La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°59/60
DE LA SURETE ET AUTRES FABLES

DOSSIER SUR LA SURETE DES PWR
 

LE POINT SUR LES COUDES MOULÉS

     Les canalisations du circuit primaire sont un élément essentiel de la sûreté d'un réacteur. L'ensemble cuve - circuit primaire constitue, dans la mythologie d'EDF et du SCSIN et d'une façon générale des dévots du nucléaire, la deuxième barrière protégeant les populations laborieuses des bienfaits des produits de fission. La première barrière, toujours dans la même légende, est constituée par la gaine du combustible, la troisième par l'enceinte de béton du réacteur. Le circuit primaire, en dehors de son rôle d'icône, a le triste privilège de véhiculer l'eau qui évacue les calories du coeur (155 bars et en moyenne 300°C). D'où la crainte de le voir perdre son étanchéité en se perçant ou en se cassant, laissant ainsi chuter la pression et s'échapper l'eau.
     Il est donc l'objet d'attentions particulières de la part du constructeur, d'EDF et des autorités de sûreté.
     Les parties droites sont faciles à faire et à contrôler, même si ce sont des canalisations d'environ 80 cm de diamètre (ou environ, car les centrales de l'indépendance énergétique française ont des cotes en... pouces!). Les coudes sont moulés et leur fabrication est sous-traitée par Henricot, Creusot-Loire et Manoir-Pompey.
     Rappelons qu'il y a 5 coudes par boucle primaire (voir schéma colonne ci-contre):
     - un dans la branche chaude, coude entrée GV 50°. C'est le plus sensible au point de vue vieillissement de l'acier
     - quatre dans la branche froide :
     * entrée de la cuve 24°36’ pour 900 MWe et 22°l0’ pour 1.300 MWe,
     * sortie GV 40°,
     * branche en U entre cuve et pompe 90°,
     * entrée pompe primaire 90°.
     (Le coude d'entrée de la cuve serait soumis à un choc froid en cas d'injection de sécurité.)
     Donc, en tout, pour un 900 MWe, cela fait 15 coudes (3 boucles), et pour un 1.300 MWe, 20 coudes (4 boucles).
     Le moulage de ce genre de pièce n'est pas une partie de plaisir et le respect des caractéristiques de qualité dite nucléaire n'est pas encore à la portée des métallurgistes français.
     Fin 1980, des défauts de surface étaient détectés sur un coude de fabrication Manoir-Pompey destiné au montage sur St-Laurent B2. Des opérations systématiques de ressuage (NdW: détection de fuite) étaient lancées aussi bien de la face extérieure que de la face intérieure des coudes fournis par les trois fabricants et mi-81, un inventaire provisoire des défauts constatés était dressé.
     On y notait «une proportion importante des coudes en anomalie parmi ceux qui ont subi le meulage appuyé, destiné à réduire le nombre d'indications linéaires
     A force de chercher, on trouve. Fin 81 ou début 82, en faisant des contrôles systématiques, on découvre qu'il n'y a pas que des défauts de surface liés au moulage, il y a des sous-épaisseurs. Et c'est sur un coude destiné à la première tranche de Koeberg (Afrique du Sud), le 69 B, qu'est faite cette découverte. Est-ce dû à la rigueur des autorités sud-africaines qui avaient obligé Framatome à reprendre les fissures sous revêtement des brides d'entrée et de sortie des cuves (alors qu'en France on se contentait de donner des justifications de non-nocivité sur la base de calculs et à faire promettre la mise au point par le constructeur d'un automate de contrôle qui devait être prêt sous un an et dont je ne suis pas sûr qu'il soit aujourd'hui, opérationnel, 5 ans plus tard)?
     Pris d'un doute, Framatome s'est lancé dans la vérification des dossiers constructeurs. Il était temps car, en cette période d'économie, il faut bien justifier les piles de papier qui sont les pièces maîtresses de la sûreté du nucléaire français.
suite:
     Après ces recherches archéologiques qui permirent de comptabiliser environ 20% des coudes fabriqués (et pour certains en service depuis 74) comportant des sous-épaisseurs de fabrication, allant pour quelques-unes jusqu'à environ 15% (Chinon B2 par exemple) de l'épaisseur nominale (excusez du peu), Framatome, aidé d'EDF, s'est lancé dans des opérations de haute voltige qui permettent «d'affiner les calculs pour mieux dégager les réelles marges actuellement masquées par le conservatisme des codes» en vue de justifier les sous-épaisseurs (on voulait un mathématicien, ce fut un danseur...).
     Début 83, Framatome commence à s'énerver: un nombre important de coudes moulés est bloqué pour fiches d'anomalies non soldées, sur site, en usine et même pour le palier 1.300 MWe. Dans les ateliers de SPIE Batignole, cela commence à saturer et à coincer partout. Il faut trouver une solution. Donc ils proposent d'accepter les coudes si l'épaisseur lue en ultra-sons est supérieure ou égale à 90% de l'épaisseur minimum de fabrication. Sinon, on recharge les coudes. Mais, bien entendu, pas ceux qui sont en service.
     Cela limiterait les rechargements à 3 ou 4 coudes par tranche. Pour ceux qui sont en service, on verra bien. Mais auparavant il faudra les contrôler. Une première estimation du coût dosimétrique, c'est-à-dire ce qu'allaient prendre les travailleurs chargés de ce boulot, donnait environ 75 h.Rem par tranche, pour les 15 coudes. Afin de limiter les dégâts, ou plutôt les frais en personnel immobilisé (interdit de zone active), les coudes à 22° situés à l'entrée de la cuve n'ont pas été contrôlés, leur débit de dose au contact était de l'ordre de 1 Rem/heure. Et encore ce contrôle n'a pas été une mesure d'épaisseur, mais seulement un ressuage de la partie accessible de la surface extérieure.
     Vu la discrétion des services officiels, nous n'avons pas l'état actuel de la situation.
     En fait, il se greffe un autre problème pour ces coudes, c'est celui du vieillissement des aciers austéno-ferritiques moulés, par maintien prolongé à des températures à peine supérieures aux températures de service des réacteurs. Ce vieillissement correspond à une augmentation de la résistance, mais à une perte importante de ténacité. Les conséquences à terme ne sont pas bien claires dans l'esprit des constructeurs, mais il semble bien qu'il puisse y avoir problème au-delà de 20, voire 10 années, de fonctionnement. Et, comme l'écrivait un responsable de l'équipement EDF en juillet 83: «L'expérience en service disponible dans le monde ne me paraît pas en effet suffisante pour apporter une preuve probante de l'absence totale de risque de rupture brutale d'un coude vieilli comportant des défauts importants, événement dont la probabilité doit être en tout état de cause très faible


Schéma d'une boucle du circuit primaire

 p.12

     Que ces choses sont tristes à constater. Il est vrai que le programme nucléaire aura forcé l'industrie à faire des progrès tant au niveau des études que des réalisations et que des contrôles. On peut espérer que ces techniques seront au point quand on abandonnera ce type d'énergie. Quant aux contrôles, quand il ne s'agit pas de «l'inadaptation des procédures de contrôle dimensionnel des fondeurs», il s'agit de choix politiques.
     A remarquer que cela faisait plus de 10 ans qu'on utilisait du matériel de fabrication hors normes, dont les «défauts» figuraient en toutes lettres dans les dossiers constructeurs et que personne n'avait eu la curiosité de lire ces dossiers. Mais à quoi sert toute la procédure d'assurance qualité, de contrôle qualité? Comme le faisait remarquer le représentant du GSIEN lors de la réunion du CSSN, ce n'est pas le contrôle qualité qu'il faut améliorer, mais la qualité des contrôles.
     Mais est-ce bien vrai que personne ne lit ces dossiers? Lorsqu'en 1979 les syndicats soulevèrent le problème des fissures sous revêtement dans les brides de cuves et les plaques tubulaires de générateurs de vapeur, EDF et l'IPSN dirent qu'ils venaient de découvrir ce problème. Quel mensonge, quel affront fait aux ingénieurs, aux métallurgistes! Depuis 1976, depuis la plaque tubulaire n°31, le problème était soulevé et on les priait de la boucler car refuser une plaque, c'est cher (pour qui??) et cela retarde le programme. Ce n'est plus de la technique, c'est de la politique.
     Pour clore (provisoirement) ce chapitre des coudes moulés, nous rappellerons que ce problème ne figurait pas dans le rapport annuel de 1982 du SCSIN, que lors de la réunion du CSSN (11 oct. 1983) la question ne fut abordée qu'à la suite d'une question indiscrète du représentant du GSIEN et que le rapport 1983 du SCSIN mentionne à ce sujet:
     «Au cours de l'année 1983, la section permanente nucléaire s'est réunie pour procéder à l'examen (...) du dossier relatif aux anomalies de sous-épaisseur ou d'indications de ressuage détectées sur certains coudes des tuyauteries primaires des chaudières nucléaires de 900 et 1.300 MWe, ainsi qu'aux conséquences du vieillissement des aciers constitutifs de ces pièces
     C'est tout sur 200 pages de rapport. Pourquoi s'étendre sur ces questions mineures? Et puis, procéder à un examen, c'est une activité, donc c'est à sa place dans un rapport d'activité. Vous savez bien qu'il ne faut jamais trop en dire, sinon cela pourrait être utilisé à des fins néfastes pour les intérêts économiques du pays.
p.13a

DU VIEILLISSEMENT DES INSTALLATIONS

     Voici un beau morceau de bravoure issu des réponses fournies par EDF aux groupes de questions posées lors des enquêtes publiques. A propos de la modulation de la demande électrique:
     «Il n'y a aucune raison aujourd'hui de mettre en doute le fait que les sollicitations dynamiques dont elles seront ainsi l'objet soient bien inférieures aux sollicitations maximales compatibles avec le maintien d'une sûreté irréprochable et d'une usure normale des matériels d'autant que les coûts proportionnels des tranches nucléaires étant très voisins, il n'y aura aucun inconvénient économique à faire participer à cet ajustement tous les groupes nucléaires qui y sont aptes. La sollicitation de chacun d'entre eux en sera donc très fortement réduite
     Fermez le ban! 

     C'est beau comme de l'aztèque, l'accent en moins.
     Vous remarquerez que la notion de «maintien d'une sûreté irréprochable» voisine dangereusement avec celle de «coûts».
     Si je comprend bien, les centrales ne verront pas leur sûreté diminuée si on les module en charge soit en réponse lente soit en réponse rapide. Mais à tout hasard, on ne fera pas travailler toujours les mêmes pour éviter de trop fatiguer celles de corvée. Mais ce roulement va devenir illusoire avec l'augmentation de la puissance installée en nucléaire. Elles vont bientôt etre toutes astreintes aux variations de puissance. Dans un premier temps, ce choix nous paraît parfaitement judicieux. Ainsi, au lieu de sacrifier quelques tranches, on va accélérer sur toutes les processus de vieillissement des aciers par chocs thermiques. Les fissures en frétillent d'aise. Ce serait quand même amusant qu'en deux ou trois ans on ait une quinzaine de tranches hors service. A moins que ce soit un moyen génial de relancer la construction.
p.13b

DE LA RÉSISTANCE DU BATIMENT REACTEUR: CATTENOM

     Nos amis lorrains ont des joies saines. Voyez ce qu'ils ont trouvé dans le dossier de la centrale de Cattenom. Les gens d'EDF font-ils de l'humour noir? Le centre de la mire (figures), en haut à gauche, c'est la centrale. La boucle genre hippodrome autour de Luxembourg délimite la zone terminale de l'aéroport international de Luxembourg. Quant aux sigles qui identifient des zones (R97A, R45...), pour plus de commentaires, consultez le tableau de droite en haut. La zone R45, juste à l'aplomb du site, est une zone d'entraînement tactique à basse altitude de l'aviation de chasse. Heureusement que le plancher a été relevé de 250 m à 450 m, sinon les tours de refroidissement de 160 m auraient eu des vapeurs. Tout est prévu.
     Dans les réponses aux questions posées lors des enquêtes publiques, vous trouverez la petite phrase traditionnelle au chapitre «Accidents d'origine externe - chute d'avions»: «Les centrales sont dimensionnées pour résister aux chutes des avions de l'aviation générale. En ce qui concerne les avions de l'aviation commerciale, l'emplacement est choisi de telle sorte que les études concluent à une probabilité de chute infime.»

     Pour Cattenom, les comiques d'EDF se sont fendus d'une réponse nettement plus longue. En voici de larges extraits, assortis de nos commentaires.

Protection des installations contre les chutes d'avion

     Cette protection fait l'objet do dispositions communes à toutes les centrales. Les bâtiments ou matériels assurant une fonction de sécurité sont systématiquement protégés contre le choc d'un avion représentatif de l'aviation dite générale (avion de 5-6 t volant a 100 m/s).
     Chaque nouvelle implantation fait l'objet d'une étude particulière destinée à évaluer les risques de chute d'avion de l'aviation commerciale et de l'aviation militaire. Cette étude permet de chiffrer la probabilité de chute de ces avions sur les installations. Elle prend en compte la situation de la centrale par rapport aux zones d'approche de ces aéroports, par rapport aux zones d'entraînement des avions militaires et à leurs aéroports. Si cette probabilité est de l'ordre de 1 chance sur dix millions par an ou supérieure, la chute de ce type d'avion est prise en compte. Si la probabilité évaluée est inférieure, on ne retient pas l'éventualité.
p.14a

 
     Cette façon de voir s'apparente à celle en usage aux U.S.A.
     L'évaluation faite pour la centrale de Cattenom montre qu'elle se trouve suffisamment loin des aéroports pour que seule la probabilité de chute d'un avion de l'aviation dite générale (tourisme, affaires) soit à retenir comme dans le cas général.
     Rappelons que le bâtiment du réacteur est enfermé à l'intérieur de deux enceintes, l'une en béton précontraint interne de 1,20 m d'épaisseur, l'autre externe en béton armé de 50cm d'épaisseur. Cette disposition est particulièrement favorable à la protection contre les chutes d'avion. Une vérification faite à Fessenheim sur l'enceinte en béton précontraint qui, ici, se retrouve comme enceinte interne avec une épaisseur très voisine, avait montré que cette enceinte résistait à la chute d'un Boeing 707 à 360km/h ainsi qu'à l'impact d'un F104. Cette vérification était nécessaire à Fessenheim du fait de l'existence, à 3,5 km de la centrale, de l'aérodrome militaire de Bremgarten.
     Ajoutons encore que les systèmes de sécurité doublés, comme les prises d'air de ventilation, les diesels de sécurité sont suffisamment éloignés les uns des autres pour n'être pas simultanément affectes par l'incendie qui suivrait la chute d'un avion.
     La République Fédérale a décidé que les centrales nucléaires prendraient systématiquement en compte la chute d'un avion comme le Phantom (20 tonnes, vitesse 215m/s) et a interdit l'implanttion d'une centrale dans les zones dites de «contrôle» aérien.
     Il faut savoir que les installations allemandes sont protégées contre l'explosion d'un nuage de gaz après accident sur un transport de gaz (par péniche ou barge notamment). De ce fait, la prise en compte de la chute d'un avion va pratiquement d'elle-même car elle ne conduit pas à des dispositions supplémentaires. En France, un examen est fait cas par cas de ce danger d'explosion et il conduit rarement à la prise en compte (c'est le cas à Gravelines, dans une moindre mesure à Saint-Alban, mais pas à Cattenom).
suite:
Nos commentaires:

     Quel type de vérification a-t-i1 bien pu être fait à Fessenheim? A-t-on précipité un Boeing 707 sur le bâtiment réacteur? Un des nombreux F104 allemands qui se sont écrasés a-t-il utilisé le bâtiment réacteur comme cible? Vous remarquerez que pour impressionner les populations on parle ici de 360 km/h, alors qu'au début on parlait de 100 m/s (ce qui n'est pas très différent!) et que plus loin il est question d'un Phantom volant à 215 m/s. On ne vantera jamais assez les vertus du choix judicieux des unités.
     Enfin, une chose est claire à Cattenom, malgré les nombreux avions militaires qui y batifolent, il n'a pas été tenu compte du risque d'impact sur le réacteur.
     Et puis c'est entre Colmar et Karlsruhe que se trouve le couloir de 150 km réservé aux avions de chasse ayant perdu en route leur pilote.
     Je dois reconnaître qu'on pense toujours au bâtiment réacteur, mais on oublie que ce ne serait pas mal non plus si un avion, même un «petit» de l'aviation générale, s'écrasait sur la piscine de désactivation qui se trouve perchée à une vingtaine de mètres de haut à côté du réacteur. Au bout de quelques années de fonctionnement on pourra y trouver jusqu'à 2 coeurs de réacteurs (1/3 par an) en attente de retraitement.
     Donc vous ne voudriez pas pénaliser EDF en demandant un bâtiment réacteur résistant à l'impact d'un avion de chasse. Ils ont déjà eu assez de problèmes avec le pallier P'4 mis en oeuvre à Cattenom. Vous n'auriez pas voulu qu'on augmente l'épaisseur du bâtiment réacteur, alors que tout a été fait pour «dégraisser» ce standard de transition entre P4 (tout Westinghouse) et N4 (affirmé être tout français).
     Toute l'astuce c'est, en améliorant les calculs, de diminuer l'épaisseur d'une dalle de béton. Ne trouvez-vous pas merveilleuses les vertus protectrices des notes de calcul (surtout quand on sait qu'en faisant varier les paramètres d'un béton, on peut faire dire presque n'importe quoi à ce genre de calculs).

     De toute façon, c'est dans une région désertique de l'ordre de 1.500.000 habitants dans un rayon de 50 km autour du site. Une bricole. La ville de Luxembourg à 20 km... Enfin voyez vous-même sur la carte!

pp.14b-15a

PLOGOFF:
SUITE ET PAS FIN

     Avez-vous vu dans la presse, voir par exemple Le Figaro du 11 mai 1984, qu'EDF va arrêter une quarantaine de centrales à charbon ou à fuel (à fioul pour faire français). En analysant cette liste, vous constaterez que figurent dans la liste des unités condamnées la centrale de Brest et les tranches de Cheviré (Nantes).
     Compte tenu de la centrale nucléaire de Brennilis qui va aussi s'arrêter, cela va faire un trou dans la production de la Bretagne, pays nantais compris. Depuis la grande panne de 79, tous les nucléocrates nous bassinent avec le déficit énergétique de l'ouest, donc ce programme de fermeture va aggraver la situation.
     Et comme dans la chanson, et alors... et alors... Zorro est arrivé en la personne de Mitterrand qui annonce son accord pour la construction d'une centrale nucléaire en Bretagne. Mais dites donc, entre le début de l'élaboration du dossier et la production du premier KW, il s'écoule bien 10 ans. Serait-ce que la gravité de la situation est plutôt gonflée comme une baudruche... Il est vrai que cette durée d'étude peut être raccourcie si EDF sort les dossiers qu'elle a au chaud depuis 1974. Souvenez-vous du document intitulé: localisation des centrales nucléaires, daté de novembre 1974 et son complément de septembre 1975.
     Vous y trouverez les sites envisagés de Erdeven, Began Fry, Ploumoguer, Plogoff et St Vio. (archives: 1, 2)

     N'oubliez pas que lorsque EDF a jeté son dévolu sur un site, il est rare qu'elle n'arrive pas à ses fins. La centrale de Nogent s'est déplacée entre l'amont et l'aval de Nogent, suivant l'intensité de la contestation et l'entregent de propriétaires de résidences secondaires, mais elle s'est construite. Le site de la centrale du Pellerin, dont les tribulations vous ont déjà été comptées dans la Gazette Nucléaire N°17, a été abandonné à l'été 1981, à un moment où les élus socialistes n'avaient pas encore échangé leurs promesses contre un plat de lentilles et où les hauts fonctionnaires se faisaient tout petits, craignant la purge salutaire qui aurait dû avoir lieu.
     Mais la technocratie ayant relevé la tête et repris les rênes aux politiques, la centrale de la région nantaise a jeté son ancre sur le site de Carnet, à côté de Paimboeuf et elle se fera sans douleurs, grâce à la régionalisation, Chauty qui s'en dédit!
     Alors, dans la loterie des sites bretons, je prendrais bien les paris pour St Vio situé à 30 km au sud-est d'Audierne, alors que Plogoff était à 10 km à l'ouest. Cela permettrait à EDF d'utiliser les maisons déjà achetées ou construites à proximité de Plogoff, et aussi d'utiliser en partie les études de voirie grand chantier et raccordement SNCF qui étaient déjà faites.
     Frères ennernis du Comité de Plogoff, il serait temps que vous sortiez de vos rêves car les cauchemars reviennent (voir Annexe, p. 27).




Distributions de population
autour de la centrale de Cattenom
suite:
DE LA SURETE DU PALIER P'4

     Toujours à propos de Cattenom, voici un joli passage des réponses à la 3ème série de questions concernant la sûreté:

     «Parmi les accidents ou catastrophes prises en compte nous citerons: (…) les tremblements de terre; comme toutes les unités de ce type, situées dans une région peu sismique, la centrale de Cattenom peut être arrêtée et maintenue dans un état sûr pour un séisme d'intensité 7 sur l'échelle internationale de Mercall modifiée (il s'agit d'une échelle évaluant les effets des tremblements de terre). Cela correspond à une force agissant sur les bâtiments et les matériels supérieure au double de celle qu'aurait donné le tremblement de terre le plus violent qui se soit produit dans la province géologique à laquelle appartient Cattenom dans la période récente. C'est par la conception des bâtiments, par leur construction et par les spécifications imposées aux matériels qu'on se protège à Cattenom contre les séismes
     Vous avez bien lu, c'est par la conception des bâtiments qu'on se protège à Cattenom contre les séismes. Alors parlons de la conception (et celle-ci n'est pas imaculée!). Comme nous venons de le voir dans l'analyse des risques de chute d'avions, EDF a procédé à un «dégraissage» du palier P'4 par rapport au palier P4. A quoi cela a-t-il pu conduire?
     Un des éléments du dimensionnement du bâtiment réacteur est qu'il doit être calculé pour résister à la pression qui proviendrait de la vapeur s'échappant du circuit primaire en cas de brèche.
     A titre de sécurité, une marge était prise dans les calculs du palier P4. Le dégraissage a, entre autres, conduit à réduire ces marges pour P'4. C'est alors que les ingénieurs trouvèrent une erreur (il y en a ici comme dans vos calculs de feuille d'impôt!) sur la masse d'eau du circuit primaire utilisée dans les calculs de pression d'enceinte. Le résultat est que pour P4 il reste une marge de sécurité, mais plus aucune pour P'4.
     Donc EDF décida, pour faire diminuer la pression, d'augmenter le volume de l'enceinte. Résultat obtenu en augmentant la hauteur du bâtiment de deux éléments de coffrage. Ce qui fut dit, fut fait et c'est à ce moment qu'un futé pensa à la résistance aux séismes.
     Bâtiment plus haut, veut dire plus lourd sur ses fondations, veut dire aussi plus grande amplitude d'oscillations.
     Moralité, en cas de séisme, la limite élastique des aciers de ferraillage risquerait d'être dépassée au niveau du raccordement du fût de l'enceinte à sa fondation, et on risquerait des fissurations du béton. Et comme de bien entendu, les fondations étaient exécutées avant que les autorités de sûreté n'aient donné leur avis.
     Bon, bien entendu, ce n'est pas tous les week-ends qu'il y a un séisme de force 7 dans la banlieue de Thionville, mais quand même, on peut se demander à quoi servent tous ces gens-là dans ces conditions; mais en période de chômage, c'est une question à ne pas poser
     En annexe (<= figures ci-contre), on vous donne les distributions de population autour de la centrale. (La prochaine fois, on vous montrera la répartition des populations autour d'autres sites, à titre de curiosité malsaine.)
Voir notre page: Séismes et énergie nucléaire
pp.15b-16
Comme dirait le Canard
«le neutron d'honneur» au nucléocrate de la Région d'équipement de Paris qui a pondu ce magnifique syllogisme:

     «Les chutes d'avion: la centrale est protégée contre les chutes d'avion vraisemblables. Sa position rend improbable la chute d'un avion de ligne ou d'un avion militaire. Elle est donc protégée contre les chutes d'avion de l'aviation générale


SAINT PRIEST

     Ça y est, Auroux s'est enfin décidé à annoncer, le 30 mai 1984, l'abandon du projet de stockage de déchets nucléaires sur le site de St Priest.
     Nous vous en avions déjà parlé à plusieurs reprises dans la Gazette Nucléaire (voir en particulier N°54/55).
     Cela ne faisait guère qu'environ un an que les secrétaires d'Etat à l'Energie et à l'Environnement faisaient un pas de deux en tournant autour du pot, sur un fond de choeurs chantant «j'y vas-t-y, j'y vas-t-y pas». Après de nombreuses figures de la plus belle (in)élégance, le danseur étoile préféra achever sa prestation tout seul, en poussant l'hypocrisie jusqu'à annoncer l'abandon sans dire pourquoi. Les raisons techniques (géologiques) étant escamotées, c'est donc une décision politique et comme l'avait si bien dit Peyrefitte: «Tout ce que la gauche aura fait, un gouvernement de droite pourra le défaire en un mois, par décrets
     Le CEA n'aime pas perdre, encore moins face à des «bouseux», alors tous les espoirs sont permis, vers 1988 vous l'aurez votre centre de stockage de déchets (si ce n'est pas avant!). Le seul moyen pour parer un éventuel coup bas toujours possible, c'est de rester vigilant, de ne se laisser ni griser, ni endormir par le succès. Evidemment, c'est difficile, après des années de lutte, une fois le résultat acquis, de ne pas oublier la méfiance, la mobilisation, de ne pas redevenir ce mouton tranquille que l'on tond régulièrement. C'est tellement plus reposant. A moins que pour utiliser les résidus d'énergie militante on s'entredéchire entre factions comme à Plogoff!
     Enfin, pour le moment, à St Priest, c'est un bon départ. Une commission se met en place avec des représentants de l'Administration, de la COGEMA*, des élus locaux et des Associations de défense.

suite:
Elle va gérer et contrôler un bilan radio-écologique de la Besbre, cette pauvre rivière qui a servi de poubelle à la COGEMA pendant des années. Ce bilan va servir de point zéro, ou si vous préférez d'«état des lieux» afin d'avoir une idée plus précise de l'étendue des dégâts, avant de mettre en oeuvre un grand nettoyagç dans le cadre d'un contrat de rivière propre.
     Dans tout cela, plus personne ne veut voir poindre le nez du SCPRI**. Il a perdu sa crédibilité auprès des populations. Laissons à ce cher Pellerin le plaisir de boire de l'eau de Volvic, puisque c'est sa référence en matière de charge en sels d'uranium. Il serait temps que le gouvernement se décide rapidement à revoir sérieusement le fonctionnement du SCPRI et surtout à obliger ses dirigeants à ne plus être au-dessus des lois, à respecter (à défaut du public!), entre autres, la réglementation: à ce propos, où en est la publication du rapport d'activité du SCPRI pour 1983?
     A moins que ce soit très pratique pour nos politiques et nos technocrates d'avoir quelqu'un qui porte «le chapeau» pour eux. Cela permet de ne pas avoir à prendre ses responsabilités en se retranchant derrière ce quelqu'un, que l'on démolit par ailleurs.
     Pour ce qui est du bassin de décantation, le problème n'est pas réglé et, après une longue et patiente réflexion, la COGEMA a remis un rapport le 10 mai 1984 où elle explique qu'il est urgent... de ne rien faire ou du moins le minimum - on s'en serait douté.
     Qui sait ce que la politique nous apportera dans les années à venir. Alors il est sage d'opter pour la solution qui conduit à ne pas engager de travaux à court terme.
     Moralité de tout cela: c'est à vous de jouer, habitants de St Priest et des environs, militants du Collectif des Bois Noirs. La démocratie ne s'use que si on ne la pratique pas. Vous avez gagné une donne qui n'est pas mauvaise. Tirez-en le meilleur parti et, entre nous, si vous pouvez tricher, faites-le, car ceux d'en face, ils n'hésiteront pas un instant à le faire...
p.17

DOSSIER ENERGEROC

    Tout d'abord, nous publions deux lettres: une émanant directement du chef de projet ENERGEROC et l'autre émanant des populations. Nous étions d'accord pour accepter les observations sur notre article, mais il nous a semblé normal de donner la parole aussi aux associations mises en cause. Pour donner quelques informations supplémentaires au dossier et le préciser, nous ajoutons quelques documents (deux) qui éclairent un peu le débat.
     Nous publions donc:
     A. Lettre de Monsieur Cornet.
     B. Lettré de l'Association A.D.N.P.
     C. Documents «Forage des Monts Auriat» et «Projet Energeroc».
     Notre analyse personnelle reste que les forages d'Auriat et de Chatelus-le-Marcheix tout en étant différents de par leur finalité ont tout de même en commun le fait d'être des forages profonds.
     Il est assez évident, à la lecture globale du dossier, que rien n'est simple car suffisamment de maladresses ont été commises par les promoteurs du projet pour que les questions de la population soient examinées et qu'à tout le moins il soit répondu à leur légitime inquiétude.
     Il est regrettable que la nouvelle loi de 1983 n'ait pas de décret d'application, car il faudrait alors faire de véritables enquêtes d'utilité publique. Il est clair que ceci peut être considéré comme une entrave par ceux qui veulent réaliser un projet. Cependant les dégradations de l'environnement, l'impossibilité dans laquelle sont les populations de trouver une voie pour se faire entendre, montrent que ces entraves sont indispensables à la mise en oeuvre de la démocratie.
     Il n'est d'ailleurs pas évident à long terme qu'il s'agisse d'entraves. Faire le bonheur des gens malgré eux est une optique qui n'a pas lieu d'être.
     Notre pays subit une crise assez grave pour avoir besoin de tous. Or il n'y a aucune raison pour que l'adhésion à un projet se fasse simplement parce qu'il semble ce qu'il y a de mieux à quelques-uns. Après tout, chacun peut se tromper.

     Nous vous laissons juges du dossier:

UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE
INSTITUT DE PHYSIQUE DU GLOBE
LABORATOIRE D'ETUDE GEOPHYSIQUE
DE STRUCTURES PROFONDES
ASSQCIE AU C.N.R.S. N°195

LETTRE OUVERTE A LA REDACTION
DE LA GAZETTE NUCLEAIRE

    Dans votre N°56-57 de la Gazette Nucléaire (numérisation à venir), vous mentionnez le projet ENERGEROC et je regrette que vous n'ayez pas pris contact avec ses promoteurs, dont je suis, avant de publier les informations que vous donnez à son sujet.
     Je tiens à souligner tout d'abord que ce projet pour lequel se sont associés l'institut National d'Astronomie et de Géophysique du C.N.R.S., E.D.F., la C.F.P., et le groupe Jeumont-Schneider n'a fait l'objet d'aucun support, sous quelque forme que ce soit, de la C.O.G.E.M.A., du C.E.A., du B.R.G.M. ou de l'A.F.M.E.
     Ce projet a pour objet d'étudier la possibilité d'exploiter la chaleur des roches profondes peu perméables. Il s'agit de réaliser deux forages de 4.500 m de profondeur, distants l'un de l'autre de 400 m au fond, d'y faire circuler un débit d'eau d'environ 200 m3/h pour produire une quantité d'énergie de l'ordre de 20 MW thermiques.
     Les roches en profondeur étant généralement imperméables, le problème est de développer une perméabilité artificielle suffisante pour que d'une part le débit annoncé puisse effectivement transiter entre les forages et que d'autre part le chemin suivi par l'eau en profondeur soit suffisamment long pour qu'il n'y ait pas de refroidissement prématuré des terrains. Le développement de cette perméabilité devrait se faire par fracturation hydraulique.


* COGEMA: Compagnie Générale des Matières Atomiques (filiale 100% du CEA).
** SCPRI: Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (ministère de la Santé).
suite:
     Il s'agit d'un projet d'intérêt purement scientifique et technique et pas du tout économique dans sa phase actuelle, l'état actuel de nos connaissances ne permettant pas de définir correctement les caractéristiques d'une Unité d'Exploitation d'Intérêt Economique. Nous défendons l'idée que l'objet de la recherche est par essence de travailler sur des principes nouveaux dont l'application industrielle n'est pas forcément immédiate. Cette idée ne semble pas être celle de certains organismes d'Etat susceptibles de nous apporter un financement, et le projet est donc actuellement mis en veilleuse.
     Cet aspect recherche scientifique et technique n'a été compris, semble-t-il, ni par les groupes de défense qui se sont créés dans la région du Limousin où nous avons réalisé un forage de reconnaissance, ni par la Gazette Nucléaire qui s'est faite leur écho dans la page 6 de ce N°56/57.
     Cette incompréhension semble provenir de deux sources qu'il convient d'examiner maintenant. La première, et qui est celle mise en avant dans la Gazette (voir à ce sujet une prochaine Gazette: N°62/63), est le fait que des études sur la fracturation hydraulique aient été menées dans le laboratoire national d'Oak Ridge aux États-Unis, le propos de ces études étant d'utiliser cette méthode pour effectuer des stockages de déchets sous forme liquide. Je répondrai à cette inquiétude en soulignant que d'une part le stockage de déchets nucléaires sous forme liquide a été rejeté par les organismes français responsables de ce sujet et que d'autre part la fracturation hydraulique est un sujet vaste qui intéresse essentiellement les pétroliers mais ausi maintenant les géothermiciens ou les chercheurs qui travaillent sur les problèmes de gazéification souterraine du charbon ou sur les problèmes de lixiviation in situ. Il paraît tout à fait arbitraire d'interdire la recherche sur tel ou tel sujet sous prétexte qu'elle pourrait, éventuellement, avoir une incidence sur les problèmes de stockage. Et j'irai même plus loin en soulignant que si des études menées dans le cadre de la géothermie artificielle peuvent aider à résoudre des problèmes liés aux stockages des déchets nucléaires, je m'en féliciterai. Ce n'est pas en ignorant un problème qu'on l'élimine.
     La deuxième source d'incompréhension semble être, toujours selon la Gazette Nucléaire, le fait que la recherche du site de notre forage exploratoire se soit faite de façon brutale auprès des exploitants agricoles concernés et que nous n'ayons pas tenu informées les personnes qui auraient souhaité l'être. Je soulignerai tout d'abord qu'un seul exploitant agricole a été approché, que cela a été fait après consultation à la préfecture et à la mairie et qu'un procès verbal a été signé en présence du maire pour conclure l'accord de laisser-passer de nos engins de forage. Je ne vois pas où il y a eu brutalité.
     Quant au secret dont nous avons soi-disant fait preuve, je rappellerai que nous avons déposé notre projet à la mairie dès le mois de mai 1983 (ce rapport n'était pas disponible avant) et que toutes les personnes intéressées pouvaient le consulter. Nous nous sommes rendus deux fois sur le terrain (le 4 août et le 31 octobre) pour fournir les explications demandées; tout dernièrement (depuis la parution de votre article), M. le Directeur du Cabinet de M. le Ministre de l'industrie et de la Recherche a répondu personnellement aux questions que lui posait la propriétaire du terrain où est implanté le forage.
     Je concluerai en soulignant que l'action négative entreprise contre ENERGEROC par les Comités de Défense Locaux est des plus regrettables pour le déroulement de la recherche sur le développement de la géothermie artificielle: elle risque de faire perdre l'investissement que représente la réalisation de notre forage exploratoire. Cette action négative contre une source d'énergie non polluante, d'une part laissera toujours planer un doute sur les motivations qui animent ces comités de défense et d'autre part permettra de se poser des questions sur la crédibilité de leurs critiques.
     J'ajouterai que je suis prêt à envoyer à tous ceux qui le désirent le tiré à part d'un article paru dans «La Recherche» en 1982 sur ce projet.
     Bien cordialement
F.H. CORNET
Chef de Projet.
p.18

RÉPLIQUE A LA «LETTRE OUVERTE»
DE M. CORNET
«ENERGEROC»: «L'AUTRE FACE»

     M. Cornet attache un grand prix à la précision du détail, nous aussi, mais nous accordons encore plus d'importance aux aspects graves qu'il omet de signaler et qu'il convient donc d'éclairer.
     Nous passons sur les deux premiers paragraphes de sa lettre: c'est la rectification d'une erreur matérielle qui a fait confondre, dans l'article initial (Gazette NucléaireN°56-57, décembre 1983 - numérisation à venir):
le chantier d'AURIAT, désormais «impur» (mais qui, au début, ne voulait, non plus, rien avoir de commun avec une quelconque préoccupation du C.E.A.),
et le chantier de VILLECHABROLLE, procédant d'intentions si immaculées qu'il a fallu, pour le «présenter» à la population de Châtelus-le-Marcheix, monter une «comédie» qui, sur le moment, a beaucoup impressionné les «spectateurs» (ceux dont on voulait enlever l'adhésion) et dont les protagonistes (ceux qui tenaient tant à cette adhésion) ont aujourd'hui beaucoup de mal à se souvenir.
     Les paragraphes 3 et 5 rappellent l'objet d'Energeroc: «Etudier la possibilité d'exploiter la chaleur des roches profondes imperméables... projet d'intérêt purement scientifique et pas du tout économique dans sa phase actuelle...»
     Et dès lors, on est dans le vif du sujet, puisque:
• dans les démarches individuelles auprès des propriétaires à convaincre, il était question d'une importante usine électrique, dont la création et la production allaient enrichir la commune;
• dans un prospectus électoral des plus inattendus, on parle de «projets ambitieux qui pourraient apporter un essor inespéré à notre commune
     M. Cornet ignore certainement tout de ces démarches, même lorsque des représentants d'Energeroc accompagnaient les membres sortants du Conseil Municipal chez les propriétaires qu'il fallait convaincre de cette manne providentielle et de bien d'autres choses.
     Mais (son paragraphe 6), «cet aspect de recherche scientifique et technique n'a été compris, semble-t-i1, ni par les groupes de défense qui se sont créés...»
     De grâce, M. Cornet, détrompez-vous: même les «bouseux» que nous sommes (c'est une citation d'un homme politique auquel nous devons l'insigne honneur d'être «choisis» pour le site du chantier d'Energeroc), ces «bouseux» donc, l'ont bien compris, dès qu'un minimum d'information est tombé entre leurs mains, malgré les efforts déployés encore aujourd'hui par certains pour entretenir la légende contraire.
     Et les mêmes «bouseux» n'ont cessé de répéter, verbalement et par écrit, leur adhésion à l'idée de recherche d'énergie sous la seule condition des garanties nécessaires:
     a) contre le «dérapage», c'est-à-dire l'utilisation ultérieure des puits pour le stockage ou l'élimination des déchets radioactifs (car eux aussi - voir votre paragraphe 7 in fine) se réjouiraient de tout progrès de la recherche des moyens de combattre la nocivité des déchets radioactifs. Mais ils ne sont pas pour autant, pas plus que vous sans doute, volontaires pour en être prématurément le dépotoir;
     b) pour le choix du site et des conditions de réalisation les moins dommageables et non plus les plus dommageables comme il en est à Villechabrolle.
     Or (et nous revenons au paragraphe 7), quelles réponses ont reçu les plus clairvoyants, désireux seulement de ne rien laisser dans l'ombre?
     Même en négligeant les réponses équivoques, conditionnelles, renvoyant habilement la responsabilité de la décision à d'autres manifestement non habilités pour cela, il reste que:
• Energeroc présente ses forages comme «le meilleur bouclier» contre le risque «redouté des déchets nucléaires»
jusqu'au jour où (voir sa dernière lettre) il reconnaît enfin que, comme nous le clamions preuves à l'appui, «de tels puits sont au contraire utilisables (et utilisés ailleurs à cette fin) pour l'élimination des déchets radioactifs ...»,
• et que l'administration française aurait (nous dit M. Cornet) renoncé à ce procédé: mais alors, si renonciation il y a de la part de l'autorité publique compétente, pourquoi refuse-t-elle de nous l'écrire?
     Il n'y aurait jamais eu ni inquiétude, ni opposition quelconque si d'entrée de jeu il y avait eu cette explication simple, claire, à la portée de tous sur la nature et la dimension du projet, ainsi que les garanties d'absence de risque de dépôt de déchets radioactifs.
suite:
     Les «maladresses» initiales (affabulation de la part des uns, réticences de la part des autres, prétendues «habiletés» des uns et des autres) ont, dès le début, détruit la confiance si «disponible» dans la population, qui s'est retrouvée d'autant plus hostile qu'elle constatait avoir été dupée parce que méprisée.
     Au contraire, selon M. Cornet, elle a été bien informée, puisque:
     - il a déposé son projet à la Mairie en mai 1983,
     - il est venu à Châtelus-le-Mercheix le 4 août et le 31 octobre 1983.
     En avril 1983, lors d'une réunion d'information «fermée» (réservée aux «officiels»), il a été expliqué au Préfet que le puits atteignait déjà près de 700 mètres: donc, en mai, quand fut enfin remis, sans plus de publicité que n'en connurent les démarches initiales, ce dossier («pas disponible avant»...), peut-il honnêtement être présenté comme l'information préalable qu'imposent la bienséance et le Droit?
     La démarche du 4 août 1983 eut lieu à la demande expresse de la population de Châtelus-le-Marcheix, à l'issue d'une réunion du 15 juillet 1983 pour le moins houleuse, au cours de laquelle:
     - le Maire signalait n'avoir pas plus d'information que le commun des mortels et ne pas même connaître le contenu de ce fameux dossier;
     - les personnes présentes décidaient d'exiger avant tout chose:
d'Energeroc les explications nécessaires, d'où la réunion «Schwerer» du 4 août, de l'autorité administrative compétente, la garantie de non-déchets radioactifs.
     Et, par un habile tour de passe-passe, on voudrait (fin du paragraphe 9) laisser croire que cette garantie a été donnée...
     «Tout dernièrement, M. le Directeur du Cabinet de M. le Ministre de l'industrie et de la Recherche a répondu personnellement aux questions que lui posaient (sic) la propriétaire du terrain où est implanté le forage.» Que dit exactement cette lettre, adressée à titre personnel à la propriétaire, alors qu'on laissait sciemment sans réponse la demande collective de l'ensemble de la population intéressée?
     Cette lettre (chef d'oeuvre d'hypocrisie), précise «qu'il ne semble exister aucune relation entre Energeroc et les organismes chargés de l'en fouissement des déchets de toute nature et le Groupement ne devrait pas autoriser l'utilisation, par ces organismes, de forages qu'il peut réaliser
     Autrement dit, l'autorité publique renvoie à un organisme de droit privé incompétent, Energeroc, le soin d'interdire la mesure que nous refusons, c'est-à-dire l'utilisation ultérieure des puits à des fins de stockage ou élimination de déchets radioactifs... Et cette même lettre contient-elle la moindre allusion à une quelconque renonciation à l'élimination des déchets radioactifs par hydro-fracturation?
     Est-ce là la réponse simple, claire, franche, sans équivoque, engageant sans réticence une administration compétente et responsable vis-à-vis d'une population consciente?
     Mais M. Cornet insiste beaucoup sur la parfaite correction avec laquelle ont été menées les démarches tendant à enlever l'adhésion des propriétaires les plus immédiatement intéressés dans la première phase de cette triste aventure (car n'oublions pas que si le projet initial avait prospéré, ce n'est pas seulement un lopin de terre pour des forages qui eut été en cause, mais tout un ensemble de terrains pour de multiples forages, les hydrofracturations, le lac artificiel, les locaux professionnels.et leurs dépendances, le bourbier, l'aéro-réfrigérant sur sa tour de 10 mètres sur 10...).
     On sait, ici, en détail, comment fut arrachée la concession pour un an; mais ce qu'on sait moins, c'est comment on a tenté, par une manoeuvre jugée sans doute très habile, d'engager contre leur gré - voire à leur insu - les propriétaires pour deux ans.
     Pour permettre aux lecteurs d'en juger, nous leur présentons ci-dessous:
     - Document n°1: photocopie de la convention pour un an ferme.
     - Document n°2: photocopie du reçu de l'indemnité tel qu'il a été signé par le propriétaire pour son indemnité d'occupation pour 1 an.
     - Document n°3: photocopie du document tel que retourné au même propriétaire après passage dans les bureaux d'Energeroc, sur lequel on peut voir une addition manuscrite d'initiative purement unilatérale, fixant cette durée d'occupation à 2 ans.
p.19

en cours au 22 janvier...

- Document n°4: photocopie de la lettre de la propriétaire protestant contre cette extension subreptice de la durée de la convention.
- Document n°5: photocopie de la lettre de M. Petit, Président d'Energeroc qui, sur protestation de la propriétaire devant un tel procédé, prie l'intéressée de tenir comme nulle et non avenue cette addition illicite sur le document n°2.
     Les belles paroles sur le caractère mirifique du projet se sont envolées, à l'exception des lyriques promesses d'un prospectus de campagne électorale; les traces de la manoeuvre «habile» forçant la main d'un propriétaire sont là... Mais elles n'étayent pas la thèse de parfaite correction que veut établir M. Cornet par son paragraphe 8.
     Mais il nous faut, nous aussi, conclure et répondre par conséquent à son paragraphe 10:
     a) «L'action négative entreprise contre Energeroc par les Comités Locaux de Défense... risque de faire perdre l'investissement que représente la réalisation de notre forage exploratoire...»
     Combien de fois faudra-t-il répéter (comme ce fut déjà fait maintes fois verbalement et par écrit):
     - qu'il n'y avait pas d'hostilité a priori au principe de la recherche;
     - que, même malgré la ridicule comédie initiale destinée à enlever subrepticement l'accord des seuls propriétaires alors concernés, la population ne s'y opposait pas, à la seule condi¬tion que soit écarté sans équivoque le risque de déchets radioactifs et que le choix du site se fasse dans les conditions les moins dommageable et non les plus dommageables comme il en est à Villechabrole, M. Cornet ayant lui-même acquiescé le 31 octobre 1983 à cette idée précise et affirmé dès ce même jour qu'il se préoccupait de la détection de ce site mieux appro¬prié.
     b) Cette «même action négative laissera toujours planer un doute sur les motivations qui animent les Comités de Défense et, d'autre part, permettra de se poser des questions sur la crédibilité de leurs critiques…»
     M. Cornet veut-il bien s'expliquer sur le sens de cette phrase, en fait obscure, mais a priori désobligeante?
     - entre quelles motivations supposées M. Cornet ressent-il un doute?
     - quels sont, selon lui, les mobiles qui inspirent les Associations de Défense (ceci afin que nous puissions répondre sur accusations précises)?
     - nos informations sur les utilisations faites à Oak Ridge, U.S.A. (les forages les plus comparables aux nôtres), sont-elles moins crédibles que celles de M. Cornet sur sa «Première Mondiale» (voir Rosemanowes Quarry, Cornwall, G.B.; Urach, R.F.A.; sans compter la Sibérie...). Et que dire du réchauffement de la roche profonde (refroidie au bout de 15 ans d'exploitation) par l'eau de refroidissement, amenée d'une Centrale Nucléaire (dossier cité par M. Cornet lui-même, déposé à la Mairie de Châtelus-le-Marcheix, Annexe n°10, p. 3, in fine)?
     Les habitants de Châtelus-le-Marcheix attachent autant de prix à l'information concernant leur comportement et ses justifications qu'à celles relatives aux conséquences possibles du projet Energeroc et de ceux qui pourraient lui succéder: ils somment donc M. Cornet de s'expliquer sur les soupçons qui ont inspiré la forme hérmétique de sa rédaction et, jusqu'à plus ample informé, injurieuse quant au fond.
A.D.N.P.
Association de Défense contre les Nuisances et Préjudices
à Maisonneix par 23430 Châtelus-le-Marcheix
 
ANNEXES
Document N°1
     Procès verbal de constatation d'état des lieux avant travaux. Ce procès verbal, contresigné par Mme Vilfrite, MM. Parouty, Liraud et Molete, précise à la date du 18 mars 1983: «Durée: pendant 1 an aux véhicules légers
Document N°2
     Reçu d'un paiement de 800 F le 4 avril 1983.
Document N°3
     Reçu du même paiement de 800 F, mais rajout manuscrit: «autorisation de passage et travaux pendant une durée de 2 ans avec tacite reconduction (dégâts à éviter)
Document N°4
     Lettre de Mme Vilfrite: «... que l'engagement était prévu pour un an. Alors que, lors de la remise du solde de l'indemnité il est ajouté un paragraphe portant le délai à 2 ans, avec tacite reconduction...»
Document N°5
     Emanant d'Energeroc: «... seuls les termes de l'engagement pris le 8 mars 1983 en présence de Monsieur le Maire de Châtelus sont à retenir, à savoir une autorisation valable pour une durée de 1 an d'effectuer les travaux prévus: vous devez considérer tout autre document comme nul ou non avenu...»
suite:
PRÉFECTURE DE LA CREUSE
2 mai 1984
CONFIDENTIEL

PROJET ENERGEROC

     Le projet Energeroc est issu de travaux menés dans le cadre d'études de recherche fondamentale conduites depuis une dizaine d'années par l'institut National d'Astronomie et de Géophysique sous la forme d'une action incitatrice «transfert d'énergie thermique à travers l'écorce terrestre».
     Le premier sondage réalisé au printemps 1983 sur le territoire de la commune de Châtelus-le-Marcheix (à15 km au sud de La Souterraine, forêt de Saint-Goussaud), d'une profondeur de 700 m, constitue une expérience préliminaire au projet susvisé, mis sur pied pour tenter d'exploiter la chaleur naturelle contenue dans la croûte continentale à quelques milliers de mètres de profondeur (socle granitique).
     Ce programme d'étude des potentialités d'exploitations de l'énergie thermique contenue dans la roche sèche et accumulée dans le sous-sol prévoit dans une seconde phase la réalisation de deux forages d'environ 4.500 mètres de profondeur, distants de 3 à 400 m, mis en communication de manière artificielle par la technique de fracturation hydraulique.
     Toutefois, avant le passage à cette deuxième phase, beaucoup plus importante, le dossier, soumis à étude d'impact, fera l'objet, le moment venu, d'une enquête publique. Au préalable, doivent être résolus les problèmes de financement entre les groupes ou sociétés nationales et européennes qui portent sur le projet: E.D.F., Agence Nationale pour la Maîtrise de l'Energie. Cette affaire est saisie au niveau du Cabinet du Ministre de l'Industrie.
     Sur le plan de l'environnement, le Groupement Energeroc, Maître d'oeuvre des opérations conduites à Châtelus-le-Marcheix, a pour seul objectif de prouver la faisabilité de la géothermie haute énergie à partir des roches sèches. Il n'a aucune vocation à s'occuper de stockage de déchets radioactifs et poursuit au contraire une action de recherche qui, si elle est couronnée de succès, permettra d'ouvrir la voie à un nouveau type de fourniture d'énergie, se caractérisant notamment par un faible impact sur l'environnement.
     Toutes les personnes soucieuses de protection de la nature ne peuvent qu'adhérer à ce projet qui devrait permettre d'ouvrir la voie a une nouvelle source d'énergie non polluante.
     Deux associations se sont émues de ce projet. Ce sont la FLEPNA (Fédération Limousine pour l'Etude et la Protection de la Nature) et l'ADEMAU (Association de Défense des Monts d'Auriat).
     Selon M. Lesgards, Conseiller technique au Cabinet du
Ministre de l'industrie, ce projet Energeroc, évalué au départ a
260 MF, doit être réorienté vers un programme de géologie et
géothermie profonde en France sur plusieurs années, associant: CNRS, EDF, BRGM, AFM E. Réorientation présentant plusieurs avantages. Projet:
     - moins coûteux,
     - plus progressif,
     - avec une ouverture internationale (Allemagne).
     Le problème du site reste ouvert, c'est-à-dire qu'il n'est pas fixé.


FORAGES DES MONTS D'AURIAT

     Le massif granitique du Limousin renferme quelques-uns des principaux sites français d'extraction d'uranium. Le sol y a, en retour, des dispositions particulières pour le confinement des matières irradiées, dans les conditions des gisements miniers naturels.
     Des recherches scientifiques sur les modalités de stockage des déchets radioactifs sont menées par l'institut de Protection et de Sûreté Nucléaire du C.E.A. Avec l'appui du Bureau de Recherches Géologiques et Minières, l'étude d'abris profonds a été entreprise dans les roches cristallines stables.
     A cet effet, deux forages de 10cm de diamètre, espacés d'une dizaine de mètres, ont été effectués entre les 17 mars et 4 juillet 1980 sur un terrain acquis à la S.A.F.E.R., au lieu-dit «Petit Vaux», commune d'Auriat, canton de Bourganeuf en Creuse. Ces sondages, qui ont atteint les profondeurs de 1.009 mètres et 504 mètres, ont été conduits par la SORFEIS, filiale de la COGEMA, spécialisée dans les forages.
     Soutenue par le Collectif Limousin pour une alternative au nucléaire, une Association pour la Défense des Monts d'Auriat (ADEMAU) s'est constituée le 25 mai 1980 sous la présidence de M. Bernard Andlauer, exploitant agricole d'Auriat, remplacé en avril 1983 par Mme Michèle Granier, domiciliée à Saint-Amand-de-Jartoudeix.
     L'activité de cette association, qui a compté jusqu'à 80 adhérents, s'est orientée vers l'accomplissement des démarches et interventions nombreuses et diverses afin d'obtenir l'assurance que le site ne servirait pas à des stockages de produits radioactifs.
     Lors de sa visite en Creuse, le 27 janvier 1983, M. Edmond Hervé, Ministre chargé de l'Energie, a précisé aux représentants de l'ADEMAU que le rapport Castaing sur la gestion des déchets radioactifs, qui venait d'être présenté le 11 janvier 1983, n'entraînait pas le choix d'Auriat pour la réalisation d'une installation pilote recommandée.
     Sur les lieux, les études des caractéristiques physiques et chimiques des roches sont périodiquement reprises pour en suivre l'évolution dans le temps. Une station de travail y est temporairement tenue par l'institut de Protection et de Sécurité Nucléaire qui succède au B.R.G.M. dont le contrat est arrivé à expiration.
     La modification signalée en février 1984 par l'ADEMAU lors du changement d'intitulé téléphonique traduit l'évolution du programme des travaux et l'attention des mouvements écologistes.

p.20-21

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