Nous sommes en 2010 à
Dongtan, première "ville écologique" du monde. Née
de rien, au milieu des marais, la cité se situe à l'extrémité
orientale de Chongming, la troisième plus grande île chinoise,
à l'embouchure du Yangzi.
Aucun des immeubles ne dépasse huit étages. Les toits sont recouverts de gazon et de plantes vertes pour isoler les bâtiments et recycler l'eau. La ville réserve à chaque piéton six fois plus d'espace que Copenhague, l'une des capitales les plus aérées d'Europe. Des bus propres, à piles à combustible, relient les quartiers. Un système d'Intranet planifie la durée du trajet et met en contact les habitants désireux de partager une voiture. Les motos traditionnelles sont interdites : on circule en scooter électrique ou à bicyclette. Les routes ont été dessinées de telle sorte qu'il est plus rapide de rejoindre son travail à pied ou à vélo qu'en voiture. Jusqu'à 80% des déchets solides sont recyclés. En flambant dans une centrale thermique, les déchets organiques génèrent une partie de l'électricité. On y brûle également les cosses de riz, très calorifiques, abondantes en Chine. Au loin, des éoliennes géantes, propulsées par l'air marin, produisent, elles aussi, du courant. Chaque immeuble possède ses propres éoliennes, de petite taille, et des panneaux à cellules photovoltaïques. La ville s'étire au bord d'un canal. Au coeur d'une réserve naturelle d'une biodiversité exceptionnelle, Dongtan est, en cette année 2010, l'une des attractions offertes aux visiteurs de l'Exposition universelle de Shanghaï. Un gigantesque pont-tunnel rapproche, en quarante-cinq minutes, la ville écologique et la mégalopole. Revenons en 2006. Le projet futuriste de Dongtan répond à une évidence : la nécessité pour la Chine, emportée dans une folie constructrice, de privilégier désormais la qualité de sa croissance. Cela suppose une stratégie d'urbanisation radicalement nouvelle, écologiquement durable, alors que le pays va être le théâtre de la plus spectaculaire migration dans l'histoire de l'humanité. D'ici à 2020, la Chine va devoir construire 400 villes nouvelles, soit une vingtaine par an, pour accueillir plus de 300 millions de ruraux. D'où la volonté de créer dans l'île de Chongming une cité exemplaire. Le projet a été confié depuis sept ans à la société mixte Shanghai Industrial Investment Corporation (SIIC), qui a fait appel pour la conception de Dongtan à un géant du conseil en ingénierie, le britannique Arup. Cette société, qui travaille depuis vingt ans en Chine, est intervenue sur le projet architectural des Jeux olympiques de Pékin de 2008. Preuve de l'importance politique de l'opération Dongtan : le contrat a été signé, en novembre 2005, au 10 Downing Street en présence de Tony Blair et du président chinois Hu Jintao, en visite à Londres. Et deux autres villes nouvelles "écologiques" ont été commandées en sus. Pour l'instant, un demi-million de personnes habitent l'arrondissement de Chongming, relié à la périphérie de Shanghaï par des vedettes rapides et des ferries. Elles vivent dans deux petites villes et une multitude de villages encore épargnés par le développement effréné de la zone. Une autoroute, souvent déserte, traverse déjà l'île. C'est ici que Dongtan comptera entre 50.000 et 80.000 habitants en 2010, puis 500.000 en 2050, selon les prévisions. |
"En vingt ans, constate Ma Chengliang, directeur
de SIIC Dongtan, l'économie chinoise a crû tellement vite
que nous souffrons déjà de pénuries d'énergie.
Si on veut poursuivre au même rythme, il faut résolument opter
pour un développement durable. Il faut faire à Dongtan la
démonstration de ce qui est possible en matière d'énergies
renouvelables, de transports propres et de modes de vie. Le modèle
a été imaginé pour s'étendre au reste de Chongming,
et pour servir d'exemple à toute la Chine." Sur place, Alejandro
Gutierrez, architecte en chef d'Arup, explique : "Dongtan sera une ville
compacte. On s'inspirera de la tradition urbaine chinoise, qui donne une
grande place à l'eau. La composante sociale sera essentielle : une
population diversifiée, bénéficiant d'une proportion
de logements au prix abordable, au moins 30.000 emplois sur place, des
écoles et un hôpital, pour éviter une dépendance
envers Shanghaï."
L'originalité essentielle de Dongtan tient, bien sûr, à son concept écologique. Dans son bureau londonien, Peter Head, directeur d'Arup, fait l'inventaire des innovations techniques qui permettront à la ville d'atteindre, espère-t-il, l'objectif fixé: une "empreinte écologique de 2 hectares par personne, trois fois plus qu'aujourd'hui à Shanghaï, Londres ou Paris". Cette "empreinte" est une unité de calcul représentant la superficie de terre nécessaire pour assurer la survie d'un individu. Entouré de kilomètres de marais, paradis des oiseaux qui migrent entre l'Australie et la Sibérie, le site de Dongtan veut, par exemple, préserver la qualité de l'air. Les voitures ne devront donc émettre aucune particule de carbone et des stations-service à hydrogène seront mises en place. Les exigences des urbanistes ont conduit les ingénieurs d'Arup à imaginer des véhicules petits, légers, peu gourmands en énergie, aptes à rouler très près l'un derrière l'autre pour occuper un espace routier minimal. Dongtan se veut également autosuffisante en énergie. Celle-ci devrait provenir totalement de sources renouvelables : solaire, éolienne, biomasse. Les concepteurs savent cependant qu'entre ce projet "idéal" et sa réalisation demeurent des interrogations de taille : "Vous avez beau concevoir, par le design et les matériaux, des logements qui permettent de ne consommer que les deux tiers de l'énergie utilisée en temps normal, certains comportements individuels peuvent bouleverser vos prévisions. C'est là que doit entrer en jeu un mélange de règlements, d'éducation et d'incitations tarifaires pour motiver les habitants et juguler les excès", explique M. Gutierrez. Lorsque le feu vert sera donné au "plan directeur" d'Arup, sans doute avant fin 2006, les choses devraient aller très vite. La ville sera construite en moins de quatre ans. Peut-on imaginer des centaines, des milliers de Dongtan, ailleurs dans le monde? "Aucun doute, assure Peter Head. Les matériaux et les formes seront différents, mais les principes et la méthode resteront les mêmes." Pourvu, ajoute-t-il, que des gens "croient à ce type de projet et l'épaulent fortement, ce qui est le cas en Chine". Jean-Pierre Langellier à Londres et Brice Pedroletti
à Shanghaï
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Dongtan, en Chine, sera en 2010 la première ville au monde entièrement bâtie selon des principes écologiques. Cette initiative sera forcément discutée à Vancouver, lors du 3e Forum urbain mondial, qui, du 19 au 23 juin, réunira élus et spécialistes autour des actions à réaliser pour créer des villes durables. Cohésion sociale, transports, logement, nuisances, déchets… sont ainsi autant de points qui mobilisent aujourd'hui urbanistes, économistes, sociologues, démographes ou biologistes. | Les chercheurs du CNRS nous donnent ici quelques clés pour bâtir
une ville plus durable:
Rendre la ville à l'homme Un toit pour tous Pas de quartier pour les ghettos La fin du« tout automobile » Cap sur la ville verte |
In a quiet corner of Somerset, a revolution
is under way. Locals have made a pact to slash their carbon emissions -
and reduce their waste to zero. Rich
Cookson reports
In gently rolling countryside, not far from a tranquil lake, Chew Magna is the quintessential Somerset village. It has a well-kept cricket pitch, tidy gardens, three churches, two pubs and a row of quaint shops. A picturesque stream meanders by ancient houses - some of them mentioned in The Domesday Book - and a down-at-heel watermill. You could be forgiven for believing that Chew Magna was just another quiet corner of conservative rural England. But a flier stuck to a telegraph pole tells a different story. "Find out everything you've always wanted to know about domestic solar water-heating," it says, advertising a village talk. "Invest in energy-saving home improvements, save more money and significantly reduce your carbon dioxide emissions". The meeting is the latest in a string of discussions, proposals and projects that are rapidly turning Chew Magna into one of the greenest places in the UK. A growing number of the village's 1,100 residents have committed themselves to minimising the impact they have on the environment. While most of us throw away about half a tonne of rubbish a year, many here have pledged to produce as little waste as possible. Chew Magna's campaign, called Go Zero, is one of many zero-waste projects starting up across the world, from California to Canberra. A resident of Kamikatsu, the first town in Japan to commit to zero waste, recently e-mailed a message of support to the Somerset village. "We feel much sympathy with Chew Magna and we hope we can strive for zero waste together," it said. Bath and North East Somerset Council committed itself to a zero-waste policy in late 2001 - the first local authority in the UK to do so. It now collects 13 different items of waste for recycling, including engine oil, mobile phones, ink cartridges and spectacles, and boasts some of the highest recycling rates in the country. But few communities have gone as far as Chew Magna. The changes started a year ago, when the village was updating its parish plan. Councillors circulated a questionnaire that asked for residents' views on everything from schoolings to healthcare. "One of the things that came out was a clear concern about the environment, such as reducing fly-tipping and reducing the amount of traffic congestion," says Go Zero's events co-ordinator Denise Perrin. "The consensus was that people wanted to make decisions that would leave a legacy." The property developer and Chew Magna resident John Pontin set up a series of meetings in the village. "One discussed moving towards a zero-waste community," explains Perrin. "It quickly became obvious that this was the legacy that could come out of the village plan." That was just the beginning. "We quickly realised that we couldn't just look at one aspect in isolation - waste is not just about what you throw away, but what you buy and how you transport it," she says. "It's about why we buy things and who produces it. We need to look at all of these things together." More meetings followed, attended by up to 40 people. The result is an array of green ideas and initiatives, some immediate and practical, others more complicated and far-reaching. An important focus for the first few months was encouraging people to buy more local food. The village is surrounded by rich agricultural land, which produces everything from fruit and vegetables to venison, ice cream and medicinal herbs. Trout from Chew Valley Lake are said to be second-to-none. Go Zero produced a 16-page local food guide, listing goods produced within 10 miles of the village, and invited local producers to an open day in October. "By the end of the day, the local veg-box scheme had signed up more than 40 new members. They've now had to buy more land to increase their output," says Perrin. About 180 people are actively involved in the project, and many more are interested in what's happening. Four action groups are now discussing how people can recycle more, change the way they travel and reduce the amount of energy they use at home. But it's not all talk - local energy companies have donated 500 low-energy lightbulbs that villagers can pick up for free. About 80 per cent of the village now recycles -almost four times the national average. New ideas are being proposed all the time. One of the more ambitious schemes involves people from Chew Magna and the surrounding villages using spare capacity for free on a regular coach service between Bristol and its airport. If the plan goes ahead, a biofuel-powered minibus will collect travellers from villages in the Chew Valley and deliver them to the airport. |
Go Zero is also working on plans to convert
the village's disused flour mill into a meeting place for the community,
a headquarters for the campaign and space for local sustainable businesses.
Plans are still in their infancy, but building work is scheduled to start
in spring 2007. "The building is home to about 20 lesser-horseshoe bats,"
says the Go Zero chairman Ian Roderick, as he shows me around. "We
aim to renovate it in a way that will encourage the population to double."
One of the strengths of the project is that it presents information so accessibly. A newsletter, called Zero, contains a wealth of energy-saving tips and hints. For the village to meet the targets set at Kyoto, the newsletter explains, "we would need 250 [residents] to halve their carbon emissions by 2012". "We have set up a carbon-offset fund," says Roderick. "That not only compensates for the carbon we produce, but they money raised from it will enable us to plant trees that can provide fruit and timber which will help economic development." So now when you book your holiday, the local travel agent will offer to calculate the distance you fly, and work out how much you'd need to put into the fund. Six homes in the village have been intensively studied by consultants from an organisation called carbonsense, to identify how they can reduce their carbon emissions. And several people have had their cars converted to run on bio-fuel. Chew Magna is also hoping to become a Fairtrade village, and already supports two charities working in Africa. It is also developing links with communities in south India. It is in talks about using money from the carbon-offset fund to plant trees in Tamil Nadu. The RSA has been so impressed by Go Zero that the project won a £2,000 award at the end of 2005 - and, surprisingly, it has all cost very little, so could be replicated elsewhere quite easily. "If you forget the Mill, the funding we've needed has been relatively small: hiring halls, printing costs and that kind of thing," says Roderick. "The push now is on renewable energy and what we can practically do. We're not expecting people to rush out and install solar panels. We just want to put it in their minds so when they come to replace their boiler, they can put alternative sources in too." What's happening at Chew Magna offers a blueprint for other communities wishing to become more sustainable. But, in many ways, the village is returning to how it was 50 or so years ago. "Some of the older people are amazed that people buy apples wrapped in plastic bags, or don't re-use glass jars," says Denise. "They've been living quite sustainably all their lives. Thankfully, we don't have to go too many generations back to relearn how to do it." See www.carbonsense.org and www.gozero.org.uk
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Selon l'architecte britannique ayant
développé le concept innovant d'habitat et de lieux de travail
"neutres en carbone", les technologies vertes et les principes qui sous-tendent
le concept sont aujourd'hui prêts à être déployés
à grande échelle.
A petite échelle, nombreux sont les exemples de pratiques écologiques saines appliquées aux bâtiments et à la construction mais, de l'avis de Bill Dunster, architecte et co-concepteur du village, le projet BedZed (Beddington Zero Energy Development) est le premier à intégrer des pratiques respectueuses de l'environnement dans tous les aspects de sa conception. Le village de BedZed, situé à environ 20 miles de Londres, dans l'une des zones les plus défavorisées de la région, se compose de 100 logements avec jardin, d'un espace de jeu et de détente, d'un espace de travail pour chacun, d'une garderie, d'un réseau de transports verts et même d'un bar. Et si bon nombre des résidents actuels y ont emménagé dans l'intention de vivre écologique, il n'est pas nécessaire d'être "écolo" pour habiter à BedZed. Un tiers des logements sont proposés à la vente aux particuliers, un autre tiers est accessible en copropriété, le tiers restant étant constitué de logements sociaux mis en location et destinés à accueillir des citoyens n'ayant pas les moyens de devenir propriétaires. "Les gens qui vivent ici viennent de tous les horizons, du militant écolo au pompier en passant par d'autres travailleurs clés", a expliqué Mme Sue Dunster. "Il n'est pas nécessaire d'avoir des convictions écologistes pour vivre ici - vous pouvez très bien ne rien y connaître en recyclage et néanmoins venir habiter à BedZed ". Une fois installés, la plupart des gens vont cependant tout naturellement développer une meilleure compréhension des questions de durabilité à partir d'un quotidien qui va les aider à démystifier ces problématiques, a-t-elle ajouté. Le fait que le projet vise surtout et avant tout à simplement rencontrer et même dépasser les attentes des gens en termes de logements confortables et pratiques constitue indubitablement l'une de ses principales forces, le bénéfice environnemental étant un bonus des plus opportuns. "Le projet mise énormément sur le sens de la communauté", a ajouté Mme Dunster. Le projet repose sur le concept de "powerdown" ("débranchement"), a expliqué M. Dunster, qui implique d'exclure tout recours aux carburants fossiles sans réduire - et même en améliorant, espère-t-on - la qualité de vie des résidents. "Vous pouvez mener à BedZed une vie aussi normale qu'ailleurs - à cette différence près que, lorsque vous allumez une lampe, ce sera une lampe à basse consommation d'énergie, et que l'électricité consommée aura été produite sur le site", a déclaré M. Dunster. Tous les logements ont une façade en verre, sont exposés plein sud et super-isolés, de sorte qu'ils permettent une exploitation maximale de l'énergie solaire: le soleil chauffe les logements et les pertes thermiques sont minimes. Les lieux de travail, pour leur part, sont orientés au nord afin de réduire les besoins en systèmes de conditionnement d'air en été. Les petits suppléments de chauffage nécessaires pour les logements sont fournis par une centrale électrocalogène à copeaux produisant une électricité sans carbone à partir de résidus forestiers locaux. En outre, la communauté possède sa propre station d'épuration des eaux usées, dont M. Dunster souhaiterait déléguer la gestion aux résidents eux-mêmes, même si les législations nationales et européennes rendent la chose problématique. |
"Toute cette technologie peut fonctionner; il
faut simplement opérer un nivelage par le bas afin de permettre
une réelle participation communautaire. Nous préconisons
une maintenance locale plutôt qu'un recours à des entreprises
de service public, a-t-il déclaré, avant de souligner
l'accueil plutôt froid réservé à cette idée
par lesdites entreprises, qui craignent pour leur position.
D'autres mesures d'économie d'énergie prises dans le cadre du projet incluent un système de covoiturage avec des véhicules roulant à l'électricité produite in situ, et des projets de fermes "zéro énergie" pour approvisionner la communauté en aliments cultivés sur place. "Toutes les technologies utilisées dans le cadre de BedZed sont prêtes à être commercialisées, à l'exception peut-être de la centrale bivalente à copeaux de bois dont l'efficacité peut encore être améliorée", précise M. Dunster. Le vrai problème, comme bien souvent pour les nouvelles technologies, est le coût plutôt dissuasif. Or, ce coût ne baissera que si de plus en plus de gens acquièrent les technologies concernées. Et de reconnaître qu'il s'agit là de "la quadrature du cercle". Cependant, dans le cadre de sa stratégie "communautés durables", le gouvernement britannique s'est engagé à promouvoir la conception et la construction de bâtiments plus durables et d'excellente qualité afin de réduire la production de déchets et d'améliorer le rapport ressources-efficacité. Selon les estimations du gouvernement, environ 3,8 millions de nouveaux logements seront nécessaires pour la seule Angleterre d'ici 2021 en vue de satisfaire la demande actuelle. Si le développement de BedZed coûte plus qu'un projet de construction conventionnel d'envergure similaire, ce surcoût est essentiellement dû au fait qu'il s'agit d'un modèle prototype, affirme M. Dunster. Selon sa propre "feuille de route", les économies d'échelle nécessaires pour ramener les coûts au niveau de ceux des logements conventionnels sont en fait loin d'être irréalisables - de l'ordre de 5.000 maisons par an, soit environ 3 pour cent des 160.000 nouvelles maisons que le gouvernement projette de construire chaque année en Angleterre. Cependant, pour M. Dunster, il est fort probable que cette opportunité de repenser fondamentalement la conception de logements et de créer une nouvelle chaîne d'approvisionnement pour les technologies environnementales n'ait pas d'avenir. "Le principal problème est que le projet BedZed embarrasse le gouvernement britannique, car il va bien au-delà des normes environnementales arrêtées pour le développement de ces nouveaux logements. [...] Le tragique dans cette affaire, c'est que - en dépit de ce vaste programme de construction - la nécessaire prise de conscience des changements climatiques et des solutions disponibles ne se produit tout simplement pas." Le projet a suscité plus d'intérêt en Europe continentale, a-t-il ajouté, notamment en Allemagne, Autriche et Belgique, et une infrastructure similaire va être construite en Chine, aux abords de Pékin. M. Dunster voit dans la très britannique "crainte de la nouveauté" la cause principale de l'opposition à son projet dans le pays. Ainsi, l'aspect radicalement différent du site aménagé s'est heurté à une opposition féroce de la part des architectes traditionnels. "Mais l'esthétique a été dûment prise en compte lors de la conception - nous essayons de créer une nouvelle forme d'esthétisme qui célèbre le mouvement environnemental. [...] Nous sommes la première "micro-génération", la première culture capable de traiter certains des problèmes dont nous avons hérités." La nouvelle esthétique du projet BedZed, espère-t-il, pourrait profiler l'avenir. Pour tout renseignement complémentaire, consulter le site web
suivant:
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«En France, l'écologie a été
confisquée»
Par Laure NOUALHAT samedi 14 janvier 2006 Un BedZed peut-il voir le jour en France? Il n'existe pas de projets aussi aboutis que BedZed ou le quartier Vauban à Fribourg (Allemagne) dans notre pays. En partie parce que les décideurs français connaissent mal les avantages et inconvénients des techniques environnementales dans la construction. Mais aussi parce que cela coûte plus cher et que les promoteurs ne veulent pas risquer de se retrouver avec des logements, même énergétiquement efficaces, sur les bras. Selon les techniques que vous choisissez, le coût du bâtiment peut passer du simple au double. Sans compter les blocages qui surviennent lors de l'élaboration d'un projet... Par exemple?
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Le cas BedZed est-il reproductible en France?
Ce qui me gêne avec BedZed, c'est qu'on ne connaît toujours pas les bilans énergétiques exacts de ces bâtiments quatre ans après leur construction. En revanche, ils ont vraiment essayé de construire un quartier écologique en analysant au plus près l'empreinte écologique des bâtiments. Le site fourmille d'idées, peut-être même trop, au risque de passer pour une compilation de tout ce qui existe en matière de technique environnementale, et, parfois, les choix ne sont pas très heureux. Par exemple?
Comment convaincre élus et promoteurs d'initier des projets
respectueux de l'environnement?
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Au sud de Londres, BedZed, zone
d'habitat écologique la plus vaste du Royaume-Uni, attire curieux
et spécialistes. Un concept qui pourrait essaimer dans le monde
entier.
Par Laure NOUALHAT samedi 14 janvier 2006 Beddington envoyée spéciale Un air de paquebot avachi dans l'herbe, des vitres à damier photovoltaïque, des cheminées rondelettes et colorées se détachant sur le ciel bleu et glacial de Beddington, en banlieue sud de Londres: Beddington Zero Energy Development (BedZed) est devenu la zone d'habitat écologique la plus vaste du Royaume-Uni. Comme l'indique son nom, ce lotissement écologiquement correct n'utilise aucune énergie fossile et n'émet aucun gaz à effet de serre. Un véritable modèle grandeur nature pour tous ceux qui veulent réduire la contribution au réchauffement climatique du secteur du bâtiment. Dans la chasse aux gaz à effet de serre, ce secteur est un gibier de choix. En France par exemple, logements et bâtiments tertiaires sont à l'origine de 18% des émissions de CO2, plus d'une demi-tonne de carbone par an et par personne (source Plan climat 2004). Avec zéro kilo d'émissions de CO2, BedZed est donc la coqueluche de l'habitat écolo. Mi-novembre, une délégation d'associations et d'élus du XIIIe arrondissement de Paris est allée visiter ce quartier très british, promenade organisée par les Amis de l'Ecozac, une association qui demande la «réalisation d'un projet écologiquement exemplaire» pour la zone d'aménagement concerté du XIIIe, (dite ZAC de Rungis), encore en friche. Les grandes lignes du chantier parisien sont arrêtées : ses trois hectares accueilleront une crèche, une maison d'aide aux personnes âgées, des appartements et des bureaux, au total 40.000 mètres carrés de bâti. Mais le cahier des charges est encore à l'étude... «Les dés ne sont pas jetés car nous comptons nous inspirer des démarches faites ailleurs», explique-t-on à la société d'économie mixte d'aménagement de Paris (Semapa). En matière d'énergie, par exemple, la Semapa n'exclut pas l'usage du photovoltaïque, du chauffage au bois ou de la géothermie... «Il faut que ces choix soient cohérents et qu'ils correspondent au fonctionnement de la ville de Paris.» Une vertu écologique
Chambres au rez-de-chaussée
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A l'extérieur, le thermomètre affiche 0°C, mais à
l'intérieur des maisons, il fait bon. «Il n'y a pas de chauffage
central, car 90% des besoins en chauffage ont été réduits
par l'isolation : les fenêtres installées au nord sont à
triple vitrage, celles orientées vers le sud à double vitrage»,
détaille Angela Roberts, qui conduit la visite. L'isolation des
murs est assurée par des sandwichs de briques à la laine
de roche de trente centimètres d'épaisseur. Le sol de la
véranda au rez-de-chaussée est recouvert de carrelages qui
absorbent et restituent la chaleur passive du soleil. Ils contribuent à
eux seuls à 30% des besoins de réchauffement de l'espace.
Dans la cuisine, les équipements électroménagers sont
tous classés A, c'est-à-dire peu gloutons en kilowattheures.
Certains vitrages intègrent des cellules photovoltaïques, comme
les toits pour une surface totale de 777 mètres carrés de
panneaux solaires. Une chaudière à bois commune, planquée
sous un hangar complète le dispositif en cas de besoin on
est en Grande-Bretagne. Autre système astucieux: les échanges
d'air froid et d'air chaud dans les cheminées. Deux conduits se
juxtaposent : l'air froid entre pendant que l'air chaud sort, ce qui provoque
une aération naturelle et un échange thermique au passage.
Dans la salle de bains, les robinets de douche ou de lavabo utilisent un système par injection d'air : pour un même jet, cela permet de consommer moins d'eau. La chasse au gaspi est organisée jusque dans les toilettes, où les chasses d'eau relâchent 2 à 4 litres selon les besoins. «Dans un appartement, entre un cinquième et un tiers de la consommation en eau part dans les toilettes», détaille le Centre d'information sur l'eau (Cieau). A BedZed, cette eau vient du ciel ou... des toilettes elles-mêmes, après traitement par une «machine vivante»: sept bassins reliés entre eux, bourrés de microbes et de plantes qui épurent les eaux usées des habitants. Une partie des toits est en outre recouverte de sedum, plante grasse qui absorbe beaucoup d'eau. «Sa présence améliore la biodiversité du lotissement», précise Angela. Une dizaine d'espèces d'araignées y ont élu domicile. BedZed n'accorde qu'une place restreinte à l'automobile. Dans un lotissement classique, les 82 appartements et quelques bureaux auraient entraîné la construction de 160 places de parking, mais à Beddington on a préféré réduire la dépendance à la voiture et privilégier les espaces verts. Une centaine de places de parking seulement ont été construites, et un système de partage des véhicules organisé. Trois, dont deux électriques, sont à la disposition de tous, via un système de réservation centralisé. Rayonnement médiatique
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De loin, on aperçoit d'étranges
cheminées aux couleurs vives. Elles couronnent les toits de BedZeD,
le premier village écologique d'Angleterre, à vingt minutes
de train au sud de Londres. Grâce à leur ingénieux
dispositif, assemblé autour d'un échangeur, l'air vicié
qui s'en échappe cède sa chaleur à l'air frais qui
y pénètre. Ce système de ventilation naturelle, qui
permet de récupérer une partie des calories émises,
symbolise l'efficience énergétique à l'honneur dans
ce lieu de vie d'un nouveau genre, inauguré en 2002.
BedZeD signifie Beddington Zero Energy Development. Ce quartier de Beddington, précurseur d'un habitat bioclimatique, "développe zéro énergie". C'est la première communauté "neutre en carbone". Elle n'utilise pas plus d'énergie — renouvelable — qu'elle n'en produit sur place, et n'ajoute aucun surplus de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. L'architecte Bill Dunster, concepteur de ce projet pilote qui intègre toutes les techniques du développement durable, a voulu reconstituer une cité-jardin traditionnelle à l'anglaise, en densifiant autant que possible l'espace urbanisé. Edifié sur une ancienne décharge publique, BedZeD est aussi dense que le quartier de Soho, au coeur de Londres. Son inventeur y a resserré les liens entre l'habitat et les lieux de travail, délibérément mêlés. Multiplier les ensembles de ce type, assure-t-il, permettrait presque de satisfaire les énormes besoins en logements des Britanniques d'ici à 2016, en ne construisant que sur les terrains à bâtir, sans toucher aux espaces agricoles et naturels. A BedZeD, l'impérative protection de l'environnement ne sacrifie jamais le confort et la modernité. Architecte militant, Bill Dunster n'a rien d'un écologiste rétrograde ou grincheux. "J'en ai assez des activistes négatifs, explique-t-il. L'avenir peut être désirable et amusant. A BedZeD, on respecte l'environnement tout en ayant un style de vie convivial et financièrement abordable." Imaginé pendant trois ans par Bill Dunster, avec le soutien de l'ONG anglaise Bioregional, cet "éco-village" a été financé par la fondation Peabody, la plus importante association caritative consacrée à l'habitat. Il accueille quelque 300 résidents dans 100 logements. C'est un site socialement mixte, destiné ni aux bobos ni aux écolos, et où les plus aisés ont acheté leur appartement, et les plus modestes le louent. Les sept corps de bâtiment, que prolonge un vaste terrain de jeu, abritent les lieux propres à une communauté : cafétéria, garderie, club sportif, centre de santé. |
LA RANÇON DU SUCCÈS
BedZeD utilise au maximum les matériaux naturels, renouvelables ou recyclables — bois, briques, structures métalliques — disponibles dans un rayon de 50 km, pour favoriser l'économie régionale et limiter les transports. La nourriture est livrée chaque jour par 200 producteurs locaux, d'où une économie d'emballages et une alimentation moins coûteuse et plus saine. "On a calculé, rappelle Bill Dunster, que, dans ce pays, les composants d'un repas moyen parcourent au total 3 200 km avant d'arriver sur la table du consommateur." Les inventeurs de BedZeD ont privilégié les solutions passives. Exemple : mieux vaut, pour économiser l'énergie, une bonne isolation thermique qu'un équipement sophistiqué, sujet aux pannes et cher à l'entretien. Chaque logement, exposé plein sud, possède une serre qui capte la lumière et la chaleur et où des panneaux photovoltaïques produisent de l'électricité. Un jardinet fait face à la serre. Les bureaux et les commerces sont au nord, reliés aux logements par des passerelles. Une centrale alimentée par des résidus forestiers produit l'électricité et l'eau chaude sanitaire. Les pertes thermiques sont minimes. Les murs ont 50 cm d'épaisseur, la toiture contient un isolant végétal, les ampoules et les appareils consomment peu. "Voyez, constate fièrement Bill Dunster, même par temps froid, il est presque inutile de chauffer." Les eaux de pluie sont stockées, les eaux sales, traitées biologiquement sur place. On a diminué le chauffage de 90%, l'électricité de 60%, les déchets de 75%. La présence de l'automobile a été réduite de moitié. On encourage l'usage partagé des véhicules. Sur le parking, des bornes permettent de recharger gratuitement les voitures électriques. A BedZeD, l'empreinte écologique est deux fois moindre que dans celle d'un quartier traditionnel. Les rares habitants qui l'ont quitté l'ont fait pour empocher une plus-value immobilière, car, en trois ans, les logements ont déjà presque doublé de valeur. Ecologie ou pas, c'est la rançon du succès. Jean-Pierre Langellier
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