J'ai fait mes études de technicien mécanicien à Bruxelles (en flamand) et d'ingénieur électricien en Suisse avec un Master en science et technologie de líénergie à l' EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne). Après deux emplois dans des entreprises privées (dont Festo Pneumatic), j'ai travaillé 3 ans à l'Université Libre de Bruxelles ( ULB ) dans le laboratoire d'électrochimie du Prof. R. Winand. Ensuite, de 1984 à 1988, je suis venu une première fois au CERN pour le projet ACOL. Comme c'était un contrat "staff" non renouvelable, je suis ensuite retourné en Belgique travailler à l'ULB, avant d'être engagé au synchrotron à Grenoble (l' ESRF ). C'est finalement pour un rapprochement familial que depuis dix ans je travaille à nouveau au CERN dans la division EP via la société Bruun & Sorensen ... Enfin, je suis aussi occasionnellement guide officiel au CERN car cíest toujours (re)motivant díexpliquer aux visiteurs les tenants et les aboutissants du Laboratoire !
Le site Web du Club (Page d'accueil de toutes les énergies renouvelables ) montre qu'on ne fait pas que de l'électricité avec le soleil et qu'il est impossible de "faire l'impasse" sur la problématique énergétique globale. Les questions énergétiques et ses implications environnementales ont sérieusement commencé à me travailler, comme beaucoup de gens díailleurs, avec le premier choc pétrolier en 1973 puis le naufrage de l'Amoco Cadiz sur les côtes bretonnes en 1978. Côté environnement, cette catastrophe míavait inspiré un dispositif rotatif d'écumage des hydrocarbures sur l'eau, mais qui à l'époque n'était resté qu'un dessin. Côté énergie, en 1980 je déposais un brevet et présentais au 9ème salon des inventions à Ö Genève le premier moteur thermo-pneumatique à récupération d'énergie de freinage et qui m'avait valu une médaille de bronze. Cíest seulement maintenant que des voitures à moteurs pneumatiques (air comprimé) commencent à être commercialisées.
Peux-tu nous parler de ton premier contact avec le Graviton?
En 1992 Franco Francia míavait interviewé au sujet de mon premier projet de valorisation de rejets thermiques autour du CERN et basé sur le chauffage à distance (projet "VERTCAD"). Je signale que C. Rubbia (Prix Nobel, alors Directeur Général de líOrganisation) avait, quant à lui, bien accueilli ma proposition et on a pu voir depuis combien il est sensible à la problématique énergétique avec son "amplificateur d'énergie"Ö En 1995 j'ai tenu compte des critiques de l'époque dans mon travail de maîtrise à l'EPFL, sur la "Correction saisonnière de la température du réseau d'eau potable du canton de Genève par la valorisation des rejets thermiques du CERN ".
Il semble que les prévisions dans ton rapport de maîtrise se confirment aujourdíhui?
Exactement et tout particulièrement avec ma proposition de déplacer líarrêt annuel des accélérateurs de particules de l'hiver vers l'été, de façon à disposer des rejets thermiques lorsqu'ils ont un potentiel de valorisation énergétique et pour éviter la surcharge thermodynamique d'un refroidissement estival des machines. Cíest principalement pour cette dernière raison quíil a tout récemment été décidé de déplacer líarrêt annuel du LHC de líhiver vers líété et ceci en dépit du coût plus élevé de líélectricité hivernale !
En 1998 j'avais fait aussi une autre proposition concernant un système de refroidissement par air comprimé pour les racks "front-end" électroniques dans les cavernes dí ATLAS et CMS ( Hydro-Pneumatic Cooling System). Il faut savoir qu'ici le champ magnétique de fuite de ces détecteurs sera tel que plus aucun ventilateur à moteur électrique conventionnel ne pourra tourner! Líabsence díune solution efficace obligerait de sortir des cavernes expérimentales une centaine de ces racks, ce qui est impensable!
Pourquoi as-tu proposé líOpération Galápagos au SOLAR Club et construit en un temps record une machine pour récupérer le mazout du naufrage du Jessica aux Galápagos ?
Avec le naufrage du pétrolier Jessica le 16 janvier dernier, le monde entier cíest soudainement souvenu que l'archipel des Galápagos est un sanctuaire unique qui recense près de 5'000 espèces animales, dont 40% n'existent que sur ces îles et qu'elles sont classées patrimoine de l'humanité par l'UNESCO. Même Charles Darwin en 1839 y avait trouvé líinspiration pour sa théorie de l'évolution des espèces!
Heureusement le volume relativement restreint des hydrocarbures libérés (1 million de litres), associé à des courants marins et des vents favorables, ont permis de limiter les dégâts de la marée noire à 5 îles importantes de líarchipel. Il semble qu'à ce jour aux Galápagos le danger immédiat soit écarté. Mais les conséquences à long terme sont plus difficiles à évaluer et pour cela une campagne d'observation est mise en place. Une première estimation du dommage causé par le naufrage est supérieure à 14 millions de $ US.
Excédé par cette nouvelle "catastrophe écologique" et par le spectacle pitoyable des pêcheurs couchés sur leurs barques ramassant le pétrole à la mainÖ je m'étais informé auprès des pompiers du CERN sur les techniques actuellement disponibles pour lutter contre les pollutions d'hydrocarbures sur l'eau. Apprenant qu'elles étaient relativement limitées, j'ai montré le dessin de principe de mon dispositif (imaginé en 1978). Encouragé par la réponse du pompier "... en tout cas votre idée n'est pas saugrenue ...", jíai proposé au SOLAR Club de construire cette machine dans le but précis de la mettre rapidement en úuvre au Galápagos ! Avec le Club, en particulier Jean Donnier et des personnes de l'atelier libre du CERN, on a alors construit cette machine durant les deux premières semaines de février (en dehors des heures officielles de travail mais W.E. compris).
Peux-tu nous donner des détails techniques de ta machine?
Son principe est simple. Elle est constituée de deux cylindres contrarotatifs montés parallèlement et formant aussi des flotteurs (diamètre 30 cm, longueur 2 m). La rotation motorisée des cylindres (par air comprimé pour une question de risque d'explosion) entraîne un film d'hydrocarbure. Le film adhérant sur les cylindres rotatifs est alors intercepté par un racleur qui le dévie dans un bac de récupération fixé au centre de la machine (80 litres) et qui est vidangé gravitairement et en permanence par une pompe immergée. Selon la viscosité des hydrocarbures, le débit de récupération est de 500 à 1000 litres par heure. L'ensemble en alliage díaluminium flotte sur l'eau (200 kg) et est protégé par un capot pour éviter que des vagues d'eau viennent tomber dans le bac de récupération.
As-tu eu líoccasion de líessayer ?
Nous líavons testé avec succès les mercredi 21 et lundi 26 février dans la caserne des pompiers du Laboratoire en présence des pompiers de Bellegarde, de personnes de la Commission TIS, ainsi que de représentants du Département de l'Environnement du Canton de Genève. Pour cela on a utilisé une cuve remplie de 400 litres díeau recouverte díun mélange díhuile et fuel léger similaire à ce qui avait été déversé par le Jessica. Un essai de comportement hydraulique (flottabilité, tangage, roulis, intrusion d'eau, etc.) a également eu lieu dans le Bassin de Rétention des Hydrocarbures au point 8 du CERN (zone DELPHI). Des personnes du TIS et de la division ST qui sont aussi en charge du contrôle et de l'élimination des remontés d'hydrocarbures du LEP ont manifesté leur intérêt pour utiliser ce procédé au CERN.
Tu as donné un nom àÖ líenfant ?
Tout à fait; après ce "baptême de l'eau" il ne restait plus qu'à donner à cette machine un joli nom évocateur. Symboliquement et en honneur de "l'ambassadrice des enfants", je lui ai alors donné le nom de "Dorothée"; en effet, si nous devons préserver líenvironnement cíest bien quelque part pour nos enfants !
Où en est maintenant l'Opération Galápagos ?
Pour organiser "l'opération Galápagos" et assurer le transport de "DOROTHEE" sur place, jíavais pris contact avec les autorités genevoises (DIAE, département de líenvironnement). Malgré un appel à l'aide internationale, líEquateur a décliné notre aide en affirmant que le danger immédiat est écarté et que la situation est "sous contrôle". Le jour de leur "volte-face", soit un mois après le naufrage, le "Jessica" perdait à nouveau 11'000 litres de mazout dans l'océan (le SYMBOLE a marqué le public mais on ne vit pas que de symbolesÖ).
Puisque l'urgence n'est plus de mise aux Galápagos, il est plus judicieux d'agir maintenant sur le long terme. Le risque demeure díun autre accident avec un pétrolier dans líarchipel, car le trafic continue pour alimenter les nombreux bateaux de tourisme (source principale de devises étrangères) et les groupes électrogènes pour la production d'électricité dans les îles. Il est important de noter que la population passe de 10'000 à 70'000 personnes (année 2000) avec les touristes et son impact est plus insidieux que le naufrage du "Jessica".
Aussi, ai-je suggéré de tester la machine dans les installations spécialisées du CEDRE situé à Brest en France (Centre de Documentation, de Recherche et d'Expérimentations sur les Pollutions Accidentelles des Eaux). Ensuite, après d'éventuelles modifications de "DOROTHEE" et líayant finalement financé personnellement, je pense la mettre à disposition du Parc National des Galápagos , ou de la CIPEL (Commission Internationale pour la Protection des Eaux du Léman).
Pour finir, as-tu d'autres projets?!
Plusieurs, mais le principal est le projet " CORSAIRE " qui reprend le concept de base de mon travail de maîtrise. Pour mémoire, il síagit uniquement de "déglacer" durant l'hiver le réseau public díeau potable à l'aide d'un échangeur de chaleur et des rejets thermiques industriels (usine díincinération, etc.). La force de ce concept est que líinfrastructure de distribution de cette énergie à toute la population existe déjà (le réseau public díeau potable). Sous notre latitude, avec un gain de 10ºC sur la température initiale de l'eau potable consommée durant toute la période de chauffage, le potentiel díéconomie par habitant est en chiffres ronds équivalent à 1000 kWh (mixte díénergie finale de fuel, gaz et électricité "de pointe" ). Ceci peut paraître faible mais rien que pour Genève (400í000 habitants) líéconomie globale représenterait néanmoins líéquivalent de 40í000 tonnes de mazout, la non-émission de 100í000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2) et 40 millions de francs suisses épargnés chaque année par la collectivité (~50 MF avec une future taxe sur le CO2 ) ! Actuellement je suis en pourparlers avec une entreprise danoise intéressée et qui pourrait financer les recherches complémentaires (bactériologie, études d'impacts sur les bâtiments, sur le réseau díeau, psychosociologie, etc.). Il faudra bien un jour remplir nos engagements pris à Kyoto!Ö
CONCLUSIONS
William van Sprolant
Même si "les gens ne bougent" que contraints et forcés, je reste optimiste car ils commencent à prendre conscience de l'effet "boomerang" de nos actions sur notre environnement, sur notre planète et écoutent maintenant ceux qui ont eu raisonÖ trop tôt, qui avertissaient que nous devions changer de comportement et principalement de consommation énergétique, afin de laisser la planète vivable pour nos enfants du 21ème siècle commençant.
Non, le « DEVELOPPEMENT DURABLE » ne signifie pas le retour vers la préhistoire!
Solar Club
Quelle énergie! Je pense que nos lecteurs seront maintenant convaincus que pour renverser les multiples barrières - financières, politiques, psychologiques, etc. - qui s'opposent encore à elles, les énergies renouvelables ont besoin d'énergiesÖ renouvelées et qu'en toi elles ont trouvé un excellentÖ ambassadeur!