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N°105/106

LES RECOMMANDATIONS DE LA CIPR DE 1977 À 1990
COMMENT LES EXPERTS CONÇOIVENT NOTRE PROTECTION CONTRE LES RAYONNEMENTS
(Voir dossiers SEBES: volumes publiés en 1998 - Radioprotection et droit nucléaire et 1991 - La radioactivité et le vivant)

     La Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) a publié des recommandations pour l'établissement des systèmes de radioprotection. Le texte qui sert de référence est la publication CIPR-26 du 17 janvier 1977. Nous résumons ici quelques-uns des grands principes de ces recommandations ainsi qu'une analyse du nouveau projet de recommandation que la CIPR a adopté en février 1990.
La CIPR-26 (1977)
1. Les principes généraux
     La CIPR définit quelques grands principes qui devraient guider ceux qui sont chargés de la radioprotection:
     Article 6 - «La protection contre les rayonnements a pour but de protéger les individus et le genre humain dans son ensemble, tout en permettant d'exercer des activités qui sont  nécessaires , mais qui pourraient entraîner une exposition aux rayonnements».
     Article 12 - «a) aucune pratique ne doit être adoptée à moins que son introduction ne produise un bénéfice net positif;
     b) Toutes les expositions doivent être maintenues au niveau le plus bas que l'on pourra raisonnablement atteindre, compte tenu des facteurs économiques et sociaux;
     c) l'équivalent de dose reçu par les individus ne doit pas dépasser les limites recommundées par la Commission».
     Article 68 - «La Commission recommande un système de limitation des doses qui vise essentiellement à garantir qu'aucune source d'exposition ne soit injustifiée par rapport à ses avantages ou à ceux de toute autre pratique utilisable dans le même but, que toute exposition nécessaire soit maintenue à la valeur la plus faible qu'on puisse raisonnablement atteindre».
     En résumé:
     Toute pratique conduisant à une irradiation de la population doit être justifiée par le bénéfice net qu'elle apporte aux individus irradiés et à la société.
     D'après la CIPR, on peut se considérer en droit d'exiger en cas de litige avec un pollueur en radioactivité que ce dernier fournisse une justification de sa pratique. C'est ce qui aurait dû être fait récemment dans le cas des décharges quasi clandestines d'Itteville et de Saint-Aubin.

2. Le détriment
     Seuls les effets de mortalité sont pris en compte pour évaluer le détriment dû au rayonnement. Les maladies non fatales telles que les retards sévères de développement moteur et mental chez les enfants (retards qui obligenl à placer ces enfants dans des institutions spécialisées), l'ablation de la thyroïde compensée par la prise constante de médicaments, les tumeurs malignes soignables par radiothérapie et chirurgie, les effets de morbidité, etc., sont délibérément éliminées pour évaluer le détriment.

3. L'acceptabilité du détriment
     La Commission a désiré fonder ses limites de dose sur des critères objectifs, quasi naturels et dont l'acceptabilité irait de soi et ne nécessiterait aucune discussion avec ceux qui doivent subir le détriment des irradiations: les travailleurs de l'industrie nucléaire et les individus de la population.
     a) l'acceptabilité professionnelle est définie de la façon suivante: aucun travailleur ne soulève de problème de sécurité professionnelle lorsqu'il travaille dans l'industrie la plus sûre. Si les normes de radioprotection font de l'industrie nucléaire une industrie encore plus sûre que l'industrie la plus sûre, il est évident que personne ne pourra se plaindre. La CIPR a adopté pour l'industrie la plus sûre un risque de mortalité professionnelle de 1 mort par an pour 10.000 travailleurs.
     On peut contester cette valeur. D'après les évaluations officielles publiées en Angleterre pour la période 1974-1978, l'industrie du vêtement, l'industrie la plus sûre, conduisait à un risque 20 fois inférieur. Le risque pris comme référence par la CIPR est voisin de celui de l'industrie chimique française qui est loin de représenter ce qu'on fait de plus sûr comme activité industrielle.
     En résumé: La CIPR recommande à l'industrie nucléaire de ne pas tuer par an plus d'un travailleur sur 10.000.

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     b) l'acceptabilité du risque nucléaire pour la population: le raisonnement est analogue mais la CIPR prend comme risque «naturel» donc acceptable celui des transports publics soit d'après la Commission de 1 à 5 accidents mortels chaque année pour un million de personnes transportées. En fait, ce risque dit acceptable n'est en réalité qu'une nécessité qui nous est imposée par les conditions d'exploitation des transports publics. Il est évident que personne ne se plaindrait si la SNCF décidait d'améliorer la sécurité des trains.

4 - Le facteur de risque cancérigène du rayonnement
     La CIPR fixe ce facteur à 125 cancers mortels pour une dose collective de 1 million d'homme x rem (ou 10.000 hommes x Sievert). La Commission suppose que la relation effet/dose est du type linéaire: le détriment est directement proportionnel à la dose et il n 'y a pas de seuil. Cependant, elle insiste sur le fait que, pour elle, cette hypothèse surestime considérablement le risque.
     Article 30 - «L'emploi d'extrapolations linéaires, à partir de la fréquence des effets observés aux doses élevées, peut suffire pour déterminer une limite supérieure du risque... Toutefois, plus cette hypothèse de linéarité est prudente, plus il devient important de reconnaître qu'elle peut conduire à une surestimation des risques dus aux rayonnements, laquelle à son tour pourrait conduire au choix d'alternatives plus dangereuses en elles-mêmes que les pratiques entraînant une exposition aux rayonnements. Aussi, lorsqu'il s'agit de faire un choix entre plusieurs pratiques, les estimations des risques dus aux rayonnements ne devraient être utilisées qu'avec beaucoup de prudence et en reconnaissant explicitement la possibilité qu'aux faibles doses le risque réel peut être inférieur à celui déduit d'une hypothèse délibérément prudente de proportionnalité» (souligné par nous).
     Ainsi, par prudence, la CIPR rejette l'hypothèse du seuil, mais recommande dans la pratique que par une prudence plus grande encore on n'en tienne pas compte. La CIPR recommande des normes de radioprotection et justifie en même temps leur violation.

tableau en cours...
Référence
Nbre de cancers
par millions d'hommes x rem
CIPR 26 (1977)
inférieur à 125
(existence probable d'un seuil)
Académie des Sciences des USA
Comité BEIR III (1980)
de 160 à 500
Fondation RERF pour le suivi des survivants japonais.
Résultats bruts (1987)
1.740
(absence de seuil)
Académie des Sciences des USA
Comité BEIR V (1989)
800
(absence de seuil)
CIPR projet de 1990
500
(absence de seuil)
suite:
     Afin d'évaluer le niveau de «prudence» de la CIPR, nous donnons dans le tableau ci-dessus l'estimation du facteur de risque cancérigène (mortel) par diverses institutions (pour 1 million d'hommes x rem).
     On voit d'après ce tableau que la CIPR en 1977 sous-estimait considérablement le risque cancérigène du rayonnement au moins d'un facteur 4 et plus probablement d'un facteur supérieur à 10.

5. Les doses maximales admissibles
(acceptables par principe)
     - pour les travailleurs, la limite admissible est fixée à 5 rem par an (50 mSv).
     - pour la population, la limite est fixée à 0,5 rem par an (5 mSv).
     En prenant le facteur de risque de la CIPR 26, on arrive avec ces limites à des risques bien supérieurs à ceux considérés comme «naturels» pour les travailleurs et la population. Pour retrouver une certaine logique objective, la CIPR est conduite à certaines contorsions qui ne respectent pas certains de ces principes, en particulier que les normes doivent protéger les individus sur une base annuelle.
      Depuis 1985 (Déclaration de Paris), la CIPR a réduit la dose maximale admissible pour la population d'un facteur 5, soit 0,1 rem/an, avec un dépassement temporaire possible jusqu'à 0,5 rem/an pourvu que le 0,1 rem/an soit respecté en moyenne sur la vie. Ce point est généralement totalement ignoré et la CIPR n'a guère fait de publicité pour promouvoir cette norme.

6. L'analyse coût/bénéfice
     La CIPR recommande de maintenir toutes les doses à des niveaux aussi bas qu'il est possible de réaliser d'une façon raisonnable (principe dit ALARA: As Low As Reasonably Achievable). Le «raisonnable» est déduit d'une analyse coût/bénéfice. Toute réduction des doses par amélioration des équipements de protection augmente le coût (investissement et exploitation) et il en résulte un bénéfice pour les individus concernés (pour leur santé). Si ce surcoût de protection était dépensé dans un autre domaine, ce serait peut-être plus profitable pour la collectivité. Dans ce cas, la réduction des doses n'est pas raisonnable. Ce concept d'analyse coût/bénéfice conduit à une protection de type social alors que la CIPR voulait fonder ses recommandations sur une protection essentiellement individuelle.
     Pour aborder ce problème coût/bénéfice d'une façon quantitative, il est nécessaire de connaître le coût d'une vie (ou le coût d'une mort) pour aboutir à une équation de ce genre:
coût supplémentaire de la protection = coût des vies sauvées
ou à l'équation équivalente:
réduction du coût de la protection = coût des morts produites
avec des équations partielles du genre:

enfant mongolien + argent = enfant normal
cancer mortel + argent = vie normale.
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     Bien sûr, la CIPR n'établit pas d'équations de ce type car elle ne donne pas d'indication précise sur le coût d'une mort. Des chercheurs ont déjà consacré beaucoup de réflexion et d'efforts pour établir ce coût sur des critères objectifs car il n'est pas question, bien évidemment, de demander leur avis aux personnes représentées dans les équations qui ne pourraient avancer que des jugements tout à fait subjectifs du genre «ma vie n'a pas de prix». Il faut trouver des critères objectifs qui ne dépendent pas des objets considérés (les futurs irradiés), seuls les experts sont capables de le faire!
     La pratique est simple: tout surcoût pour améliorer la protection est à la charge de l'industriel. Comme c'est lui qui est chargé de l'optimisation coût/bénéfice, il se placera tout naturellement au minimum (du coût et de protection) qui permettra le respect des normes réglementaires imposées. Le principe ALARA ne pourrait fonctionner à la rigueur que si l'optimisation était faite par l'ensemble des partenaires sociaux, ce que les responsables excluent a priori.

Le projet de la CIPR (février 1990)
     En 1977, les membres de la CIPR, certains que les effets biologiques du rayonnement étaient parfaitement et définitivement établis, figèrent leurs recommandations dans un système logique assez rigide. Il en résultait bien sûr que si le facteur de risque augmentait, il faudrait diminuer d'autant la limite de dose admissible.
     Depuis quelques années, le suivi des survivants japonais des bombardements atomiques de 1945 montre que le facteur de risque cancérigène est bien plus élevé que ce qu'on admettait autrefois et qu'en plus l'hypothèse d'un seuil en dessous duquel il n'y aurait strictement aucun effet, est totalement injustifié par les observations. De plus si, pour la protection des travailleurs on se réfère au risque professionnel de l'industrie la plus sûre, il faut encore diminuer d'autant la limite de dose admissible. On arriverait à des doses maximales admissibles si faibles que même en arrêtant toute activité nucléaire il serait impossible de les respecter car le démantèlement des installations et le stockage des déchets ne seraient plus possibles.
     Les experts de la CIPR sont dans l'obligation de modifier les règles qu'ils avaient eux-mêmes instaurées, en toute liberté, sur des bases qu'ils déclaraient objectives et naturelles. En somme, ils sont dans la situation d'un joueur qui, dans une nouvelle donne, n'a pas les bonnes cartes qui lui permettraient de gagner la partie mais qui veut coûte que coûte gagner. Il décide alors arbitrairement et sans consulter les autres joueurs de changer la valeur des cartes et les règles du jeu. Même un tricheur invétéré n'oserait se risquer à une telle pratique. Mais c'est ce que les experts de la CIPR ont osé faire. Bien sûr, pour amortir les critiques, ils ont dû introduire dans leurs recommandations quelques aspects positifs.
     En février 1990, la CIPR a rédigé un nouveau projet de recommandations. Ce projet est soumis pour consultation à toutes sortes de comités d'experts et de groupes professionnels. L'avis des usagers (travailleurs et population) n'est bien évidemment pas sollicité. Nos responsables français n'ont pas ressenti le besoin de traduire le texte anglais de la CIPR en français pour le diffuser. Bien sûr, on peut obtenir ce document de 220 pages par photocopie dans une bibliothèque du CEA, à raison de 3 francs la copie, cela est assez bien dissuasif. Quant à nous, nous l'avons obtenu par des amis anglais, les autorités anglaises n'ayant, elles, rien fait pour restreindre la diffusion de ce document.

suite:
     Parler de transparence et d'information comme le font certains politiciens sans se préoccuper de leur application pratique et en laisser la maîtrise à ceux qui n'ont aucun intérêt à informer correctement la population, n'est qu'une supercherie.
     Quelles sont les nouvelles règles proposées?
     a) la non indépendance de la CIPR vis-à-vis des pouvoirs. En effet, soumettre un projet de recommandations aux experts qui représentent les divers pouvoirs c'est admettre sa dépendance vis-à-vis de ces pouvoirs. Ceci était déjà bien évident de facto, maintenant ce fait est établi de jure!

     b) les principes abandonnés: la CIPR abandonne:
     - la référence à l'industrie la plus sûre pour l'acceptabilité du risque professionnel
     - la référence à la pratique sociale la plus sûre pour l'occupabilité (à vérifier: acceptabilité?) concernant la population
     - l'évaluation du détriment effectué à partir de l'excès de mortalité
     - la protection sur une base strictement annuelle.
     Il ne reste plus grand chose du magnifique édifice logique de 1977.

     c) quelques nouveaux principes:
     - la Commission n'évalue plus le détriment à partir de la mortalité, indépendamment du moment où la mort intervient (effets différés). Elle prend en compte la perte de durée de vie, suite à une irradiation au moment de la mort. Cette nouvelle conception du détriment atténue considérablement la gravité d'une mort par cancer radioinduit car les temps de latence sont généralement importants. Transposons cette conception au cas d'un crime: la peine d'un coupable est notablement réduite s'il commet son crime sur une personne âgée, il est automatiquement déclaré innocent si la victime a plus de 85 ans pour une femme et plus de 75 ans pour un homme. On voit mal comment les pouvoirs publics pourraient expliquer ces nouvelles règles de justice auprès de la population.
     - la Commission renonce à établir des bases objectives aux limites de doses recommandées. Elle reconnaît explicitement que compte tenu de la grande quantité des facteurs disparates dont il faut se préoccuper, il n'est possible de fonder ces limites que sur des considérations subjectives, c'est-à-dire, en clair qui dépendent des situations subjectives des commissionnaires.

     d) quelques aspects positifs:
     - de nombreuses considérations sont développées en faveur de l'absence d'un seuil. En particulier l'absence de résultats positifs aux faibles doses n'est plus considéré comme une preuve de l'existence d'un seuil.
     - le facteur de risque cancérigène est réévalué à la hausse sans qu'il soit mentionné qu'il surévalue le risque réel. Le facteur de risque est multiplié par 3,2 pour les travailleurs et par 4 pour la population.
     - le risque héréditaire des effets génétiques est multiplié par 2,5.
     - le foetus est reconnu comme étant particulièrement sensible au rayonnement: mort prématurée pendant la grossesse, risque de retard mental grave chez les enfants irradiés in utero, baisse du quotient intellectuel (QI).

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     Malheureusement, la Commission ne va pas jusqu'à recommander des normes spécifiques pour les femmes enceintes en cas de catastrophe nucléaire.
     - les limites de doses doivent être considérées comme des limites d'inacceptabilité et non pas comme des limites d'acceptabilité.
     L'article 124 précise: «La limite de dose est largement mais de façon tout à fait erronée, considérée comme une ligne de démarcation entre l'inoffensif et le dangereux». Cet article explicite clairement la signification de l'absence de seuil: toute dose de rayonnement aussi faible soit-elle présente un danger pour la santé de l'irradié et de ses descendants; se trouver en dessous de la dose limite ne nous garantit pas d'une protection absolue. Il est alors tout à fait normal, dans ces conditions, que le niveau d'acceptabilité ne puisse être déterminé que par les individus qui vont être agressés par l'industrie nucléaire. Mais la Commission ne pousse pas sa logique jusqu'à ce point.
     Enfin, la CIPR en 1990 réaffirme la nécessité de justifier toutes les pratiques de l'industrie nucléaire: Article 110 - «Toute pratique impliquant des irradiations ne devrait être adoptée que si elle procure un bénéfice aux individus exposés ou à la société pour compenser le détriment radioinduit qu'elle produit».
     En appliquant cette règle à la pratique adoptée par le CEA pour rejeter sans grande précaution du plutonium sur un terrain mal balisé, accessible au public sans difficulté, on doit poser la question: quel bénéfice le CEA at-il procuré aux enfants qui ont pu jouer sans précaution sur ce terrain contaminé pour compenser le détriment qu'ils ont subi par l'irradiation?
     e) les limites admissibles (inacceptables):
     - pour les travailleurs, la modification est marginale: 5 rem/an (50 mSv/an) à condition de ne pas dépasser 10 rem sur toute période de 5 ans.
     - pour la population, la limite de 0,1 rem/an (1 mSv/an) est confirmée, un dépassement jusqu'à 0,5 rem/an est toléré à condition de ne pas dépasser 0,5 rem sur une période de 5 ans.
     La révision des normes par la CIPR ne tient pas compte complètement des données les plus récentes concernant le risque biologique du rayonnement. Les normes de la CIPR, dans la logique même de la Commission, font de l'industrie nucléaire une activité dangereuse en fonctionnement normal et particulièrement catastrophique en cas d'accident.
     Signalons simplement qu'avec de telles normes il aurait fallu évacuer depuis longtemps une bonne partie de l'Ukraine et de la Biélorussie, et neutraliser un énorme territoire. Cela concerne plusieurs millions de personnes.
     Il serait intéressant de savoir comment les promoteurs de l'industrie nucléaire vont réagir à ces nouvelles recommandations.
     En résumé: D'après les nouvelles conceptions de la CIPR, pour répondre à la question concernant une certaine pratique (comme la décharge de plutonium à SaintAubin, ou d'uranium et de radium à Itteville), est-ce dangereux? Il faut au préalable répondre à la question suivante: à partir de combien de morts dans une population donnée considérez-vous qu'une situation est dangereuse?
suite:
Pour l'OMS, Tchernobyl ne serait qu'un accident bénin!

     Dans les Documents Fondamentaux de l'Organisation Mondiale de la Santé (37° édition, 1988, page 62), nous pouvons trouver ceci:
     «Accord entre l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et l'Organisation Mondiale de la Santé.
     Article 1 - Coopération et consultation
     1. L'Agence Internationale de l'Energie Atomique et l'Organisation Mondiale de la Santé conviennent que, en vue de faciliter la réalisation des objectifs définis dans leurs actes constitutionnels respectifs ... elles agiront en coopération étroite et se consulteront régulièrement en ce qui concerne les questions présentant un intérêt commun.
     2... L'Organisation Mondiale de la Santé reconnaît qu'il appartient à l'Agence Internationale de l'Energie Atomique d'encourager, d'aider et de coordonner dans le monde entier les recherches ainsi que le développement et l'utilisation pratique de l'énergie atomique à des fins pacifiques...
     3. Chaque fois que l'une des parties se propose d'entreprendre un programme ou une activité qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l'autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d'un commun accord
     Les textes sont clairs et signifient que lorsque des responsables de l'AIEA s'expriment, leur opinion représente le point de vue de l'OMS. Voyons ce que cela donne: M. Rosen, directeur de la sûreté nucléaire de l'AIEA, déclare à propos de Tchernobyl à la Conférence de Vienne en août 1986: «Même s'il y avait un accident de ce type tous les ans, je considèrerais le nucléaire comme une source d'énergie intéressante» (rapporté par Le Monde du 28 août 1986).
     Le Dr. Hans Blix, directeur de l'AIEA, lors d'une conférence en Hongrie en juillet 1988, déclare: «Bien que l'accident de Tchernobyl ait eu des conséquences importantes pour l'environnement (note de la Gazette: il oublie les humains, ce brave expert!), cela n 'a pas modifié mon point de vue: le nucléaire est une source d'énergie bénigne».
     D'après le texte de l'accord OMS/AIEA, on peut supposer que les déclarations des responsables de l'AIEA ont obtenu l'approbation de l'OMS.
     Ainsi, il est clair que l'OMS ne considère pas la catastrophe de Tchernobyl comme quelque chose qui vaille la peine de s'inquiéter. Un incident de parcours sans grave conséquence. Et nous qui pensions que l'OMS avait pour motivation principale la défense et la protection de la santé publique mondiale! Peut-être, mais pas en ce qui concerne les effets de l'industrie nucléaire.

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Un vrai CIRC

     «A Lyon, vingt et un an après sa construction, le Centre International de Recherche sur le cancer devra être évacué et désamianté» (Le Monde du 16 février 1990).
     Le journaliste du Monde indique: «Dès les années 30, la communauté scientifique mettait en évidence le caractère cancérigène de l'amiante».
     Cela n'a pas empêché les experts européens en cancérologie de s'installer en 1969 dans un bâtiment floqué à l'amiante. En 1990, le directeur du CIRC constate que «s'il y a contamination quelque part, tout l'immeuble, aéré par climatisation, sera en danger, car nous ne pouvons pas ouvrir les fenêtres».
     Il aura fallu un certain temps pour que le CIRC soupçonne les caractères cancérigènes de l'amiante. A propos des causes du cancers, le Dr. Lorenzo Tomatis, le directeur du CIRC, déclare: «D'autres facteurs responsables de cancers très répandus restent à découvrir».
     Ne désespérons pas, voici ce que déclarait l'OMS pour célébrer les 25 ans du CIRC: «Bénéficiant désormais du soutien de seize Etats, c'est avec une détermination accrue (souligné par nous) que le CIRC poursuivra ses recherches sur les causes du cancer» (ces informations sont extraites du Monde du 5 mai 1990).
     Problème: S'il a fallu 21 ans pour que les experts du CIRC se convainquent des dangers cancérigènes de l'amiante, combien d'années leur faudra-t-il pour qu'ils se rendent compte de l'importance des effets cancérigènes du rayonnement, bien sûr dans l'hypothèse d'une «détermination accrue»?

Le niveau 1 de l'I.L.L.

     Au début de 1990, on apprenait que les responsables du réacteur à haut flux de l'Institut Laue Langevin installé sur le site du Centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble faisaient fonctionner, depuis 19 ans, leur réacteur à une puissance supérieure de 10% de la puissance maximum réglementaire.
     On découvrait ainsi que les ingénieurs du CEA qui avaient étudié ce réacteur avaient juste oublié que l'eau lourde était plus... lourde que l'eau légère.
     Les «exploitants physiciens» s'étaient bien rendus compte qu'il y avait quelque chose d'anormal. Mais au lieu de reprendre leurs calculs, ils mettaient en cause la qualité de combustible fourni par les Américains. C'est à se demander à quoi servent les appareils destinés à mesurer le flux de neutrons et surtout quelle confiance les opérateurs accordent à leur étalonnage.
     C'est peut-être anodin me direz-vous. En fait, cela fait poser beaucoup de questions sur:
     - le sérieux du contrôle des combustibles neufs*
     - le sérieux de la conduite de ce réacteur
     - le sérieux des études de conception.
     * En particulier le combustible MOX demande un suivi sérieux car les assemblages n'auront pas tous le même enrichissement et à l'intérieur d'un assemblage les aiguilles n'ont pas non plus la même composition.

suite:
La réaction d'EDF
au projet de recommandations de la CIPR de février 1990

     D'après Nucleonics Week du 26 octobre 1989: «Lucien Berton, chef de la production thermique (nucléaire et fossile) à EDF, a déclaré au cours d'un séminaire Framatome tenu à Paris que le plan de la CIPR pour une réduction significative des normes de radioprotection est une menace directe contre l'option nucléaire: «Nous sommes contre les manies d'experts qui sont compétents - je considère l'hypothèse la plus favorable - mais qui ne voient qu'un aspect des choses et qui sont incapables de considérer l'intérêt général (sic). C'est à nous d'agir», a déclaré Berton aux représentants de l'industrie nucléaire».
     Ainsi, Monsieur Lucien Berton, haut responsable de l'EDF, demande qu'une action soit entreprise contre les membres de la CIPR. Signalons que le texte que nous venons d'analyser est publié par la CIPR, il représente donc l'avis de ses membres. Les Français à la CIPR sont: Jammet, Lafuma, Parmentier, Nénot, tous les quatre employés par le CEA; il faut y ajouter deux «indépendants», Pellerin et son adjoint Moroni!
     Jammet a été pendant de nombreuses années le chef du département de protection du CEA, il est actuellement à la retraite et conseiller technique auprès de la direction du CEA, il est membre de la CIPR depuis 1953, en 1981 il devient vice-président de la Commission principale de la CIPR. Quant à Pellerin, il est inutile de présenter ici les manifestations de son dévouement inconditionnel à l'industrie nucléaire.
     Sus à Jammet et à Pellerin, ils complotent pour détruire notre brillante industrie nucléaire, déclare Lucien Berton de l'EDF. On aura tout vu. L'énergie nucléaire pose un réel problème de santé mentale pour ses promoteurs!


Encore quelqu'un qui ne connaît pas les propriétés de la multiplication

     Dans Le Monde du 17 janvier 1990, le chroniqueur scientifique de ce journal écrit : «Or, les normes de sûreté veulent que l'on attende dix demi-vies avant de considérer une substance radioactive comme inoffensive».
     Nous l'avons déjà écrit mais les journalistes ne semblent pas très portés sur la lecture: 10 demi-vies conduisent à un facteur de réduction de 1.000. Si on considère 1 tonne de plutonium, après 10 demi-vies il en restera 1 kg. Pour ce journaliste, ce kg de plutonium serait inoffensif!

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