Gérer le suréquipement
Plus encore que le Plan il y a quatre ans,
le rapport de la DGEMP montre à quel point le problème posé
aux décideurs français consiste, pour les quelques années
à venir, à gérer le trop-plein là où
on avait prévu jadis la pénurie. Quoi qu'on veuille, le paysage
énergétique restera écrasé par le poids du
programme nucléaire. Compte tenu des équipements existants
et des commandes déjà engagées, EDF ne pourra pas
éviter, malgré l'allongement des délais de construction
et la hausse de la consommation, que son parc de centrales nucléaires
ne soit en 1990 nettement surdimensionné. «Il subsisterait
en 1990 un suréquipement économique de 3 à 7 tranches
de 1.300 mégawatts», estime le rapport, ce qui ne signifie
pas que ces réacteurs seront inutilisés, mais qu'ils ne le
seront pas suffisamment pour demeurer rentables face aux centrales à
charbon.
Deux conséquences: d'une part, un ralentissement
«très marqué» des commandes nucléaires.
Selon le rapport, aucun engagement nouveau ne sera nécessaire dans
les sept années qui viennent, dans l'hypothèse basse. Même
dans le scénario haut, le programme optimal ne dépasserait
pas une tranche tous les deux ans. Au-delà de 1994, une reprise
progressive des investissements serait probablement nécessaire pour
remplacer, après l'an 2000, les centrales obsolètes. Concrètement,
compte tenu des engagements pris vis-à-vis des communes, trois tranches
nouvelles seulement pourraient, selon les services du ministère,
être commandées d'ici à 1992.
D'autre part, il sera nécessaire, pour
rentabiliser le parc français, d'exporter un maximum de courant
vers les pays voisins. Le rapport prévoit que le solde net du commerce
extérieur électrique pourrait passer de 5,6 millions de tonnes
d'équivalent pétrole en 1986 à un montant de 8,9 à
11,1 millions d'ici à l'an 2000, soit une augmentation de 58 à
98%, condition nécessaire pour résorber le suréquipement!
Paradoxe: si la France a, en moyenne annuelle, trop de courant, elle risque
pourtant d'en manquer quelques jours par an, lors des pointes extrêmes
de l'hiver. Le fort développement du chauffage électrique
gonfle en effet les pointes et déséquilibre la demande. Le
rapport suggère, pour remédier à ce problème,
d'une part, l'installation de turbines à gaz, moyen le plus économique
pour des durées d'utilisation très courtes, d'autre part,
un développement des ventes dans l'industrie pour rééquilibrer
la demande.
En conclusion, l'étude souligne les
risques de tensions découlant de l'inadéquation prévisible
de la demande et de l'offre. Les consommateurs incertains de l'avenir et
instruits par l'expérience auront de plus en plus tendance à
faire jouer la concurrence en s'équipant de systèmes souples
permettant de passer rapidement d'une énergie à l'autre.
Cette concurrence accrue entre les producteurs français d'énergie
et les importateurs suppose, soulignent les rapporteurs, des efforts accrus
de compétitivité des opérateurs français. «C'est
à cette condition que pourra être poursuivie la progression
de l'indépendance énergétique, qui reste au coeur
des objectifs de la politique énergétique», conclut
le document. Des perspectives fort peu souriantes pour lesdits opérateurs...
Commentaire Gazette:
Ce n'est guère paru dans la grande
presse. A part la prise de position du Directeur d'EDF qui n'affichait
pas un enthousiasme exagéré pour le surgénérateur.
Intéressant d'avoir raison après coup mais ceci ne retire
aucun réacteur (malheureusement !) et n'ajoute pas grand chose aux
autres énergies victimes du nucléaire. |
Nucléaire militaire: Va-t-on cesser
de jouer aux petits soldats?! Rien ne nous a été épargné:
le Rainbow Warrior, la vente d'armes à l'Iran ET à
l'Irak. Nous avons des agents secrets «gaffeurs», des circuits
évitant tous les contrôles. Enfin n'insistons pas car les
dindons de la farce, c'est nous et les otages qui paient pour des erreurs
monstrueuses de ce genre.
Quant au reste, nous avions espéré
l'arrêt des essais à Moruroa et que la France serait enfin
capable de geler son armement nucléaire. Or elle n'a rien fait de
tel, bien au contraire: on a mis on chantier un sous-marin, un porte-avion,
la bombe à neutrons. Et pourtant dans ce concert stupide, il faut
bien qu'un pays fasse le premier pas, sinon la spirale infernale continuera.
La France s'honorerait d'être ce pays.
Ce numéro de la Gazette complète
les deux précédents et donne des informations complémentaires
sur une série de sujets: le stockage des déchets, les normes
et la santé. Nous avons dû couper dans les chapitres déchets
du n° 82/83 faute de place.
|
suite:
Nous publions donc enfin la règle fondamentale
de sûreté. Ne vous illusionnez pas sur sa portée et
son importance:
Un exploitant n'est pas tenu de mettre
en oeuvre les dispositions recommendées par une règle fondamentale
de sûreté, sous réserve d'apporter la démonstration
que les objectifs de sûreté visés par la règle
sont atteints grâce à des moyens alternatifs qu'il lui appartient
de proposer
(Extrait du rapport destiné au CSSIN, 19/01/98)
|
Cependant quand elle n'existe pas, cela signifie
que les services de sûreté n'ont rien à opposer à
leurs interlocuteurs, seulement comme on dit en justice «leur intime
conviction», et manifestement c'est un peu court face à EDF
ou l'ANDRA!
Nous vous avons aussi signalé le scandale
de MOL. Finalement NUKEM a été suspendu par le gouvernement
allemand bien ennuyé de se trouver au centre du cyclone: les verts
avalent refusé que l'on accorde une autorisation de transport de
déchets à cette firme, ils avaient perdu mais maintenant
a
posteriori on reconnaît le bien fondé de leurs réserves.
Bien sûr le Pakistan dément avoir
reçu de l'uranium enrichi. C'est un tel trou dans le traité
de non prolifération que ce n'est guère étonnant.
Après tout, à part les pays qui officiellement ont la bombe,
les autres (lsraël, Afrique du Sud par exemple) ont toujours nié.
Le Pakistan ne va pas le chanter sur les toits.
Les déchets nucléaires ou chimiques
sont l'objet de scandales. En effet ils sont généralement
mis en fûts car intransportables autrement. Ce fût est accompagné
d'une fiche descriptive. Comme on ne peut généralement pas
vérifier, on doit faire confiance à celui qui a rempli le
fût.
S'il n'est pas sérieux, la fiche ne
correspond à rien et, soit à la manipulation, on peut découvrir
un niveau de radioactivité plus élevé qu'attendu,
soit à l'occasion d'une recherche de quelque chose, on s'aperçoit
de la fraude.
Rappelez-vous Seveso et la dioxine. A la Hague,
on a ainsi découvert du cobalt dans la rivière «les
Moulinets». Un emballage de combustible irradié stocké
sur un parking depuis trois mois, avait été mal décontaminé
en partant du site EDF, pas vérifié on arrivant à
la Hague. Soumis à la pluie il avait contaminé la rivière
par suite d'une mauvaise reprise des eaux de surface. En cascade on avait
donc découvert:
1. non-décontamination du colis
2. non-vérification du colis
3. non-reprise des eaux de surface
Donc trois manquements graves sur un site
qui a priori est très surveillé!!
Quant à la chimie, Seveso n'a pas suffi.
Sandoz a montré en 86 puis en 87 sa mauvaise connaissance du contenu
des hangars de stockage de produits. Nantes a confirmé qu'on pouvait
avoir des produits toxiques stockés sans que personne ne soit au
courant. Par chance, dans tous ces cas-là, il n'y a pas eu mort.
Mais Goïona est là aussi pour nous montrer que ce peut ne pas
être le cas: 10 personnes sont décédées parmi
elles des enfants et 200, 300 (on ne sait pas le nombre exact) ont été
ou seront contaminés par les résidus de la source. Mais Bhopal
a entraîné la mort de 2 à 3.000 personnes et en a blessé
plein d'autres (20.000 environ). Et qui plus est, toutes ces personnes
blessées ne sont pas prises en charge. Union Carbid vient de faire
appel du jugement qui la condamnait. Et encore dans ce cas-là, on
sait qui est coupable. A Goïona, c'est personne.
D'ailleurs, à MOL non plus, on ne sait
pas en réalité ce qui s'est passé. Enfin notons que
la RFA balance les directeurs. C'est mieux qu'en France où généralement
ce sont les lampistes qui trinquent.
De toute façon, cette affaire n'a pas
fini de faire des vagues: Nukem est même actionnaire dans certaines
de nos firmes françaises. Belgonucléaire fabrique pour nous
et en Belgique des combustibles MOX (c'est-à-dire contenant du Plutonium).
Il semble que tout se soit passé à
MOL et qu'en plus on ne sache pas bien ce qui s'est passé. N'empêche,
nous sommes vraiment très naïfs, nous n'aurions jamais imaginé
que des gens puissent prendre des risques pareils. Il est vrai que ce sont
des risques pour les autres mais tout de même!
Et pour vous tous, voici en dernière
nouvelle le papier distribué au Conseil Supérieur par le
Ministère. La Gazette vous redonne une info: c'est à
la suite d'un accident sur un camion en octobre 1986 que l'affaire a démarré:
le contenu du camion n'était pas conforme aux fiches de transport.
Bonne lecture à tous et merci pour vos
réabonnements.
p.2
|