Le développement technologique en question:
un produit capable de tuer des millions de personnes?
Tout produit industriel est-il
dangereux pour la vie de l'humanité? Doit-on systématiquement
s'opposer à tout développement technologique nouveau? Excédé
de se trouver toujours en butte à des allégations aussi fracassantes
que tendancieuses, M. Norman Mischler, Directeur de la branche britannique
de Hoechst (grand groupe allemand de l'industrie chimique) a décidé
de répliquer. Dans un texte publié à la fin du mois
de mars par le Sunday Times, il dénonce les «menées
dangereuses» de la R.I.C.* (rivale de Hoechst) en ces termes:
«Dans la gamme de ses produits pour la lutte contre l'incendie, la R.I.C. annonce la découverte d'un nouvel agent. Cet «Extincteur Absolu Universel» (E.A.U.) s'ajoute, plutôt qu'il ne les remplace, aux agents existants tel que les extincteurs pulvérulents et le BCF (bromo-chlora-fluoré) utilisés depuis des temps immémoriaux. Le nouvel agent est particulièrement bien adapté aux incendies d'immeubles, de dépôts de bois de charpente et d'entrepôts. De grandes quantités sont nécessaires, mais la production est peu coûteuse et on prévoit d'en stocker, prêts à l'emploi, plusieurs milliers de mètres cubes dans les régions urbaines et au voisinage d'autres installations à haut risque. Le BCF et la poudre sont en général stockés sous pression, tandis que l'E.A.U. sera accumulé dans des bassins et des réservoirs à ciel ouvert, et acheminé sur les lieux du sinistre par des tuyaux et des pompes portatives. Les nouvelles propositions de R.I.C. se heurtent déjà à une forte opposition des groupes de protection et de défense de l'environnement. Le Professeur Connie Barrinner a fait remarquer que toute personne maintenant sa tête dans un seau d'E.A.U. mourrait en trois minutes. Chaque réservoir prévu par la R.I.C. contiendrait assez d'E.A.U. pour emplir 100.000 seaux de dix litres. Chaque seau pouvant être utilisé cent fois, il y aurait assez d'E.A.U. dans un seul réservoir pour tuer toute la population du Royaume-Uni. Le Professeur Barrinner déclare que de tels risques ne devraient pas être autorisés, quels que soient les avantages. Si l'E.A.U. échappait à tout contrôle, les catastrophes de Flixborough ou de Seveso, par comparaison, s'estomperaient dans l'insignifiance. A quoi pourrait servir un extincteur d'incendie capable de tuer les hommes aussi bien que le feu? (suite)
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suite:
Le porte-parole d'une administration locale a dit qu'il s'opposerait fortement à l'autorisation de tout projet de construction d'un réservoir d'E.A.U. dans sa région, tant que ne seraient pas prises les précautions les plus rigoureuses. Des bassins à ciel ouvert seraient certainement inacceptables. Comment empêcher que les gens n'y tombent ou que leur contenu ne s'échappe? A tout le moins, l'E.A.U. devrait être placé dans des récipients d'acier, résistant à la pression, et entourés d'un mur de béton étanche. Un porte-parole des brigades de pompiers a dit qu'il ne voyait pas l'utilité d'un agent nouveau. Les extincteurs en poudre et le BCF pourraient venir à bout de la plupart des incendies. Le nouvel agent ferait courir des risques supérieurs à tout avantage possible, spécialement aux pompiers. Saurions-nous comment se comporterait ce nouveau produit s'il était exposé à une chaleur intense? On a dit que l'E.A.U. était l'un des constituants de la bière. Cela signifierait-il que les pompiers seraient intoxiqués par les vapeurs? Les Amis du Monde ont dit qu'ayant obtenu un échantillon d'E.A.U, ils ont trouvé qu'il provoquait le rétrécissement de certains vêtements. S'il en est ainsi du coton, qu'en serait-il des hommes? Lors d'une séance à la Chambre des Communes, on a demandé au Secrétaire d'Etat à l'Intérieur s'il interdirait la fabrication et le stockage de ce nouvel agent de mort. Celui-ci répondit qu'en face de ce grand danger évident, les autorités locales devraient prendre conseil du Ministère de la Santé Publique avant de donner l'autorisation d'entreprendre quoi que ce soit. Une enquête complète serait nécessaire et un rapport devrait être demandé au Conseil Supérieur d'Hygiène et au Service des Etablissements Classés.» • Réunion des Industries Chimiques. p.2
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Nous nous interrogeons pour savoir
si le Médecin Principal de Réserve Marcel MAILLOUX, chef
de laboratoire à l'Institut Pasteur, voulait lui aussi faire de
l'humour lorsqu'il écrit dans le «Médecin de Réserve»
les phrases suivantes:
«Le terme d'arme biologique, plus vaste que celui d'arme bactériologique, s'applique à tout agent de destruction d'origine cellulaire, destiné à supprimer la vie, qu'elle soit humaine, animale ou végétale. Cette définition, très générale, permet de ranger dans le groupe des agents d'agression, non seulement les bactéries pathogènes, mais encore les toxines, les virus, les moisissures, et enfin certaines hormones ou auxines. Caractéristiques d'un agent biologique Les agents pathogènes sélectionnés en vue de la préparation d'une guerre biologique doivent remplir certaines conditions, qualités et garanties. Leur préparation sur une grande échelle peut alors être envisagée. Ces qualités indispensables peuvent être groupées en quelques rubriques. L'agent pathogène est choisi parmi un large éventail de germes. Des micro-organismes provoquant une incapacité grave, une maladie chronique ou encore une maladie à fort pourcentage de mortalité peuvent être retenues: certaines formes mutantes, telles des souches antibio-résistantes, peuvent être créées. L'agent pathogène doit avoir: - Potentiel de contagiosité élevé, provoquant une dissémination en chaîne. - Degré de haute infectiosité et pouvoir pathogène suffisant pour provoquer une morbidité ou une mortalité massive. - Résistance aux divers facteurs, physiques, chimiques et biologiques. - Plusieurs voies de pénétration dans l'organisme doivent pouvoir être utilisées avec succès. - Détection et identification aléatoires. - Moyens de protection ingorés par la victime ou inutilisés dans la pratique courante. Le degré de sensibilité de la population choisie comme cible est un facteur important dans le choix des agents biologiques: - L'agresseur utilisera un micro-organisme pour lequel l'immunité naturelle ou acquise de la population visée sera faible. - Apparition quasi immédiate des effets (toxines), ou manifestations décelables après une période de latence. - L'agent pathogène doit pouvoir être contrôlé par l'agresseur. - Le produit considéré doit pouvoir être fabriqué industriellement et économiquement. Les agents biologiques sont classés de façon arbitraire en agents létaux et en agents incapacitants. Les premiers provoquent des maladies mortelles dans 10% des cas au minimum. Les seconds ne seraient pas mortels pour les adultes en bonne santé. Un agent biologique peut être défini ainsi: Agent microbiologique hautement infectieux, pouvant être dispersé par aérosol, capable de produire une maladie incapacitante, de durée convenable, dans la majeure partie de la population choisie comme cible, et pendant un temps très court.» Intéressant n'est-ce pas? Plus loin, nous trouvons une analyse des «possibilités d'exploitation»: «Les conditions exigées réunies, l'emploi de cette arme est bien différent de celui des armes dites classiques. Tout objectif est en principe caractérisé par sa distance et sa nature. a) L'objectif assigné à l'arme biologique sera dans la mesure du possible éloigné du théâtre d'opération. b) Les stocks de denrées alimentaires, les réservoirs d'eau rencontrés dans les grandes villes, les produits pharmaceutiques, les cultures maraîchères, les pâturages, les étangs, seront les objectifs de choix réservés à l'arme biologique. (suite)
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suite:
Son emploi paraît indiqué contre des groupes isolés: État-major, ville en état de siège, grand centre urbain, navires, troupes en campagne, point d'embarquement. L'efficacité de l'arme biologique sera fonction de l'effet de surprise, "absence d'immunité des milieux contaminés; elle sera fonction également de la virulence des produits, de leur potentiel de destruction sous très faible volume, du nombre de foyers ensemencés, enfin des complexes optima créés par la Nature en dehors de toute intervention humaine.» Enfin, examinons les avantages et les inconvénients: «Avantages et inconvénients comparés de l'arme biologique Contre l'utilisation de l'arme biologique. Peu de conditions d'efficacité sont réunies; il y a les insuffisances techniques de cette arme, et, de plus, la limitation du nombre des agents de contamination. Il existe par ailleurs des moyens de protection simples et efficaces, mettant à l'abri des contaminations par voie digestive: ébullition des eaux et cuisson des aliments. Si les agents biologiques sont faciles à produire, des systèmes d'acheminement jusqu'au but seraient nécessaires. Le transport des agents contaminants par projectiles appelle de grandes réserves, dues à l'action de la chaleur, à l'action toxique des gaz (pression), etc., à l'action de la lumière et des ultra-violets. D'autres difficultés sont soulevées par les facteurs météorologiques: - Absence de rapidité d'évolution de l'épidémie au début. - Impossibilité de prévoir les effets directs: certains agents (charbon, cocci-dioïdomycose) pourraient persister sous forme de spores résistantes que les vents, à la longue, transporteraient à de très grandes distances. - Impossibilité de prévoir certains effets secondaires: risque de contagion et d'épidémies. L'agresseur ne doit pas négliger le danger du choc en retour consécutif à une épidémie déclenchée sur son ordre - ce choc en retour peut être l'œuvre des prisonniers; il peut aussi être le fait d'une avance en pays contaminé. Enfin, il existe des lois internationales, des conventions prises sur le plan international en vue de condamner la guerre biologique. L'absence de résultats «bien définis dans l'espace et le temps», les craintes justifiées d'obtenir des effets différents, non comparables, exomiquent (???) à eux seuls, en dehors de tout autres considérations, les réserves formulées à l'égard de la nouvelle arme. Quels sont les facteurs en faveur d'une guerre biologique? Ces facteurs apparaissent de deux ordres: l'économie de fabrication et l'effet redoutable produit par la démoralisation: 1. La fabrication de produits biologiques agressifs exige peu de dépenses tant en matériel que personnel et locaux. 2. Le pouvoir de destruction considérable constitue à lui seu1 un facteur d'économie. L'arme biologique peut être une arme clandestine, dans l'éventualité d'un désarmement général contrôlé. Son intérêt, pour tout pays pauvre, ne pouvant pas se payer le luxe de la bombe à hydrogène, n'est pas négligeable. Une attaque au moyen d'un agent biologique labile pourrait affecter des superficies de 1 km2 à plus de 20 km2, selon l'agent utilisé, et faire des dizaines ou des centaines de milliers de victimes, ainsi que de nombreux milliers de morts. Une notion de sabotage ou une attaque ouverte qui provoqueraient la propagation secondaire d'épidémies de fièvre jaune, de peste pulmonaire, de variole ou de grippe, pourrait, dans certaines conditions, se solder en fin de compte par de nombreux millions de malades et de morts.» Après cette entrée en matière qui nous a un peu éloignés du domaine de l'énergie, revenons à notre sujet favori, non sans avoir admiré l'extraordinaire hauteur de vue technocratique du second texte: tout y est, faisabilité technique; avantages économiques, marché, etc. p.3
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Et pour nous mettre en appétit,
intéressons-nous aux prévisions de consommation d'énergie.
Dans un document récent remis au personnel d'un Centre de Distribution
d'EDF, on peut lire:«Le présent
La consommation d'énergie primaire de la France en 1974 s'est élevée à 265 MTEC qui se répartissent comme indiqué dans le tableau. La consommation globale est couverte à concurrence de 24% par la production nationale, chiffre qui souligne notre dépendance énergétique. Circonstance aggravante, nous avons un profil énergétique relativement bas comparativement aux autres pays développés, puisque nous consommons 5 TEC/ habitant, alors que la R.F.A. en consomme 6,5, l'U.R.S.S. 5,8 et les U.S.A. 13.» Vous avez bien compris que cela ne peut plus durer et qu'il nous faut consommer comme il apparaît dans la suite du texte: «Le futur
Mais heureusement il n'est pas question d'extrapoler aussi simplement: «Le bon sens et la crise de la balance
des paiments aidant[2], ces objectifs très optimistes
avaient été ramenés dans l'hypothèse initiale
du 7ème plan à 395 MTEC en 1985 et 650 en 2000.
Les auteurs de ce texte sont très méchants avec leur Directeur. M. Boiteux, celui-ci en effet, à les croire, ne devait pas avoir tout son bon sens lorsqu'il déclarait, le 20 mars 1974, devant la Commisson Temporaire de l'Énergie du Conseil économique et social: «Pour prendre des années rondes, en 1970, la France a consommé sous des formes diverses 225 millions de tonnes d'équivalent charbon. On peut faire le pronostic qu'en l'an 2000, elle en consommera 700 en ordre de grandeur. 700, c'est 70 millions de Français que multiplient 10 tonnes par tête. L'équivalent charbon de 10 tonnes par tête, cela peut paraître beaucoup. Il faut quand même noter que l'Américain moyen en consomme déjà 12. Il ne paraît pas démesuré de prévoir que le Français moyen, en l'an 2000, consommera moins d'énergie que l'Américain moyen n'en consomme aujourd'hui. D'autant que, quand on pense à l'Américain moyen, c'est à une moyenne de noirs et de blancs, avec des degrés de standing et de niveau de vie très divers[3].» Mais parlons un peu des problèmes techniques. Comme chacun sait, il n'y a que les mauvaises langues dont nous sommes pour élever quelques doutes. Cependant... (suite)
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suite:
«Perte de l'instrumentation non nucléaire Au cours du remplacement d'une ampoule grillée dans un bouton-interrupteur sur la console de commande, la chute par inadvertance d'une ampoule dans une cavité ouverte a créé un court-circuit dans les jeux de barre de l'instrumentation non nucléaire en courant continu 24 V. L' action des systèmes de protection des alimentations en courant continu a entraîné l'envoi à la salle de commande et au système de commande intégré des signaux erronés pour la pression, la température, le débit, etc. Pour maîtriser ces fausses données, le débit de l'eau alimentaire a été amené à zéro, entraînant une augmentation de la pression du circuit primaire jusqu'au déclenchement du réacteur. Au cours des manœuvres de maîtrise du réacteur, sans instrumentation non nucléaire, la température du circuit primaire a chuté jusqu'à 139° C.» Ah ces ampoules qui glissent des doigts!... (incident survenu à la Centrale BWR - 916 MWe de Rancho Seco ). En ce qui concerne les déchets, rassurons-nous, voici quatre informations qui, pensons-nous, devraient apaiser les craintes des hésitants: «Là, j'en viens à des
vues futuristes.
M. Boiteux devant la Commission
«IRAN
de l'Énergie du Conseil Économique et social (1974) (déjà cité). Le Chah propose ses déserts Le Chah d'Iran envisage de mettre à la disposition de la communauté internationale des centres de stockage de déchets radioactifs qui seraient implantés dans les zones désertiques du pays. C'est ce qu'il a indiqué dans un entretien accordé au mois de mai à un hebodmadaire allemand. L'offre iranienne serait valable «s'il y a une collaboration internationale en la matière» mais elle pourrait également être proposée «sur une base bilatérale».» (Revue Générale du Nucléaire
Mai-Juin 1977)
Et après cela on se plaindrait de ce hrave
homme qui, avec la générosité qu'on lui connait, veut
aider les autres à stocker leurs déchets.
2. Notez bien cette phrase. 3. Cette phrase nous plaît beaucoup. 4. Il semble, sur ces deux points, que M. Boiteux ferait bien de rencontrer des astrophysiciens et des physiciens compétents!... En particulier, il nous faut lui dire que les transuraniens ne sont jamais formés dans l'univers!... p.4
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Quant aux Suédois, après
avoir fait retraiter leurs combustibles à l'étranger (devinez
où?), ils pensent avoir trouvé une solution et ont publié
un rapport intéressant. Qu'on en juge:
«Le rapport prévoit que les déchets provenant du retraitement à l'étranger seront retournés à la Suède au plus tôt en 1990. Ils seraient alors stockés sous forme vitrifiée et enfermés dans des cylindres d'acier au chrome-nickel pendant une durée de trente ans dans des installations temporaires où ils demeureraient sous surveillance. Chaque container aurait un diamètre de 40 centimètres sur un mètre et demi de long et renfermerait les déchets d'une tonne de combustible usé, c'est·à-dire, selon le rapport, que pour emmagasiner le combustible utilisé par 13 réacteurs pendant trois décennies, il faudrait au total 9.000 containers. Le transfert au stockage définitif prendrait place en 2020 au plus tôt. Le site serait une formation critalline à la profondeur de 500 mètres. Les containers seraient encapsulés dans une couche de plomb de 100 millimètres d'épaisseur, recouverte elle-même de 6 millimètres de titane, puis enveloppés de sable quartzeux et de bentonite. Leur durée de vie serait ainsi de 500 à 1000 ans au minimum.» (Enerpress, n°1985 janvier 1978)
Vous voyez, c'est simple.
On se demande un peu pourquoi ces gens sont si compliqués, ils feraient mieux de s'adresser à M. Louis Leprince-Ringuet qui. dans un article, le 27 juin 1978, déclarait dans Ouest-France: «Supposez que j'aie un cube solide d'uranium ou d'un quelconque déchet sur mon bureau, je sais bien quels sont les rayonnements émis: les alpha qui sont arrêtés par une feuille de papier, les bêta par quelques millimètres de métal, le gamma par deux ou trois centimètres de plomb ou un peu de béton. Donc je peux très bien avoir un cube de déchets sur mon bureau[5]; il rayonnera, mais avec un peu de plomb ou un coffre en béton, étanche ou non, tout le rayonnement sera arrêté. Ainsi, il faut empêcher le déchet de se dissoudre ou de se volatiliser. Au début de l'ère nucléaire, on doit avouer qu'on ne prenait guère de précautions. Certains pays les jetaient à la mer ou les enterraient dans des abris protégés. Encore maintenant, on conserve ceux qui ont une vie brève, ou qui sont peu radioactifs, dans des récipients placés dans des endroits surveillés, la même attitude s'est retrouvée au démarrage de toutes les techniques: les précautions viennent après, lorsque l'industrie s'étend et qu'elle exige une sécurité accrue. On l'a vu avec les applications des rayons X, avec les autos, les chemins de fer, les avions. Voici précisément que le nucléaire s'étend dans le monde. Alors on a cherché et on a trouvé une solution d'avenir pour les déchets. La voici: on les transformera en verre ou en céramique, Du verre qui sera bien entendu radioactif puisqu'il est fait avec les produits de fission à vie longue enrobés dans une pâte à verre. Après solidification, on aura des blocs de ce verre qui ne pourront pas se dissoudre dans l'eau et ne pourront pas non plus se volatiliser ou se transformer en vapeur ou en fines particules. Si le bloc de verre se casse, on aura plusieurs morceaux au lieu d'un; cela ne changera rien car il n'y aura pas de dégagement gazeux. Ces pavés, une fois fabriqués, auront besoin d'être refroidis, au début en tout cas, tant que la radioactivité sera encore importante, Après quoi on pourra les mettre à l'abri, en cave, sans risques, sous une petite protection de béton.» L'information. Ah! L'information dont parlait
M. Tubiana (voir éditorial). Alors là, dans ce domaine, on
atteint le sublime!
«Question: les discussions, les controverses ont été particulièrement nourries au cours de ces trois derniers mois. Mais on ne peut pas dire que la voix du C.E.A. se soit beaucoup faite entendre dans ce concert. Cette réserve résulte-t-elle d'une attitude délibérée? Allez-vous vous engager davantage dans le débat? (suite)
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suite:
André Giraud - Effectivement, on n'a pas beaucoup entendu dans ce concert - je dirais plutôt dans cette cacophonie - la voix du C.E.A. Je vous ferai quand même observer que les représentants du Commissariat participent à une quantité assez considérable de débats organisés un peu partout mais je reconnais que nous avons mis peu d'enthousiasme à nous mêler à ce que j'appellerai la "polémique" nucléaire et que je distinguerai de "1'information" nucléaire. Dans ce dernier cas, la discussion est organisée de telle sorte qu'elle puisse se dérouler dans des conditions normales et être effectivement compréhensible par l'auditoire. Nous sommes tout à fait d'accord pour participer à de telles confrontations et nous le faisons. Le débat «polémique» - particulièrement prisé, d'ailleurs, par les contestataires - est bien différent. Il consiste en une sorte de match se déroulant selon des règles mal définies devant un public qui a bien du mal à faire la part des choses: l'opposant formulera une question sur un sujet technique de haut niveau auquel le public ne comprend rien. L'expert sera bien entendu obligé de répondre sinon il donnera l'impression que la question l'embarrasse. Il répondra dans un langage naturellement tout aussi incompréhensible pour le public que celui de la question. Mais étant donné sa qualité de spécialiste, de scientifique, il ne pourra pas se permettre ce ton catégorique et ces affirmations péremptoires qui font bon marché des éventuelles nuances ou incertitudes qui peuvent subsister. Ainsi l'expert sera-t-il perçu par le public comme moins assuré, moins catégorique que son interlocuteur. Et finalement l'impression générale qui se dégagera de semblables confrontations c'est que tout cela n'est pas bien clair, qu'il y a du pour et du contre, que le problème doit être fort compliqué, fort embarrassant et mal résolu. Je n'appelle pas cela l'information mais de la polémique et crois que si le C.E.A. s'était engagé sans restriction dans ce genre de débat il aurait fortement diminué les chances d'une formation et une information nucléaires convenables puissent un jour être mises en œuvre. Nous ne voulons pas compromettre l'autorité et la crédibilité du Commissariat dans des confrontations confuses, ce qui nous empêcherait d'apparaître, le moment venu, comme un organisme ayant pour souci la bonne information du public et s'attachant à ne développer qu'une argumentation exacte et vérifiée.» (Revue générale du Nucléaire
juillet·août·septembre 1977)
Si vous vous figurez que l'on a à expliquer
nos choix!...
C'est cette logique qui explique sans doute la lettre que le GSIEN (l'éditeur de la Gazette) a reçu du Maire d'Orsay: «Monsieur, Ayant été saisis le mois dernier par le Directeur du CEN Saclay d'une demande de présentation à Orsay de l'exposition intitulée "Les Applications Civiles de 1'Énergie Nucléaire", nous vous avions contacté pour vous demander de présenter également le point de vue du GSIEN à cette occasion et nous en avons informé le Directeur du CEN Saclay. Ce dernier vient de nous faire savoir qu'il lui était impossible d'accepter la présence simultanée, même en un lieu différent, d'une autre exposition "polémiquant" sur ce problème. Dans ces conditions, la municipalité d'Orsay a donc refusé d'accueillir l'exposition du CEA et par conséquent la proposition que nous vous avions faite devient sans objet. Je regrette que l'attitude intransigeante du CEA nous ait obligés à cette annulation et je vous prie de croire, Monsieur, à l'expression de mes sentiments distingués.» LeMaire
5. Si vous voulez des presses papiers originaux... p.5
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M. Giraud, nouveau Ministre de
l'Industrie, paraît ainsi assez d'accord le avec le patronat européen;
qu'on en juge:
«Le patronat de la Communauté s'oppose à une
information nucléaire systématique
(Enerpresse n° 1962. 2.12.77)
:
Mais enfin, il faut bien faire un peu de relations publiques, ne serait-ce que pour obtenir les capitaux nécessaires, ainsi que le déclare M. Hanssens, Président exécutif du Comité des Relations Publiques de l'Union Internationale des Producteurs et Distributeurs d'Énergie Electrique à leur congrès de Vienne. (23-26 mai 1976): ...«Ce n'est pas aux responsables des Relations Publiques qu'il appartient de veiller à la sécurité des approvisionnements de nos entreprises en combustibles, et je n'ai donc pas l'intention d'aborder ce sujet. Nous n'avons pas non plus pour tâche de trouver les capitaux nécessaires à une industrie dont on connaît les énormes besoins dans ce domaine, mais les départements de Relations Publiques peuvent néanmoins jouer un rôle capital en créant un climat favorable à l'obtention de ces capitaux auprès des institutions financières ou du public. Cette tâche comporte plusieurs volets. Le succès peut dépendre de la situation financière de nos entreprises, de l'évolution de leurs résultats au cours des années, des taux d'intérêt que nous offrons, etc. Mais un point très important reste la réputation de notre industrie. Il est indispensable que nous apparaissions sous un jour favorable pour l'ensemble de la collectivité du point de vue des services que nous fournissons, des créations d'emplois et des autres avantages économiques qui résultent de notre activité, et du souci que nous avons du bien-être de la population et de la qualité de son environnement. Une action de Relations Publiques bien conçue peut faciliter grandement la recherche des capitaux, et je fais appel à nos experts financiers pour qu'ils utilisent pleinement les ressources des Relations Publiques qui sont à leur disposition.» En dehors de cet aspect, quel doit être l'action des relations publiques dans la «Question nucléaire»? Ecoutons la suite du discours de Monsieur le Président: «La résistance la plus importante
que nous rencontrons lors de la réalisation de nos programmes est
dirigée contre les centrales nucléaires, et nous devons nous
demander pourquoi.
(suite)
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suite:
2. opposition active, inspirée et soutenue par des gens qui cherchent à saper notre société, 3. souci compréhensible concernant le stockage des déchets radioactifs et l'éventualité de sabotages ou d'attaques de terroristes. Le premier point - la crainte injustifiée du public envers l'énergie nucléaire, pose essentiellement un problème de communication. Peut-être est-il nécessaire de disposer davantage de ressources en hommes et en argent pour faire correctement notre travail de Relations Publques. Sans doute faudra-t-il continuer à publier des tonnes d'imprimés et faire des campagnes publicitaires massives. Sans doute faudra-t-il aussi engager une action bien préparée et plus personnalisée pour communiquer avec différents groupes de personnes - par exemple les universitaires, les hommes politiques sur le Plan local et gouvernemental, les groupes sociaux et professionnels, les étudiants, les organisations de consommateurs, les défenseurs de l'environnement, etc. Nos dirigeants doivent participer à cette action s'ils ne veulent pas être traités de gens inconsistants, mais au contraire faire reconnaître leurs qualités de prévoyance et d'honnêteté, ainsi que leur sens des responsabilités[6]. Notre manière d'aborder les problèmes, au cours des prochaines années, doit devenir moins défensive, et il faut que nous présentions la situation sous une forme facilement compréhensible par le public. Un des problèmes qui se pose résulte du fait que nos adversaires ne sont pas tenus d'observer les règles du jeu. Leur arsenal comprend la demi-vérité, l'exagération et même le mensonge éclatant. Les mass-media ne sont pas toujours impartiaux. Il ne fait aucun doute que nous traversons une période de sensation, de conflit et de confrontation, de sorte que les mass-media, pour vendre des journaux ou attirer des auditeurs, doivent satisfaire à ce besoin. Notre tâche consiste à empêcher, grâce à l'honnêteté et à la franchise, que la «majorité silencieuse» ne soit éblouie par des boniments pseudo-humanitaires ou pseudo-écologiques, et à obtenir que ses attitudes reposent sur une compréhension totale des faits - ni propagande, ni lavage de cerveau - mais la vérité, et une vérité présentée de manière attrayante et bénéficiant de toute l'habileté d'expression et de la qualité de présentation graphique disponibles de nos jours. Tout cela exige du courage et des moyens - en particulier des ressources humaines. Nous ne manquons pas de courage, mais il faut renforcer nos moyens. Il ne fait aucun doute que certains éléments subversifs noyautent les groupes qui s'opposent au développement de l'énergie nucléaire. La raison en est évidente. S'ils arrivent à miner notre économie en la faisant manquer d'énergie ou à la rendre plus vulnérable en augmentant sa dépendance envers les combustibles importés, alors ces groupes auront atteint un objectif politique. Toutefois, ils dépendent de la couverture que leur procurent d'autres groupes, et c'est sur ces derniers que nous devons faire porter notre action, en veillant à ce qu'ils reçoivent une information complète et objective. Dans le domaine du stockage des déchets et de la crainte du sabotage et du terrorisme, les Relations Publiques ne peuvent qu'exposer les faits. C'est à d'autres, au sein de nos entreprises, qu'il appartient de mettre en œuvre des solutions et des moyens de protection de nature à résoudre ces problèmes. Lorsque ces solutions sont en place, les chargés de Relations Publiques peuvent faire état des résultats obtenus et gagner ainsi la confiance du public. Arrivés à ce point, qu'il me soit permis de souligner une nouvelle fois que ceux qui ont de telles responsabilités doivent aussi disposer des moyens nécessaires pour accomplir leur tâche. Actuellement, tout retard dans la mise en service d'une centrale nucléaire coûte des sommes énormes. Que ce soit au plan national ou au plan international, les ressources permettant de résoudre ces problèmes doivent être réunies. A long terme, cela ne pourra qu'être profitable à notre industrie.» Eh bé ... !
«L'inconnue principale qui subsiste,
c'est l'acceptation publique de l'électronucléaire. A tous
les techniciens que nous sommes, retranchés dans nos calculs, nos
techniques, nos raisonnements, il est apparu à l'évidence
que l'intérêt général rendait nécessaire
un programme nucléaire important. Il est aujourd'hui non moins évident
que tout cet appareil rationnel ne suffit pas à garantir l'acceptabilité
publique. On pourrait même se demander dans quelle mesure il a contribué
à rebuter les meilleures bonnes volontés.»
6. Voir à cc propos la Gazette numéro 17, page 11 (fin de l'annexe numéro 2). p.6
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Esquisse psychologique d'une contre-argumentation raisonnable sans être "purement scientifique"
1. La peur nucléaire:
2. La peur des radiations invisibles, délétères.
3. L'idéalisme:
4. Bonne opinion de soi:
5. Patriotisme:
6. Méfiance vis-à-vis:
7. De « hauts scientifiques» sont contre le nucléaire. |
1. La peur:
5. Patriotisme:
p.7
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Voilà, stupéfiant
de beauté logique, un esprit naïf aurait tendance à
tenir le raisonnement suivant:
- si on a du plutonium, il est possible de faire une bombe, - les surgénérateurs fabriquent du plutonium, - pour «amortir» les études, il faut vendre du surgénérateur, - donc: le surgénérateur, cela peut être des bombes partout. Eh bien non, vous êtes dans l'erreur: - le surgénérateur, il faut du plutonium pour l'alimenter, - les bombes sont au plutonium, - donc faisons disparaître les bombes dans les surgénérateurs. Il est pas beau ce paradoxe? Continuons avec la nouvelle physique de Christian
Guéry, «Le Figaro» (12.6.78) dans un article
intitulé: «J'ai essayé de faire sauter "Superphénix"»:
ah ! ah ! suspense et écoutez la suite: ......barres de plutonium sont relevées,
permettant ainsi les réactions nécessaires pour transformer
l'uranium 238 naturel du pourtour de la cuve en uranium 235, fissile.»
eh bien, non. Continuons notre lecture: «Accélérer les processus dans ce chaudron du diable, c'est provoquer l'emballement du réacteur, augmenter les températures au-delà du point critique ... Le bouton rouge s'allume
(suite)
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suite:
Est-ce le signal de l'explosion? En fait, à la grande surprise du déséquilibré, c'est l'échec complet de sa tentative. Superphénix s'est arrêté brutalement. Sans plus de dommages. Les barres de plutonium ont regagné leurs gaines, stoppant ainsi toutes les réactions.» Décidément, c'est bien cela.
Le plutonium dans un surgénérateur conduit à l'arrêt
de celui-ci. Mais alors, M. Delouvrier, votre théorie?...
«Quelques questions à propos de la "non-prolifération"
*Pseudonyme. p.9
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En pareille circonstance, il
est à la fois primordial et aventuré d'apprécier le
risque couru, puisqu'en bonne logique, cette appréciation commandera
ensuite le choix et l'ampleur des moyens mis en œuvre pour l'écarter,
mais qu'en raison de l'énormité de l'enjeu et de la diversité
des scénarios possibles, toute supputation à ce sujet doit,
pour pouvoir prétendre à quelque signification, se fonder
sur une analyse complexe et complète dont, à supposer qu'elle
ait été conduite - ce qui n'est pas démontré
- les résultats n'ont, à notre connaissance, jamais été
publiés. Et ce n'est pas un seul homme, dans le cadre d'un simple
article, qui peut combler une lacune aussi considérable. Nous bornerons
donc notre propos à la formulation de quelques remarques, le plus
souvent en forme de questions.
L'arme nucléaire est incontestablement une arme terrible. Toutefois, la triste expérience qu'en a faite l'humanité il y a trente ans ne fournit de ses effets qu'une image infirme. D'abord parce qu'il s'agissait en l'occurrence d'engins expérimentaux et de (relativement) faible puissance. On sait bien entendu faire «beaucoup mieux» aujourd'hui, tout en devinant que - heureusement - la nocivité des effets doit croître comme la racine carrée (ou cubique 7 ou énième?) de la puissance des engins, car on est assurément là dans le domaine des rendements décroissants. |
Mais, pour rester sur le terrain solide
des observations, on notera que les effets des bombardements d'Hiroshima
et de Nagasaki ont été, sans plus (!), très comparables
à ceux du bombardement «classique» de Dresden. Dans
les trois cas, il y eut entre cent et cent cinquante mille morts ... Pour
rien. Plus important encore, il ne semble pas - mais est-on bien informé?
- qu'après une génération, on ait pu mettre en évidence,
parmi la descendance de la population des deux villes japonaises martyrisées,
un taux significativement supérieur à celui constaté
ailleurs au Japon d'anomalies congénitales. A la vérité,
on comprend mal que sur un point aussi essentiel, un effort exceptionnel
de diffusion de l'information n'ait pas été fait, notamment
par les organisations internationales compétentes. Des enquêtes,
des rapports, ont sûrement été effectués. Où
sont les conclusions? Quelles sont-elles?»
Ce texte est d'une rare beauté et il nous semblerait sacrilège de le commenter. Puisque, de près ou de loin, nous sommes sur le sujet du plutonium, nous recommandons aux esprits curieux de prendre connaissance du tableau suivant qui est assez rassurant sur la toxicité surfaite de cet élément: p.10
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Toxine ou poison | Dose mortelle (mg) | Délai avant décès |
Ingéré (avalé)
Spores de la maladie du charbon Toxine botulique Arséniate de plomb Cyanure de potassium Plutonium provenant de réacteur Caféine |
moins de 0,0001 moins de 0,001 100 700 1.150 14.000 |
de plusieurs heures à plusieurs jours plus de 15 ans
|
Injecté
Venin de serpent à sonnettes Cobra royal Plutonium provenant de réacteur Serpent crotale |
0.005 0,02 0,078 0,14 |
de plusieurs heures à plusieurs jours plus de 15 ans
|
Inhalé
Plutonium provenant de réacteur[3] Plutonium provenant de réacteur[3] Gaz incapacitant (Sarin) Plutonium provenant de réacteur[3] Plutonium provenant de réacteur[3] Benzopyrène (1 paquet de cigarettes par jour pendant 30 ans) |
0,26 0,7 1 1,9 12 16 |
plus de 15 ans 3 ans quelques heures 1 an 60 jours plus de 30 ans |
Toxine ou poison | Concentration mortelle[2]
(mg/m3) |
Délai avant décès |
Quantités contenues dans l'air aspiré
Plutonium provenant de réacteur Plutonium provenant de réacteur Vapeurs de cadmium Vapeurs de mercure Phosgène |
0,026 1,3 10 30 65 |
plus de 15 ans 60 jours quelques heures quelques heures quelques heures |