La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°105/106

LE BOUCHET ET SAINT AUBIN


Présentation du problème
     De quoi s'agit-il? Deux endroits a priori gérés par le CEA ont été laissés sans surveillance pendant une quinzaine d'années. Ces deux sites sont dans l'Essonne, assez proches de Saclay:
     - l'un est situé sur la commune d'Itteville et envoie ses émanations sur Ballancourt: c'est le Bouchet, centre où l'on a traité le minerai d'uranium nécessaire pour les réacteurs et les bombes de 1946 à 1971. Ce qui reste à traiter: le bassin de décantation et le parc à hydroxyde (10.000 m2), ce qui reste à vérifier: tout le site qui a été rendu à la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs, l'armée en un mot).
     - l'autre est situé sur la commune de Saint-Aubin. C'est le déversoir du centre de Saclay: on y a stocké des fûts contenant des produits radioactifs (faiblement disent les responsables CEA mais rien ne prouve cette affirmation) en provenance du CEN Saclay, CEN Fontenay, le Bouchet et autres lieux. On y a stocké des boues venant des mêmes endroits.
     Ces sites ont fait en leur temps (1972) l'objet de tracts. Mais rien n'avait fait ouvrir les dossiers. Tout juste les fûts de Saint-Aubin étaient-ils partis à la Hague.
     Toujours est-il que cette fois les associations qui se sont intéressées au problème ont été relayées par des journalistes accrocheurs et aidées par le labo indépendant créé en 86, la CRIIRAD. Allez savoir pourquoi ça a marché (oh, ne vous illusionnez pas, il y a encore du travail). Cependant:
     - le maire d'Itteville a dû tenir compte de l'avis de ses administrés,
     - le CEA a dû donner des informations sur Saint-Aubin.
     Vous allez constater à la lecture du dossier qui suit qu'on est encore loin d'avoir obtenu ce que l'on demandait: ouverture des archives pour faire un inventaire du contenu radioactif des sites. A défaut, quadrillage du site et prélèvements.
     A Itteville, pour le moment, on n'a rien obtenu sauf que grâce aux Verts le CEA ne peut pas toucher au site qui est sous contrôle judiciaire. On a juste pu avoir deux réunions d'une commission dite scientifique qui fut un monologue du président. Pire, il a pondu un rapport entièrement en accord avec les thèses CEA. La CRIIRAD et le GSIEN ont dénoncé cette pratique et maintenant on espère une véritable réunion (on va forcer un peu le destin).
     A Saint-Aubin, grâce aux mesures de la CRIIRAD et à celles du laboratoire de Brême, on a su qu'il y avait du plutonium sur le site ainsi que différents produits prouvant que le site avait reçu des boues induement radioactives.
     Pour les deux endroits, il y a carence évidente de l'administration (surveillance radioactive des sites ou installation classée. Chacune peut choisir mais chacune est un peu coupable). Il ya de surcroît déclaration «mensongère» (non, excusez, «on a joué à pas vu, pas pris et on a été pris») de la part de l'organisme en charge des sites, à savoir le CEA. 
suite:
     Soyons tout à fait clairs: à l'heure présente, on ne sait pas encore ce que contiennent les sites. On sait seulement qu'ils contiennent plus que tout ce que l'on avait admis jusqu'à maintenant. Mais en tout état de cause, il est inadmissible que le CEA, qui érige la charte guidant le gouvernement, ne soit pas irréprochable. Que le site d'Itteville ne contienne que des produits «naturels» ou celui de Saint-Aubin que des «artificiels» ne change rien. L'un et l'autre ont été abandonnés avec juste une petite barrière.
     Nous avions déjà dénoncé, il y a quasiment dix ans, les problèmes des abandons de mines (Gazette N°54/55). Notre société ne sait pas gérer ses déchets: la France pas plus que les autres pays, mais en plus notre législation est trop faible. Nous accueillons, moyennant finance pour la société qui gère le lieu de stockage en surface (les eaux de ruissellement, la nappe phréatique, ce n'est pas son problème), toutes sortes de déchets: chimiques, résidus d'hôpitaux, etc. En cas de problème (et il y en a), c'est la commune, le département, qui doivent se débrouiller. Or, une fois le site saccagé et les produits partis dans l'environnement, on ne sait pas le réhabiliter, à la limite on sait tout juste l'assainir et ceci ne dispense pas de le surveiller.
     Quoiqu'il en soit, les dossiers fournis par le CEA sont totalement inexploitables. Comme il est difficile de penser que le CEA n'a pas fait un suivi, on est obligé de constater que la transparence n'est pas encore dans ses mœurs. 
Cependant, devant la difficulté à obtenir les archives, on peut aussi en arriver à penser qu'effectivement le CEA n'a pas fait son travail.
     On a une relative chance que ce dysfonctionnement se révèle pour deux petits sites. Mais du traitement réel des deux petits sites dépend toute la politique de stockage des déchets et pour le moment ce n'est pas brillant.
     Les documents qui suivent vous font vivre l'historique des sites du Bouchet et de Saint-Aubin: plusieurs dossiers émanant du CEA, des dossiers venant de la CRIIRAD, des courriers GSIEN-CRIIRAD.

     Les dossiers émanant des Verts, des associations de Ballancourt Illeville sont aussi disponibles. La Gazette ne publie pas tout mais vous pouvez contacter les personnes.
 

RECTIFICATIF

     A la suite d'une erreur de frappe, le lombric s'est transformé en mollusque, nos lecteurs auront rectifié d'eux-mêmes, il s'agit d'un annélide (ver segmenté). Toutes nos excuses.

p.3

LE BOUCHET
INTERVENTIONS GSIEN 
(Si vous voulez les dossiers critiques, demandez-les et la Gazette vous les enverra).
Orsay, le 9.11.1990
Monique SENÉ
Présidente du GSIEN
2, rue François Villon
91400 ORSAY 
Monsieur le Maire 91760
ITTEVILLE
Objet: Réhabilitation du site du Bouchet.
Référence: Lettre du 6 novembre 1990

     Monsieur,
     J'ai recu votre courrier du 6 novembre 1990 cité en référence. Il appelle les remarques suivantes:
     Les règles de fonctionnement du groupe de travail n'ont pas du être comprises de la même façon par tous les participants. A la suite d'une remarque justifiée des représentants du CEA lors de la réunion du 19 octobre 1990, il avait été clairement décidé que les comptes rendus seraient relus et acceptés par TOUS les membres avant diffusion. Aucune réunion à laquelle les représentants des associations auraient été conviés n'a permis une telle relecture et donc, une acceptation de ce compte rendu.
     Je considère ce texte, signé par Mr Sergolle, comme, à la rigueur, un document de travail mais certainement pas comme un rapport définitif et je ne m'associe en aucun cas aux conclusions de ce document.
     Dans ces conditions, j'estime qu'il était prématuré d'envoyer un tel rapport à Monsieur le Premier Ministre et à Monsieur le Ministre de l'Environnement. En faisant cet envoi, vous avez trahi la confiance des Associations et vous avez induit en erreur les instances officielles.
     En tant qu'expert agissant à la demande des associations, j'estime que le dossier est loin d'être clos et qu'il est indispensable d'en continuer l'instruction en respectant un minimum de règles tant sur le plan scientifique que sur celui de la démocratie.
     Espérant une prompte réponse, recevez, Monsieur le Maire, mes salutations.

La Présidente
Monique SENÉ
Copie: Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le Ministre de l'Environnement
Associations
suite:
Orsay, le 11.11.1990
GSIEN
La Gazette Nucléaire
2, rue François Villon
91400 ORSAY
Monsieur le Professeur J. TEILLAC
Haut-Commissaire
31-33, rue de la Fédération
75015 PARIS
     Monsieur,
     Lors de la réunion du Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaire du 10 octobre, il nous a été remis une fiche d'information concernant le site de l'ancienne usine du Bouchet.
     Pour compléter mon information, j'ai consulté la note technique remise aux membres de la commission réunie autour de Monsieur le Maire d'Itteville.
     Cette «Note technique relative aux dépôts de résidus de l'ancienne usine CEA du Bouchet» (DCENS/SPR/ 90-329 JM/cj) datée du 2 octobre 1990 appelle de ma part de nombreuses remarques, mais dans un premier temps je me contenterai de vous citer ce qui me semble le plus inacceptable dans un rapport provenant d'un service du Commissariat chargé de la radioprotection.
     Le tableau 2, page 16, donne une récapitulation des prélèvements effectués dans les zones de dépôts entre 1970 et le mois de juillet 1990:
     - 87 échantillons sont dénombrés provenant de 75 points de prélèvement
     - 58 de ces points de prélèvement ne sont pas localisés, ni en position, ni en profondeur.
     Ceci pourrait donner à penser que, dans le passé, le suivi environnement des déchets n'était pas effectué par le CEA avec tout le sérieux scientifique auquel nous aurions pu nous attendre. Malheureusement, la lecture de cette récapitulation fait apparaître que ces errements datent des années 1970 à 1981. Il ne s'agit plus de l'époque héroïque des balbutiements de l'énergie nucléaire.
     Cet état de chose est inacceptable de la part d'un organisme qui se doit d'être irréprochable puisqu'il est le support technique des services édictant les réglementations.
     D'autre part, je m'étonne que les autorités de santé n'aient jamais relevé ces carences.
     Je vous joins une analyse détaillée de ce dossier effectué par le GSIEN et remise le 19 octobre 1990 au groupe de travail réuni autour de Monsieur le Maire d'Itteville.
     Je reste à votre disposition pour tous renseignements complémentaires.
     Je vous prie d'agréer, Monsieur le Haut-Commissaire, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Raymond SENÉ
Dossier Irradiation des Aliments
à réclamer à l'ACRO, 18 rue Savorgnan de Brazza, 14000 Caen
L'Acronique du nucléaire n°11
20 F + 3,80 F de frais d'envoi
p.4

INTERVENTIONS CRII-RAD
Valence
le 12.11.1990
La réhabilitation illégale du site du Bouchet

     M. Sergolle a remis un rapport final sur le site d'Itteville au nom de la Commission Scientifique mise en place par le Maire. Ce rapport prétend refléter la position unanime des différents membres de cette commission.
     Les conclusions de ce rapport n'ont même pas été discutées avec les membres de la commission. Rappelons que la CRII-RAD avait souligné que les chiffres du CEA ne permettaient pas une appréciation correcte de la contamination du site et demandé instamment qu'une évaluation par carottage soit menée méthodiquement pour évaluer les déchets stockés.
     Quoiqu'il en soit, la CRII-RAD est en total désaccord avec les conclusions de ce rapport. En effet:
     - d'une part, de l'avis même du Ministre de l'Environnement et aux termes de la loi du 19 juillet 1976, ce site doit être considéré comme un stockage de substances radioactives et rangé parmi les Installations Classées pour la Protection de l'Environnement. Les activités stockées étant supérieures à 3,7 millions de becquerels de radioéléments du groupe 1, le site doit être soumis au MINIMUM à un régime de déclaration, avec toutes les astreintes afférentes (dispositifs de contrôle, conditionnement des substances radioactives, bâtiments appropriés...).
     - d'autre part, si l'on s'en tient aux chiffres fournis par le CEA concernant les 2.000 tonnes de déchets stockés dans le bassin de décantation et 2.500 tonnes de déchets stockés dans le parc à hydroxydes, on constate que les limites régissant les centres de stockage en surface (370.000 Bq/kg pour les émetteurs a), sont largement dépassées.
     En conséquence, la Commission n'a aucunement le droit de statuer sur une quelconque réhabilitation du site: la contamination est telle que le site doit être géré comme un centre de stockage et astreint à toutes les dispositions prévues par la loi pour assurer la protection des populations.

Michèle RIVASI
Présidente de la CRlI-RAD
Valence, le 9.10.1990
Décharge d'Itteville.
Des déchets soit disant «faiblement radioactifs»
et pourtant HORS NORMES du point de vue
de la réglementation des centres de stockage

     La réglementation concernant les centres de stockage à long terme de déchets radioactifs stipule que l'activité moyenne des colis de stockage ne doit pas dépasser 370 MBq d'émetteurs a par tonne

suite:
     Or, les activités massiques des «stériles de minerais» ainsi que les appelle improprement le CEA, sont de 413 MBq/t de radium 226, soit, étant donné la présence de 4 émetteurs a, descendants du radium 226 et en équilibre avec lui: 413 x 5 = 2.065 MBq/t de matière sèche soit 1.038,5 MBq d'émetteurs a par tonne de poids humide. Et ceci concerne 2.000 tonnes de déchets stockés dans le bassin de décantation.
     Dans le parc à hydroxydes, sont stockés 2.500 tonnes dont l'activité massique en radium 226 est de 156 MBq/t. On a donc, pour les mêmes raisons que précédemment: 156 MBq/t x 5 = 780 MBq/t d'émetteurs a par tonne de poids sec, soit 390 MBq d'émetteurs a par tonne de poids humide. Il faut ajouter, l'uranium 235 et ses descendants, ce qui donne: 56 MBq/t x 5 = 280 MBq/t de poids sec, soit 140 MBq d'émetteurs a par tonne de poids humide.
     On a donc, au total, pour le parc à hydroxydes: 1.060 MBq/t de poids sec d'émetteur a, soit 530 MBq/t en poids humide. La limite maximale est donc là aussi dépassée, alors qu'en outre, en ce qui concerne la chaîne de l'uranium 238, l'activité est sous estimée puisque le calcul ne concerne que le radium 226 et ses 4 descendants émetteurs a, les précurseurs du radium n'ayant pas été mesurés par le CEA.
     Une autre limite est fixée concernant l'activité maximale en émetteurs a: elle est de 3,7 CBq/t. Or un calcul identique au précédent indique pour l'échantillon n° 67 (cf. tableau 5 page 22) une activité massique en émetteurs a de 2,5 GBq/t. Ce qui donne: 2,5 x 5 = 12,5 GBq/t de poids sec, soit 6,5 GBq d'émetteurs a par tonne de poids humide. Le dépassement de la limite aurait dû entraîner une procédure exceptionnelle et obtenir l'agrément spécifique de l'exploitant du centre de stockage.
     On est donc loin des déchets annoncés «faiblement radioactifs» il y a 6 mois par le responsable de la décharge. Ce d'autant plus que cette réglementation correspond au stockage de colis de déchets, enrobés et conditionnés, entreposés dans des centres de stockage à long terme (cf. Règle Fondamentale de Sécurité 8 novembre 1982 révision 1: 19 juin 1984). Il est à noter que l'absence d'enrobage des déchets ne peut être envisagée que pour des «déchets de très faible activité» (cf. Art. 6.4), ce qui n'est évidemment pas le cas, puisque l'on est en dépassement des limites.
     L'absence de gestion de cette décharge est un bon révélateur de ce qu'il faut absolument éviter dans les futurs laboratoires souterrains - soumis aux contrôles des mêmes organismes de tutelle - et d'une manière plus générale dans tous ce qui concerne la gestion des déchets radioactifs.
François MOSNIER
Responsable du Laboratoire
p.5
MBq/t: lire Mégabecquerel par tonne. 1 MBq = 1.000.000 Bq
GBq/t: lire Gigabecquerel par tonne. 1 GBq = 1.000.000.000 Bq
Valence, le 6.09.1990
Décharge d'Itteville: synthèse de la CRII-RAD

     A la demande de l'association «Les Amis de la Terre» et des «Verts Ile-de-France», la CRII-RAD a procédé à différentes analyses à proximité du site de stockage d'Itteville dans l'Essonne.
     Deux séries de trois mesures de radon 222 à l'air libre ont été effectuées, respectivement du 20 au 22 mai 90 et du 24 au 26 juin 90 (cf. carte de localisation des points de prélèvement).
     Les niveaux mesurés varient de 171 Bq/m3 à 14.110 Bq/m3 (cf. fiche de résultats d'analyses). Ces niveaux sont très élevés, notamment ceux mesurés à promimité du parc à hydroxydes (point de prélèvement n°63).
     A titre de comparaison, le taux de radon extérieur en région parisienne, bien que fluctuant avec le lieu, l'heure et la saison, est généralement inférieur à 10 Bq/m3. Une heure d'inhalation d'air à 10.000 Bq/m3 entraîne une dose de 7 mRem (Réf. NRPB GS-6) ce qui correspond à la dose reçue habituellement pendant un an par la population de la région parisienne qui passerait 3 heures par jour à l'extérieur. Sur un site minier en exploitation (St-Sylvestre), évalué en juillet 89 par notre laboratoire, le niveau de radon variait entre 100 et 1;080 Bq/m3; sur un site minier non-exploité (Nègremont), évalué au même moment, il variait de 22 à 200 Bq/m3.
     Les points de mesures du radon ne correspondent pas à des zones de passage. Toutefois, cette zone est accessible au public, alors qu'aucune indication ne fait état de son insalubrité. D'autre part, il reste à évaluer les niveaux de radon présents dans l'environnement plus lointain et plus passant. En tout état de cause, il paraît peu sérieux de la part du CEA d'envisager une restitution du site à usage domestique moyennant simplement quelques travaux de terrassement. Rappelons que plus les quantités de radon inhalées sont importantes, plus grand est le risque de développer un cancer du poumon.
     Le radon 222 est un gaz radioactif qui provient de la désintégration du radium 226. Un taux de radon très élevé (10.000 Bq/m3) est donc un indicateur de quantités de radium 226 très importantes présentes dans la décharge.

suite:
     Le point le plus important nous semble donc l'évaluation des quantités exactes de radioéléments stockées dans la décharge et notamment les quantités de radium 226. En effet, ce corps radioactif très radiotoxique (plus que le plutonium) est très soluble dans l'eau. Tout stockage est donc susceptible de donner lieu à des phénomènes de lessivage du radium qui va ainsi se trouver dans les eaux de ruissellement ou de nappe et contaminer l'environnement.
     Deux mesures ont été effectuées dans l'eau, à promixité du site (cf. fiche de résultats d'analyses). Elles ne montrent pas de présence de radium 226. Cependant, deux autres analyses effectuées sur des sédiments et des mousses montrent qu'à certaines occasions, il y a bien contamination en radium 226 par lessivage ou par phénomène éolien (cf. fiche de résultats d'analyses). Il est donc nécessaire de faire un bilan plus global, et plus systématique dans le temps, de la contamination en radium 226 de l'environnement.
     En effet, lorsqu'il est ingéré, ce corps radioactif très radiotoxique se fixe à la surface des os, provoquant ainsi leucémie et cancer des os. Lorsqu'il est inhalé (par exemple après mise en suspension éolienne), il provoque le cancer du poumon. A titre indicatif, l'absorption d'une eau qui serait contaminée à 1 Bq/l de radium 226 consommée régulièrement entraînerait une dose annuelle de:
     - 66,4 mRem chez un enfant de 1 an
     - 26,4 mRem chez un enfant de 10 ans
     - 21,7 mRem chez un adulte
(Ref. ISH 1985)
     En conclusion, les niveaux mesurés en radon 222 par le laboratoire de la CRII-RAD sont en contradiction avec les valeurs données dans la publication du CEA de mai 1990. Le CEA n'a donc pas fait un contrôle rigoureux et précis de la décharge d'Itteville, qui est pourtant sous sa responsabilité.
     Il nous paraît donc urgent de procéder à une contre-expertise pour déterminer tous les radioéléments présents et leur quantité. Seule une étude plus poussées permettrait de voir s'il existe des points d'accumulation plus importants et d'apprécier l'impact de la décharge sur la chaîne alimentaire et l'environnement.
Michèle RIVASI
Présidente de la CRII-RAD
p.6

DOSSIER CEA

     Pour éviter tout commentaire sur le dossier d'Itteville destiné à acréditer l'idée que les associations ont grossi leurs problèmes d'accès au dossier, voici la présentation des dossiers CEA successifs. Bien sûr, le dernier en date d'octobre 90 n'est pas présenté parce que trop épais (80 pages), mais il y a un commentaire à son sujet (la note remise au Conseil Supérieur tenait sur un ticket de métro d'où la nécessité de consulter d'autres notes). Mais de notes en notes, on constate une constance remarquable du CEA dans la non présentation des archives du site.
     Il y a également un problème d'interprétation de la loi à propos des dépôts et décharges.
     Et il y a un problème de suivi du site. 58 points sont non localisés, ce qui exclut de faire une véritable étude de la radioactivité.
     Les deux derniers points sont:
     - on ne peut pas faire de travaux si on ne connaît pas la cartographie du site. D'une part, on risque d'irradier et contaminer le personnel, d'autre part que va-t-il se passer pour l'environnement?
     - on ne peut pas rendre un site avec des restrictions du genre «ne pas faire de construction nécessitant des fouilles de plus de 50 cm». On a vu le résultat à Gif-sur- Yvette où on a dû décontaminer des pavillons construits dans le coin de la route du radium.
     Quant au planning des travaux, il était déjà tout prêt.
     L'inconvénient est que les mesures de la radioactivité fournies jusqu'à ce jour sont inexploitables et ne permettent aucun suivi. On ne voit pas pourquoi les mesures qui seraient fournies maintenant seraient mieux. Sans la CRI/-RAD, le dossier serait resté vide. Il nous faut continuer à exiger un véritable assainissement du site.

CENTRE DU BOUCHET
Aménagement de l'aire de stockage de résidus résultant de la fabrication de combustible

1. Généralités
     - Date de création du Centre: 1946
     - Mission: fournir l'oxyde d'uranium destiné à la préparation du combustible de ZOE (premier réacteur expérimentaI français), traitement des concentrés uranifères et mise au point des procédés de fabrication des combustibles des centrales uranium naturel - graphite gaz.
     - Fermeture du Centre: 1er octobre 1971.
     Les terrains et bâtiments constituant le Centre ont fait l'objet d'un bail passé en 1948 entre la Direction Administrative du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et la Direction des Poudres au Sous-Secrétariat d'Etat à la Défense Nationale.
2. Assainissement radioactif du Centre
     Après quelques travaux effectués par la Direction des Productions en 1971, l'assainissement est entrepris à partir du 1.1.1972 sous la responsabilité du Directeur du CEA-CEN/SACLAY*; il s'achèvera en mai 1979, par la remise des locaux et terrains à la Société Nationale des Poudres et Explosifs (SNPE).
     Cette remise à disposition effectuée après contrôle du Service Central de Protection contre les Rayonnements lonisants (SCPRI) est assortie d'une convention qui prévoit en particulier l'intervention du Service de Protection contre les Rayonnements (SPR) du CEA-CEN/SACLAY en cas de travaux d'affouillement; cette clause a été mise en application à plusieurs reprises (avril 77, juin 78, juin 79, juillet 83).
Bilan général d'assainissement:
     Décontamination de 10.400 m2 de surfaces verticales ou horizontales de bâtiments et de 28.000 m2 de terrains ou de surfaces aménagées.
3. Dépôt de résidus extérieur au Centre, pour lequel la consultation du SCPRI est en cours
     Si les travaux d'assainissement du Centre sont terminés, il subsiste à proximité un dépôt annexe constitué par le bassin de décantation et le parc à hydroxydes.
3.1. Bassin de décantation
     · Surface du terrain: 10.500 m2 (appartenant à la SNPE)
     · Surface utile: 5.000 m2
     · Contenu: 15.000 tonnes environ de boues et terres (activité totale en Ra226**: 15 curies).
suite:
3.2. Parc à hydroxydes
     · Surface: 3.500 m2 (appartenant à la SNPE)
     · Sont entreposés environ 2.000 tonnes d'hydroxydes et 2.500 tonnes de terres (activité totale en 226 Ra: 5 curies).
4. Surveillance de l'environnement
4.1. Surveillance des eaux - 226 Ra
     Les eaux de surface font l'objet de prélèvements et de mesures tous les 3 mois depuis 1982. Points de prélèvements: 122/amont et 125/aval (Juine) et P5 (Ruisseau Centre de Recherche du Bouchet).
     Les 3 points de prélèvements sont indiqués sur la figure 1: la valeur moyenne se situe au niveau du 2/1.000 de la valeur admise pour le public (limite dérivée de la concentration dans l'eau pour le public) et la valeur maximale est de l'ordre de 1% de cette même limite. Ces valeurs correspondent à l'activité moyenne des eaux de surface en France.
4.2. Mesures de rayonnements
     Les valeurs indiquées sur le schéma joint (figure 2) montrent que l'irradiation en limite de site est toujours sensiblement inférieure à la limite d'exposition pour une personne du public qui y séjournerait en permanence.
     Les aménagements prévus réduiront encore ces valeurs pour les amener au niveau de la radioactivité naturelle de la région.
4.3. Mesures du radon
     Des mesures récentes faites par l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) ont montré que pour le point le plus exposé, c'est-à-dire le poste de garde du Centre de Recherche du Bouchet, la valeur atteinte correspond à l'activité moyenne du radon dans les habitations françaises. Elle sera encore réduite après les aménagements projetés.
     Commentaire Gazette: L'activité de 1 millicurie par tonne classe ce dépôt dans la catégorie installation soumise à autorisation, d'autant plus que la quantité totale «stockée» sur le site est de l'ordre de 50 Curies.
p.7
* CEN/SACLAY: Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay.
** Le radium 226 est un élément naturel présent dans tous les minerais uraniféres. Rapportée au tonnage, cette activité est de 1 millième de Curie par tonne, ce qui est considéré comme faible.
ASSAINISSEMENT DU TERRAIN ANNEXE DE L'ANCIENNE USINE DU BOUCHET

     L'assainissement de l'ancienne usine CEA du Bouchet s'est terminé en 1979 par la remise à disposition de la SNPE de différents terrains et bâtiments situés au nord de l'Avenue de la Gare, reliant Itteville à Ballancourt.
     Un terrain annexe, situé de l'autre côté de cette Avenue de la Gare, va faire à son tour l'objet d'une opération de remise en état.
     Ce terrain de 14.000 m2 est occupé, d'une part par un ancien bassin de décantation et, d'autre part, par un stockage de résidus de traitement de minerai d'uranium.
     Les matériaux ainsi stockés sont stables chimiquement mais présentent une radioactivité naturelle résiduelle. Cette radioactivité est assez faible pour que l'on ait pu garantir l'innocuité du terrain vis-à-vis de l'environnement, des contrôles[1] précis, effectués régulièrement depuis 1982, ont permis de le vérifier.
     Par ailleurs, des relevés systématiques effectués dans les cours d'eau avoisinant donnent un taux de radioactivité 10 à 1.000 fois inférieur aux normes tolérées pour la fréquentation humaine permanente[1].
     Mais ce terrain est inutilisable dans son état actuel (présence de monticules, dépression de la fosse de décantation ... ). Par ailleurs, des progrès ont été accomplis pour améliorer encore les conditions de stockage de déchets faiblement radioactifs tels que ceux qui sont ici à prendre en compte. Le CEA va donc entreprendre les travaux nécessaires pour rendre le terrain à la SNPE dans un état proche de son état initial, tout en réduisant encore sa radioactivité pour la ramener au niveau de celle des terrains environnants.
     La solution technique retenue a été proposée aux autorités de sûreté (SCPRl). Elle se décompose en deux temps: disposer uniformément les résidus dans le bassin de décantation, et recouvrir l'ensemble de matériaux essentiels naturels (argile, sable, terre végétale).
     Des restrictions d'utilisation sont, au demeurant, à envisager:
     - pas de construction sur la partie bassin de décantation, une évidence, ne serait-ce qu'en terme de stabilité,
     - pas de construction nécessitant des fouilles de plus de 50 cm sur le reste du terrain.
     La SNPE les a formellement acceptées.
     Les conditions techniques et juridiques sont donc actuellement réunies pour entreprendre à mener à bien l'assainissement final de ce terrain en vue de sa restitution à la SNPE.
     La durée des travaux est prévue sur une année, période durant laquelle le CEA poursuivra ses contrôles avec la même régularité que ceux effectués depuis 1982, mettant en place parallèlement des mesures spécifiques complémentaires, assurant de cette manière une pleine sécurité.
     Enfin, à l'achèvement des travaux, un dispositif de surveillance de l'environnement, au plan de la radioactivité et de son évolution, sera mis en place selon les directives du service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRl).


1. L'ensemble des résultats de ces contrôles peuvent être obtenus sur demande auprès du CEA/UDIN/FAR.
NDLR: N'hésitez pas à les demander, cela vous permettra de constater que les relevés ne sont pas faits sur le site des bassins.
suite:
RÉAMÉNAGEMENT DU TERRAIN (22 AOÛT 1990)

Le site et son environnement
     La connaissance des éléments radioactifs présents sur le site et l'expérience acquise sur les terrains comparables sur les sites miniers montrent que les nuisances potentielles sont liées d'abord au radon, ensuite au radium et de façon très secondaire à l'uranium. Ce terrain contient une vingtaine de grammes de radium.

Qu'est-ce que le RADON?
     C'est un gaz radioactif que l'on rencontre surtout dans les sols et la basse
atmosphère.
     C'est un gaz rare de la famille des krypton, argon, xénon. Il existe depuis la nuit des temps puisqu'il est issu de la désintégration du radium, lui-même descendant de l'uranium naturel.
     Son "père", le radium, est plus ou moins présent dans les roches. Le radon, ainsi formé, se glisse par toutes les fissures, interstices et pores du sol et des matériaux de construction, pour arriver à l'air libre. On le trouve partout, même dans les eaux. Sa teneur varie suivant la nature des sols et la facilité qu'il a de pouvoir en sortir.
     Il produit lui-même des descendants radioactifs solides. Son activité est exprimée en becquerels par m3 (Bq/m3) d'air.
     A l'air libre, la teneur en radon dépend:
     - de la nature du sol: dans le bassin parisien, reglon sédimentaire pauvre en uranium, la teneur moyenne annuelle atteint, et parfois dépasse, 20 Bq/m3, tandis que dans les régions granitiques (Bretagne, Limousin, Massif Central, Vosges), elle peut aller jusqu'à 200 Bq/m3. Au-dessus des océans, la concentration du radon est à peine décelable (moins de 1 Bq/m3);
     - des conditions de diffusion dans l'atmosphère: lorsqu'elles sont défavorables, c'est-à-dire la nuit et par temps de brouillard, des teneurs 10 à 20 fois plus élevées sont mesurées.
     A l'intérieur des habitations, la teneur en radon est généralement plus élevée qu'à l'air libre. Elle dépend principalement de la nature du sol, mais d'autres facteurs interviennent: essentiellement la ventilation des locaux. Les études faites ces dernières années en France montrent que les teneurs varient de 10 à 200 Bq/m3 ; 80% d'entre elles sont inférieures à 100 Bq/m3. Des valeurs de quelques milliers de Bq/m3 ont été mesurées dans des maisons mal ventilées, en granit, sur sol granitique.
     L'inhalation est la voie d'exposition de l'homme par le radon et ses descendants radioactifs.
     Pour le public qui est soumis à de faibles doses, aucune conséquence sanitaire en relation avec l'exposition au radon n'a été mise en évidence.
     Toutefois, la Commission des Communautés Européennes propose l'adoption de mesures de réduction dans les maisons anciennes à partir de 400 Bq/m3
La concentration de radon qui varie de façon importante selon les conditions atmosphériques et l'heure a fait l'objet d'une surveillance sur le site et son environnement. Elle atteint les valeurs suivantes:
     · Plusieurs milliers de becquerels par m3 d'air en moyenne, sur le terrain. La concentration est proche de la limite pour les travailleurs qui y séjourneraient tout leur temps de travail.

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     · Plusieurs centaines à un millier de becquerels par m3 d'air en moyenne à la clôture.
     · L'activité sur les voies de passage aux abords du terrain (avenue de la Gare et Chemin rural n°10) avoisine la limite imposée par la réglementation pour le public qui y séjournerait de façon permanente.
     Cette activité est comparable à celle que l'on trouve, à l'intérieur de maisons de régions granitiques telles le Limousin ou la Bretagne.
          · L'activité décroît ensuite très rapidement à quelques centaines de mètres pour rejoindre la valeur de la région parisienne (15 à 20 Bq/m3 d'air).
     Quant au radium et à ses descendants solides, les contrôles réguliers n'ont pas mis en évidence plus que des traces d'un passage dans les eaux de surface (Juine, bras de l'Essonne, étang des hirondelles) ou dans les eaux souterraines (stations de pompage et puits de jardin). Il faut souligner qu'il se trouve dans le terrain mélangé à la terre, sous forme quasiment insoluble.
     La radioactivité du radium mesurée dans les eaux de surface et les eaux souterraines autour du site est inférieure ou proche du seuil détectable (0,22 becquerel par litre).
     La limite de concentration pour le public est de 7,4 Bq/l. Certaines eaux minérales présentent une concentration supérieure à 1 Bq/l.
     Notons, enfin, pour être complet, que les produits radioactifs émettent un rayonnement mesurable sur le terrain lui-même. Mais il devient très faible dès les abords immédiats et il ne pose pas de problème pour l'environnement.
     Une campagne de mesures de concentration en radon à l'intérieur des habitations qui durera plusieurs mois vient de s'engager en concertation avec les mairies concernées à Itteville et à Ballancourt.
     Les résultats des surveillances effectuées par le CEA sont communiqués au Préfet, aux mairies et aux administrations.

Le réaménagement du terrain
     Le terrain est réaménagé pour permettre sa restitution à son propriétaire, la SNPE.
     Il s'agit d'opérations de nettoyage, d'applanissement, de recouvrement par une couche d'argile puis de terre végétale.
     Ce réaménagement permettra de réduire de façon importante les émissions de radon ainsi que le rayonnement que l'on mesure sur le terrain lui-même et éliminera tout risque d'entraînement des terres par ruissellement: l'objectif recherché est de ramener sur le terrain lui même, la concentration de radon et le rayonnement aux niveaux de la région Ile de France.
     Les différentes étapes sont les suivantes:
     1. Etat initial

suite:
2. Travaux préliminaires (durée 8 semaines)
     · Aménagement du chantier
     · Evacuation des ferrailles
     · Débroussaillage du terrain.
     Une cartographie des émissions de radon et de rayonnement sera réalisée à la fin de ces travaux préliminaires.
3. Mise en place de la couche d'argile
     La durée prévue pour les travaux de terrassement (non compris le temps nécessaire pour la stabilisation des sols) est de 4 mois si les conditions météorologiques sont favorables.
     · Transfert des hydroxydes dans le bassin de décantation.
     · Mise en place d'un treillis métallique et d'une membrane géotextile permettant d'éviter le mélange des matériaux par les roues des engins de travaux publics au moment de la réalisation de la couche d'argile.
     · Mise en place de la couche de 30 cm d'argile.
4. Vérification des résultats obtenus
     A l'issue de cette phase, des mesures de radon et de rayonnement seront effectuées par le Service de Protection contre les Rayonnements du Centre de Saclay et l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire. D'autres laboratoires qui seraient intéressés pourront y être associés.
     Si les résultats sont insuffisants, une couche d'argile supplémentaire sera mise en place.
5. Mise en place des matériaux de recouvrement
     Les matériaux de recouvrement sont constitués d'une couche drainante puis de terre végétale (épaisseur 30cm).
6. Travaux de finition
     · Engazonnement
     · Rectification du carrefour.
     Des échantillons, notamment de flore et de terre prélevés pour conservation à chacune de ces étapes pour conserver une mémoire du terrain.
     Les travaux sont réalisés sous la responsabilité du Directeur du Centre de Saclay par une unité spécialisée du CEA.
     Ils sont effectués en concertation avec l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire sous l'autorité du Préfet et sous le contrôle de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche (DRIR)
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     Les mesures finales de radon et de rayonnement seront effectuées sous le contrôle du Service Central de Protection contre les Rayonnements lonisants du Ministère de la Santé (SCPRI).
     La restitution du terrain à la SNPE, propriétaire, se fera après l'achèvement complet des travaux de réaménagement.
     Le dossier formalisant la demande de travaux synthétisée dans ce document a été déposé en Préfecture (Bureau de l'Environnement) et fait l'objet d'une instruction dans le cadre de la réglementation relative aux Installations Classées pour la Protection de l'Environnement. Les travaux ne pourront être engagés qu'après qu'ils auront été autorisés par un arrêté préfectoral après avis du Conseil Départemental d'Hygiène.
PETIT LEXIQUE DESTINÉ À CEUX QUI ONT AFFAIRE AU CEA

Différence entre dépôt et décharge
     D'après le CEA, Itteville et Saint-Aubin sont des dépôts. C'est-à-dire que ce sont des endroits où on dépose des produits nocifs: endroit surveillé en permanence par une présence sur site et par des mesures dans l'environnement.
     Les décharges sont les endroits où on met ce qu'on veut oublier. De toute façon, les décharges doivent aussi être surveillées mais comme ce sont seulement des installations classées, on ne peut pas y mettre de produits radioactifs (aucun émetteur a par exemple). 
Différence entre assainir et réhabiliter
     D'après le CEA, assainir signifie que le site est rendu à son propriétaire mais qu'il y a des restrictions quant à son utilisation et qu'il faut encore surveiller l'environnement.
     Réhabiliter signifie que l'on rend le site sans astreinte.
     Une fois ces prémices posés, on pourrait peut-être partir des textes. Pour ne prendre que le Groupe 1 qui rassemble surtout les éléments émetteurs a, les dépôts et stockage sous forme de source non scellée sont limités à:
     - Activité totale égale ou supérieure à 0,1 Curie (3.700 mégabecquerels) mais inférieure à 1.000 Curies (37.000 gigabecquerels). L'installation est soumise à déclaration.
     - Activité totale égale ou supérieure à 1 millicurie (37 mégabecquerels) mais inférieure à 100 millicuries (3.700 mégabecquerels), l'installation est soumise à déclaration.
     Donc Itteville, site du Bouchet, ne peut pas être une décharge conventionnelle: avec une estimation entre 20 et 100 g de radium (en prenant les chiffres CEA dont on ne peut être sûr) soit entre 20 et 100 Curies, il s'agit d'une installation soumise à autorisation.

suite:
Monsieur Rocard et la sûreté nucléaire

     L'Express du 11 août 1989 a publié un entretien Cousteau/Rocard. Nous avons relevé la phrase suivante de Michel Rocard: «Pour la sécurité nucléaire, nous payons quatre fois plus que les Soviétiques et deux fois plus que les Américains».
     Ceci mérite quelques commentaires: nous citerons ici des extraits d'un rapport du 15 mai 1985 du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) concernant les «Principaux axes de recherches et de développements en sûreté nucléaire menées sous l'égide de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire».
     Au chapitre III.1.2 : Efforts budgétaires, on trouve un tableau rapportant l'évaluation faite par la NRC (USA) pour les dépenses sur la recherche de sûreté nucléaire (en millions de dollars) en 1981:
     France: 30; RFA: 102; Japon: 139; Italie: 53; Canada: 11; U.K.: 50; Suède: 11.
     Le rapport du CEA fait quelques réserves sur la validité de ces chiffres et publie sa propre analyse pour les budgets annuels récents (en millions de francs):
     France: 400 dont 200 pour les réacteurs à eau légère  - USA: 1.500 dont 1.400 pour les réacteurs à eau légère -  RFA: 640 dont 450 pour les réacteurs à eau légère -  Japon: 800 dont 460 pour les réacteurs à eau légère -  UK: 550 dont 300 pour les réacteurs à eau légère.
     Ces chiffres fournis par les responsables français de la sûreté nucléaire sont éloquents.
     Il serait intéressant d'analyser quels sont les axes de recherche en matière de sûreté nucléaire. On verrait qu'une bonne partie des crédits ont servi à financer des programmes qui tentent de montrer que la sûreté a été exagérément développée et qu'on pourrait sans danger la réduire. Ceci abaisserait notablement le coût des installations.
     Le rapport mentionne un point important concernant la conception française en matière de sûreté: «Nous avons donc acquis une position remarquée sur la scène internationale. Cela nous est nécessaire pour nous opposer à des initiatives allant à l'encontre de nos intérêts comme celles qui viseraient à promouvoir des normes de sûreté américaines pour l'ensemble du monde ou encore comme celle d'un Institut International de Sûreté à tendance supranationale».
     Cela signifie que les promoteurs français de l'industrie nucléaire craignent que l'obligation de respecter des normes internationales de sûreté soit trop contraignante et gêne les possibilités d'Exportation des réacteurs nucléaires.
     Avoir une certaine souplesse vis-à-vis des normes de sûreté permet aux fabricants français de s'adapter aux exigences des pays acheteurs, en particulier de leurs possibilités financières ou techniques.
     Monsieur Mitterrand avait-il en tête ces considérations quand il négociait la vente de réacteurs nucléaires au Pakistan et se présentait ainsi: «L'expert, c'est moi» ? (voir Le Monde du 24 février 1990).

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SAINT AUBIN
La décharge de Saint-Aubin (Essonne) et les fûts fissurés de Saclay

A. Un peu d'histoire
a ) Avril 1972 à Saclay
     En avril 1972, Alexandre Grottendieck, mathématicien, et quelques-uns de ses amis du groupe Survivre et Vivre sont invités par la section CFDT du Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay à participer à une réunion sur le thème «Allons-nous continuer la Recherche scientifique?». Le groupe Survivre et Vivre était préoccupé par la responsabilité morale et sociale que devait impliquer l'activité scientifique.
     Près de 300 personnes participèrent à cette réunion.
     Grottendieck aborda le sujet d'une façon tout à fait inattendue de l'auditoire. Il révéla la présence à Saclay de fûts de déchets radioactifs fissurés en exhibant des photos prises sur le site. Il signala que ces fûts aux fissurations apparentes ne semblaient pas avoir ému les chercheurs, les ingénieurs du Centre dont les qualités professionnelles n'étaient pas à mettre en doute. Cette accusation provoqua dans l'audience des réactions violentes.
     Dans le n° 14 (octobre-novembre 1972) de la revue Survivre el Vivre, voici comment les intervenants expliquaient le problème soulevé:
      1) Des scientifiques voient s'élever à deux pas de chez eux un tas de fûts fissurés et ne s'en préoccupent pas: «chacun son boulot, nous on manipule nos électrons, aux autres de s'occuper des conséquences. Et faites pas trop de vagues autour des conséquences, on tient à notre beefteack». Critique de la science, de la division du travail: le scientifique comme prototype du plouc diplômé, partialisé, borné.
      2) Le peuple fait confiance à ses princes: «Si c'était dangereux, «ils» nous le diraient bien ou «ils» ne le feraient pas». Critique du système de la délégation de pouvoir (entre les mains des élus et des spécialistes): "Réglons nos affaires nous-mêmes!"
      3) Que les fûts soient fissurés ou pas. à Saclay ou à La Hague, reste le problème essentiel: l'augmentation infinie des déchets (dont on sait qu'il n'y a pas de solution technique pour s'en débarrasser) est indéfendable. Une décision engageanl le pays pour plusieurs siècles se prend entre techniciens, pendant que le bon peuple est amusé avec Aranda, Giscard et les célèbres grandes coquettes Mitterrand - Marchais.
     Dans les semaines qui suivent, il y eut quelques réunions d'information et des distributions de tracts aux sorties du métro, sur les marchés, dans les boîtes à lettrés. La réaction de la population locale fut extrêmement faible, celle des élus fut nulle. La presse fit écho avec une grande discrétion.

b )Le conditionnement des déchets dans les blocs de béton
     L'utilisation du mot «fût» n'est pas correcte. Ce mot désigne généralement un récipient à paroi mince. Les «fûts» de Saclay sont en réalité des blocs de béton (pesant environ 5 tonnes) dans lesquels sont confinés des déchets radioactifs. 

suite:
     Les premiers blocs furent réalisés à Saclay en 1960 et la phase industrielle pour leur production en série débuta en 1962 à raison de 2.000 à 3.000 par an jusqu'en 1968. Après cette date, la production diminua, entre 1.000 et 500 blocs par an. En 1972, le stock de ces blocs s'élevait à environ 18.000. Rien ne semblait avoir été prévu pour les transporter à La Hague et ils furent entreposés sur le site de Saclay. Environ 500 d'entre eux durent être stockés sur une aire de l'Orme des Merisiers dépendant du CEA. C'est cette aire qu'on appelle actuellement la «décharge de Saint-Aubin» et que les responsables du CEA préfèrent nommer pudiquement la «déposante de SaintAubin».
     Quand les fissures furent signalées, une recherche systématique des blocs fêlés fut entreprise. 193 purent être identifiés et le nombre de blocs endommagés fut estimé à 250 par la direction de Saclay (243 est le nombre final).
     Apparemment, les blocs stockés sans protection supportèrent mal les variations de température. On peut se demander si la décision de lancer une production industrielle a été précédée d'une étude sérieuse de la fiabilité du confinement. Le CEA colmata les blocs fêlés et commença à les évacuer sur La Hague mais cela prit plusieurs années. Le coût du transport en 1972 était de 3.000 francs par bloc.
     Quelques problèmes importants ne furent pas évoqués:
     1. Le colmatage des fêlures pouvait-il garantir un confinement correct pendant des centaines d'années?
     2. Pouvait-on garantir que les blocs non fissurés ne se dégraderaient pas au cours du stockage?
     3. Pouvait-on garantir la fiabilité du confinement pour des blocs dépourvus de fissures apparentes? Porosité et micro fissures dans le béton pourraient réduire notablement l'efficacité du confinement.
     L'évacuation des blocs à La Hague permettait d'éluder le problème de l'efficacité de ce mode de confinement pour un stockage prolongé de déchets radioactifs.
     Dans une brochure de février 1975 intitulée «La sécurité du travail au Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay», éditée par le Groupe Information Travail de Saclay, nous avons relevé ceci: «Rappelons l'affaire des fûts fissurés concernant des déchets radioactifs et qui laissaient s'écouler des liquides radioactifs sur l'aire de stockage. La presse en a parlé mais aucun journaliste n'a eu la curiosité de poursuivre l'enquête pour savoir ce qu'ils étaient devenus... Les fûts ont discrètement disparu de Saclay. Mais si des journalistes avaient suivi les convois, ils auraient peut-être assisté au dérapage d'un des camions qui renversa sa cargaison dans un champ, et à l'arrivée des engins qui enlevèrent la terre contaminée. Peut-être auraient-ils pu savoir où cette terre a été jetée».
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c) Les «fûts» font à nouveau scandale en 1978
     En 1978, l'évacuation des blocs n'était pas encore terminée et les fûts firent à nouveau scandale.
     La direction de Saclay avait évacué en priorité vers La Hague dès 1972 les blocs de l'aire de Saint-Aubin et les blocs identifiés comme fissurés stockés sur le site de Saclay. En principe, il ne restait donc sur le site de Saclay que des blocs considérés comme «corrects».
    En avril 1978, une tache de contamination provenant des blocs encore présents sur le site, fut découverte... par hasard! Des laboratoires destinés à effectuer des mesures de faible radioactivité devaient être construits sur une zone libérée de l'aire de stockage. Le bruit de fond radioactif était beaucoup trop important et incompatible avec les expériences prévues. Des délégués du personnel alertés menèrent une enquête: la contamination provenait de boues entraînées par les eaux qui ruisselèrent sur l'aire de stockage. La contamination mesurée était considérable, il s'agissait de césium 137: 0,1 Curie par mètre cube dans l'eau de la boue, 2 Curies par mètre cube de la terre située en dessous. A cette époque, on n'utilisait pas le Becquerel comme unité de radioactivité. En Bq cela aurait donné: 3,7 millions de Bq par litre d'eau et 37 millions de Bq par kg de terre! Les camions ayant roulé sur cette boue avaient dispersé la contamination sur les routes du centre, le personnel avait pu y patauger en toute tranquillité. Cette affaire fit scandale sur le site et les syndicalistes (CFDT et CGT) interpelèrent durement la direction du Centre: «Les responsables de cette situation sont ceux qui ont décidé un stockage sur terrain nu sans protection contre les intempéries: les anciens administrateurs généraux et directeurs qui ont duré moins longtemps que la radioactivité» (extrait d'un tract du 24.4.1978 de la CGT-STCENS). La direction du Centre n'inspirait pas confiance: «Nous demandons que toutes les analyses des radionucléides dans les échantillons prélevés sur cette aire de stockage et sur ses abords soient effectuées en double par deux laboratoires différents» (extrait d'un texte des délégués CFDT en Comité Hygiène et Sécurité au cahier de mise en demeure de l'administration, le 3.4.1978). La tache de contamination fut nettoyée, la terre enlevée et évacuée. Au fait, ne l'aurait-on pas évacuée sur l'aire de Saint-Aubin? Les transports vers La Hague coûtaient chers et Saint-Aubin si près et si tranquille! C'est juste une hypothèse. Nous n'avons trouvé aucun texte mentionnant la destination de ces déchets.
     Une dernière nouvelle: les bâtiments qui furent construits sur l'aire de stockage ont été récemment démolis. On y a trouvé du césium!

d) Les enseignements de ces événements
     Que nous apprennent ces fûts qui firent scandale:
     1. Des fûts qui n'étaient pas fissurés en 1972 ont relâché des radionucléides après cette date qui ont été détectés par hasard en 1978.
     2. La surveillance de la contamination du site de Saclay ne semble pas avoir été des plus sérieuses. Il est donc naturel que la surveillance hors du site, à Saint-Aubin, l'ait été encore moins.
     3. La confiance absolue dans la fiabilité du confinement justifiait de ne rien vérifier. (La méthode expérimentale ne serait peut-être qu'un exercice de style pour les classes de philo?).
     4. La Hague a hérité de blocs qui peuvent relâcher des radioéléments en quantité importante.
     5. Il serait normal d'effectuer une vérification minutieuse de l'état actuel de ces blocs et de s'interroger sur l'état dans lequel ils seront dans quelques centaines d'années.
     6. Comment nos descendants pourront-ils appréhender la situation alors que la Direction du CEA paraît incapable de reconstituer ce qui s'est passé sur la décharge de Saint-Aubin depuis 20 ans?

suite:
B. La contamination de la décharge de Saint-Aubin
a ) Les premières mesures
     Au mois de septembre 90, deux journalistes du Parisien font rebondir cette affaire en révélant que la terre de cette décharge était contaminée. Certains points chauds détectés avec un radiamètre conduisaient à des débits de dose 20 fois supérieure au débit de dose hors des clôtures. L'analyse gammamétrique d'un échantillon de terre prélevé en surface, effectuée par le laboratoire de la CRIIRAD, révélait un cocktail de radioéléments:
     Pour 1 kg de terre: Cs137 (7.960 Bq), Ba133 (90 Bq), Co60 (3.175 Bq), Eu152 (1.720 Bq), Eu154 (150 Bq), Eu155 (635 Bq), Am141 (530 Bq), U235 (70 Bq).
Remarques:
     1. il s'agit d'un prélèvement en surface. Ces mesures sous-estiment donc la contamination originelle car il y a eu diffusion en profondeur dans le sol et lessivage par les eaux de ruissellement.
     2. le césium 134 est absent, il s'agit donc de déchets de fission âgés de plus de 20 ans. La présomption est donc très forte pour que le césium provienne des fûts.
     3. les europium sont peu courants dans les déchets nucléaires habituels.
     4. L'américium 241 est un émetteur a La présence de ce radioélément laissait penser qu'il devait y avoir du plutonium (qui ne pouvait être détecté par une simple gammamétrie).
     5. Si l'on suppose que la contamination de la terre a été faite il y a plus de 10 ans, il est nécessaire pour connaître la contamination initiale de tenir compte de la durée de vie des radioéléments. Nous avons retenu trois cas pour la date des rejets: 1970, 1975, 1980.
     Les résultats sont résumés dans le tableau suivant en Bq/kg de terre:
Elément
Période
(an)
Activité
en 1990
Activité
en 1980
Activité
en 1975
Activité
en 1970
Cs137
30
7.960
10.030
11.260
12.640
Ba133
19,5
90
170
240
340
Co60
5,3
3.175
11.740
22.580
43.420
Eu152
13,3
1.720
2.900
3.760
4.880
Eu154
8,8
150
330
490
720
Eu155
5
530
2.120
4.240
8.400
Total
-
13.625
27.290
42.570
70.400

     Les modèles du CEA à propos de la migration des produits radioactifs dans le sol permettent d'estimer que cette migration dans le sol d'un dépôt de surface conduit en 10 ans à une diminution de l'activité surfacique de 30 % bien évidemment indépendamment de la décroissance radioactive des éléments. Il est donc nécessaire de multiplier les résultats précédents par un facteur voisin de 3. Ainsi la contamination de la terre en surface (Bq/kg) suivant la date du dépôt est égale à:

Date du dépôt
1990
1980
1975
1970
Activité totale hors a
13.625
81.900
128.000
211.000

     On voit qu'il s'agit là d'une contamination assez sévère. (La réglementation considère qu'un déchet contaminé à 74.000 Bq/kg doit faire l'objet d'une évacuation contrôlée.) 

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b) Le plutonium
     A la fin du mois d'octobre, les journalistes du Parisien publiaient les résultats d'analyses effectuées dans un laboratoire de l'Université de Brême en Allemagne. La terre prélevée dans la décharge de Saint-Aubin contenait du plutonium (2.250 Bq/kg) et la composition isotopique ne laissait aucun doute sur l'origine militaire du plutonium. S'il s'agit d'un dépôt, fait depuis plus de 10 ans, la contamination surfacique d'origine est environ 3 fois plus élevée soit environ 6.600 Bq/kg.
     Le CEA ne pouvait plus cacher l'existence du plutonium. Mais son origine demeurait mystérieuse. Provenait-il de ces fameux fûts ou avait-il une autre origine?
     Il est difficile, avec les informations rendues publiques, d'écrire le scénario du film des événements qui se sont déroulés dans la décharge. Il est vraisemblable que plusieurs affaires se superposent: 1) perte de confinement des blocs, 2) décharge de boues au plutonium, 3) utilisation de cette décharge pour se débarrasser de la terre contaminée provenant soit de Saclay soit des accidents de transport de déchets radioactifs, 4) l'origine des europium demeure mystérieuse, 5) on ne peut pas exclure le fait que des laboratoires mineurs sachant que cette décharge n'était guère surveillée et contrôlée, aient pu profiter de cette aubaine pour se débarrasser clandestinement de certains de leurs déchets, ce qui leur évitait des démarches administratives ennuyeuses.

c)  Les réactions officielles
I. Le SCPRI:
     Le 24 septembre, le Parisien publiait les niveaux de contamination dans la décharge. Le 25, le Professeur P. Pellerin réagissait par un communiqué de type standard: aucun problème, braves gens, dormez tranquilles. Cependant son communiqué comportait certains renseignements intéressants:
     1. aucune indication sur la contamination du site avant 1972
     2. l'état des lieux en 1974 après l'évacuation des derniers blocs a été effectué par le CEA.
     Nous savons que des laboratoires de Fontenay-aux-Roses où s'effectuaient des recherches sur le plutonium et sur les problèmes posés par le retraitement du combustible irradié pour son extraction ont été «nettoyés» au milieu des années 60. Les déchets et les matériaux de ces laboratoires ont été évacués à Saclay. Des syndicalistes délégués au CHS sont intervenus pour protester contre les conditions de travail des ouvriers portugais que le centre utilisait pour compacter et manipuler ces matériaux contaminés. Ces déchets ont-ils été stockés dans les blocs de béton fabriqués à Saclay?

suite:
     L'ANDRA, l'organisme chargé du stockage des déchets, interrogée par les journalistes, confirmait la présence d'émetteurs a dans les fûts, la quantité totale indiquée était de 250 Curies ce qui correspond à une moyenne de 500 millions de Bq par fût et bien sûr beaucoup plus si le plutonium n'a été confiné que dans quelques blocs. Ce mode de confinement pour les émetteurs a est-il conforme aux conceptions actuellement admises pour la gestion des déchets à longue vie?
     Si l'activité de «nettoyage» des matériaux contaminés au plutonium a continué à Saclay après 1972, les déchets qui résultaient de ce «nettoyage» (des boues) peuvent avoir été directement déversés dans la décharge de Saint-Aubin.
     3. de 1972 à 1980, le SCPRI n'a contrôlé que les eaux de ruissellement provenant de la dalle support des blocs et recueillies dans un puisard.
     4. en 1972, l'eau du puisard contenait 4.000 Bq/l de tritium. Cette contamination diminuait au cours des années après l'enlèvement des blocs. On peut en déduire:
     - le lessivage des fûts entraînait du tritium
     - le tritium n'a pu disparaître du puisard qu'en pénétrant plus profondément dans la terre jusqu'à atteindre la nappe phréatique.
     5. de 1972 à 1980, aucun détail sur la composition des radioéléments recueillis dans le puisard.
     6. aucun contrôle de la radioactivité a n'est mentionné pour la période antérieure au 18 janvier 1990. Au fait, pourquoi avoir effectué en 1990 une recherche des émetteurs a alors qu'avant cette date le SCPR1 supposait qu'il n'yen avait pas? aucun prélèvement de terre n'a été analysé.
     7. en février 1974, le CEA fournissait au SCPR1 le niveau de contamination de la terre: 3.000 Bq/kg en césium (sans indication de la nature de l'isotope!). Comme on connaît l'habitude du SCPRI de ne publier que des moyennes, cette valeur est tout à fait compatible avec l'existence de points chauds tels qu'ils apparaissent actuellement.
     8. pour 1974, le débit de dose mesuré sur la décharge par le CEA est égal à 3,5 fois le débit de dose à l'extérieur. Comme il est vraisemblable qu'il s'agit là encore d'une moyenne, cette valeur est compatible avec des points chauds produisant des débits de dose 20 fois supérieurs à l'ambiance à l'extérieur du site.
     9. signalons enfin que le Professeur Pellerin affirme que le césium n'est pas un émetteur a. S'il exclut le césium 137 des émetteurs a il est assez facile de comprendre pourquoi il indique des niveaux si bas pour les émetteurs a!
     L'intervention de Monsieur le Professeur Pellerin a été tellement ridicule et stupide qu'il semble bien que les autorités sanitaires l'aient fourré dans un placard et décidé de ne plus l'en sortir avant sa mise à la retraite!
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II. Le ministre de la Santé n'est pas intervenu dans cette affaire. On a laissé le soin au CEA (le pollueur) de convaincre la population qu'il n'y avait aucun danger pour la santé. Encore une fois, la preuve est faite que le ministre de la santé est totalement indifférent aux problèmes sanitaires qui peuvent résulter de l'industrie nucléaire. Rappelons qu'en 1986 quand l'opinion publique était inquiète de l'effet des retombées radioactives de Tchernobyl, c'est M. Madelin, le ministre de l'Industrie, qui est seul intervenu pour rassurer la population.

A quoi sert le ministre de la Santé?
     Si le SCPRI a mal géré cette affaire, c'est la responsabilité du ministre de la Santé qui est engagée en priorité et non pas celle d'un fonctionnaire qu'aucun ministre n'a jugé bon de sanctionner ou de rappeler à l'ordre malgré son comportement des plus laxistes concernant la radioprotection de la population. Il ne faut pas oublier la responsabilité des différents chefs du gouvernement qui ont toléré de tels ministres de la Santé!

III. Le CEA: On a eu droit au début du scandale à des déclarations assez étonnantes: pour le Haut-Commissaire, Monsieur Teillac (un scientifique!), il s'agissait de bottes dans ces fûts. En somme, il y avait eu près de 20.000 mètres cubes de bottes!
     Le chef du centre de Saclay organise avec la mairie de Saint-Aubin une journée grilles ouvertes sur la décharge pour les élus et la population. Ainsi, pour Monsieur Delpeyroux, qui a été un scientifique, si on ne voit rien sur un terrain, c'est la preuve qu'il n'y a pas de radioactivité. Pour lui, la radioactivité, cela doit se voir.
     On est toujours sidéré devant les déclarations des hauts responsables, déclarations qui atteignent souvent un niveau remarquable d'incompétence. 
Monsieur Delpeyroux a été sanctionné. Si, comme l'affirme un journal parisien «son honnêteté n'est contestée par personne», on peut mettre en doute sa compétence, ce qui finalement est peut-être beaucoup plus grave.
     L'administrateur général, Philippe Rouvillois, a senti siffler le vent des boulets et a décidé de lâcher du lest pour sauver ce qui était sauvable à Saclay (remarquez, si la haute hiérarchie a un problème, on peut espérer que les compétences apparaîtront enfin). Bien sûr, il a tout de même affirmé que les populations ne risquaient rien, à quel titre d'ailleurs? A-t-il vraiment dans ses fonctions la responsabilité de la protection des populations?
     A cette occasion, on a encore pu constater que la transparence laissait à désirer. C'est le journal Libération qui a publié des extraits d'un rapport destiné spécialement au ministre de l'Industrie. Ce rapport donnait la liste des sites contaminés dépendant du CEA. La direction du CEA a donc finalement dû admettre la présence de plutonium à Saint-Aubin.
     Des sanctions contre certains responsables sont annoncées. La direction du centre affirme ne pas avoir été tenue au courant de ces décharges clandestines de plutonium. Cela semble bien curieux. A ce propos, nous avons trouvé tout à fait par hasard (!) dans la Revue Générale Nucléaire de mai-juin 1976, une information concernant le chef du centre de Saclay de cette époque: «Monsieur Emmanuel Grison, Directeur du Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay, Président du Comité de Rédaction de la Revue Générale Nucléaire, a été promu au grade de Commandeur dans l'Ordre National du Mérite. La SFEN (Société Française de l'Energie Nucléaire) est heureuse de lui adresser à cette occasion ses très sincères salutations».

suite:
     Ce numéro de la RGN est spécialement consacré aux problèmes du plutonium dans l'industrie nucléaire. «Comme c'est étrange et quelle coïncidence!». Monsieur Grison a été un des hauts responsables du plutonium à Fontenay-aux-Roses avant d'être nommé chef de la Division de Métallurgie dont une des activités importantes concernait les combustibles nucléaires. Il fut enfin nommé chef du Centre de Saclay. Comment croire qu'un chef de centre dont toute la carrière antérieure fut consacrée au plutonium, ne se soit pas intéressé aux déchets des services où il a travaillé?
     Un autre haut responsable du CEA, Robert Lallement, inspecteur général du CEA, a montré lui aussi dans ses déclarations publiques une incompétence notoire en matière de radioprotection. D'après le Parisien du 24 octobre 1990, il aurait déclaré: «Attention les normes de 20 becquerels par an concernent des travailleurs dans des laboratoires fréquentés en permanence. Je ne crois pas que ce soit le cas à Saint-Aubin». On a rarement accumulé autant d'erreurs en si peu de lignes: 1) les 20 Bq par an sont la Limite Annuelle d'Incorporation pour la population et non pas pour les travailleurs qui, eux, "ont droit" à 10 fois plus, 2) comme il s'agit d'une incorporation totale sur l'année: cela n'a rien à voir avec un temps de séjour dans un endroit donné. M. l'Inspecteur général semble confondre une limite d'incorporation annuelle et une concentration maximale admissible dans l'air. Monsieur Robert Lallement a travaillé dans le passé à Fontenay-aux-Roses comme physicien responsable d'un laboratoire consacré aux propriétés du plutonium. Il a dû être un des producteurs de déchets qui ont fini à Saint-Aubin! Comment, avec les conceptions qu'il nous révèle aussi naïvement, a-t-il fait travailler les techniciens de son laboratoire? Serait-il indécent de demander une étude de mortalité sur ce personnel (et bien sûr sur l'ensemble du personnel de Fontenay-aux-Roses qui a été utilisé dans les divers laboratoires plutonium)? Ne serait-il pas normal qu'un «Inspecteur Général» du CEA s'intéresse à ce genre de question?
     Les responsables du CEA ne pouvaient plus cacher l'existence de cette contamination par du plutonium, mais pour eux il ne s'agissait que de «traces». Certains allèrent même jusqu'à parler de «traces de traces». En somme, nous ne verrions maintenant que des «traces» de ces «traces» déchargées clandestinement il y a quelques années. Nous verrons plus loin comment ces soit disant traces se placent par rapport aux normes.

C. Les enseignements de Saint-Aubin
     Avant d'aborder le problème du danger que la décharge peut faire courir à la population, on doit tirer quelques enseignements d'ordre général.

I. La culture de la sûreté
     Les problèmes qui sont soulevés actuellement quant à la sûreté de l'industrie nucléaire sont de vieux problèmes dont on n'a pas du tout tenu compte ni au démarrage de cette industrie ni lorsqu'il fut décidé de la développer d'une façon massive: 1) attitude quasi magique vis-à-vis du rayonnement, se traduisant par une confiance aveugle et irrationnelle, non fondée expérimentalement en l'inocuité du rayonnement, 2) légèreté coupable de la hiérarchie technique et administrative vis-à-vis de la sûreté, 3) absence totale de contrôle de la part des pouvoirs publics, sur l'activité des scientifiques, des techniciens, des administratifs de l'industrie nucléaire. Ceux-ci bénéficièrent de tout temps d'une liberté d'action totale.

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     Les révélations qui émaillèrent cette histoire de «fûts fissurés» proviennent d'une succession de hasards. Qu'apprendrait-on si tous les événements de l'histoire de l'industrie nucléaire étaient totalement dévoilés? Le bilan de cette industrie est encore à faire.
     Le CEA a été le moteur pour la promotion de l'industrie nucléaire et le Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay était son plus beau fleuron. Nous voyons comment les responsables à tous niveaux ont envisagé notre sûreté. Si le personnel scientifique et technique avait eu le sens de ses responsabilités sociales, la situation aurait pu peutêtre se rééquilibrer. C'était le sens profond de l'intervention de Grottendieck et de ses amis de «Survivre et Vivre» en avril 1972. La situation s'est encore aggravée par suite de l 'indifférence de la population vis-à-vis des problèmes concernant sa santé et celle de sa descendance, jointe à l'indifférence des élus.
     Ceci relève du passé pourrait-on dire. Maintenant, on commence à prendre mieux conscience du danger. Mais la gravité de ces dangers a terriblement augmenté. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se référer à quelqu'un qu'on ne peut pas taxer d'alarmiste professionnel, d'exhibitionniste catastrophiste, l'Inspecteur Général de la Sûreté à EDF (antérieurement au CEA), M. Pierre Tanguy. Dans son rapport annuel d'activité pour 1989, il déclare tout net que l'année 1989 a été une «année chaude» pour EDF (en clair cela veut dire que la population française «a eu chaud»), que le personnel administratif et technique à tous les niveaux hiérarchiques manque de «culture de la sûreté». Les révélations depuis un an concernant, à EDF, les malfaçons, les mauvaises conceptions, l'insuffisance des contrôles, etc., en sont la preuve.

II. Les déchets de l'industrie nucléaire
     Le problème du stockage des déchets se pose d'une façon aiguë (alors que le nucléaire en tant qu'industrie n'a guère que 20 ans d'âge). Une agence spécialisée est chargé de la gestion de ces déchets. Le CEA lui sert de caution et de garantie quant au sérieux de ses conceptions. On voit clairement avec l'exemple de Saint-Aubin et bien sûr avec celui de la décharge d'Itteville de l'usine du Bouchet, comment le CEA a envisagé la gestion des déchets: on décharge en douce, pas vu pas pris, travail à la va vite sans s'assurer de la fiabilité de ses procédés de confinement. Cela est un présage particulièrement inquiétant pour les futurs sites de stockage définitif des déchets. Un réexamen complet de l'activité du CEA en ce qui concerne les déchets radioactifs doit être effectué avant la prise de quelconques décisions irréversibles. Les populations qui vivent près des sites retenus pour le stockage définitif ont de réelles raisons objectives d'être inquiètes.

a) La décharge de Saint-Aubin est-elle dangereuse?
     C'est la question qui est posée le plus fréquemment.
     On exige bien sûr une réponse précise: oui ou non. Cette façon de procéder escamote les problèmes réels.

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     1. La procédure de décharge était-elle légale ou non?
     Cette question met à jour le vide juridique dans lequel on se trouve à ce sujet, vide d'ailleurs qui favorise et encourage les pratiques incriminées. On ne peut se référer qu'à des textes généraux qui ne définissent pas explicitement d'une façon claire les limites dérivées directement applicables concrètement.
     La réglementation adoptée par le NRPB (National Radiological Protection Board) fixe les limites de contamination de la terre à 900 Bq/kg pour le césium 137 et 1.000 Bq/kg pour le plutonium, celles-ci conduisant à une dose engagée de 0,1 rem par an (1 mSv). Quand la contamination dépasse de 25% ces valeurs, soit 225 Bq/kg pour le Cs 137 et 250 Bq/kg pour le plutonium 239, le NRPB doit engager une enquête (NRPB GS8, august 1987).
     On voit que si le NRPB avait eu à contrôler la décharge de Saint-Aubin, il aurait déclenché une enquête.
     2. Il y a dans la terre de la décharge de Saint-Aubin des émetteurs a (plutonium et américium) qui ont été rejetés par le Centre de Saclay. D'après les arrêtés d'autorisation du rejet des effluents radioactifs des centrales électronucléaires, tout rejet d'émetteurs a dans l'environnement est interdit. Ce n'est certainement pas sans raison que cette contrainte a été imposée. Pourquoi ce qui ferait scandale près d'un réacteur nucléaire, devrait-il être considéré comme tout à fait normal auprès d'un centre du CEA?
     3. Dans tout ce qui a été dit à propos de la contamination de la décharge de Saint-Aubin, on a omis d'expliciter les principes qui devraient être à la base des systèmes de radioprotections tels qu'ils sont présentés dans les recommandations de la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique), c'est-à-dire en particulier par certains de ses membres: le Dr. Jammet, conseiller technique auprès de la direction du CEA (M. Rouvillois lui a-t-il demandé d'expliquer les conceptions de la CIPR en matière de radioprotection?) et aussi le Professeur P. Pellerin que le ministre de la Santé pourrait extraire temporairement du placard où il l'a enfermé, afin de lui faire expliciter les conceptions de la Commission Internationale dont il fait partie et commenter les textes dont il est un des signataires!
     Nous résumons succinctement ici quelques-uns des principes essentiels:
     1. Toute pratique conduisant à une irradiation doit être justifiée.
     2. Toute pratique conduisant à une irradiation (ou à une contamination) doit apporter aux individus ou à la société dans son ensemble un bénéfice qui compense les détriments que subiront les personnes irradiées.
     3. Les limites de dose (et par conséquent les limites dérivées concernant les contaminations) doivent être considérées comme des limites d'inacceptabilité qu'il ne faut jamais atteindre. Cette notion d'inacceptabilité est développée dans toutes les publications de la CIPR concernant les normes.
     4. Les limites de dose ne doivent pas servir pour déterminer les niveaux de protection de pratiques particulières. Ceux-ci doivent être déterminés à partir du deuxième principe dans le cadre d'une «analyse coût/bénéfice».
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     5. Il est erroné d'utiliser les limites de dose comme une frontières entre le non dangereux et le dangereux. Toute irradiation comporte un risque pour la santé.
     A partir de ces principes, nous pouvons poser quelques questions préalables:
     1. Le CEA peut-il justifier ses pratiques clandestines à Saint-Aubin? Le SCPRI peut-il justifier l'absence de contrôle efficace sur le terrain de la décharge?
     2. Quel bénéfice a retiré la population (en particulier les enfants curieux qui ont pu jouer sur la décharge) de cette pratique du CEA, qui compenserait le détriment causé par la radioactivité. Les intérêts du CEA coïncident-ils par principe et sans examen possible avec les intérêts de la population locale ou ceux de la société?
     3. Avant de répondre à la question est-ce dangereux? il faut apporter une précision à la question: à partir de combien de morts, de combien de retards mentaux sévères, de combien de retards mentaux légers (ce sont les principaux détriments reconnus actuellement par la CIPR), dans une population donnée, jugez-vous la situation dangereuse?
     Enfin, rappelons un dernier point qui n'est guère mentionné. La législation française actuelle fixe la dose maximale admissible pour la population à 0,5 rem/an. Depuis 1985, la CIPR a fixé cette limite à 0,1 rem/an et depuis 1987 la Commission conçoit cette valeur comme une limite d'inacceptabilité qu'il ne faut jamais atteindre.
     Qu'attendent Messieurs Jammet et Pellerin pour faire modifier la réglementation française pour la rendre conforme aux conceptions qu'ils recommandent d'adopter en tant que membre de la CIPR?

b) Le plutonium
     Les Directives de 1984 du Conseil des Communautés Européennes ont fixé les limites annuelles d'incorporation (LAI), pour les individus du public à 20 Bq/an pour le plutonium inhalé et à 20.000 Bq/an pour le plutonium ingéré. La réglementation française est conforme à cette directive. Depuis 1986, la CIPR (dans sa publication 48) a révisé à la baisse la LAI par ingestion et l'a fixée à 2.000 Bq/an. La radiotoxicité du plutonium, par ingestion, est ainsi déclarée 10 fois plus importante que ce qui était antérieurement admis. Dans les nouveaux modèles dosimétriques, le plutonium ingéré est considéré comme beaucoup mieux absorbé par le Tractus Gastro-Intestinal que ce qu'on admettait il y a quelques années. La fraction du plutonium absorbé passe de 1 pour 10.000 à 1 pour 1.000. Pour les nourrissons, la fixation est plus importante et il est recommandé de prendre pour la fraction du plutonium absorbé 1 pour 100. La CIPR admet que 80% du plutonium qui atteint le flux sanguin se fixent sur le foie et les os. La souillure d'une blessure par de la terre contaminée par du plutonium sera assez grave car le plutonium peut être transféré directement dans le sang. C'est ce qu'il faudrait envisager dans le cas où des enfants jouant sur la décharge s'y blesseraient.
     Rappelons que pour la réglementation anglaise, la norme concernant le plutonium pour un sol bien mélangé et supposé contaminé d'une façon homogène sur 30 cm de profondeur est de 1.000 Bq/kg.
     Tous les problèmes concernant le métabolisme du plutonium sont loin d'être complètement résolus. Ainsi on ignore toujours comment se fait le mécanisme des dépôts osseux. L'estimation de la radiotoxicité du plutonium a constamment été, dans le passé, révisée à la hausse. Des études sont actuellement en cours pour déterminer l'influence de la forme chimique sous laquelle se présente le plutonium sur le facteur d'absorption. Ainsi, nous pouvons lire dans le rapport annuel d'activité pour 1989 de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN-CEA) au chapitre «Exposition interne-modélisation» (page 16) le passage suivant consacré à l' «Absorption gastro-intestinale des actinides»: "Des résultats provenant d'expérimentations limitées ont attiré l'attention des experts de la Commission Internationale de Protection Radiologique sur le transfert digestif relativement élevé du plutonium à l'état de valence 5 ou 6, qui est l'état où se trouve cet élément dans l'environnement (par exemple dans les grands lacs américains) et dans les eaux de boisson traitées au chlore en particulier. Une exposition chronique d'animaux à cette contamination a confirmé que le transfert était plus élevé qu'avec les autres formes mais le coefficient de 10-3 actuellement proposé pour les besoins de la protection couvre ce phénomène. Cependant, une rétention importante au niveau des dents a été observée, représentant jusqu'à 95% de la charge corporelle totale. Le risque que pourrait apporter ce dépôt au niveau de la cavité buccale reste à préciser". (souligné par nous).
     Certains spécialistes en radioprotection ont critiqué depuis très longtemps les modèles utilisés par la CIPR pour estimer la radiotoxicité du plutonium. Ainsi, Karl Z. Morgan (qui fut le président d'une des commissions de la CIPR) a publié dans 1'American Industrial Hygiene Association Journal d'août 1975 une revue critique sur la modélisation du métabolisme du plutonium: «Suggestions pour la réduction de la contamination admissible par le plutonium et autres éléments tranuraniens». Il concluait le sommaire de son article par: «certaines études récentes suggèrent que la charge maximum admissible pour le corps, fondée sur les os comme organe critique, devrait être réduite au moins d'un facteur 200».

suite:
     Le problème de la radiotoxicité du plutonium est loin d'être défïnitivement réglé et personne ne peut affirmer actuellement que le plutonium ne sera pas dans quelques années, considéré comme beaucoup plus dangereux que ce qui est admis aujourd'hui. Il y aurait lieu d'être extrêmement prudent pour des pratiques qui engagent l'avenir de la santé des populations.
     Il ne faudrait pas que le plutonium à Saint-Aubin escamote les problèmes posés par les autres radionucléides (le césium en particulier).
 
ANNEXE

A propos des normes et du plutonium
     De nombreuses erreurs ont été répercutées dans la presse, au sujet des normes recommandées par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), en ce qui concerne le plutonium. Celles-ci sont complexes et en pleine évolution. Nous nous bornerons à l'essentiel:
     Les normes pour le public indiquées par la presse découlent de celles recommandées par la CIPR dans sa publication N°30 en 1978 et qui concerne les travailleurs. Celles du public sont 10 fois plus basses. Les limites annuelles d'incorporation ( LAI) sont pour le Pu 239:
     LAI par ingestion, 20.000 Bq (à l'exclusion des oxydes et hydroxydes)
     LAI par inhalation, 20 Bq ( à l'exclusion du PuO2)
     Ce sont ces LAI qui ont été adoptées par les Communautés Européennes en 1984 (J.O. L265, 5 octobre 1984) et qui sont légales en France.
     Depuis 1978, il y a eu de nombreuses modifications:
     1) Les périodes de rétention dans le squelette et le foie qui étaient respectivement de 100 ans et 40 ans ont été diminuées de moitié (rappelons que la dose organe la plus élevée est celle atteinte par la surface des os, tant pas ingestion que par inhalation.
     2) la fraction absorbée par le Tractus Gasto-lntestinal f1 est passée de 10-4 à 10-3, ce qui multiplie par 10 le risque par ingestion, Pour les nourrissons avant sevrage, f1 serait de 10-2 (le risque esst multiplié par 100 pour la première année).
     Dans sa publicalion n°48 adoptée en avril 1986, il résulte que la LAI par inhalation est inchangée, 20 Bq, car le transfert du plutonium dans le flux sanguin via le tractus gastro-intestinal est faible par rapport à celui via les poumons.
     La LA1 par ingestion est de 21.000 Bq au lieu de 20.000 Bq quand la nature du composé n'est pas connue ou dans le cas de mélanges...
     3) Depuis 1985, la CIPR recommande une limite principale annuelle d'équivalent de dose efficace de 1 mSv (0,1 rem) et non plus de 5 mSv (0,5 rem). Ceci n'avait pas encore été pris en compte dans les recommandations de la CIPR 48 d'avril 1986 qui devraient être modifiées en conséquence.
     De nombreuses  inconnues subsistent: entre autres il est indiqué que "pour des raison, qui ne sont pas comprises, la partition du plutonium entre le foie et le squelette varie selon les individus". Dans le cas des enfants et des nourrissons la proportion est probablement différente de celle des adultes par suite des différences dans le métabolisme.
     Le passage d'une  limite de 0,5 Rem/an à 0,1 rem/an devrait réduire les LAI d'un facteur 5. Comme en même temps on procède à des changements dans le modèle représentatif du métabolisme du plutonium, le facteur de réduction est plus faible.

II. Et le césium?
     A Saint-Aubin, il n'y a pas que le plutonium. Les quantités de cesium 117 mesurées aujourd'hui sont considérables. Ici, le risque provient essentiellement de l'irradiation externe.
     En faisant l'hypothèse que le césium se situe dans les trois premiers centimètres du sol et avec une densité de terre de 1,5, il correspond une activité surfacique de 320.000 Bq. m2 (environ 9 Ci/km2, du même ordre de grandeur que celle trouvée aujourd'hui dans les zones sous contrôle périodique de Bielorussie et d'Ukraine!).
     Dans la Gazette N°96/97, nous avions indiqué page 22 le calcul de dose annuelle intégrée pour un dépôt de 1 Bq/m2 en Cs 137. Pour 320.000 Bq/m2, il correspond à une irradiation externe de 0,45 Rem avec les modèles utilisés par le NRPB. Une urbanisation sur ce sol? Le modèle de l'UNSCEAR pour "l'homme standard" considère qu'il passe 20% de son temps dehors et que les maisons assurent un écrantage de 20%, conduit à une dose annuelle de 0,162 rem!  près de 2 fois la limite d'inacceptabilité recommandée par le CIPR. Dans le cas du Cs137, on doit aussi tenir compte de la contamination interne par les aliments. Il serait peut-être utile d'avertir les amateurs de champignons, nombreux à l'Orme des Merisiers...

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