Il n’y a pas
que la radioactivité dans la vie! Les rayons X largement utilisés en
pratiques médicales, participent aussi à la dose admissible de 1 mSv
par an retenue en radioprotection du public. Quoi de neuf dans la
radioprotection des rayons X en imagerie médicale?
(suite)Il y a d’abord la notion de niveaux de référence diagnostiques (NRD) qui est introduite dans la directive 97/431 Euratom (1) qui indique qu'il faut mesurer les «niveaux de dose dans les pratiques radio diagnostiques... pour des examens types sur des groupes de patients types ou sur des fantômes types, pour des catégories larges de types d'installations. Ces niveaux ne devraient pas être dépassés pour les procédures courantes si des pratiques bonnes et normales en matière de diagnostic et de performance technique sont appliquées». (2) Le décret n°2003/2702 (3) relatif à la radioprotection des patients impose de prendre «les mesures nécessaires pour ne pas dépasser les niveaux de référence diagnostiques». L'arrêté du 24 octobre 2013 relatif aux niveaux de référence diagnostiques en radiologie et en médecine nucléaire remplace l’arrêté du 12 février 2004. Il définit les obligations en matière de mesure des NRD et les valeurs maximales des NRD par catégorie d'examens (en radiologie conventionnelle chez l'adulte, en radio pédiatrie et en scanographie). Les Niveaux de Référence Diagnostiques ont été établis pour certains examens (à partir de références internationales et d’études nationales) et sont réglementairement applicables depuis 2004(arrêté du 12 février 2004). Ce ne sont pas des «limites» de doses, mais des doses recommandées pour les examens les plus courants et des patients types (70 +/– 10 kg pour les adultes). Pour mettre à jour ces NRD, l’IRSN a donc besoin des relevés annuels des radiologistes, relevés comportant chacun les indices de dose ad hoc pour au moins deux examens et pour 20 patients par examen. Ces obligations sont reprises dans l’article R.1333-68 du Code de la santé publique: «Pour les examens exposant aux rayonnements ionisants les plus courants et pour les examens les plus irradiants, des niveaux de référence diagnostiques de dose sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé, pour des examens types sur des groupes de patients types ou sur des matériaux simulant le corps humain. Ces niveaux de référence sont constitués par des niveaux de dose pour des examens types de radiologie et par des niveaux de radioactivité de produits radio pharmaceutiques en médecine nucléaire diagnostique».C’est à partir de la nécessité de mesurer les niveaux de doses en pratique radio diagnostique prescrite par la directive EURATOM qu’un texte réglementaire est paru le 22 septembre 2006 «relatif aux informations dosimétriques devant figurer dans un compte-rendu d’acte utilisant les rayonnements ionisants» (Journal Officiel du 29 septembre 2006). (4) LE MOT CLEF POUR COMPRENDRE: «LE PRODUIT DOSE SURFACE » (PDS) Que représente le PDS (a)? Quel rapport avec la dose efficace, en clair avec le détriment pour nous, après passage sous l’ampoule à Rayons X (b)? Le mot clef est: “coefficient d’organe“ Quelques définitions sont ici utiles: - Dose à la surface d’entrée De, c’est la dose absorbée dans l’air, rayonnement diffusé inclus, au point d’intersection de l’axe du faisceau de rayons avec la peau à l’entrée du patient. Elle s’exprime en mGy. - Le produit dose surface (PDS) qui s’exprime en gray.cm2, c’est lui qui est écrit sur le cliché - La dose efficace: La notion de dose efficace a été proposée par la CIPR en 1977 pour prendre en compte le risque total résultant de l'exposition de plusieurs organes ou tissus présentant des radiosensibilités différentes Elle permet donc d'évaluer le risque des effets stochastiques chez l'homme. Elle tient également compte de la radiosensibilité particulière de chaque tissu à la cancérisation. Cette dose s’exprime en milli sievert (mSv) (c). |
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Comment peut-on mesurer le PDS? En pratique le plus simple est de
disposer d’un système de mesure ou de calcul automatique. Si
l’installation est récente, elle dispose déjà de ce système car, depuis
le décret du 15 juin 2004, tout nouveau dispositif radiologique
utilisant les rayons X doit être doté d’un système de mesure de la dose
délivrée. p.10- LE PDS comment le convertir en mSv, c’est à dire en dose efficace? C’est simple, selon l’organe examiné on va multiplier le PDS lisible sur le cliché (en général dans la bande noire en bas) par un coefficient lié à l’organe examiné: Tête face: 1/20 Colonne cervicale face: 1/5 et profil: 1/20 Thorax face: 1/3 Abdomen face, bassin et rachis lombaire: 1/5 RÉSULTATS POUR UN ADULTE : POUR UN ENFANT : LES CAS PARTICULIERS Et s’il s’agit d’un scanner X? L’indice dosimétrique est cette fois le Produit Dose. Longueur (PDL). Le PDL, fourni par toutes les nouvelles machines (c’est une norme de la Commission Électrotechnique Internationale), est un indice de dose cumulée, correspondant simplement au produit de l’IDSV (indice de dose scanographique au volume, ou «CTDIvol» en anglais) par la longueur de patient explorée, il s’exprime donc en mGy.cm (et non pas en mGy par cm). Sur les scanners les plus récents un rapport dosimétrique (ou «dose report» en anglais) est maintenant automatiquement créé et apparaît dans les images sous forme d’une copie d’écran à la fin de l’examen. Résultat, et malgré une diminution de dose significative pour les scanners hélicoïdaux avec reconstruction itérative, on trouve des doses efficaces élevées comme 17,3 mSv pour un abdomen, et avec reconstruction itérative 11,1 mSv. Surtout il y a en plus un facteur multiplicatif selon l’âge : pour un détriment de 1 mSv mesuré chez l’adulte, on aura 2,6 mSv pour un enfant de 5 ans, de 4 mSv pour un nourrisson de 1 an, et 7,9 mSv pour un nouveau né! Et s’il s’agit d’une mammographie ? La mammographie est un cas particulier. L’information dosimétrique à fournir est exprimée en «dose glandulaire moyenne» (ou DGM, ou AGD en anglais pour «Average Glandular Dose», exprimée en mGy). Cet indice de dose absorbée est calculé en tenant compte de l’épaisseur du sein comprimé, de sa densité et de la qualité du faisceau de rayons X employé (fonction du couple anode/filtration). |
QUELLES LEÇONS POUR LE VULGUM PECUS? (suite)Tout le débat se situe dans la discussion du rapport avantages/effets nocifs. L’urgence médicale implique la prise de risque, mais la protection des populations implique la restriction des doses délivrées la plus importante possible. Tout ce dispositif est en place pour encadrer l’imagerie radiologique, avec en objectif, la réduction des doses délivrées au strict nécessaire selon l’urgence. L’alerte est venue non seulement de l’utilisation itérative abusive des clichés, mais des conséquences en termes de maladies radios induites pour les patients et…les praticiens. Il y a des priorités: le cas de la radiologie interventionnelle (comme les examens des artères coronaires) est surtout préjudiciable à l’opérateur, Mais l’abus de scanner X est surtout préjudiciable au patient avec une mention particulière pour les explorations chez l’enfant et le nouveau-né. Le cas particulier des mammographies de dépistage systématique du cancer du sein: ici l’enjeu est simple, la mammographie est utile pour le dépistage précoce des tumeurs, mais la dose délivrée n’est pas négligeable: en moyenne 4,5 mGy pour 2 clichés. 2 situations existent: les femmes de moins de cinquante ans, sur 100.000 explorées, il y a de 7 à 31 cas de cancer radio induit, et 100 cas de “sur diagnostic“ avec intervention (car la lecture des clichés pour une patiente en activité génitale est difficile). Par contre, pour les femmes de plus de 50 ans, la lecture est plus facile, et le nombre de cancers radios induits pour 100.000 est de 5 selon l’institut Curie. Ceci explique les efforts actuels pour réduire les examens avec un recours alterné avec l’échographie et une surveillance accrue dans les groupes à risques. Dans les pays où on en est resté au dogme de la mammographie annuelle obligatoire, YAFFÉ et al ont publié les résultats suivants (5) : Pour une dose moyenne annuelle de 3,7 mGy, et pour une cohorte de 100.000 femmes de 40 à 74 ans, il y a eu 86 cancers radio induits et 11 décès. QUELLES LECONS FAUT-IL RETENIR APRÈS LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DE L’ASN DANS LE DOMAINE MÉDICAL? (6) Tous les lecteurs de la Gazette savent faire leur miel des comptes rendus d’incidents et d’accidents pour les centrales nucléaires fait par l’ASN. Cela nous permet aussi de mesurer le niveau de radioprotection des personnels et de la population environnante. L’ASN a mise en place à partir du 1er juillet 2007 un dispositif de déclaration «des événements significatifs de radioprotection» (ESR) répondant à un questionnaire avec des critères explicites et précis, dans le cadre d’une des missions de l’ASN qui est de participer à l’information du public dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Entre juillet 2007 et 2013, il y a eu 2.300 ESR englobant les graves accidents en radiothérapie qui ont défrayé la chronique et qui non pas échappé à la GAZETTE (par exemple la N°243, mais vous pouvez faire une recherche "incidents accidents radiothérapie" pour un résultat exhaustif...). Parmi ces 2.300 ESR colligés par l’ASN, 64% relèvent de la radiothérapie, 19% de la médecine nucléaire, nous retiendrons les 9% en scanographie (scanner X), les 6% du radiodiagnostic conventionnel (y compris la radiologie dentaire), et les plus graves, les 2% de la radiologie interventionnelle. |
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Qui est concerné par ces incidents et accidents? Les patients pour 69%,
l’environnement pour 7%, les travailleurs (radiologistes compris) 7% et
le public: 11%. Reste 6% de causes multiples dont la malveillance
(0,05%) les femmes enceintes (qui ne se sont pas déclarées comme
telles) etc. En radiologie, les accidents les plus graves sont liés aux
interventions sous scopie. Un point important est à signaler: les
lésions sont découvertes la plupart du temps par un médecin extérieur à
la structure, un généraliste par exemple. Les doses enregistrées
dans quelques cas sont de 1 à 3 Gray au poumon ou au cœur, de 14 et 60
Gray à la peau. Les causes des événements déclarés sont évidemment
multi factorielles, mais majoritairement d’origine organisationnelle et
humaine. ROUSSE et al (6) proposent la liste suivante: «Des
manquements dans l’application des règlements de la radioprotection, un
manque de moyens et de personnes ressources (comme les radio
physiciens), une formation insuffisante des opérateurs, des lacunes en
matière d’assurance et de la qualité de la gestion du risque, des
changements techniques et des pratiques insuffisamment anticipés, des
lacunes en matière de gestion des doses et du suivi des effets
secondaires (surtout pour la radiologie interventionnelle), des
défaillances dans la surveillance et l’entretien des installations et
une information insuffisante du patient en tant qu «acteur de sa
sécurité». La médecine, et singulièrement la radiologie, sont
bien dans le champ d’action de l’ASN, il n’y a pas d’exception dans ce
domaine. Permettez- moi de conclure sur une phrase de l’ASN dans une de
ses lettres circulaires d’information de 2009: «Il
apparaît important qu’une réflexion soit menée pour améliorer
l’information des patients en élaborant le contenu de l’information à
délivrer et en mettant en place des contrôles permettant de vérifier la
bonne compréhension de l’information délivrée». p.11Notes a- le PDS est en gray. cm2 et le coefficient d’organe a une dimension de surface (en cm2) dans le produit des deux, l’unité de surface disparaît. b- Pour les rayons X de référence, 1 gray =1 Sievert, on a donc le droit dans notre cas de traduire les gray en Sievert directement c- l’expression en milli Sievert (mSv) est simplement plus pratique et répond au langage courant en radioprotection. BIBLIOGRAPHIE 1 Directive 97/43/Euratom du Conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d'expositions à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466/Euratom. JOCE n° L 180 du 09 juillet 1997 2 Décret n° 2003-270 du 24 mars 2003 relatif à la protection des personnes exposées à des rayonnements ionisants à des fins médicales et médico-légales et modifiant le code de la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d’Etat). JORF du 26 mars 2003 3 Dr Hervé LECLET: La métrologie des niveaux de doses dans les pratiques radio diagnostiques Publié sur le site http://www.bivi.metrologie.afnor.org/ 4 H Brisse, D Sirinelli, JF Chateil ,YS Cordoliani , B Aubert, B Silberman , M Panuel et C Adamsbaum, Inscrire la dose d’exposition dans les comptes rendus radiologiques: pourquoi? Comment? J. Radiol; 88: p 411-4, 2007 5 Yaffé et al, Risk of radiation induced breast cancer from mammographic screening, RADIOLOGY, 258,98, 2011 6 C. Rousse, P. Cillard et J.-L. Godet, Retour d'expérience sur les événements déclarés à L‘Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) dans le domaine médical. Radioprotection, 49,(I), 6I-67 2014 |