Viriginie Belle, le mardi 3 février 2009
«J'étais appelé du contingent.
Profession artisan-maçon. Le 1er mai 1960, jour de mon départ,
j'avais 20 ans, raconte Lucien, à l'aube de ses 69 ans. Grenoble
près de deux ans, puis Marseille, Nord Atlas algérien avant
le camp d'In Ecker, dans le Sahara. "Maçons, paysans sortez des
rangs". Nous avons été envoyés à la galerie
destinée à transporter la bombe au cœur de la montagne d'In
Ecker. Besoin de main-d'œuvre. Devant nous, les Ch'tis ouvraient le tunnel,
nous étions chargés des finitions.» Pas de masque,
cachets de sel obligatoires, 12 à 15 litres d'eau chaque jour. Eviter
la déshydratation.
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23 juin. Lucien est libérable,
retour en Ardèche. Les symptômes commencent à apparaître.
Premier diagnostic: polyglobulie, leucocytose, lymphocytose. Rapidement,
des neavus, – ou tumeurs – apparaissent sur le cou, les joues, autour des
yeux. Un an plus tard se déclarent cancer de la peau et de la mâchoire.
Lucien consulte un professeur à Lyon et ne rentrera qu'une vingtaine
de jours plus tard, séjournant en stomato, ophtalmo, pneumo... «Ils
m'ont enlevé les deux coins des yeux et une partie du nez.»
Suivront 30 anesthésies générales et une centaine
d'anesthésies locales. Il accepte le combat «pour voir
grandir ses deux filles».
Le certificat de ce ponte lyonnais atteste que l'exposition radioactive subie par Lucien Parfait est considérée comme le facteur déclenchant de ses multiples pathologies. Fort de cette preuve, il entame sa première demande d'indemnisation pour défiguration de l'œil droit en 1969. Débouté. 1975, seconde procédure pour ses cancers. Débouté. 1977. Débouté. 2005. Débouté. 11 septembre 2008. Débouté en appel. Lucien se dit «écœuré». «On me demande des preuves que je ne peux apporter.» A ce jour, Lucien n'a pas perçu le moindre centime d'indemnisation. Aujourd'hui, «je demande seulement que l'Etat reconnaisse sa responsabilité. Ce n'est pas pour l'argent – je ne le refuserai pas, ça arrangerait bien les fins de mois – mais pour notre honneur à tous. On a été sacrifié. On a été des cobayes, laissés pour compte, sans aucun suivi médical à notre retour». Aucun, tient à répéter Lucien. Aucun. A bientôt 69 ans, Lucien Parfait se soigne, entouré de sa famille, dans sa maison du Pouzin, en Ardèche. Exposé sur le site d'In Ecker, après le tir du Béryl, en 1962, il souffre aujourd'hui de multiples pathologies. Il livre un témoignage poignant dans le documentaire Gerboise bleue: Gerboise Bleue... «pourrait être le nom d’une fleur sauvage ou d’une pierre précieuse... Mais il n’en est rien. C’est le nom du premier essai atomique français effectué à Reggane, en Algérie, le 13 février 1960», explique le réalisateur Djamel Ouahab. Son film, qui sortira le 11 février sur les écrans, raconte l’histoire des vétérans français et des Touaregs algériens victimes des premiers essais atomiques dans le Sahara de 1960 à 1966. Pour la première fois, Gaston, Gérard, Lucien, Ali et Mohamed, «les derniers survivants, témoignent de leurs combats pour la reconnaissance de leurs maladies, et révèlent dans quelles conditions les essais se sont vraiment déroulés». Edition France Soir
Date de sortie: 11 Février 2009
mardi 3 février 2009 page 6 Réalisé par Djamel Ouahab Film français. Genre: Documentaire Durée: 1h 30min. Année de production: 2008 Distribué par Shellac http://www.allocine.fr/video/ |