La civilisation (industrielle et pas seulement elle d'ailleurs) a de tous temps engendré des déchets. Lorsque l'homme de l'âge de la pierre taillée fabriquait des haches et pointes de flèches, il laissait sur place des quantités d'éclats de silex (que nous sommes ravis de retrouver aujourd'hui pour comprendre leurs techniques). La chance de cette époque était la faible concentration en individus: aujourd'hui il suffit que quelques millions de Français partent en vacances au bord de la mer pour que les rivières, les rivages soient pollués et qu'on doive installer à grand frais des stations d'épuration. L'écosystème peut digérer un peu de m..., pas des tonnes! Il est saturé si ce n'est pas tué. Dès qu'une industrie se développe, elle crée des déchets et il faut bien trouver des solutions. Pendant très longtemps les solutions étaient du style décharge publique ou sauvage et il a fallu des actions énergiques des écolos et quelquefois des pouvoirs publics pour que cessent ces pratiques. De là sont nées les décharges industrielles qui sont la meilleure et la pire des choses. La meilleure lorsque les choses sont faites correctement, à la lumière, lorsque l'appât du gain ne devient plus prédominant sur le respect des normes de sécurité (et même là, les normes, il faut savoir que les édicte et sous quelles pressions). La pire lorsqu'on joue avec la sécurité comme à Roumazière où, en recherchant la dioxine de Seveso, on a retrouvé des fûts de cyanure, non prévus, non autorisés; la pire comme à Love Canal où un dépôt de déchets contenant de la dioxine a été fait en dépit du bon sens et, après sa saturation, revendu au gouvernement qui y construisit des écoles et des logements sociaux Pour le nucléaire, c'est la même chose. Faisons un rêve (pour les uns) ou un cauchemar (pour les autres): on arrête aujourd'hui tous les réacteurs, on renvoie dans leur pays d'origine les combustibles étrangers (comme dirait Le Pen) en attente à La Hague. Et alors que fera-t-on des milliers de tonnes de combustibles irradiés situés actuellement dans les réacteurs français, stockés dans les piscines des sites ou dans celles de La Hague et de Marcoule? Supposons même que pris d'une illumination brutale, nos décideurs choisissent l'option non-retraitement: alors où va-t-on fourrer toute cette gadoue? Le problème est un problème réel qui empoisonne de nombreuses régions de France. Il suffit que soit évoquée cette question dans une quelconque campagne, ou même qu'une seule rumeur circule, pour qu'une part importante de la population soit en ébullition. Faut-il se montrer «raisonnable», se dire qu'il faut accepter que les choses se fassent à condition qu'elles soient bien faites, en prenant en compte les recommandations du groupe Castaing, en mettant en place des contrôles auxquels seraient associées les populations locales et les pouvoirs régionaux? Tout cela est du domaine du rêve car il faudrait aussi que les pouvoirs publics acceptent un vrai débat national sur la politique énergétique sinon les gens raisonnables seront les c… de la farce. Ils endosseront, sous prétexte d'utilité publique, les errements de nos nucléocrates. En effet on attend toujours que les règles fondamentales de sûreté pour !a gestion des déchets soient définies et rendues publiques et ce avant le choix des sites. Sinon aucune illusion, ces règles seront ajustées pour des sites où l'acceptation sociale sera plus facile. Quant aux contrôles régionaux, ils sont toujours du domaine du rêve. (suite)
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Quant à notre maîtrise sur le programme énergétique, aucune illusion non plus à se faire: nous avions cité le pré-rapport Josephe, citons maintenant le rapport final repris dans le rapport de l'Assemblée nationale 1740 (octobre 83): «... les analyses du groupe font apparaître que la prolongation des tendances des dernières années conduit à une consommation comprise entre 330 et 350 TWh en 1990, alors que le parc de production qui serait en service à cette date serait susceptible de produire 400 à 430 TWh. 7 à 10 tranches nucléaires seraient donc en excédent à cette date.»Et que croyez-vous qui suit?... «... Face à ce problème, le groupe long terme énergie préconise l'engagement de 9 à 10 tranches nucléaires sur la période 1983-1990: cette proposition résulte de la prise en compte de la nécessité de préserver l'outil technologique et humain de l'industrie nucléaire puisque l'adoption du seul critère d'optimisation du parc rendrait inutile tout nouvel engagement entre 1983 et 1985 ou 1987, puis conduirait à un rythme moyen de l'ordre de 1 tranche par an jusqu'en 1995. Le groupe long terme énergie a par ailleurs insisté pour que la politique d'accentuation de l'équipement nucléaire qu'il préconise se double d'une nouvelle politique de l'électricité axée sur le développement de l'exportation, et sur la pénétration accrue de cette forme d'énergie dans l'industrie.»Le programme énergétique de la France est fondamentalement biaisé (demandez aux camarades du PC et de la CGT si, pour le charbon, ils n'ont pas été... biaisés!). Que se passe-t-il? On programme Le Carnet à la place du Pellerin, on réfléchit toujours sur des sites rhodaniens, bretons, etc. En particulier on continue à étudier les surgénérateurs et on en programme de nouveaux à plus ou moins court terme. Sur quel site? Il est bien possible que ce soit à Saint-Etienne-des-Sorts. Ce site est situé juste à côté de celui du CEA-Marcoule. Il y a déjà en étude un centre de façonnage de combustible surgénérateur, une usine de retraitement des dits combustibles, alors pourquoi pas un site intégré, avec tout: du façonnage, au réacteur et terminant au stockage des déchets... Ce projet baptisé «1.500/EDF/COGEMA de Marcoule - St-Etienne - des - Sorts», comprend dans son titre la destination du site EDF; ce serait vraisemblablement SPX2, rapide de 1.500 MWe. Tout cela se prépare dans le calme feutré des cabinets, dans les antichambres où toutes les magouilles industrielles de décantent et se reniflent en secret. Et après, les princes (de droite comme de gauche) s'étonnent que les gens réagissent violemment. Mais c'est normal, les Français sont adultes, ou du moins sont considérés l'être quand il s'agit de payer des impôts ou d'être envoyés se faire tuer, mais ils sont toujours considérés comme mineurs lorsqu'il s'agit de participer aux prises de décisions. Et ne nous avancez pas la démocratie et la représentation parlementaire, on a trop vu comment ces «obstacles» sont contournés ou bousculés. p.5
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Revenons à nos déchets.
Prenons l'exemple d'Auriat. Dans cette région, un projet baptisé
ENERGEROC
est en cours de réalisation (voir encore GazetteN°59/60
et N°62/63). Il
s'agit de géothermie profonde avec fracturation de la roche par
injection sous pression. Maître d'oeuvre, un groupe comprenant EDF,
COGEMA, CEA, BRGM, des Pétroliers. Une partie du financement provenait
de l'AFME. Cette agence semble se retirer actuellement de l'opération,
celle-ci ne semblant pas rentable. Et pourtant elle continue, et les agents
démarcheurs auprès des paysans pour louer les emplacements
des têtes de forage sont généralement des CEA-COGEMA-men
(j'allais écrire gang-men, tant les méthodes sont souvent
similaires).
Pourquoi faire? Les comités de défense s'inquiètent, posent des questions auxquelles on répond n'importe quoi. Pourquoi tous ces secrets, tous ces mensonges? Serait-ce parce qu'il s'agit de l'enfouissement de déchets radioactifs? A la Gazette, nous n'y croyions guère, jusqu'à ce que nous ayons trouvé un rapport d'avril 1980 de l'AEN (Agence pour l'Energie Nucléaire de l'OCDE)*. Ce rapport contient, entre autres, un passage concernant «L'injection de déchets liquides dans des formations géologiques» (B-48 à B-51, pp. 172-173): (B-48) Injection de déchets liquides dans des formations géologiques. Des études ont porté sur l'évacuation de déchets radioactifs liquides par injection dans des formations géologiques profondes, qu'ils 'agisse de déchets de haute activité ou d'eau tritiée. Deux conceptions principales ont été proposées: l'injection en forages profonds et l'hydrofracturation. (suite)
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Cette méthode serait utilisable sur le site même de l'installation nucléaire pour autant que les structures géologiques présentent les caractères adéquats. Si les caractéristiques géologiques du site de l'installation nucléaire ne permettent pas l'injection sur le site même, il faudra recourir à l'évacuation hors du site. Les estimations des coûts de transport pour cette opération tablent sur une distance de 1.100 km à un coût unitaire de 1 à 2 dollars par kilomètre, soit approximativement 105 dollars par m3 de liquides transportés. Il a été postulé également que le transport hors du site s'appliquerait à des solutions tritiées de faible activité spécifique (0,37 TBq/m3 ou moins). Il a été admis que les déchets liquides tritiés d'activité spécifique plus élevée seraient évacués par injection profonde sur le site. Pour déterminer le coût total de cette méthode d'évacuation, il faut ajouter au coût de l'injection proprement dite les coûts additionnels des réservoirs de stockage temporaire sur le site d'évacuation, ces réservoirs seraient réutilisables.L'utilisation de ces forages à des fins de stockage devient plausible. C'est même dans la logique des secrets type CEA, qui consiste à baptiser l'usine de La Hague d'usine de matériel électroménager, Bruyère-le-Châtel d'usine de fabrication de téléviseurs... et pourquoi pas Auriat de projet de géothermie. Est-ce pour ne pas avoir à accepter de concertation avec la population, avec ces «bouseux» comme a dit récemment un ministre?! Il faudra bien un jour que la politique se fasse à la lumière, qu'il s'agisse d'énergie, de défense, etc. Et pour conclure, citons encore un article de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 (Collot d'Herbois): Art. IX - La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent. p.6
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