Orano (ex-Areva) - Une stratégie de démantèlement durable |
Extraits d’un rapport de la Cour des comptes (février 2020) :
« Orano a élaboré sa stratégie de démantèlement en 2016. Les groupes permanents d’experts de l’ASN l’ont examinée en 2018 et ont fait part de leurs principales remarques, reprenant en grande partie les constats de l’avis de l’IRSN de 2018 sur cette stratégie. En particulier ils estiment que, du point de vue de la sûreté, de la radioprotection et de la protection de l'environnement, la liste des critères retenus par Orano pour définir ses priorités dans l'ensemble des opérations de démantèlement est à compléter ; elle ne mentionne ni l'inventaire radiologique mobilisable, ni l'état des barrières de confinement, ni la présence d'une contamination avérée ou suspectée des sols sous l'installation. Ils constatent néanmoins que, dans les faits, des critères de ce type sont bien utilisés par l’entreprise pour l'ordonnancement des opérations à réaliser sur le site de La Hague, notamment des opérations de RCD [reprise et conditionnement des déchets anciens]. Ils considèrent par ailleurs que, du point de vue de la sûreté, les opérations de RCD et de démantèlement des installations du site de La Hague sont prioritaires par rapport aux opérations de démantèlement sur le site du Tricastin et estiment que, pour ce dernier, il n’apparaît pas nécessaire de définir des priorités entre les diverses installations, qui présentent des risques globalement similaires.
Pour ce qui concerne le site de La Hague, les groupes permanents considèrent que les priorités en matière d’opérations de RCD et de démantèlement sont correctement définies. Toutefois, ils soulignent que la réalisation de ces opérations a pris beaucoup de retard par rapport aux échéances annoncées lors des précédents examens de la stratégie globale de démantèlement en 2005, 2008 et 2011. Ainsi l’avancement actuel des opérations est tel que les échéances prescrites dans les décrets seront dépassées de plusieurs années pour nombre de ces opérations. La fin du démantèlement de l’usine UP2-400 située sur le site de La Hague a par exemple été reportée de 2035 à 2040 » [CComptes, 2020]. Un report jusqu’en « 2046 » selon l’Autorité environnementale [Ae - 2019-41] voire « 2050 » selon le Ministère de la transition écologique et solidaire [Rapport ministériel, mars 2020].
En 2022, dans un long courrier (44 pages) adressé au PDG d’Orano, l’ASN s’est penchée sur la « Stratégie de démantèlement et de gestion des déchets d’Orano » :
« Le démantèlement des installations nucléaires ancien-nes constitue un enjeu majeur pour Orano, qui doit mener plusieurs projets de démantèlement de grande envergure (première génération d’usine de retraitement de La Hague, usine d’enrichissement du Tricastin, installations individuelles de l’INBS de Pierrelatte...). La mise en œuvre du démantèlement est étroitement liée à la stratégie de gestion des déchets radioactifs, compte tenu de la quantité, de l’hétérogénéité et des spécificités des déchets, parfois difficilement caractérisables, produits lors des opérations de reprise et conditionnement des déchets anciens (RCD) ou de démantèlement.
Sur les sites de La Hague et du Tricastin, Orano doit réaliser, au préalable, des opérations de RCD. Ces opérations sont prioritaires du point de vue de la sûreté, les installations d’entreposage dédiées ne répondant plus aux exigences de sûreté actuelles, et contenant, pour certaines, un inventaire radiologique dispersable (terme source mobilisable, ou TSM) élevé.
Au regard de ces enjeux, la stratégie de gestion des déchets d’Orano a été une première fois examinée par l’ASN et l’ASND, respectivement en 2005 pour le site de La Hague et en 2012 pour l’INBS du Tricastin. La stratégie de démantèlement des installations du site de La Hague, ainsi que les filières de gestion des déchets disponibles, ont été examinées une première fois en 2011 par l’ASN. Ces instructions ont conduit à plusieurs demandes structurantes sur la stratégie et l’organisation d’Orano et à deux prises de position :
la prescription par l’ASN, en décembre 2014, des échéances des opérations de RCD pour le site de La Hague, au regard des retards significatifs constatés depuis 1989, et des fragilités de stratégie constatées au cours de l’instruction ;
la demande par l’ASN et par l’ASND, en juin 2014, d’une révision de cette stratégie, pour la gestion de l’ensemble de vos déchets et le démantèlement, pour tenir compte des évolutions de l’organisation du groupe et dans les installations.
(...)
L’ASN estime que des progrès significatifs ont été réalisés dans l’appropriation des objectifs de démantèlement immédiat ainsi que la définition de procédés de conditionnement définitif pour le site de La Hague, plusieurs accords de conditionnement ayant notamment été délivrés par l’ASN. Elles soulignent la pertinence des engagements pris durant l’instruction. Toutefois, votre stratégie comporte des fragilités auxquelles l’ASN vous demande de porter une attention particulière.
(...)
L’article L. 593-25 du code de l’environnement prévoit que la stratégie de démantèlement immédiat soit mise en œuvre par les exploitants des installations nucléaires de base. L’enjeu de la reprise au plus tôt des déchets anciens de La Hague et de la réalisation du démantèlement, et la baisse en conséquence du terme source mobilisable, se traduit par des échéances de réalisation prescrites par l’ASN pour la mise en œuvre de ces projets.
L’ASN considère que la gouvernance d’Orano devrait traduire, dans les objectifs assignés à la maîtrise d’ouvrage du projet, une exigence de pilotage du projet par le planning et, devrait en surveiller l’application effective ».
Mais l’ASN semble rassurée car Orano La Hague a en projet « le développement d’un outil dénommé « planning de pilotage » » [ASN, 14/02/22].
Pas de stratégie de démantèlement immédiat chez Orano, mais qu’on se rassure à notre tour, « Orano s’engage pour l’avenir de la société dans une stratégie de développement durable » [Orano – Agir pour les transitions].