Assurer son autonomie énergétique grâce au soleil, c’est le pari réussi d’un résident des Houches. Par son procédé innovant, son intégration dans l’environnement et sa puissance, cette centrale solaire est unique en France. Le point sur une expérience pilote pleine d’avenir.
Dans un coin de la montagne, bien éloigné
de Johannesburg et de la conférence sur ce sujet, un ancien ingénieur
physicien du Cern a choisi depuis longtemps d’adapter les principes du
développement durable. Ce concept qui repose (entre autres) sur
le recyclage et la pollution zéro, inclut naturellement le recours
aux énergies renouvelables qui, toutes, sont issues du soleil: incidence
directe pour la chaleur et la lumière (rayonnement), indirecte pour
la formation du vent (éoliennes), le cycle de l’eau (énergie
hydraulique), la croissance des végétaux par la photosynthèse
(énergie de la biomasse, notamment bois et biogaz).
Or, si l’existence de cette énergie est avérée,
son contrôle par l’homme ne fait que débuter. Jacques Dupin
le sait bien, lui qui a bataillé pendant plusieurs années
pour voir aboutir son projet. L'aventure, on le sait aujourd'hui, sera
couronnée de succès et même plus, puisque sa centrale
solaire, première du genre en France, fera désormais figure
de référence.
Pourtant, lorsqu'en 1979 il lance sa première
expérimentation, il est loin de se douter des difficultés
qui l'attendent. Car si à cette époque, on envisage volontiers
le captage de l’énergie solaire, le matériel adéquat
est difficilement trouvable; mais il finit par acquérir 17m2
de capteurs thermiques qui lui permettent d’engranger 6.000 kWh/an
et assurent sa production d’eau chaude stockée dans un réservoir
souterrain de 3.500 litres.
Mais si cet essai concluant le persuade d’aller
plius loin, il se heurte toujours au matériel: pour produire d’avantage
d’énergie, il lui faudrait augmenter considérablement le
nombre de capteurs, ce qui serait nuisible à l’esthétique.
Pour ce défenseur acharné de l’environnement, pas question
de dénaturer un lieu si propice à la réflexion et
au recueillement. Le hasard, par la voix du professeur Antoine Labeyrie,
ami de longue date, viendra (l'aider à) résoudre son problème.
Le futur académicien lui conseilIe d’installer 1m2 de
capteur photovoltaïque, récemment commercialisé, qui
permet d'accroître la production d’énergie sur une surface
plus réduite et donc, de limiter les nuisances visuelles. Jacques
Dupin installe ce panneau, et parallèlement, entreprend une campagne
de "mesures" (énergiques!) qui durera cinq ans. Cette étude
sera plus que concluante, puisque de 1982 à 1987, il divisera sa
consommation électrique par deux, uniquement grâce à
ce petit m2 de photovoltaïque qui acheminent l’énergie
vers des batteries de stockage.
En 1988, il se rend à la conférence
internationale sur le photovoltaïque à Florence (Italie). Il
y rencontre des industriels français et étrangers qui étudient
la possibilité d’appliquer cette technique à grande échelle,
ce qui le convainc de passer à la vitesse supérieure de façon
à assurer sa consommation totale. Il rachète alors 2m2
de panneaux qui, s’ils ne suffisent pas, permettent d’attendre la fabrication
de panneaux plus étalés, c’est-à-dire sur une surface
plus grande, mais plus mince et donc, plus facile à intégrer
dans l’architecture. Il lui faudra patienter 11 ans avant d’apprendre qu’un
fabricant américain a lancé le produit recherché.
Il décide alors de refaire sa toiture et de la recouvrir d’ardoises
photovoltaïques, ses mesures antérieures lui permettant de
définir exactement la surface nécessaire à sa production
personnelle.
Reste le souci de l’intégration proprement
dite car, s’il peut commander directement ses panneaux aux États-Unis,
il peut difficilement les poser lui-même, d’autant que la conception
du toit avec ardoises photovoltaïques intégrées et le
raccordement électrique sont affaire de professionnels.
Où les trouver puisque cette expérience
est la première du genre en France? Par un bureau d’études
avec lequel il est contact, Jacques Dupin apprend qu’ENERSUN,
une jeune société drômoise s’est spécialisée
dans l’installation de panneaux solaires chez les particuliers et les entreprises.
L’amplitude du projet et son caractère novateur suscitent l’intérêt
de l’installateur, convaincu de l’avenir de cet équipement qui attire
par ailleurs l’attention de beaucoup de monde: la Région, si consciente
de l’importance de cette réalisation qu’elle lui accorde une subvention;
les chercheurs de l’Université de Savoie, très pressés
d’examiner les mesures délivrées par les différents
appareils (Jacques dupin n’est pas scientifique pour rien) installés
en complément; la régie électrique locale qui va bénéficier
du surplus de sa production puisque la caractéristique de cette
centrale est son raccordement au réseau.
Opérationnel depuis plusieurs mois,
le toit solaire exposé
au sud, équipé de 55m2 de panneaux sur une surface
totale de 96m2, a largement prouvé son utilité:
le tiers de la production suffsant à l’autonomie énergétique,
les 2/3 restants étant prochainement vendus à la régie.
Cependant, ne rêvons pas: ce protype,
s’il permet de couvrir la consommation électrique domestique (appareils
ménagers, éclairage) et le chauffage de la maison (devant
être assuré par chauffage solaire thermique avec faible complément
bois) que nécessite pourtant le climat de la région, il ne
permet pas d’assurer le… gaspillage du chauffage électrique, véritable
aberration énergétique, économique et… écologique!
Cette expérience est donc sans doute la seule solution pour éviter
l’asphyxie qui menace la planète. De quoi donner à réfléchir,
non?