESERTEC, dans sa forme actuelle, est un projet néo-colonialiste" - Un responsable stratégique d'un grand groupe industriel français m'a indiqué: "Il ne faut pas aller semer des graines en Afrique avec à l'esprit de récolter les fruits pour les européens". - Mail que j'ai reçu le 20 juin 2009 de la part d'un citoyen de nationalité malienne, résidant en France et responsable d'une association africaine: "Bonjour, Arte infos a dévoilé la sémaine dernière le projet DESERTEC,qui m'a scandalisé en tant qu'Africain. Ce projet ne sert que l'Europe au mépris des besoins énergétiques des Africains. Merci pour votre action solidaire qui me va droit au coeur. Nous allons organiser une mobilisation autour de cette question." - Message d'un internaute (Mercinico): "Ça y est, on y arrive,
l'appropriation par les multinationales du symbole de autonomie, voire
de l'autogestion. L'anti-thèse de ce que devrait representer la
consommation d'énergie responsable avec une production locale avec
le moins d'impact sur l'environnement"
- Quel Plan Solaire Méditerranéen pour les pauvres?
Populations sans accès à l'électricité: Eau douce: |