Peut-être: au Brésil, un tiers des voitures
roulent déjà au bioéthanol.
Flambée du pétrole, mécontentement
des automobilistes, pollution... C'est dans ce contexte brûlant que
Jacques Chirac a annoncé le 30 août qu'il voulait encourager
la production des biocarburants en France pour "lutter contre les changements
climatiques et conforter la dépendance énergétique".
Faut-il croire en cette mesure présentée comme miraculeuse?
Plus de la moitié
de la consommation de pétrole dans le monde est destinée
aujourd'hui à l'alimentation des transports routiers,
aériens et maritimes. Actuellement, les biocarburants ne sont incorporés
qu'à seulement 1% dans le gazole et l'essence en France: c'est pourquoi
le gouvernement souhaite multiplier par sept la part des biocarburants
dans le carburant en 2010. Qu'entend-on par "pétrole" et "biocarburants"?
Le pétrole est un carburant fossile: il résulte de la lente
dégradation bactériologique d'organismes aquatiques végétaux
et animaux qui ont proliféré dans les mers, il y a des dizaines
et des centaines de millions d'années, et se sont accumulés
en couches sédimentaires. Quant aux biocarburants, ils sont fabriqués
à partir de plantes riches en sucres (topinambours, cannes à
sucre, betteraves ) ou en amidon (céréales, pommes de terre),
de plantes oléagineuses (le tournesol, le colza, l'arachide) mais
aussi à partir du bois et de la paille. Pour faire le point, Caradisiac
plonge dans les méandres du carburant et de cette mesure antipollution.
En tout cas, l'association "Agir pour l'environnement" et Martine Billard,
députée de Paris à l'Assemblée nationale et
membre du parti écologiste Les Verts, se sont exprimés sur
ce sujet pour Caradisiac. Ils n'ont pas la langue de bois!
Les biocarburants: pourquoi ils polluent moins
Une bonne nouvelle pour préserver votre santé,
celle de vos enfants et pour épargner la couche d'ozone! D'après
les scientifiques, les biocarburants (considérés comme une
énergie renouvelable) produisent du CO2 d'origine végétale
lors de la combustion. Ils émettent ainsi 60 à 75% de moins
de gaz à effet de serre que le pétrole! Par contre, la combustion
du pétrole, source fossile, engendre l'augmentation du CO2
dans l'atmosphère: c'est bien connu, le pétrole pollue. A
ce jour, le biocarburant paraît être le meilleur des carburants
alternatifs: vous n'avez pas à changer le moteur de votre véhicule
pour l'utiliser et il a la capacité d'être mélangé
à d'autres carburants, bénéficiant en plus d'avantages
de lubrifications utiles pour les motoristes. Il existe plusieurs types
de biocarburants dont le bioéthanol et le biodiesel:
le bioéthanol ou alcool éthylique
(pour l'essence): les scientifiques extraient les sucres des plantes, telles
que la canne à sucre, les betteraves, les topinambours, mais aussi
du bois, de la paille, des pommes de terre et des céréales.
Les sucres fermentent et un alcool est ainsi réalisé. Par
la suite, cet alcool est incorporé à l'essence ordinaire.
A partir du bioéthanol, il est possible de créer un éther
dérivé : l'éthyl-tertio-butyl-éther. Il provient
du blé et de la betterave.
Le Brésil est très friand du bioéthanol
et il en est même aujourd'hui le premier producteur mondial. Depuis
les années 1970, plusieurs millions de véhicules fonctionnent
avec ce biocarburant conçu grâce à la canne à
sucre: il faut dire que le Brésil est un grand producteur de cette
plante tropicale. Environ un tiers des véhicules vendus aujourd'hui
dans ce pays sont alimentés par le bioéthanol. Les Etats-Unis
arrivent en deuxième position: ils produisent le bioéthanol
à partir d'avoine. L'Europe produit peu de bioéthanol par
rapport au Brésil et aux Etats-Unis, et ce sont plutôt le
blé et les betteraves qui sont employés.
le biodiesel (pour le gazole): des
graisses et des huiles végétales sont extraites du colza,
du tournesol ou de l'arachide. Elles connaissent une transestérification
avec du méthanol, ce qui engendre le biodiesel. L'Europe préfère
le biodiesel au biocarburant. En 2005, l'Allemagne devrait en réaliser
près de deux millions de tonnes et a pris la décision de
proposer un biodiesel pur et non mélangé: les conducteurs
sont chanceux car ils ont plus de choix en matière de carburant
dans les stations services. La France, elle, est à la traîne:
en 2005, elle ne devrait réaliser que 390.000 tonnes de biodiesel.
En août 2005, par la voix de Jacques Chirac,
le gouvernement français a promis d'atteindre un taux de 5,75% des
biocarburants dans l'essence et dans le gazole, comme le préconise
une loi européenne, alors qu'aujourd'hui ils ne représentent
que 1% . Cette mesure, présentée comme révolutionnaire,
en France, est loin de l'être...
La polémique s'enflamme
Une mesure qui sent le réchauffé Caradisiac
a contacté l'Association de mobilisation citoyenne "Agir pour l'environnement"
(APE), née en 1996, pour qu'elle nous donne son point de vue sur
cette promesse du gouvernement de favoriser la production des biocarburants.
Cette association a souligné le fait que
cette mesure antipollution n'a rien d'originale et de surprenante puisqu'elle
était déjà mentionnée dans le plan Climat 2004,
réalisé à l'initiative de Serge Lepeltier, alors ministre
de l'Ecologie et du développement durable.
Il y a plus d'un an, donc, nous pouvions lire dans
ce plan Climat 2004: "Le plan climat est le plan d'action du gouvernement
pour être à la hauteur du défi majeur que constitue
le changement climatique (p. 4). Les transports sont l'un des secteurs
les plus contributeurs en termes d'effet de serre, et en plus forte croissance,
reflet du besoin de mobilité des hommes et des femmes dans la société
moderne. Plusieurs actions doivent permettre de marquer les esprits, de
continuer d'infléchir le comportement des conducteurs et des consommateurs
et d'encourager les transports les plus propres. Une utilisation renforcée
des biocarburants sera mise en place progressivement pour respecter l'objectif
européen: 5,75% d'incorporation dans les carburants d'ici à
2010, 2% en 2005 (p. 26)". D'une part, le gouvernement n'a pas respecté
l'objectif des 2% en 2005 puisque nous sommes toujours à 1% et d'autre
part, il reprend un plan d'action d'un ancien ministre: selon l'APE, il
faut apparemment une flambée du prix du baril de pétrole
et un raz le bol général des automobilistes pour que l'Etat
fasse des déclarations publiques sur l'écologie et promettent
d'agir concrètement contre les changements climatiques et la dépendance
énergétique! Depuis de nombreuses années, l'Institut
français du pétrole, un centre indépendant de recherche
et de développement industriel, consacre une partie de ses études
aux énergies de substitutions du futur et des pétroliers
investissent également pour ces énergies. Mais leurs trouvailles
ne bénéficient pas de commercialisation d'envergure pour
la simple et bonne raison que le pétrole coûtait jusqu'à
présent beaucoup moins cher et que l'Etat misait ainsi plutôt
sur le pétrole que sur les autres énergies alternatives.
Il est clair que l'or noir apporte beaucoup plus d'argent dans les caisses
de l'Etat que les biocarburants.
Autre point: l'objectif des 5,75% de la loi européenne
est-il réalisable en France? Concernant le bioéthanol, il
est peu probable que cela soit envisageable en raison des matières
premières requises insuffisantes. Concernant le biodiesel, cela
pourrait être possible car les surfaces agricoles actuelles le permettraient.
Mais il serait dangereux d'aller au-delà des 5,75% , sinon des conflits
d'intérêts entre la consommation et les biocarburants issus
de l'agriculture française surgiraient. Martine Billard, député
de Paris à l'Assemblée nationale et membre du parti écologiste
Les Verts nous révèle les dérives potentielles et
évoque des solutions tangibles.
Interview: Martine Billard, députée de Paris, Vert
Des limites à ne pas dépasser
Caradisiac a demandé à Martine Billard ce qu'elle pense
des biocarburants, voici sa réponse :
"Les biocarburants ne peuvent absolument pas
régler la question de la consommation d'énergie et de nos
besoins. Ils ne peuvent en aucun pas remplacer le pétrole :
compte tenu de la consommation actuelle
de carburants fossiles, il faudrait l'équivalent d'une fois et demie
des surfaces cultivables de la France pour assurer notre consommation,
alors que l'humanité manque de terres cultivables;
cela signifierait aussi un recours massif
aux OGM, dans le cadre d'une agriculture intensive, avec des conséquences
sur l'environnement incalculables;
en outre, cela n'empêcherait pas
le rejet dans l'atmosphère de polluants, ni l'émission de
gaz à effets de serre, lors de la production intensive de ces biocarburants...
En effet, devant les problèmes posés,
d'une part par les émissions de gaz à effet de serre et d'autre
part par la raréfaction du pétrole et l'augmentation de ses
prix, il faut en tout premier lieu diminuer les besoins en déplacement,
notamment des marchandises, et diminuer les circuits de transport. Par
exemple, arrêter de produire du lait en Normandie pour fabriquer
des yaourts en Allemagne et les vendre par la suite en Aquitaine ! Il faut
aussi surtout accélérer les programmes de transports en commun
que les gouvernements depuis trois ans ont amputé d'une part des
financements de l'État, et stopper la construction de véhicules
dévoreurs d'hydrocarbures comme les 4x4. Toutes ces mesures peuvent
être décidées facilement et certaines avoir un effet
rapide. Malheureusement, la privatisation au rabais des autoroutes ne permettra
pas de dégager les marges budgétaires nécessaires
à la mise en œuvre d'un plan d'un transport rail-route digne de
ce nom. À plus long terme, c'est bien une autre organisation du
territoire et des espaces de vie qu'il faut envisager." |
Conseil de Caradisiac: si vous êtes sensibles
à l'écologie, ne prenez pas votre voiture pour faire des
petits trajets! Un peu d'exercice, ça ne fait pas de mal! Pensez
également au covoiturage! C'est toujours bien de s'entraider et
en plus ça fait un véhicule de moins sur la route! Et la
vraie solution: il faudrait baisser le prix des tickets des transports
en commun! Les villes françaises ont beau mettre en place les tramways
pour inciter les gens à utiliser les transports en commun et à
faire diminuer le nombre de voitures, tant que les prix des tickets ne
seront pas corrects, les gens continueront à prendre leur voiture,
c'est une évidence! Mais bien sûr, cela serait un gros manque
à gagner pour la RATP: le paradoxe, c'est que le prix des tickets
augmente au lieu de baisser!
En conclusion, nous ne pouvons nous fier ni au pétrole
ni aux biocarburants. Pouvons-nous nous rattacher à d'autres carburants
de substitution?
Un choix limité de carburants de substitution
le GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié):
il est le fruit d'un mélange de propane et de butane. Il est stocké
en réservoir et utilisé sous l'aspect d'injection gazeuse.
Il permet de réduire l'émission de particules. L'air est
plus léger que le GPL: le GPL reste au raz du sol lors d'une fuite.
Il est ainsi primordial d'équiper les points bas de système
de ventilation et de détection.
le GNV (Gaz naturel pour véhicules):
c'est un méthane stocké sous haute pression, compliquant
ainsi son utilisation et sa distribution. Il est utilisé sous l'aspect
d'injection gazeuse. Le GNV permet d'éviter l'émission de
particules. L'air étant plus lourd que GNV, il est nécessaire
d'équiper les points hauts de système de ventilation et de
détection.
Les avantages du GPL et du GNV
La conduite du véhicule est plus souple et
nous observons une diminution des vibrations et du bruit ainsi que l'absence
de fumée. Le prix à la pompe est moins cher.
Les inconvénients
Les véhicules sont plus chers à l'achat
et cela demande un équipement supplémentaire. Peu de véhicules
bénéficient du GPL et du GNV dans le parc automobile français:
ces carburants de substitution sont boudés.
l'aquazole: en septembre 1998, la RATP
a commencé à équiper certains autobus avec l'aquazole,
un carburant composé de gazole et dans lequel est présent
13% d'eau. Il réduit de 40% les émissions d'oxyde d'azote.
Aujourd'hui, peu d'autobus en sont munis.
L'exception qui confirme la règle: la Toyota Prius
Les chercheurs étudient actuellement la pile
à combustible: cela sera une véritable révolution
car elle ne rejettera que des gouttelettes d'eau à l'échappement.
Mais il faut attendre encore de nombreuses années pour voir l'arrivée
des premiers modèles commercialisés. Heureusement, Toyota
est là pour nous faire patienter car le constructeur a mis au point
une technique intermédiaire réalisable: l'hybridation. La
Prius est la première voiture hybride commercialisée en 1997
au Japon et elle a été légèrement modifiée
quand elle a fait son apparition en France en 2000. Sa particularité:
allier un moteur à essence classique à un moteur électrique,
engendrant une réduction de 40% de sa consommation et une diminution
des rejets de dioxyde de carbone. Le succès est au rendez-vous:
la Toyota Prius se vend comme des petits pains dans le monde et elle a
été sacrée voiture de l'année en 2004 par un
jury de 58 journalistes européens.
Et si le pétrole s'envole en fumée ... ?
"Laissons vagabonder notre esprit quelques instants"
et devenons des Jules Verne en herbe! Quel pourrait être le sort
de l'or noir au XXIe siècle et au XXIIe siècle et dans ce
contexte, l'évolution de l'automobiliste?
Des économistes et des écrivains se
sont penchés sur la question et nous apportent des réponses
plus qu'étonnantes!
Le scénario catastrophe: un mal pour un bien?
Pour le XXIe siècle, l'économiste
Patrick Artus prévoit une hausse extraordinaire du prix du baril
qui s'élèverait ainsi à 380 dollars dès 2015
- alors qu'aujourd'hui, il oscille entre 60 et 70 dollars! L'écrivain
américain, James Kunstler, rejoint l'analyse de cet économiste.
Dans son livre The Long Emergency, sorti en mai 2005, il prédit
la fin du pétrole bon marché dès le XXIe siècle,
ce qui provoquera un changement incroyable de nos modes de vie et la mort
de notre société de consommation actuelle. D'après
lui, les énergies alternatives, le nucléaire et les carburants
de substitution ne pourront pas remplacer le pétrole: l'indépendance
énergétique sera très forte. La flambée faramineuse
du prix du baril aura des conséquences irréversibles: les
habitants de la "planète Terre" qui n‘auront pas l'argent nécessaire
pour se payer quelques litres d'essence devront se passer de mobilité.
Le fossé se creusera davantage avec l'élite, qui jouira,
elle, des privilèges du pétrole. Le domaine des transports
va être touché de plein fouet: adieu les séjours touristiques
lointains à prix cassé! Les déplacements en avion
deviendront un luxe. Les bateaux et l'automobile seront en voie de disparition.
Ainsi, l'autarcie refera son apparition: nous vivrons en communauté,
dans une localité, comme au Moyen Age! La mondialisation sera balayée
par la localisation. Pour Kunstler, c'est un mal pour un bien puisque cela
va pousser la population à développer une économie
fondée sur l'agriculture et les gens tisseront des liens indestructibles:
l'individualisme et les conflits de génération perceptibles
dans notre société d'aujourd'hui seront bannis.
Autre hypothèse: actuellement, l'or noir
est menacé d'extinction. La pénurie pointe le bout de son
nez. Les pays asiatiques et les Etats-Unis sont de gros consommateurs de
pétrole et la demande mondiale est de plus en plus forte, mais la
production a un train de retard. Cela fait trente ans qu'aucune raffinerie
n'a été construite aux Etats-Unis et en Europe. L' Arabie
Saoudite est la seule à avoir des capacités de production
supplémentaires, mais il s'agit d'un pétrole lourd, son raffinage
est complexe et il est ainsi boudé. En Russie, la production ralentit.
Il manque de plus en plus de produits raffinés comme le gazole et
l'essence. Au XXIIe siècle, le pétrole n'existe plus. Les
scientifiques ne sont pas parvenus à trouver des énergies
pour le remplacer. Mais l'être humain n'est pas capable de se débrouiller
sans pétrole, de créer une économie durable et les
habitants de la Planète Terre sombrent dans la pauvreté la
plus totale. L'Humanité régresse à grand pas.
Extrait d'un article de Caradisiac en 2085.
" (...) L'or noir est un trésor convoité
par les malfrats du monde entier. Le prix du baril de pétrole a
atteint 1.550 dollars hier. La pénurie gronde et le trafic prend
de plus en plus d'envergure. Les stations services sont attaquées
tous azimuts et les forces de l'ordre ne savent plus où donner de
la tête. Résultats: 75% des stations services ont été
fermées cette semaine en France. Les autres sont étroitement
surveillées par l'armée qui a déployé 15 hommes
pour chacune d'elles. Les hommes politiques et l'élite, les seuls
qui bénéficient actuellement du pétrole, sont escortés
par la police jusqu'aux stations services (mais cela est très rare
!), ou sont barricadés chez eux ou dans leur bureau: c'est leur
garde rapprochée qui leur apporte le précieux carburant.
L'avenir paraît de plus en plus sombre (...)"
Le scénario paradisiaque: l'or vert fait rougir l'or noir!
Au XXIe siècle, le pétrole est extrêmement
cher ou il n'existe plus: ce n'est pas la fin du monde! Les scientifiques
ont réussi à découvrir des énergies non polluantes
et bon marché. Chaque pays est capable de produire sa propre énergie:
la dépendance énergétique est révolue. Les
écologistes sont heureux car la couche d'ozone n'est plus en danger,
la Planète bleue est sauvée! Les conducteurs sont épanouis:
ils n'ont plus à casser leur tirelire pour faire des longs trajets.
L'avion est devenu un moyen de transport banal comme les transports en
commun. L'économie mondiale est florissante: la pauvreté
est éradiquée! Nous pouvons voir tous les Africains conduire
leur véhicule flambant neuf Elle n'est pas belle la vie sans
pétrole?!
A retenir: en attendant le moteur à eau
On ne roulera plus à l'essence dans quelques
dizaines d'années, c'est certain. Les biocarburants tel qu'on envisage
de les développer aujourd'hui porteraient trop préjudice
à l'environnement agricole. Il semble bien que les constructeurs
pourraient alors se concentrer sur d'autres carburants de substitution,
GPL, GNV, et moteurs hybrides. A moins qu'un Tournesol nous invente un
vrai moteur à eau... |