Lors de la séance du 1 janvier 1983 du Conseil Supérieur de Sécurité Nucléaire, le Professeur Castaing a présenté les conclusions du groupe de travail qu'il animait, groupe qui de décembre 1981 à novembre 1982 a analvsé l'ensemble des problèmes posés par la fin du cycle du combustible. Ce rapport, que le Professeur Castaing a réussi à faire signer par tous les membres de son groupe (dont M. Teillac, Haut-Commissaire du CEA...), a été l'objet lors de cette séance, de critiques d'une rare violence de la part des responsables du CEA et de l'IPSN (Institut de Prévention de Sûreté Nucléaire). Comment ce groupe, irresponsable, s'est permis de battre en brèche des thèses que nos officiels soutenaient depuis des années? Comme il s'est permis d'auditionner ceux-là mêmes qui font les études, ceux dont les travaux permettent aux officiels de tirer des conclusions? Et ils se sont permis de constater que l'état d'avancement des recherches en matière de tenue des conditionnements de longue durée ne permettait absolument pas d'avoir les certitudes qui étaient de mise jusqu'alors. C'est là que réside l'originalité du dossier: on a pu confronter le crédo des autorités aux doutes de ceux qui font les expériences. Les différences sont alors criantes: la tenue des verres, le conditionnement, le retraitement, le non-retraitement, rien pour le moment n'a de conclusion. Des divergences sérieuses existent entre les différentes études; beaucoup d'autres doivent être faites ou refaites pour que l'on puisse essaver de conclure. |
D'où la fureur de nos nucléocrates: ils auraient bien aimé que le Conseil Supérieur donne un avis circonstancié. Or, le Conseil a adopté les conclusions du rapport Castaing et maintenant il convient de faire les études demandées par ce rapport. Pourtant, les officiels se sont battus avec acharnement. Ils étaient si sûrs qu'ils allaient mettre en pièce le rapport, qu'ils avaient déjà diffusé leur propre analyse. Sinon, comment Le Monde, dans son édition datée du 12 janvier - donc imprimée le 11 et mise en vente à Paris alors que le Conseil était encore en séance - aurait-il pu reprendre le point de vue du CEA? D'ailleurs, nos journalistes scientifiques ont une facheuse tendance à ne pas lire les dossiers et à se contenter de publier des analyses succinctes, partielles et partiales, que font certains officiels. Par exemple, lorsqu'on lit l'article du Monde du 20 janvier (ci-dessous), on pourrait croire que le contenu du rapport Castaing se limite aux quelques points énoncés par Edmond Hervé et que par contre la CFDT, toujours insatisfaite, demande d'aller encore plus loin. La réalité est tout autre. Les exigences «perfectionnistes» de la CFDT ne sont qu'une partie des conclusions du rapport du groupe de travail. Il est bien évident que ces problèmes n'ont pas l'heur de plaire à nos nucléocrates et qu'ils vont éviter de s'apesantir sur ces sujets épineux. L'analyse détaillée de ce rapport rendu public (il est paraît-il disposible à la Documentation Francaise... qui, à la date du 15 février en ignorait encore l'existence) vous sera proposée dans un prochain numéro de la Gazette. Vous ne perdrez rien à attendre. p.1
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Au vu de la performance réalisée
par le Professeur Castaing et son groupe, constatant que le rideau de fumée
qui cache d'habitude tous ces sujets avait pu être dissipé
par une commission indépendante, certains membres du Conseil de
Sûreté, sûrement un peu idéalistes, pensèrent
qu'il serait très profitable pour l'économie française
qu'une commission du même type se penche sur la sûreté
des réacteurs PWR. Rappelons à tout hasard que la plaisanterie
des broches dont le coût de la réparation est minime (celui
des broches elles-mêmes étant négligeable), aura coûté,
sous forme de perte de production d'énergie, la bagatelle de 5 à
6 milliards de francs.
Cette idée fut combattue avec la plus extrême énérgie par les membres «réalistes» du Conseil (réalistes car appartenant ou «attachés» au lobby). Ils expliquèrent qu'il n'était pas du tout nécessaire de créer une commission pour étudier ces problèmes puisqu'il existait déjà le Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN, baptisé à EDF le zinzin!) regroupant les meilleurs experts de notre pays et si l'on osait, du monde, et qu'ils ne voyaient pas ce que cette commission pourrait faire de plus. Il est vrai que le même argument était valable pour la fin du cycle et qu'il aurait suffi de demander son avis à la COGEMA et à l'ANDRA. Ben voyons!!! Force nous est de constater une fois de plus que le gouvernement issu des élections de mai et juin 1981 a enfilé les chaussons du précédent, conservant les mêmes structures, les mêmes technocrates, oubliant de se doter de structures indépendantes lui permettant de contrôler les analyses fournies par les hauts fonctionnaires. Comment voulez-vous dans ces conditions que les solutions proposées soient différentes aujourd'hui qu'hier? Et pourtant, dans le cas précis de l'analyse de la fin du cycle, on a pu voir que les rapports ofliciels étaient orientés pour forcer les décisions dans le sens souhaité par le groupe de pression. Rien d'étonnant que les promesses électorales disparaissent face à un prétendu réalisme. Dans un autre secteur, souvenez-vous que lors des assises et du Colloque sur la recherche et la technologie, des scientifiques avaient interpellé le ministre J.P. Chevènement sur les connections Recherche et Armée. De nombreux scientifiques souhaitaient un débat sur ce sujet qui, pour beaucoup, relève de l'éthique du chercheur. Par hasard nous avons trouvé quelle réponse nous est faite, non par Chevènement, mais par Hervé. Il s'agit des journées nationales Science et Défense qui se tiendront les 26 et 27 avril 1983 à Palaiseau sans l'enceinte (militaire) de l'Ecole Polytechnique. (suite)
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suite:
Ces journées nationales sont précédées par des journées régionales se tenant en janvier, février et mars 1983 dans 9 grandes villes de France. Que ces choses-là se font discrètement! Le Comité d'organisation, présidé par l'irremplaçable Louis Neel, a prévu des tables rondes animées par tout le gratin des nucléocrates: ingénieurs d'armement, conseillers de la DRET, et quelques spécialistes de boîtes privées ou nationalisées qui travaillent aux industries de mort. Parmi les thèmes, en voici un très révélateur, qui s'énonce comme suit: «Des recherches de défense, comment? La nécessité du pilotage par l'aval, mais aussi d'une recherche fondamentale assez libre.» Le mot assez est tout un programme à lui seul. La recherche, ou par les militaires... - au garde à vous, scrogneugneu! Dans ce numéro, nous vous présentons deux dossiers sur Chooz rédigés par des militants des luttes locales, un dossier sur Three Miles lsland qui fait le point sur l'état actuel d'un «incident mineur», et quelques données économiques. Ceci dit, La Gazette ne va pas bien.
Le bilan financier est loin d'être bon. L'équipe rédactionnelle
est réduite à sa plus simple expression.
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