ENERGIES RENOUVELABLES sol(ID)aires
LES "BIOCARBURANTS"
Demain, roulerez-vous en biocarburant?
http://www.dossiersdunet.com/article861.html
Source ADIT novembre 2006

    Nous y sommes: la barre des 1,5 € le litre de sans-plomb est dépassée. Les économistes les plus sérieux fixent le prix du baril de pétrole à 380 dollars en 2015! Faute d'essence, serez-vous contraint demain de laisser votre voiture au garage? Les biocarburants et autres GPL remplaceront-ils le pétrole?
Peut-être: au Brésil, un tiers des voitures roulent déjà au bioéthanol.
    Flambée du pétrole, mécontentement des automobilistes, pollution... C'est dans ce contexte brûlant que Jacques Chirac a annoncé le 30 août qu'il voulait encourager la production des biocarburants en France pour "lutter contre les changements climatiques et conforter la dépendance énergétique". Faut-il croire en cette mesure présentée comme miraculeuse?
    Plus de la moitié de la consommation de pétrole dans le monde est destinée aujourd'hui à l'alimentation des transports routiers, aériens et maritimes. Actuellement, les biocarburants ne sont incorporés qu'à seulement 1% dans le gazole et l'essence en France: c'est pourquoi le gouvernement souhaite multiplier par sept la part des biocarburants dans le carburant en 2010. Qu'entend-on par "pétrole" et "biocarburants"? Le pétrole est un carburant fossile: il résulte de la lente dégradation bactériologique d'organismes aquatiques végétaux et animaux qui ont proliféré dans les mers, il y a des dizaines et des centaines de millions d'années, et se sont accumulés en couches sédimentaires. Quant aux biocarburants, ils sont fabriqués à partir de plantes riches en sucres (topinambours, cannes à sucre, betteraves ) ou en amidon (céréales, pommes de terre), de plantes oléagineuses (le tournesol, le colza, l'arachide) mais aussi à partir du bois et de la paille. Pour faire le point, Caradisiac plonge dans les méandres du carburant et de cette mesure antipollution. En tout cas, l'association "Agir pour l'environnement" et Martine Billard, députée de Paris à l'Assemblée nationale et membre du parti écologiste Les Verts, se sont exprimés sur ce sujet pour Caradisiac. Ils n'ont pas la langue de bois!

Les biocarburants: pourquoi ils polluent moins
    Une bonne nouvelle pour préserver votre santé, celle de vos enfants et pour épargner la couche d'ozone! D'après les scientifiques, les biocarburants (considérés comme une énergie renouvelable) produisent du CO2 d'origine végétale lors de la combustion. Ils émettent ainsi 60 à 75% de moins de gaz à effet de serre que le pétrole! Par contre, la combustion du pétrole, source fossile, engendre l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère: c'est bien connu, le pétrole pollue. A ce jour, le biocarburant paraît être le meilleur des carburants alternatifs: vous n'avez pas à changer le moteur de votre véhicule pour l'utiliser et il a la capacité d'être mélangé à d'autres carburants, bénéficiant en plus d'avantages de lubrifications utiles pour les motoristes. Il existe plusieurs types de biocarburants dont le bioéthanol et le biodiesel:
     le bioéthanol ou alcool éthylique (pour l'essence): les scientifiques extraient les sucres des plantes, telles que la canne à sucre, les betteraves, les topinambours, mais aussi du bois, de la paille, des pommes de terre et des céréales. Les sucres fermentent et un alcool est ainsi réalisé. Par la suite, cet alcool est incorporé à l'essence ordinaire. A partir du bioéthanol, il est possible de créer un éther dérivé : l'éthyl-tertio-butyl-éther. Il provient du blé et de la betterave.
    Le Brésil est très friand du bioéthanol et il en est même aujourd'hui le premier producteur mondial. Depuis les années 1970, plusieurs millions de véhicules fonctionnent avec ce biocarburant conçu grâce à la canne à sucre: il faut dire que le Brésil est un grand producteur de cette plante tropicale. Environ un tiers des véhicules vendus aujourd'hui dans ce pays sont alimentés par le bioéthanol. Les Etats-Unis arrivent en deuxième position: ils produisent le bioéthanol à partir d'avoine. L'Europe produit peu de bioéthanol par rapport au Brésil et aux Etats-Unis, et ce sont plutôt le blé et les betteraves qui sont employés.
     le biodiesel (pour le gazole): des graisses et des huiles végétales sont extraites du colza, du tournesol ou de l'arachide. Elles connaissent une transestérification avec du méthanol, ce qui engendre le biodiesel. L'Europe préfère le biodiesel au biocarburant. En 2005, l'Allemagne devrait en réaliser près de deux millions de tonnes et a pris la décision de proposer un biodiesel pur et non mélangé: les conducteurs sont chanceux car ils ont plus de choix en matière de carburant dans les stations services. La France, elle, est à la traîne: en 2005, elle ne devrait réaliser que 390.000 tonnes de biodiesel.
    En août 2005, par la voix de Jacques Chirac, le gouvernement français a promis d'atteindre un taux de 5,75% des biocarburants dans l'essence et dans le gazole, comme le préconise une loi européenne, alors qu'aujourd'hui ils ne représentent que 1% . Cette mesure, présentée comme révolutionnaire, en France, est loin de l'être...

La polémique s'enflamme
    Une mesure qui sent le réchauffé Caradisiac a contacté l'Association de mobilisation citoyenne "Agir pour l'environnement" (APE), née en 1996, pour qu'elle nous donne son point de vue sur cette promesse du gouvernement de favoriser la production des biocarburants.
    Cette association a souligné le fait que cette mesure antipollution n'a rien d'originale et de surprenante puisqu'elle était déjà mentionnée dans le plan Climat 2004, réalisé à l'initiative de Serge Lepeltier, alors ministre de l'Ecologie et du développement durable.
    Il y a plus d'un an, donc, nous pouvions lire dans ce plan Climat 2004: "Le plan climat est le plan d'action du gouvernement pour être à la hauteur du défi majeur que constitue le changement climatique (p. 4). Les transports sont l'un des secteurs les plus contributeurs en termes d'effet de serre, et en plus forte croissance, reflet du besoin de mobilité des hommes et des femmes dans la société moderne. Plusieurs actions doivent permettre de marquer les esprits, de continuer d'infléchir le comportement des conducteurs et des consommateurs et d'encourager les transports les plus propres. Une utilisation renforcée des biocarburants sera mise en place progressivement pour respecter l'objectif européen: 5,75% d'incorporation dans les carburants d'ici à 2010, 2% en 2005 (p. 26)". D'une part, le gouvernement n'a pas respecté l'objectif des 2% en 2005 puisque nous sommes toujours à 1% et d'autre part, il reprend un plan d'action d'un ancien ministre: selon l'APE, il faut apparemment une flambée du prix du baril de pétrole et un raz le bol général des automobilistes pour que l'Etat fasse des déclarations publiques sur l'écologie et promettent d'agir concrètement contre les changements climatiques et la dépendance énergétique! Depuis de nombreuses années, l'Institut français du pétrole, un centre indépendant de recherche et de développement industriel, consacre une partie de ses études aux énergies de substitutions du futur et des pétroliers investissent également pour ces énergies. Mais leurs trouvailles ne bénéficient pas de commercialisation d'envergure pour la simple et bonne raison que le pétrole coûtait jusqu'à présent beaucoup moins cher et que l'Etat misait ainsi plutôt sur le pétrole que sur les autres énergies alternatives. Il est clair que l'or noir apporte beaucoup plus d'argent dans les caisses de l'Etat que les biocarburants.
    Autre point: l'objectif des 5,75% de la loi européenne est-il réalisable en France? Concernant le bioéthanol, il est peu probable que cela soit envisageable en raison des matières premières requises insuffisantes. Concernant le biodiesel, cela pourrait être possible car les surfaces agricoles actuelles le permettraient. Mais il serait dangereux d'aller au-delà des 5,75% , sinon des conflits d'intérêts entre la consommation et les biocarburants issus de l'agriculture française surgiraient. Martine Billard, député de Paris à l'Assemblée nationale et membre du parti écologiste Les Verts nous révèle les dérives potentielles et évoque des solutions tangibles.



Interview: Martine Billard, députée de Paris, Vert
Des limites à ne pas dépasser
Caradisiac a demandé à Martine Billard ce qu'elle pense des biocarburants, voici sa réponse :
    "Les biocarburants ne peuvent absolument pas régler la question de la consommation d'énergie et de nos besoins. Ils ne peuvent en aucun pas remplacer le pétrole :
     compte tenu de la consommation actuelle de carburants fossiles, il faudrait l'équivalent d'une fois et demie des surfaces cultivables de la France pour assurer notre consommation, alors que l'humanité manque de terres cultivables;
     cela signifierait aussi un recours massif aux OGM, dans le cadre d'une agriculture intensive, avec des conséquences sur l'environnement incalculables;
     en outre, cela n'empêcherait pas le rejet dans l'atmosphère de polluants, ni l'émission de gaz à effets de serre, lors de la production intensive de ces biocarburants...
    En effet, devant les problèmes posés, d'une part par les émissions de gaz à effet de serre et d'autre part par la raréfaction du pétrole et l'augmentation de ses prix, il faut en tout premier lieu diminuer les besoins en déplacement, notamment des marchandises, et diminuer les circuits de transport. Par exemple, arrêter de produire du lait en Normandie pour fabriquer des yaourts en Allemagne et les vendre par la suite en Aquitaine ! Il faut aussi surtout accélérer les programmes de transports en commun que les gouvernements depuis trois ans ont amputé d'une part des financements de l'État, et stopper la construction de véhicules dévoreurs d'hydrocarbures comme les 4x4. Toutes ces mesures peuvent être décidées facilement et certaines avoir un effet rapide. Malheureusement, la privatisation au rabais des autoroutes ne permettra pas de dégager les marges budgétaires nécessaires à la mise en œuvre d'un plan d'un transport rail-route digne de ce nom. À plus long terme, c'est bien une autre organisation du territoire et des espaces de vie qu'il faut envisager."
    Conseil de Caradisiac: si vous êtes sensibles à l'écologie, ne prenez pas votre voiture pour faire des petits trajets! Un peu d'exercice, ça ne fait pas de mal! Pensez également au covoiturage! C'est toujours bien de s'entraider et en plus ça fait un véhicule de moins sur la route! Et la vraie solution: il faudrait baisser le prix des tickets des transports en commun! Les villes françaises ont beau mettre en place les tramways pour inciter les gens à utiliser les transports en commun et à faire diminuer le nombre de voitures, tant que les prix des tickets ne seront pas corrects, les gens continueront à prendre leur voiture, c'est une évidence! Mais bien sûr, cela serait un gros manque à gagner pour la RATP: le paradoxe, c'est que le prix des tickets augmente au lieu de baisser!
    En conclusion, nous ne pouvons nous fier ni au pétrole ni aux biocarburants. Pouvons-nous nous rattacher à d'autres carburants de substitution?

Un choix limité de carburants de substitution
     le GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié): il est le fruit d'un mélange de propane et de butane. Il est stocké en réservoir et utilisé sous l'aspect d'injection gazeuse. Il permet de réduire l'émission de particules. L'air est plus léger que le GPL: le GPL reste au raz du sol lors d'une fuite. Il est ainsi primordial d'équiper les points bas de système de ventilation et de détection.
     le GNV (Gaz naturel pour véhicules): c'est un méthane stocké sous haute pression, compliquant ainsi son utilisation et sa distribution. Il est utilisé sous l'aspect d'injection gazeuse. Le GNV permet d'éviter l'émission de particules. L'air étant plus lourd que GNV, il est nécessaire d'équiper les points hauts de système de ventilation et de détection.

Les avantages du GPL et du GNV
    La conduite du véhicule est plus souple et nous observons une diminution des vibrations et du bruit ainsi que l'absence de fumée. Le prix à la pompe est moins cher.
Les inconvénients
    Les véhicules sont plus chers à l'achat et cela demande un équipement supplémentaire. Peu de véhicules bénéficient du GPL et du GNV dans le parc automobile français: ces carburants de substitution sont boudés.

     l'aquazole: en septembre 1998, la RATP a commencé à équiper certains autobus avec l'aquazole, un carburant composé de gazole et dans lequel est présent 13% d'eau. Il réduit de 40% les émissions d'oxyde d'azote. Aujourd'hui, peu d'autobus en sont munis.

L'exception qui confirme la règle: la Toyota Prius
    Les chercheurs étudient actuellement la pile à combustible: cela sera une véritable révolution car elle ne rejettera que des gouttelettes d'eau à l'échappement. Mais il faut attendre encore de nombreuses années pour voir l'arrivée des premiers modèles commercialisés. Heureusement, Toyota est là pour nous faire patienter car le constructeur a mis au point une technique intermédiaire réalisable: l'hybridation. La Prius est la première voiture hybride commercialisée en 1997 au Japon et elle a été légèrement modifiée quand elle a fait son apparition en France en 2000. Sa particularité: allier un moteur à essence classique à un moteur électrique, engendrant une réduction de 40% de sa consommation et une diminution des rejets de dioxyde de carbone. Le succès est au rendez-vous: la Toyota Prius se vend comme des petits pains dans le monde et elle a été sacrée voiture de l'année en 2004 par un jury de 58 journalistes européens.

Et si le pétrole s'envole en fumée ... ?
    "Laissons vagabonder notre esprit quelques instants" et devenons des Jules Verne en herbe! Quel pourrait être le sort de l'or noir au XXIe siècle et au XXIIe siècle et dans ce contexte, l'évolution de l'automobiliste?
    Des économistes et des écrivains se sont penchés sur la question et nous apportent des réponses plus qu'étonnantes!

Le scénario catastrophe: un mal pour un bien?
    Pour le XXIe siècle, l'économiste Patrick Artus prévoit une hausse extraordinaire du prix du baril qui s'élèverait ainsi à 380 dollars dès 2015 - alors qu'aujourd'hui, il oscille entre 60 et 70 dollars! L'écrivain américain, James Kunstler, rejoint l'analyse de cet économiste. Dans son livre The Long Emergency, sorti en mai 2005, il prédit la fin du pétrole bon marché dès le XXIe siècle, ce qui provoquera un changement incroyable de nos modes de vie et la mort de notre société de consommation actuelle. D'après lui, les énergies alternatives, le nucléaire et les carburants de substitution ne pourront pas remplacer le pétrole: l'indépendance énergétique sera très forte. La flambée faramineuse du prix du baril aura des conséquences irréversibles: les habitants de la "planète Terre" qui n‘auront pas l'argent nécessaire pour se payer quelques litres d'essence devront se passer de mobilité. Le fossé se creusera davantage avec l'élite, qui jouira, elle, des privilèges du pétrole. Le domaine des transports va être touché de plein fouet: adieu les séjours touristiques lointains à prix cassé! Les déplacements en avion deviendront un luxe. Les bateaux et l'automobile seront en voie de disparition. Ainsi, l'autarcie refera son apparition: nous vivrons en communauté, dans une localité, comme au Moyen Age! La mondialisation sera balayée par la localisation. Pour Kunstler, c'est un mal pour un bien puisque cela va pousser la population à développer une économie fondée sur l'agriculture et les gens tisseront des liens indestructibles: l'individualisme et les conflits de génération perceptibles dans notre société d'aujourd'hui seront bannis.
    Autre hypothèse: actuellement, l'or noir est menacé d'extinction. La pénurie pointe le bout de son nez. Les pays asiatiques et les Etats-Unis sont de gros consommateurs de pétrole et la demande mondiale est de plus en plus forte, mais la production a un train de retard. Cela fait trente ans qu'aucune raffinerie n'a été construite aux Etats-Unis et en Europe. L' Arabie Saoudite est la seule à avoir des capacités de production supplémentaires, mais il s'agit d'un pétrole lourd, son raffinage est complexe et il est ainsi boudé. En Russie, la production ralentit. Il manque de plus en plus de produits raffinés comme le gazole et l'essence. Au XXIIe siècle, le pétrole n'existe plus. Les scientifiques ne sont pas parvenus à trouver des énergies pour le remplacer. Mais l'être humain n'est pas capable de se débrouiller sans pétrole, de créer une économie durable et les habitants de la Planète Terre sombrent dans la pauvreté la plus totale. L'Humanité régresse à grand pas.

Extrait d'un article de Caradisiac en 2085.
    " (...) L'or noir est un trésor convoité par les malfrats du monde entier. Le prix du baril de pétrole a atteint 1.550 dollars hier. La pénurie gronde et le trafic prend de plus en plus d'envergure. Les stations services sont attaquées tous azimuts et les forces de l'ordre ne savent plus où donner de la tête. Résultats: 75% des stations services ont été fermées cette semaine en France. Les autres sont étroitement surveillées par l'armée qui a déployé 15 hommes pour chacune d'elles. Les hommes politiques et l'élite, les seuls qui bénéficient actuellement du pétrole, sont escortés par la police jusqu'aux stations services (mais cela est très rare !), ou sont barricadés chez eux ou dans leur bureau: c'est leur garde rapprochée qui leur apporte le précieux carburant. L'avenir paraît de plus en plus sombre (...)"

Le scénario paradisiaque: l'or vert fait rougir l'or noir!
    Au XXIe siècle, le pétrole est extrêmement cher ou il n'existe plus: ce n'est pas la fin du monde! Les scientifiques ont réussi à découvrir des énergies non polluantes et bon marché. Chaque pays est capable de produire sa propre énergie: la dépendance énergétique est révolue. Les écologistes sont heureux car la couche d'ozone n'est plus en danger, la Planète bleue est sauvée! Les conducteurs sont épanouis: ils n'ont plus à casser leur tirelire pour faire des longs trajets. L'avion est devenu un moyen de transport banal comme les transports en commun. L'économie mondiale est florissante: la pauvreté est éradiquée! Nous pouvons voir tous les Africains conduire leur véhicule flambant neuf  Elle n'est pas belle la vie sans pétrole?!

A retenir: en attendant le moteur à eau
    On ne roulera plus à l'essence dans quelques dizaines d'années, c'est certain. Les biocarburants tel qu'on envisage de les développer aujourd'hui porteraient trop préjudice à l'environnement agricole. Il semble bien que les constructeurs pourraient alors se concentrer sur d'autres carburants de substitution, GPL, GNV, et moteurs hybrides. A moins qu'un Tournesol nous invente un vrai moteur à eau...