EDITORIAL / SOMMAIRE
«L'énergie nucléaire,
solution unique à la crise énergétique»
Cette proposition, que l'on voudrait faire passer dans les esprits est de plus en plus remise en cause par les faits. Au bel optimisme affiché il y a quelque temps se substituent maintenant les interrogations, les inquiétudes et même des remises en cause de doctrine. Phénix de nouveau arrêté, les études de Superphénix qui butent sur un problème de refroidissement du coeur, Fessenheim où les arrêts intempestifs continuent, le chauffage électrique sérieusement mis en accusation... par le gouvernement, autant de faits qui révêlent les failles, les grincements internes de la «machine nucléaire». Ce numéro reprend le problème du traitement des combustibles, et plus particulièrement de la situation de l'usine de la Hague. Il nous faut rappeler que le traitement est un passage obligé dans la logique du programme francais d'énergie. En effet, l'usine de retraitement constitue la «mine» du plutonium, combustible des surgénérateurs, l'utilisation de ceux-ci étant indispensable si l'on souhaite pouvoir échapper à la pénurie d'uranium (voir Gazette N° 3). Notons d'ailleurs que le retraitement des combustibles des réacteurs à neutrons rapides est également indispensable pour la cohérence du système. Et fort curieusement dans le même temps on annonce la possibilité de coupures d'électricité pour les hivers prochains, et donc «l'évidence» de la nécessité du recours à l'énergie nucléaire. En fait, une analyse plus sérieuse montre qu'il est effectivement possible, dans certaines hypothèses, que pour les hivers 79-80 et 8l-82 un manque de puissance existe pour passer les pointes de consommation(1). Le déficit pourra sans doute être couvert par des importations d'électricité et de toute facon ne sera ni de longue durée, ni d'ampleur nationale, mais atteindra certaines régions. |
Cette situation est en grande partie une conséquence du programme
nucléaire. En effet:
- le plan Mesner d'origine a fait stopper toute construction classique moins longue à construire; - l'importance du programme nécessitait que soient entreprises des campagnes d'incitation à l'usage de l'électricité de façon à ce que celles-ci devienne le vecteur énergétique privilégié dans les esprits d'abord, dans les faits ensuite: en ce qui concerne le chauffage, ceci ne fait qu'augmenter le déficit saisonnier. Or, le nucléaire, pour être rentable, doit fonctionner onze mois par an; - le considérable besoin financier pour de tels investissements a entraîné en partie le retard de la construction de certaines lignes de transport (en particulier vers le Sud-Est) qui manquent cruellement actuellement; - les difficultés de démarrage des tranches nucléaires de Fessenheim et du Bugey et le retard prévisible pour toutes les centrales actuellement en consruction entraînent un manque de puissance qui se fait d'autant plus sentir que les campagnes de promotion de l'électricité ont réussi «trop tôt» en quelque sorte. Aussi assiste-t-on à un curieux phénomène: on conserve les objectifs à long terme envers et contre tout en espérant que finalement tout va s'arranger, et par contre, à court terme, on révise la politique du tout électrique et l'on construit quelques équipements classiques pour parer au plus pressé. En outre, il importe vis-à-vis de l'opinion publique et de l'étranger d'afficher toujours un bel optimisme. Nous le verrons particulièrement dans ce numéro à propos du retraitement. Espère-t-on ainsi que la fuite en avant constitue une solution? 1. Rappellons que l'électricité ne se stocke qu'en quantité très limitée (par pompage de l'eau dans certains lacs de barrages). p.1
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