PARIS (AFP) - La consommation mondiale
de pétrole est "insoutenable" pour la planète, aussi mieux
vaut la réduire avant de subir de plein fouet une flambée
des prix et un climat détraqué: tel est le verdict d'un expert
français, qui suggère de multiplier par trois le prix du
carburant.
Jamais le monde n'a été aussi dépendant d'une seule source d'énergie et jamais il n'a autant consommé (1,5 tonne/an par terrien, mais 4 tonnes par Européen), explique Jean-Marc Jancovici, consultant sur les problématiques climat/énergie auprès de l'Etat français et de grandes entreprises. Son credo, qu'il détaille dans "Le Plein, s'il vous plaît. La solution au problème de l'énergie", avec Alain Grandjean: "l'ère du pétrole bon marché est terminée et nous devons tout faire pour réclamer une énergie chère". Attendre l'inévitable prochain choc pétrolier lié à la diminution de la production, d'ici 2020 ou 2030 selon les opérateurs, exposera les sociétés au chaos et à une remise en cause profonde et subite de leurs fonctionnements, selon lui. Et d'ici là, l'humanité aura envoyé de telles quantités de gaz à effet de serre dans l'atmosphère qu'elle aura durablement perturbé le climat. "Même en cessant demain toute émission, il faudrait plusieurs milliers d'années avant de revenir au niveau de 1850", rappelle Jancovici. L'humanité a consommé autant de pétrole entre 1980 et 2000, qu'entre 1859 et 1980. "Tout ce qui fonde aujourd'hui les capacités d'adaptation de l'espèce humaine nécessite une énergie abondante", commente-t-il: chaud et froid à volonté, production industrielle et agricole, transports pour les acheminer vers les consommateurs, ainsi que les secours et aides en cas de catastrophes. La solution? Réduire la consommation d'urgence, donc faire payer l'énergie au prix fort en multipliant par trois sur 15 ans la taxe sur les produits pétroliers. A l'arrivée, un litre d'essence vaudra 3€ en 2020. Un juste prix, estime l'auteur. |
"Jamais l'énergie n'a été
aussi bon marché. Au prix du smic et à 1 €/litre d'essence,
chaque Européen dispose de l'équivalent de 100 domestiques
en
permanence à son service", remarque-t-il. Quant au miracle énergétique qui autoriserait la fuite en avant en changeant juste de piles - nucléaire, éolien, solaire...- il l'écarte: "Aucun scientifique ou ingénieur n'en a les plans: le miracle est possible avec 50 millions d'humains. Pas avec 9 milliards dans 20 ans". "Le pétrole restera longtemps irremplaçable pour la pétrochimie... pour le reste, il faudra bien progressivement apprendre à s'en passer: le remplacer ou s'en priver!" appuie Bertrand Barré, président du Conseil international des entreprises nucléaires. Frappé, face à ces perspectives, par l'apathie de la classe politique, Jancovici assure que les milieux économiques réagissent favorablement à sa proposition: "il est plus facile de trouver des partisans dans les milieux économiques que chez les particuliers!" Selon un sondage commandé par la Commission européenne, qui planche la semaine prochaine sur l'avenir énergétique de l'Union, les citoyens des 25 pays membres ne sont pas disposés (62%) à payer plus pour l'énergie, mais reconnaissent à 53% qu'à 2€ le litre, ils prendraient moins leur voiture. A méditer avant de jeter l'ouvrage au feu: "Il n'est pas normal qu'un liquide que la nature a mis des dizaines de milliers d'années à fabriquer, qui n'est pas renouvelable, qui commencera à manquer dans 10 ou 20 ans et détraque le climat vaille moins cher que le travail humain en Occident". ("Le Plein s'il vous plaît", Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, Le Seuil) |