La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°223/224, septembre 2005
DÉBAT PUBLIC: EPR, DÉCHETS, ITER
Un moyen pour faire passer un message ou un effort pour rien?
Ce numéro est dédié à Jean Pignero

EDITORIAL / SOMMAIRE


     Nous sommes dans l'ère du "débat Public" qui doit permettre l'expression des citoyens (des acteurs comme il est souvent écrit).
     Mais quels citoyens? Là, il y a des catégories:
     - ceux qui participent à des réunions préparatoires. Lors du débat, ils se seront déjà exprimés donc exit cette catégorie,
     - ceux des sites: ils ont tellement été scruté, bombardé de pub que soit ils sont rassurés, soit ils en ont marre de toujours participer et de constater que les dossiers ne changent jamais d'un iota; tout juste cela permet de s'entendre dire "on vous a compris" mais le projet se fait comme si  personne n'avait posé la moindre question
     - ceux promus "éclairés". Pareil, ils participent aux réunions et textes préparatoires puis exit.
     - ceux  "experts pouvant émettre un avis différent de celui du maître d'ouvrage". Bon il y en a peu alors on les consulte mais comme on discute sur des sujets déjà bouclés, leurs interventions sont intéressantes mais sans suite.
     - ceux qualifiés de lambda : toute la question est viendront-ils ou bien lassés d'écouter des arguments propagande vont-ils bouder?
     Pourquoi toutes ces contorsions parce que "transparence oblige", alors le grand jeu a été sorti (jeu de rôle, bien sûr):
   - des auditions parlementaires où la parole est confisquée. Ne s'expriment que les directions des organismes ou quelques habilités d'où aucun doute, aucune évaluation mais une ambiance de “tout va très bien...”
     -des séances au ministère de la recherche strictement de la même veine. Quasiment aucune question, ce n'est pas "politiquement correct".
     -des écrits: rapport de l'office, rapport de la CNE, défis du CEA, dossier Argile 2005
     Nos chers acteurs communiquent tout azimut. Les grands absents ce sont les citoyens. Ils ont effectivement du mal à mener de front leur lutte locale, leur emploi (il faut tout de même vivre et le militantisme c'est du bénévolat et en plus peu gratifiant) et des débats dont ils ne saisissent  pas l'utilité.
Bien sûr, il faut envoyer quelques sacrifiés présenter un autre point de vue que celui du maître d'ouvrage (EDF, ANDRA, CEA, COGEMA, les ministères) mais vraiment la face du monde n'en sera pas changée et celle des déchets et de la politique énergétique non plus.
     Alors à quoi rime tout ce tintouin?
     A rien auriez-vous envie de répondre. Détrompez-vous. 
     - des institutions (?) telles le CSSIN, la CNDP, les CLI, l'ANCLI sont nées, ont pu faire du travail et sont toujours convoitées par les officiels. A tel point qu'on essaie d'évaluer leur efficacité, leur apport à la réalisation des objectifs officiels: étouffer les questions, faciliter l'insertion d'un projet décidé par ailleurs. Ces institutions ne sont pas censées analyser un sujet par elles-mêmes ce qui suscitent quelques résistances.
     - des associations telles la SFEN, l'AEPN, etc. sont nées, se multiplient pour être les relais et faire du lobbying. Leur vocation n'est pas l'analyse mais de véhiculer, de relayer les argumentaires officiels élaborés par les cellules de communication des groupes EDF, AREVA, CEA. A cet égard, la consultation de leurs écrits est édifiante: grâce à eux le dossier comporte plusieurs fois les mêmes argumentaires jamais étayés, toujours affirmés.
     Alors que faire?
     Comme d'habitude certains doivent participer pour essayer d'obliger au débat, pour que tous les arguments soient mis sur la table, pour ne pas se limiter à la vérité officielle mais l'enrichir, la compléter.
     Et comme d'habitude certains feront de l'agitation extérieure pour aussi porter leur message, pour obliger à l'écoute. 
     Les 2 approches sont indissociables et permettent non pas de “gagner” mais d'obliger à modifier les analyses, à prendre en compte les problèmes de radioprotection, de sûreté, de politique énergétique autre, de déchets autres que les hautement actifs, de se poser des questions à propos du retraitement et de sa fille : la prolifération.
p.1

      J'ai retrouvé un vieux texte du Monde du 11/6/1975 :
     "En 1975, au moment où les autorités nucléaires imposaient brutalement l'implantation de centrales nucléaires, Marcel Boiteux, alors président d'EDF, déclarait: le plus important peut-être n'est pas le domaine nucléaire (..). Tous les experts en relations publiques disent -c'est bien connu- qu'il ne faut jamais répondre à un article de polémique, hors le cas précis et indubitable de diffamation. Car si l'on sait avoir tort, mieux vaut ne pas s'y risquer. Et si l'on est convaincu d'avoir raison, c'est placer l'antithèse au même plan que la thèse et lui donner un crédit inespéré."
     Et probablement nous avons gagné sur un point: l'antithèse et la thèse sont sur un pied d'égalité et il est organisé des débats publics. Par contre ces débats sont pour le moment en trompe l'oeil: on fait causer puis on revient au plan primitif car qui sont ces illuminés qui osent poser des questions et ne pas supporter qu'on pensent pour eux?
   Les choses ont-elles changé? Peut être puisqu'on demande des articles à tout le monde, enfin 2 ou 4 pages aux associatifs et des pavés aux maîtres d'oeuvre. 
   Ou bien accepter d'entamer un débat est-ce seulement pour que le citoyen croit avoir pu s'exprimer? On verra, mais je crains le pire.
    Je reste persuadée, après 30 ans de lutte, que inlassablement donner son avis et oeuvrer pour améliorer la sûreté, est une tache épuisante. Est-ce nécessaire, est-ce que cela change quelque chose? Peut-être mais je n'ai plus beaucoup de courage même si je suis encore capable d'indignation...
     Et si l'on revient aux prémices du nucléaire, aux bombes, 60 ans après Hiroshima et Nagasaki, la course aux armements continue. Le traité de Non Prolifération signé à grand peine par les nations en possession de l'arme nucléaire, imposant à toutes les autres de ne pas s'armer (et ne se l'appliquant pas à elles-mêmes) est quasi mort cette année.
     Camus celui qui avait écrit en 1945:  "En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte qui met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles." et ajouté "Si les Japonais capitulent après la destruction d'Hiroshima, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale, où les grandes puissances n'auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel état." serait bien déçu. 
     Où en sommes-nous? Encore dans les limbes de la barbarie et toujours sous la dépendance de quelques états qui s‘arrogent le droit de penser pour les autres. De plus nous affirmons "A cause de ce massacre la bombe  atomique n'a pas été réemployée". Certes, mais l'arme chimique, bactériologique peut être, a bel et bien, servi. Et la paix ne règne pas depuis 60 ans: simplement il n'y a plus eu de déflagrations généralisées, mais tellement de conflits locaux (Viêt-nam, Algérie, Liban, Afrique, Asie, Corée,...) puis Tchétchénie, Irak, Moyen Orient. J'arrête mon énumération horrible pour répéter: Quand cesserons-nous cette course aux armements qui pompent les forces vives des pays et n'engendrent que des conflits, jamais la paix. Nous commémorons, nous nous souvenons et NOUS NE TIRONS AUCUNE LEÇON CAR NOUS NOUS REFUSONS A L'ANALYSE: ce sont toujours les autres les coupables.
     Une bonne nouvelle: Iouri Bandajevski, est enfin en liberté conditionnelle. C'est un pas vers sa libération complète. Souhaitons lui d'arriver à monter un nouveau laboratoire en Bélarus.
Un bref complément d'information.
Wladimir Tchertkoff (06/08/05)
      Je ne sais rien de plus de ce qu'ont diffusé la CRIIRAD et AFP aujourd'hui :
     Bandajevsky non plus, que j'ai eu ce matin au téléphone, ne sait pas grand chose, sinon qu'on exige de lui la "restitution" des 35.000.000 de roubles (environ 17.000 dollars US) et que sa position, prise définitivement, ne changera pas:  il rejette la sentence et le jugement, et ne se reconnaît pas coupable. Je lui ai demandé quelles étaient les limites de sa liberté. Il m'a dit qu'étant en liberté conditionnelle depuis vendredi, il est sous la surveillance du pouvoir judiciaire. Demain, il ira signer au commissariat de la milice du quartier et saura peut-être quelque chose de plus. Il semble qu'il ne sera pas autorisé de quitter le pays tant qu'il n'aura pas éteint cette prétendue dette. A moins d'une révision du procès et d'une annulation de la sentence, la restitution se fera de toute façon : qu'il le veuille ou non, elle lui est imposée. Dès qu'il sera employé, 25 à 30% seront prélevés automatiquement de son salaire.
     Il m'a prié de le rappeler demain soir, pour pouvoir être plus précis.
Comme vous pouvez le constater rien n'est tout à fait définitif : attendons, restons vigilant et aidons.
Pour s'informer  sur la création du laboratoire de recherche:
http://www.criirad.org

     Les essais menés par l'IRSN sur le réacteur Phébus ont permis de tester le comportement des gaines de combustibles en présence de barres de contrôle en carbure de bore en cas d'accident.
     "Pendant l'essai, les expérimentateurs ont pu observer un dégagement de méthane, de monoxyde de carbone et de gaz carbonique au cours de la phase d'oxydation des gainages du combustible. Ces dégagements, observés pour la première fois, sont liés à la présence de carbone dans la barre de commande.
     Il est désormais nécessaire d'évaluer l'impact que pourraient avoir ces gaz sur le comportement chimique des produits de fission et en particulier de l'iode radioactif présent dans l'enceinte de confinement du réacteur. Par exemple, le méthane, en se combinant à l'iode, pourrait former un composé organique très volatil et donc impossible à piéger par les filtres en cas de rejet accidentel dans l'environnement."
     Comme quoi il y a encore des tests à mener. Or l'EPR doit être équipé par de telles barres de contrôle. Donc, affaire à suivre...
     Et pour finir la fuite radioactive à Sellafield, dans l'usine Thorp: 83.000 litres d'une solution hautement active contenant 20 tonnes de combustible usé dissous. Fuite qui a duré plusieurs semaines, si ce n'est des mois avant la prise de conscience des opérateurs que le bilan combustible/liquide de dissolution ne collait pas du tout.
     Pas mal... Ce liquide est dans un  réservoir, évidemment non prévu pour de telles quantités (heureusement qu'il était sur le circuit..). Et maintenant il faut récupérer  les produits et là ce n'est pas encore réalisé. Il va falloir concevoir les robots d'approche et ensuite pomper un breuvage hautement actif et contenant environ 200 kg de plutonium. La fuite de Sellafield n'a pas fini de faire parler d'elle d'autant plus que Thorp est stoppé.
     En tout cas bonne lecture à tous.
p.2

Sommaire

EDITO
Hommage à Jean PIGNERO.
* Débat Public: dossier déchets
* Introduction au débat; Extraits de contrôle n° 165; L'îlot Cuvier; Extraits du Livre blanc de l'ANCLI; CNDP: cahier GSIEN; CNE; résumé et conclusions;  Quelques réflexions sur Argile 2005; Communiqué Calais; Bugey et les déchets; Déchets Suisse; Canada: écologistes contre les solutions officielles; Arménie: construction d'un dépôt
* Dossier EPR:
Introduction au débat; Sûreté EPR (cahier GSIEN); EPR (infonucléaire); Retard sur EPR (Nouvel Economiste)
* AUTRES NOUVELLES:
Libération du scientifique biélorusse Bandajevski; Suez et Electrabel; IRSN (essai phébus); Verts Suisses (100% renouvelables en 2020); Fuite à Sellafield; Hiroshima-Nagasaki: brevet françcais!); Les vétérans irradiés (pensions); pétition

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