CONTROVERSES NUCLEAIRES !
VEILLE NUCLEAIRE INTERNATIONALE
2010

La Suède ouvre la voie au confinement souterrain des combustibles usés
ADIT, juillet
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LEMONDE| 02.07.10


Le site d'enfouissement de déchets nucléaires de SKB à Oskarshamn (Suède).
AFP/PIA OHLIN

Oskarshamn (Suède) Envoyé spécial
     Le bus s'arrête après une plongée de 3,5 kilomètres dans les entrailles de la terre. Nous sommes à 500 mètres de profondeur, tout près de la centrale nucléaire d'Oskarshamn, dans le sud-est de la Suède. Dans cette roche cristalline, l'eau suinte de partout. "Elle est y pompée à raison de 1.700 litres par minute", explique Jenny Rees, représentante de SKB, la société créée par les producteurs d'électricité suédois pour gérer les déchets nucléaires.
     C'est ici que la Suède étudie, depuis 1995, son concept de stockage définitif des combustibles usés issus de ses dix centrales nucléaires. Alors qu'en France, l'obsession était de trouver des roches interdisant la circulation de l'eau, la Suède a fait de ce milieu humide sa solution de référence. "D'autres structures rocheuses seraient préférables, mais nous n'en avons pas", concède Björn Dverstorp, de l'Agence de sûreté nucléaire suédoise, SSM.
     La Suède s'est donc adaptée: elle prévoit d'encapsuler les combustibles nucléaires usés - le pays ne pratique pas le retraitement - dans des conteneurs de fer forgé enrobés de cuivre. Six mille de ces colis sont prévus pour le parc nucléaire actuel. Mais il faudra voir plus grand, dans la mesure où la Suède a voté, le 17 juin, le remplacement progressif de ses dix réacteurs.
     Après quarante années d'entreposage en piscine, où une partie de la chaleur résiduelle se sera évacuée, chacun de ces colis sera inséré dans une cavité obturée par un bouchon de bentonite, une roche qui a la faculté de gonfler et de stopper la circulation de l'eau en milieu humide. Cela suffira-t-il pour confiner la radioactivité pour au moins 100.000 ans?

Course de lenteur
     Partout dans le monde, on assiste à une sorte de course de lenteur pour trouver une solution à cette épineuse question: comment se débarrasser de déchets dont certains resteront radioactifs pendant des millions d'années, sans mettre en péril les générations futures?

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Les Etats-Unis vont devoir chercher un nouveau site après l'abandon de celui de Yucca Mountain, traversé par une fissure. Les Allemands ont sur les bras 43.000 m3 de déchets empilés sans précaution dans une mine de sel qui prend l'eau. En Belgique, un laboratoire souterrain va encore étudier pendant dix ans les réactions de l'argile à la chaleur des colis, avant que le pays ne prenne position.
     La Suède est donc une des nations les moins en retard : fin 2010, SKB demandera formellement l'autorisation de créer un stockage géologique destiné à accueillir à partir de 2025 les combustibles usés, actuellement entreposés dans des piscines souterraines, à Oskarshamn. La Finlande, qui travaille à une solution technique très proche, pourrait suivre rapidement.
     La France espère aussi mettre en exploitation un tel stockage à la même date, mais semble moins avancée dans le processus réglementaire: elle ne déposera pas de demande d'autorisation de création pour un stockage près du laboratoire souterrain de Bure, dans la Meuse, avant 2014.
     Le stockage suédois, s'il est autorisé, sera creusé près de la centrale nucléaire de Forsmark, plus au nord. "Un site moins humide, moins fracturé, plus homogène", explique le géologue Kaj Ahlbom, responsable du projet à SKB.
     Ayant essuyé un refus dans une localité du nord-ouest du pays, SKB s'est rabattu sur Forsmark, où l'agence gère depuis 1988 un stockage souterrain de déchets à vie courte, ce qui a facilité l'acceptation du projet par des populations largement acquises à l'énergie nucléaire. SKB n'a pas ménagé sa peine, organisant des réunions d'information chez les habitants et proposant des voyages jusqu'au laboratoire d'Oskarshamn, devenu une sorte de "must" du tourisme industriel.
     Fin 2010, l'instruction du dossier par SSM va donc débuter, mobilisant plusieurs dizaines d'experts sur plus de deux ans. "Il est quasi inévitable que nous ayons des demandes complémentaires à formuler auprès de SKB", prévient cependant M. Dverstorp.
     Les interrogations techniques sont plus aiguës que les questions financières: depuis 1982, une taxe est prélevée sur chaque kilowattheure vendu. Quelque 4 milliards € ont été mis de côté, sur les 10 milliards que doivent coûter au final la gestion des déchets et le démantèlement des centrales suédoises.
 
Hervé Morin