La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°263, février 2012
La Cour des Comptes et l’ASN bousculent le nucléaire français
/ SOMMAIRE
     Cette Gazette est dédiée à ROGER BELBEOCH,  compagnon de lutte et longtemps rédacteur d’articles pour la Gazette.

Cette nouvelle Gazette lui est dédiée...
Voir également: groix.revolublog.com, www.reporterre.net, mediapart.fr, lectures et un article paru dans Le Temps le 9 janvier


     Roger a inlassablement combattu le nucléaire: il le jugeait trop dangereux aussi bien au plan des libertés que, dans ses réalisations. Il jugeait aussi que les conséquences potentielles d’un accident sont telles qu’il est impensable de continuer: l’accident étant inéluctable, il fallait banir le nucléaire. Bien évidemment il avait bâti avec Bella des scénarios permettant une sortie suffisamment rapide, permettant la transition avec le recours à une panoplie complète d’autres énergies, en particulier le charbon qui permettait une sortie plus rapide.
     Toujours avec Bella, Roger a écrit pour la Gazette des articles très fouillés sur les mineurs d’uranium. Ils ont également suivi la catastrophe de Tchernobyl aussi bien au plan technique que sanitaire. En ce qui concerne le nucléaire français, les Gazettes sur les fissures découvertes à Fessenheim ou les suites de la tempête de l’an 2000 au Blayais ont été et sont toujours  des Gazettes de référence.
     Roger et Bella excluaient toute prolongation de la vie des réacteurs au-delà de 30 ans: ils pensaient que grâce aux centrales à charbon, il était possible d’arrêter une vingtaine de réacteurs très rapidement (notamment Fessenheim, Bugey,  Dampierre, Tricastin, St Laurent, Blayais). Il fallait bien évidemment combattre avec un plan énergétique cohérent.
     Roger est un homme intègre, rigoureux et son message ne sera pas oublié. Il aura malheureusement pu constater que ses craintes étaient justifiées, car Fukushima est un accident d’une ampleur jamais égalée.
     Mais il aura été un peu rassuré de constater le réveil des consciences. Fukushima a montré l’importance de cette veille citoyenne, la nécessité de toujours poser des questions. Adieu Roger, mais que tous sachent que nous continuerons ton combat et que le flambeau sera repris par des jeunes motivés, ce que le GSIEN souhaite et que tu as essayé inlassablement de promouvoir en aidant de nombreux groupes à prendre leur essort.
     Bien sûr ceux qui restent auront plus de mal et surtout perdre un ami est toujours une épreuve. Que Bella et toute sa famille sachent que notre amitié les accompagne dans ces moments si difficiles: Roger est dans nos mémoires et restera une grande figure des scientifiques qui se sont battus contre l’utilisation de l’atome, civil ou militaire.

     Son message essentiel qui l’a guidé dans son combat est le suivant: «Sortir du nucléaire c’est possible, avant la catastrophe. C’est avant l’accident qu’il faut agir. Après il ny a plus qu’à subir».

     Son message a d’ailleurs été entendu par CEDRA qui a lancé «ne plus subir, agir»

suite:
     Fukushima a eu un effet ravageur: nul ne peut échapper à son impact. En ces jours de grand froid où la France passe des pics de consommation jamais égalés, il apparaît que cette politique «tout électrique» nous pousse sur une pente très glissante: il est temps de changer des radiateurs électriques par d’autres méthodes pour se chauffer.
     Des années que nous radotons sur ce sujet: il serait bien que ceci aboutisse.
     On avait peur que l’accident arrive: il est arrivé. 
     Quand va-t-on prendre les bonnes mesures?
     L'ASN a lancé un vaste programme d’évaluation et ce sous l’impulsion gouvernementale (?). On voudrait y croire mais nos politiques se transforment en zélateurs du nucléaire et osent dire que les réacteurs vivront 60 ans. Heureusement que tout de même certains croient à l’obligation de sûreté et de radioprotection, ainsi qu’à la nécessité d’un environnement sain, sinon on ne ferait même pas de recherches pour rendre les stockages de déchets plus sûrs. 
La Cour des Comptes s’est penchée justement sur les déchets et le démantèlement. Elle a estimé avec précision combien la construction du parc nucléaire a coûté. Bilan[1]: «96 milliards €, soit 1,5 milliards par GigaWatt (GW) installé, contre 3,7 milliards le GW pour l’EPR, souligne La Tribune. L’ensemble des dépenses en nucléaire civil (construction, exploitation mais aussi recherche, usines d’Areva, réacteurs arrêtés) s’élèvent à 227,8 milliards €». Mais bien sûr dans ces coûts n’intervient pas la fin du nucléaire (démantèlement et déchets).
     Première incertitude visée: 
     - le démantèlement:  la Cour donne une estimation de 22,2 milliards €. Mais alerte immédiatement «ces chiffres doivent être regardés avec précaution, l’expérience en la matière, tant d’EDF [centrales de première génération] que du CEA ou d’Areva, ayant montré que les devis ont très généralement tendance à augmenter quand les opérations se précisent, d’autant plus que les comparaisons internationales donnent des résultats très généralement supérieurs aux estimations d’EDF. »
     Deuxième incertitude: 
     - le recyclage des déchets de longue durée. Selon la Cour des comptes, les provisions (c’est-à-dire les sommes que préserve une entreprise dans ses comptes pour anticiper des dépenses futures) seraient basées sur un rapport de l’Andra (datant de 2003). Un rapport dont les conclusions sont dépassées: les 15 milliards sont devenus 35 milliards. «Il y a donc un doute manifeste sur le bon niveau des provisions d'EDF, d'Areva et du CEA», écrit la Cour. Elle recommande que «soit rapidement fixé le nouveau devis sur le coût de stockage géologique profond, de la manière la plus réaliste possible, c'est-à-dire en tenant compte des résultats des recherches menées sur ce sujet mais sans anticiper sur leurs résultat».
     Pire, la Cour des comptes estime qu’un autre scénario devrait être envisagé pour la gestion des déchets; celui qui verrait les combustibles usés (type MOX) ne pas pouvoir  être retraités contrairement à ce qu’espèrent les entreprises du secteur. «Il faudrait alors stocker en très grande profondeur ces déchets hautement dangereux.». Cette hypothèse n’a jamais été chiffrée. Résultat: «Le mythe du recyclage continue de s’effrondrer.» n’hésite pas à s’alarmer La Tribune.
     Troisième incertitude:
     - La Cour des Comptes continue sur la problématique des coûts suite à Fukushima (aurait-t-elle pu introduire les diverses opérations de remises à niveau, du type couvercles de cuve, générateurs de vapeur (GV de 22 réacteurs changés sur 38 existants). De toute façon elle n’a pu estimer le coût de cette mise à niveau. EDF estime, elle, les coûts à 10 milliards, ce qui semble à l’ASN «optimiste».
     La Cour des Comptes, dans sa conclusion (voir plus loin) «confirme la nécessité et l’urgence de faire réaliser (...) des audits techniques par des cabinets et des experts extérieurs
     Quant aux coûts des divers stockages, la Cour des Comptes devra revenir...
[1] A noter une erreur sur la version papier qui exprimait le coût en MegaWatt (retour texte)
 p.1

SUITE EDITO
     Il est clair que nous sommes à un tournant: Fukushima a un effet électrochoc, mais ne rêvons pas. Three Miles Island et Tchernobyl (Gazette et dossier) ont eu le même effet et on a vite oublié. En fait pas vraiment car finalement le nombre de réacteurs n’a pas explosé (!) autant qu’on essaie de nous le faire croire.
     Il n’en reste pas moins que, même avec des demandes techniquement infaisables ou du moins difficilement réalisables du genre épaissir un radier (la partie béton qui se trouve sous un réacteur), il n’y a toujours pas de décision d’arrêt en France. Or il est certain que les 8 premiers réacteurs ont soit des radiers trop minces, doit des radiers alvéolaires remplis de sable DONC IL FAUT LES ARRETER ASSEZ RAPIDEMENT (au moins avant 5 ans et ils auront leur 35 ans, ce qui est largement suffisant compte tenu des incertitudes).
     En effet, des études récentes sur l’évolution des aciers sous irradiation soulignent les faiblesses des études et le manque de robustesse des études antérieures. Il est impensable d’aller à l’accident. La France a toujours eu de la chance grâce à ses contrôleurs et des agents EDF de qualité. Malheureusement EDF a choisi le recours massif à des entreprises extérieures: ce serait possible si elle ne choissisait pas en le moins disant. Ces choix la conduisent à récuser des firmes travaillant depuis plus de 20 ans dans le secteur, des firmes qui ont formé du personnel, contre des sociétés beaucoup moins solides.
     Ceci conduit à stresser le personnel EDF et intérimaires qui ne parviennent plus à travailler correctement.
     Les humains sont indispensables à la machine. Ils sont les seuls à pouvoir reprendre la main si un ordinateur se plante ou si une électronique tombe en panne. Mais pour cela ils doivent être formés et être écoutés quand ils signalent des écarts. Or la tendance est foncer dans le brouillard: attention si on tue la poule on a plus d’œufs...
     Quant aux coûts, la Cour des Comptes est très circonspecte sur leur réalité actuelle. Il y a une fuite en avant facile: l’Agence qui devait vérifier les avoirs vient tout juste d’être nommée et de toute façon, elle ne s’est pas encore réunie. Or les divers exploitants ont déjà négocié des ralentissements et des aménagements. En effet, ces fonds sont prévus jusqu’à un  horizon 2125, ce qui n’est pas gérable et de surcroît on ne peut rien extrapoler sur 100 ans et plus.
     Nous avons du boulot...
     L'AG du GSIEN s’est très bien passée, nous en reparlerons dans une prochaine Gazette car nous pensons que le démantèlement est un sujet très important et nous allons en faire une analyse fouillée.
     Bonne lecture à tous et merci de vos réabonnements. J’ai parfois un peu tardé pour encaisser les chèques: ne m’en veuillez pas.
     Et merci aussi de toutes vos nouvelles que j’essaie de relayer.
     Bon courage à tous.
suite:
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Verts/ALE au Parlement Européen
Strasbourg, le 13 décembre 2011
ITER Fusion nucléaire

     C'est sans réfléchir que le PE donne son accord pour un financement supplémentaire à ITER
     Le Parlement européen vient d'approuver un accord entre le PE et le Conseil qui autorise un fond supplémentaire de 1,3 milliard € au projet de fusion nucléaire ITER. Ce fond sera prélevé sur le budget de l'UE pour la période 2012-2013. Ce compromis a été rejeté par le Groupe des Verts/ALE qui considère qu'aucun financement public ne devrait être consacré au projet ITER.
     Réagissant à l'issue du vote, Michèle RIVASI, membre de la commission de la Recherche et de l'industrie a estimé que:
     «Le projet ITER fait partie de ces éléphants blancs qui font rêver les politiciens: ils refusent dès lors tout esprit critique qui remettrait en cause des technologies dont ils n'ont aucune connaissance. Pourtant, de nombreuses thèses de chercheurs spécialisés dans la fusion par confinement magnétique alertent sur les dangereux phénomènes de disruption (explosion) qui pourraient avoir lieu dans les tokamaks, depuis des décennies. 
     Mais personne au Parlement européen sait ce qu'est un tokamak ou même une disruption, et ne souhaite pour autant s'y intéresser. Pourtant ce prototype fonctionnera avec des substances radioactives dangereuses qui représentent un risque non négligeable en cas d'accident. Autre révélation troublante: ce projet international à 15 milliards ne bénéficie d'aucune assurance. Qui paiera en cas de catastrophe? Cette irresponsabilité est grave d'autant plus que le site de Cadarache cumule les risques: qu'on arrête de répéter que les leçons de Fukushima ont été intégrées
     François ALFONSI, membre de la commission du budget a pour sa part souligné que: «Aujourd'hui, la droite et les socialistes européens ont décidé de  poursuivre avec  le financement du programme ITER pour 1,3 milliards € pour 2012 et 2013 dont 360 millions qui devront être trouvés dans le budget 2013. Les programmes de recherche et de développement, notamment dans le secteur des énergies vertes, sont en grand danger pour l'année prochaine et le vote d'une résolution unilatérale par 6 Etats membres, dont la France, ne préfigure rien de bon.
     L'orgueil des Etats qui s'obstinent à financer ITER est simplement inacceptable. Il empêche ces derniers, et en premier lieu Paris, de penser une autre politique énergétique en Europe après la catastrophe Fukushima.''

Contact: Isabelle Zerrouk, attachée de presse  Verts/ALE au Parlement Européen 
Site internet: greens-efa.eu.org

p.2

Notre AG s'est tenue le 4 février 2012,
un CR sera disponible dans une prochaine Gazette
SOMMAIRE
*
* Nouvelles en vrac: ITER Fusion nucléaire; Le nucléaire au jour le jour (17-11-11/5-12-11 (JP Lacote); Révision distances 5 et 10km dans les PPI; Les effets de la catastrophe de Fukushima sur la santé des japonais; Excès de leucémies autour des sites nucléaires français (point de vue ACRO); Un horticulteur arrête ICEDA (Bugey); Fuite Tritium à Civaux; Démantèlement Eurodif (avis CLIGEET); Césium dans la baie de Tokyo; Tepco révélations
* La Cour des Comptes: Provision et conclusion du rapport sur les coûts et annexes 10, 12, 14, 17
* Civaux et la fuite de tritium
* Analyse critique du rapport Besson (B. Dessus et B. Laponche)
* Annonce (PDF): «Un biologiste contre le nucléaire: Jean Rostand» livre de Jean Dubois, disponible aux éditions PUF

Année 2011
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