Le consensus est net. Plusieurs
ouvrages, parus entre la fin 2008 et début 2009, aboutissent aux
même conclusions. Il reste
moins d'une décennie pour obtenir une baisse significative des émissions
de gaz à effet de serre d'origine humaine.
Au-delà, la réaction en chaîne climatique, visible
en moins de deux générations, deviendra incontrôlable.
Banle-bas de combat! Côté climat,
les avertissements pleuvent en ce début d'année et s'inscrivent
dans une véritable convergence internationale. Un consensus notamment
relayé par le Worldwatch Institute, un organisme américain
de recherche environnemental. «Nous avons le privilège
de vivre à un moment de l'histoire où nous pouvons prévenir
une catastrophe climatique qui rendrait la planète hostile au développement
de l'homme et de son bien-être,» rappelle ainsi Robert
Engelman, l'un des directeurs de l'ouvrage «State of World 2009»
rédigé par 47 experts. Le plus grand nombre jamais rassemblés
au sein de l'état des lieux annuel du Worldwatch Institute.
Parue mi-janvier 2009, sa 26e édition se consacre à «un
monde qui se réchauffe». Selon ce panel d'experts, le temps
manque pour suffisamment réduire les émissions de gaz à
effet de serre (GES).
Le calme avant la tempête...
Depuis le milieu du 18e siècle, les
températures moyennes ont déjà globalement augmenté
de 0,8°C. Un degré supplémentaire est d'ores et déjà
attendu du fait de l'inertie thermique de la planète et des quantités
de GES accumulés entretemps dans l'atmosphère. «Le
monde va devoir réduire ses émissions plus drastiquement
que prévu, résume le Worldwatch Institute, pour essentiellement
ne plus émettre de CO2 d'ici 2050 si l'on veut éviter
une perturbation catastrophique du climat mondial.» Pour l'un
des auteurs du rapport, le climatologue William Hare, il est même
impératif que les émissions déclinent au point de
devenir négatives après 2050. Sous peine de déclencher
un emballement des températures et un compte à rebours climatique
lourd de menaces.
A lire les scénarios du quatrième
rapport de synthèse du GIEC, le groupe international d'experts de
l'évolution du climat, la hausse des températures d'ici 2100
serait comprise entre + 1,1 et + 6,4 C°. C'est l'échelle adoptée
par le journaliste Mark Lynas pour détailler dans "Six degrés"
(Dunod) les multiples conséquences du réchauffement climatique.
Acidification des océans et disparition du plancton, longues périodes
de sécheresse, pénurie d'eau douce, érosion des sols
et de la biodiversité, zônes côtières condamnées
à être submergées... Son voyage dans le temps, au-delà
des 2 degrés, se transforme en enfer sur Terre. «Les rétroactions
climatiques lentes – retrait des glaces, modifications du cycle du carbone
– sont désormais mieux prises en compte. Toutes tendent à
confirmer l'urgence de réestimer le taux de réchauffement
prévu,» écrit le journaliste britannique. Il nous
reste moins d'une décennie pour commencer à réduire
nos émissions.» |
Deux degrés, point de bascule?
Pour le GIEC, c'est bien en 2015 que les émissions
globales doivent culminer si l'on veut que les concentrations CO2
ne dépassent pas les 400 ppm (parties par million) et que les températures
n'augmentent pas de plus de deux degrés. Au-delà, l'Amazonie
va se transformer en désert et les sols gelés de Sibérie
et du Canada «dégazer» de grandes quantités de
méthane, amorçant la spirale du réchauffement. Un
cercle vicieux impossible alors à réfréner.
Stabiliser le CO2 atmosphérique
sous la barre des 400 ppm demande de baisser les émissions de GES
de 60% sur les dix prochaines années. Malheureusement, et malgré
les accords de Kyoto, les émissions de CO2 ont augmenté
de 3% en 2007. Avec un objectif «politiquement réaliste»
de 550 ppm, l'option évoquée par l'Union Européenne
et le rapport Stern sur le coût du changement climatique, «nos
chances alors de rester sous les trois degrés sont faibles, moins
de 20%,» calcule Mark Lynas. «Notre objectif dépend
du risque que nous sommes prêt à prendre.»
La nouvelle guerre mondiale du climat
Le récent rapport du cabinet McKinsey,
en janvier 2009, «Pathways for a low carbon economy»
confirme la possibilité de maintenir le réchauffement en
dessous de la barre des 2 C°... A condition d'y mettre les moyens.
Un investissement politique et financier estimé à 530 milliards
€ par an d'ici 2020, et à 810 milliards en 2030. La marge est
étroite. «Chaque année de délai supplémentaire
rend le défi encore plus difficile, avertit le rapport. Non
seulement à cause de l'augmentation des émissions pendant
cette année, mais aussi parce que cela conforte les infrastructures
très consommatrices de CO2. »
«Le message est clair,
explique l'économiste et polytechnicien Alain Grandjean, membre
du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot, co-auteur
avec Jean-Marc Jancovici de «C'est maintenant, 3 ans pour sauver
le monde» (Seuil). Face au défi climatique et énergétique
dont l'intensité et l'urgence deviennent croissantes, c'est maintenant
qu'il faut prendre des mesures d'une ampleur très supérieure
aux plans d'action décidés jusqu'ici.» Cet engagement
en forme de mobilisation générale, les experts français
le comparent aux cas concrets du projet Appolo, de la crise de 1929 ou
la transformation des Etats-Unis, durant la Seconde Guerre Mondiale, en
une économie de guerre. Lorsque la volonté politique ou l'urgence
géopolitique ont dicté la refonte et l'essor de secteurs
industriels complets.
«Les enjeux actuels demandent le
même niveau de priorité, résume Alain Grandjean,
avec
des transferts d'emploi, des ruptures et reconversions industrielles à
réaliser dans la poignée d'années qui vient. Il va
falloir aller extrêmement vite et de manière extrêmement
volontaire.» Un programme à entamer au plus tôt.
«Explicitement, dans les 5 à 10 ans,»
avertit McKinsey |