A. UNE SITUATION DEFAVORISEE En dépit de la superficie moyenne de son territoire, la France ne dispose pas de ressources énergétiques significatives. Nous n'avons pratiquement pas de pétrole et nos modestes réserves de gaz s'épuisent à un rythme rapide. Par comparaison avec d'autres pays, nous ne possédons que peu de charbon et relativement peu d'uranium. Il n'y a guère qu'en ce qui concerne l'hydrolectricité et les énergies nouvelles, notamment la géothermie[1] et l'énergie solaire, que nous puissions nous trouver à égalité avec les pays voisins, voire en meilleure situation. I. Ce qne nous n'avons pas.
En 1976, la France a produit, à partir
de son sol, 1 million de tonnes de pétrole. C'est une production
parfaitement négligeable puisque la même année nous
avons importé 121 millions de tonnes(1). La France est, à
cet égard, réellement très défavorisée. Les
campagnes de prospection depuis une génération ont couvert
la plus grande partie du territoire, sans résultats significatifs.
Il reste des espérances en mer d'Iroise, mais à l'heure actuelle
l'espérance n'est pas encore une énergie fiable...[3].
(1) La consommation du marché intérieur civil a été de 104 millions de tonnes [4] |
Il y ajoute même 200 à 300 milliards de tonnes supplémentaires d'un pétrole, actuellement non exploitable, mais qui compte-tenu des technologies à mettre en oeuvre, pourrait être mobilisable à compter de la fin du siècle, dans la limite d'un prix de revient de 25 dollars le baril[5]. Certes, ce pétrole serait cher (le prix actuel est de 12 dollars le baril) et son extraction implique que de nombreuses conditions soient réunies. Que d'ici à l'an 2000 le pétrole doive augmenter n'est pas pour surprendre même si les conséquences d'une telle évolution ne sont pas minces. Mais le fait est que, globalement, la pénurie physique n'est pas pour demain. Il ne serait pas convenable de tirer de cette constatation des conclusions excessives que son auteur, lui-même, récuserait. Dans le long terme, les besoins énergétiques de la planète ne seront certes pas couverts par le seul pétrole. Mais il suffirait de gagner vingt années pour que le relais des énergies nouvelles prenne, si l'on y consacre les moyens nécessaires, une dimension significative[6]. Les perspectives du problème mondial de l'énergie s'en trouveraient, dès lors, modifiées il convenait de le souligner. Nos possibilités ne sont pas nulles mais elles sont faibles et le gisement de Lacq, dont la production plafonne, est en voie d'épuisement. En 1976, la production française a été de 7 milliards de mètres cubes(2); soit 0,5% de la production mondiale. En 1975, la Roumanie avait produit 32 milliards de mètres cubes, le Royaume-Uni 35 milliards de mètres cubes, les Pays-Bas 90 milliards de mètres cubes, l'Union soviétique 290 milliards de mètres cubes et les EtatsUnis 580 milliards de mètres cubes. Nos réserves sont encore plus modestes que notre production. En 1976, on évaluait les réserves mondiales à plus de 60.000 milliards de mètres cubes (ces estimations demanderaient sans doute à être actualisée: en fonction des rapports présentés à la conférence d'Istanbul). Nous en possédions 0,24% (3). (2) soit l'équivalent de 7 millions de tonnes de pétrole. (3) Ici, comme dans la suite de ce rapport, nous avons fait largement appel à la documentation chiffrée contenue dans le Bulletin d'informations scientifiquce et techniques (n° 221, janvier et février 1977) publié par le CEA p.2
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Le rapport n° 3131 a été fait au nom de la Commission des Finances, de l'Economie Générale et du Plan* sur le projet de loi de finances pour 1978 (n° 3120) par M. Maurice PAPON. L'annexe n° 23, relative au domaine de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat, a pour rapporteur spécial M. Edouard SCHLOESING. Elle analyse et commente la politique de l'énergie et la politique industrielle de la France. Elle indique les recommandations énoncées par la Commission. | *Cette Commission est composée de MM. Icart, président;
Maurice Papon, rapporteur général; Montagne, Ribes, Louis
Sallé, vice-présidents; Robert Bisson, Cornet, Voisin, secrétaires;
MM. Alduy, Ballanger, Bardol, Baudis, Mario Bénard, Benoist, Alain
Bonnet, Boulloche, Caro, Chauvet, Chevènement, Combrisson, Jean-Pierre
Cot, Crépeau, Cressard, Dehaine, Denvers, Destremau, Duffaut, Fossé,
Frelaut, Ginoux, Gosnat, Hamel, Hoffer, Josselin, Pierre Joxe, Lamps, Larue,
Leenhardt, Le Tac, Le Theule, Madrelle, Marette, Marie, Mayoud, Mesmin,
Neuwirth, Partrat, Plantier, Pons, Pranchère, Ribadeau Dumas, Rieubon,
de Rocca Serra, Rohel, Savary, Schloesing, Sprauer, Sudreau, Tissandier,
Torre, Robert-André Vivien, Vizet.
p.2
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a) Le charbon. Les quantités de charbon dont nous pouvons
actuellement disposer sont médiocres. Il n'est pas toujours de très
bonne qualité. Il est souvent d'exploitation difficile. Les gisements
s'épuisent. Le rendement stagne depuis quinze ans dans le Nord
Pas-de-Calais et, depuis sept ans, en Lorraine. Le coût d'extraction
va croissant.[7]
Sources: Conférence Mondiale de l'Energie 1974,
Lardinnois et divers
Comme on peut en juger, les données sur
lesquelles peut se baser le Ministre montrent à l'évidence
l'abondance du charbon qui est susceptible de couvrir la demande d'énergie
mondiale pendant au moins 400 ans!
(suite)
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Pour l'uranium, notre situation relative est meilleure. Les ressources assurées et estimées seraient de 95.000 tonnes en France, pour 210.000 tonnes en Espagne, 300.000 tonnes en Suède, 350.000 tonnes en Afrique du Sud[11], 400.000 tonnes en Australie, 780.000 tonnes au Canada et 1.800.000 tonnes aux Etats-Unis (1)[12]. Or, nos besoins en 1985 seraient de l'ordre de 10.000 tonnes par an. Ce qui nous assurerait environ dix années de consommation. Même si l'on tient compte de nos intérêts en Afrique, c'est une situation encore un peu fragile pour être assurés de l'indépendance. Au reste, comme nous le verrons, il ne suffit pas de posséder du minerai pour disposer du combustible convenant à l'alimentation de toutes les centrales en service. 3° Ce que nous avons.
L'hydro-électricité fut la grande
ressource des années 1950. Aujourd'hui encore notre production nous
situe à un bon niveau: 49 milliards de kWh en 1976, année
de grande sécheresse, après 60 milliards de kWh en 1975,
soit l'équivalent de 11 à 13 millions de tonnes de pétrole.
Le gisement est, à terme prévisible, inépuisable.
C'est une fois et demie le gisement de Lacq mais pour l'éternité.
En 1975, l'Europe des Neuf, y compris la France, a produit 127 milliards
de kWh d'hydro-électncité soit 12% du total de l'électricité
produite, alors que pour notre pays ce pourcentage s'est établi
à 34% en 1975 et 25% en 1976. Notre production d'hydro-électricité
représente 4% du total mondial: ce même pourcentage, appliqué
aux hydrocarbures, nous aurait donné 11.0 millions de tonnes de
pétrole en 1975.
(1) Les évaluations sont faites sur la base d'un coût inféricur à 30 dollars pour une livre d'oxyde d'uranium. p.3
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On va répétant que ces énergies
ne pourront pas donner des résultats significatifs dans l'avenir
et qu'elles ne pourront representer au mieux que 1% de notre consommation.
Il est vrai que les efforts faits en leur faveur ne peuvent aboutir qu'à
des résultats médiocres. Cependant, nos possibilités
en ce domaine ne sont pas négligeables.[16]
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En guise de bilan sommaire, on peut avancer que notre pays reste pauvre en énergie. En Europe occidentale, nous sommes avec l'Italie le pays le plus dépendant de l'extérieur parmi les Etats d'importance comparable[20]. Nous importons plus des trois quarts de notre énergie. La République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni n'en ont importé que 50% en 1975. Face à cette situation singulièrement médiocre, qu'avons-nous fait? B. JUSQU'EN 1973: LE «TOUT PETROLE» Au cours des années 1960, la France a progressivement négligé l'hydro-électricité, organisé la régression du charbon et, en fin période, abandonné une politique active de recherche pétrolière. En contrepartie, elle a fondé sa croissance sur un approvisionnement massif en hydrocarbures. 3° Les abandons.
Jusqu'au début des années 1960,
l'électricité d'origine hydraulique et l'électricité
d'origine thermique progressaient selon des courbes grossièrement
parallèles. A partir de 1963, les courbes de production ont divergé.
La part de l'hydro-électricité n'a pas cessé de régresser
tandis que celle de l'électricité d'origine thermique progressait
vivement. Jusqu'à ces dernières années,
le montant des investissements hydroélectriques a diminué
au point de ne plus constituer qu'un appoint dans le programme d'équipement
d'EDF[21]
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Certes, l'investissement hydro-électrique
coûte cher. Mais une fois l'effort initial accompli, l'exploitation
est fatalement peu onéreuse puisque le combustible est gratuit.
En 1976, d'après le rapport d'EDF, le prix de revient du kWh hydraulique
s'est établi à 5,67 centimes alors que ce prix était
de 11,37 centimes pour le kWh thermique (y compris le nucléaire);
la proportion est dans le rapport de 1 à 2. Le prix de revient du
kWh acheté aux tiers s'est élevé, pour sa part à
10.83 centimes.
Selon la réponse donnée à votre commission des Finances, le coût moyen du kWh d'origine hydraulique est passé, notamment à cause de la diminution de la production due à la sécheresse, de 5.0 centimes en 1975 à 7,0 centimes en 1976 alors que le kWh nucléaire atteignait 9,5 centimes et le kWh thermique 10,6 centimes. Quels que soient les chiffres, on peut admettre que l'hydro-électricité est une énergie bon marché permettant à EDF d'améliorer des résultats financiers qui, autrement, seraient très lourdement déficitaires. Au surplus. cette forme d'énergie comporte des avantages annexes: énergie non polluante, aménagement touristique, irrigation et développement agricole[22], effort en faveur des zones de montagne. Du point de vue de l'économie générale, ces avantages sont, à coup sûr, importants mais ils ne sont pas pris en compte dans les calculs de l'entreprise nationale qui dispose pourtant d'une équipe d'économistes de qualité. Bien au contraire, EDF a souvent soutenu que le surcoût de l'équipement hydraulique devait être mis à la charge des collectivités locales. C'est une démarche qui consiste à ignorer les avantages et à souligner les inconvénients[23]. Au reste, s'agissant d'investissements d'intérêt national, c'est à la nation d'en assumer l'éventuel surcoût. Il en a été ainsi pendant vingt années pour les réacteurs expérimentaux du Commissariat à l'énergie atomique; EDF ne raisonne pas autrement pour Superphénix mais pour l'hydro-électricité, ce même raisonnement n'a pas été retenu. Enfin, on croit utile de rappeler que l'hydro-électricité est une énergie totalement nationale qui ne dépend ni des cours mondiaux ni des événements du Moyen-Orient. Ce fait n'a pas été pris en compte, ni par l'établissement national, ni par le ministère de l'industrie, ni par le gouvernement[26]. Naturellement, cette politique a conduit EDF à acheter à des prix fort peu rémunérateurs l'hydro-électricité vendue par des tiers. Les petits producteurs n'en ont pas été encouragés, non plus que la compagnie nationale du Rhône. En trente années, cette derniere n'a pas encore achevé l'équipement du grand fleuve. b) La régression du charbn. La situation sur le terrain rendait cette régression
inévitable mais depuis dix ans, elle s'est singulièrement
accélérée. En 1967, nous avons produit 48 millions
de tonnes de houille et en 1976, 22 millions. Dans le même temps,
la production de la Grande-Bretagne est passée dé 175 millions
de tonnes à 122 millions de tonnes et celle de l'Allemagne de 117
millions de tonnes à 96 millions de tonnes.
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Les conditions difficiles d'exploitation de certains bassins peuvent expliquer une régression plus marquée qu'ailleurs mais il est difficile de justifier les proportions qui viennent d'être rappelées. Le rendement au fond des houillères du Centre-Midi est du même ordre que celui du Royaume-Uni; quant au rendement au fond des bassins de Lorraine, il est supérieur à celui de l'Allemagne fedérale. Cette situation est lourde de conséquences. Dans une industrie telle que l'industrie charbonnière, quand on ne renouvelle plus les effectifs et qu'on ne forme plus les hommes, le terme paraît proche. Quand un puits est abandonné, il l'est définitivement.
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S'il était entendu que
nos possibilités étaient limitées, au moins aurait-on
pu rechercher dans d'autres pays ce que notre sol ne nous offrait pas.
Les Français ont couru le monde pour découvrir du pétrole
et du gaz ainsi que divers minerais. Il ne semble pas leur être venu
à l'idée de chercher du charbon. Il n'aurait sans doute pas
été inutile, au surplus, d'acheter quelques mines susceptibles
de nous assurer un approvisionnement ou une contrepartie significative
de notre consommation charbonnière. Or, pendant cette période,
rien de tel n'a été réellement entrepris. Carence
surprenante alors que cette énergie est abondante dans le monde
occidental.
Le seconde erreur procède de la politique qui a été pratiquée en matière de prix. Les prix des charbons sont administrés. Alors que les charbonnages sont une industrie de main-d'oeuvre, alors que les cours mondiaux auraient souvent permis de mieux valoriser notre production, les prix des charbons français ont toujours été les derniers à être ajustés. Dans son rapport (n° 2903) sur la loi de finances rectificative pour 1977, le Rapporteur général de la commission des Finances relevait que les prix de vente en France des charbons importés d'Allemagne fédérale et d'Union soviétique (rendus région parisienne) destinés aux foyers domestiques étaient supérieurs, au 1er mars 1977, de 12 à 74% suivant les provenances et les qualités aux prix des mêmes charbons vendus par les Houillères du Nord et du Pas-de-Calais. Il importait peu que les charbonnages perdent de l'argent pourvu que l'on sauvegarde, autant que faire se pouvait, l'indice des prix. Cette politique revenait à écouler à prix réduit une énergie nationale alors que nous étions obligés d'acheter, parfois à prix plus élevé, une energie importée. Cette politique avait pour conséquence d'opérer un transfert au bénéfice de la sidérurgie - ce qui n'a pas empêché sa déconfiture - et au bénéfice d'EDF à qui les charbonnages ont vendu leur charbon et leur électricité sur la base d'un prix très inférieur au prix moyen du fuel. Ces déficits, transférés d'une entreprise à une autre, n'ont pas de justification économique; ils altèrent les résultats et faussent les perspectives.[27] Des prix plus normaux auraient permis dès lors une exploitation plus rationnelle de notre charbon, justifié une décélération moins vive de la production, une évolution plus raisonnable et partant une meilleure sauvegarde de notre patrimoine énergétique. c) L'abandon d'une politique active de recherche pétrolière. La France avait mené avant et après
la dernière guerre une politique pétrolière qui ne
manquait pas d'ambition. La découverte des gisements sahariens en
avait révélé les fruits au grand public. La survenance
de l'indépendance algérienne nous avait contraint à
un redéploiement[28] de notre approvisionnement.
Après cette indépendance, on avait semblé reprendre
la voie traditionnelle de la recherche. Le Fonds de soutien aux hydrocarbures
avait reçu des dotations non négligeables et les efforts
s'étaient poursuivis souvent avec succès, au Canada, au Nigéria,
au Gabon. au Congo, en Iran et en Extrême-Orient.
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Les entreprises ont diversifié leur activité. L'E.R.A.P. - élément essentiel de notre politique de recherche - a revendu certains de ses permis et s'est fait simple opérateur pour le compte d'autres compagnies. Faute de moyens financiers appropriés, nous avons, pour l'essentiel, «manqué» la mer du Nord[29]. Des chiffres traduisent de façon éloquente la diminution de notre effort de recherche. Exprimés en mois-équipes, les travaux de sismique ont diminué de près des trois quarts en volume de 1961 à 1973. Durant la même période, le nombre des appareils de forage utilisés est passé de 80 années-appareil à 30 et celui des mètres forés de 800.000 à 420.000 environ. Cette évotution s'est produite précisément pendant la période où nos besoins en pétrole ont cru très rapidement. Notre pays s'en est remis aux circuits traditionnels pour approvisionner le marché. Le pétrole, il est vrai, était abondant et peu onéreux. 2° Le règne du pétrole. Pour l'essentiel, la France s'est convertie
au pétrole pendant cette période. Cette énergie
a prévalu dans les domaines du chauffage domestique, des transports,
de l'industrie et pour la fabrication de l'électricité. Calculant
au centième de centime, EDF s'est massivement approvisionnée
en fuel et a accéléré l'édification de centrales
thermiques.
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La crise survient brutalement. Le résultat
en est le quadruplement du prix du pétrole et une forte majoration
du prix des autres formes d'énergie. Les spécialistes sont
désemparés. Des désordres apparaissent dans le système
monétaire et dans l'économie des pays les plus directement
touchés. Pour la France, la «facture» est impressionnante.
Le déficit de notre balance énergétique a été
de 51,5 milliards de francs en 1974; 45,7 milliards de francs en 1975 et
60,9 milliards de francs en 1976. Notre balance commerciale est devenue
structurellement déficitaire.
1° Les énergies traditionelles.
Nous avons redécouvert avec timidité
le charbon. Un plan de relance a été préparé.
Mais dès le départ, les contraintes financières étaient
telles que ces objectifs ne pouvaient être que limités. Il
convenait en effet de limiter à 3 centimes ou 3,5 centimes la thermie
le coût du charbon extrait. C'était encore une façon
de s'aligner sur le fuel et de marquer la prépondérance du
calcul à court terme sur toute autre considération. Les motifs
qui ont amené les pouvoir publics à fixer cette limite n'ont
d'ailleurs jamais été tout à fait explicités.
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Cependant. la politique
des prix maintenait les Charbonnages de France dans une situation diminuée.
Le prix du charbon vendu à EDF a été, en 1976, inférieur,
à francs courants, à ce qu'il était en 1975. En 1976.
les quantités d'électricité livrées par les
Houillères à EDF ont augmenté de 50,5% par rapport
à 1975, mais le prix perçu n'a été majoré
que de 24,5%. Alors que les Charbonnages permettaient à leur acheteur
de réaliser une soudure difficile au cours d'une année particulièrement
critique, une telle évolution des prix n'est pas rationnelle.
On peut avancer qu'une meilleure politique des prix[35] permettrait une meilleure utilisation de notre patrimoine charbonnier, notamment en Lorraine. Ce plan ne s'est pas accompagné d'une sensible modification de notre politique d'approvisionnement à l'étranger. Certes, nous diversifions dans des conditions que l'on peut considérer comme satisfaisantes la provenance de nos importations. Mais les investissements miniers à l'étranger sont encore faibles. Il est juste de souligner une modification de l'attitude des Pouvoirs publics à cet égard. Toutefois, les réalisations sont modestes puisque deux opérations seulement sont actuellement engagées. Les Charbonnages de France participent, avec des sociétés sidérurgiques, à un groupement qui a pris le contrôle d'une société minière aux Etats-Unis. Par ailleurs, l'entreprise nationale participe à l'exploitation d'une mine en Australie[36]. Une telle orientation devrait être confirmée et poursuivie avec une plus grande ampleur. Encore faudrait-il que les concours des Pouvoirs publics accompagnent une telle politique. b) Une politique pétrolière toujours étriquée. L'effort de recherche qui avait atteint son
point le plus bas en 1973 s'est quelque peu développé en
1974 et 1975. Mais, depuis lors, il tend à nouveau à diminuer,
puisqu'il stagne en francs courants. Par ailleurs le domaine minier des
compagnies est en nette diminution.
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La politique des prix s'est faite
plus sévère. Il est difficile d'en apprécier à
la fois les motifs et les conséquences. On comprend le souci du
Gouvernement de ne pas permettre aux grandes sociétés internationales
de réaliser des profits importants. Mais la structure de ces sociétés
leur permet précisérnent de localiser le profit là
où elles le jugent opportun. En revanche, une politique des prix
stricte s'applique avec son plein effet aux sociétés nationales,
notamment lorsqu'elles n'ont pas la facilité de s'approvisionner
en brut à un coût privilégié. C'est pourquoi
une telle politique laisse l'observateur perplexe quant à ses objectifs
et inquiet quant à ses résultats.
La situation de l9ndustrie du raffinage, en particulier, fait problème. D'aptes les renseignetnents communiqués à votre comrnission des Finances, le -compte d'exploitation consolidé du raffinage, faisait apparaître, en résultat net économique, une perte 'de 1.193 millions de francs en 1975 et de 2.482 millions de francs en 1976. Il tst vr~i que ces résultats sont largement corrigés par l'effet de la revalorisation comptable des stocks et par la prise en compte de la provision pour fluctuation des cours. En définitive, et toujours d'aptes les renseignements communiqués par le Gouvernement, le résultat reste cependant négatif, bien qu'il se soit amélioré "d'une année sur l'autre. Il n'est évidemment pas possible de tirer de chiffres aussi gl~ baux des conclusions tranchées. Il convient de se montrer prudent lorsque l'effet des prix sur les stocks et le jeu des provisions annulent pour une large part le résultat économique. Cependant, un tel mécanisme n'est pas sain et il serait souhaitable de faire apparaître des résultats économiques normaux, quitte à confisquer plus ou moins complètement les bénéfices nets enregistrés à la suite des effets sur stocks, des fluctuations de cours ou des variations de change. 2° Le programme nucléaire. La crise de l'énergie a conduit le Gouvernement à décréter un programme ambitieux de production d'électricité d'origine nucléaire. Ce programme a été présenté à l'opinion publique comme devant à la fois garantir notre approvisionnement en énergie et assurer notre indépendance. a) L'importance du programme. (1) tep = tonne équivalent pétrole (suite)
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suite:
L'électricité d'origine nucléaire devrait représenter, toujours en 1985, 14% des besoins en énergie du Japon, 16% en République fédérale d'Allemagne, environ 16% également aux Etats-Unis et ~ 9% pour l'ensemble du monde. Plus encore, alors que l'électricité nucléaire devrait couvrir en 1985. 25% de la consommation totale d'électricité au Japon, 30% aux Etats-Unis et 32% en Europe occidentale, le pourcentage pour la France devrait atteindre 70%. Aucun des responsables ne paraît s'être montré surpris de l'importance de la mutation proposée de sa rapidité et des bouleversements qu'elle ne m'inquerait pas d'entraîner. En effet, l'électricité d'origine nucléaire constitue un noyau de production énergétique à partir duquel se définit la place des autres formes d'énergie qui ne sont plus considérées que comme des énergies d'appoint. Ce programme implique la régression du thermique classique et l'on parlait le plus sérieusement du monde de mettre au rebut une partie des centrales actuellement en service. La régression du pétrole entraîne la reconversion de l'industrie du raffinage. Seul, à l'horizon 1985, le gaz (importé) devrait accroître sensiblement sa part dans notre bilan énergétique. EDF n'hésite pas à accentuer le caractère excessif de cette politique.[37] D'après un tableau provenant de l'entreprise nationale (2), l'hydraulique qui a produit 60 milliards de kWh en 1975 en produirait 63 en l'an 2000. Ainsi se trouve confirmée l'idée que l'état-major d'EDF se fait de cette source d'énergie[38]. Le fuel et le charbon[39] qui ont produit 101 milliards de kWh en 1975 en produiraient 48 en l'an 2000. Quant au nucléaire, il passerait de 17,5 milliards de kWh en 1975 à 744 milliards de kWh en l'an 2000! Ainsi certains esprits ne s'étonnent pas devant une projection qui multiplie par 43 en vingt-cinq ans la production d'électricité d'origine nucléaire. Les moyens à mettre en oeuvre pour accomplir une tâche aussi formidable n'ont pas été programmés. L'intendance, on le sait, est faite pour suivre. Pour sa part, votre commission des Finances au cours des dernières années, a émis de sérieuses réserves sur nos possibilités de conduire à bonne fin un tel programme. Cependant, au fur et à mesure que le temps passait, les faits l'emportaient sur les prévisions. Il convient de rappeler cette évolution.
(2) Voir L'Expansion, de novembre 1977 p.8
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A propos de la politique pétrolière
poursuivie ces dernières années, il est sans doute opportun
de prendre en considération le rapport Schvartz déjà
cité. Cet important document, qui date de 1974, indique dans ses
conclusions générales (3ème partie, tome II) un certain
nombre de points importants à souligner:
«Dans chacun des pays concernés (par la crise de l'énergie), la croissance colossale des projets d'investissements dans les différentes sources d'énergie dans le même temps où un effort massif doit être fait pour rééquilibrer, grâce à une augmentation du potentiel industriel, la balance des paiements, ne peut se faire qu'au détriment des dépenses de caractère social et de redistribution des revenus. Est-il par exemple véritablement indispensable que la France participe à des énormes efforts de recherche pétrolière hors du Moyen-Orient? Le coût de la découverte d'un baril supplémentaire est de 3 cents dans la région du golfe persique, de 17 cents au Venezuela, de plus d'l dollar aux Etats-Unis et de 1 dollar 1/2 à 2 dollars en Mer du Nord»... ... Les pays consommateurs ont apparemment ébauché leur politique écbnomique comme si aucun accord ne pouvait intervenir entre les pays producteurs et eux-mêmes. Au maximum, certains d'entre eux ont envoyé au Moyen-Orient des missions mercantilistes... ... Pour ce qui la concerne, la France doit prendre l'initiative de rechercher la conclusion, avec les Etats producteurs, de contrats d'Etat à Etat... ... Le premier indice sur la voie de la raison serait l'établissement d'un prix unique du pétrole brut pour tous les acheteurs. Un second résiderait en l'établissement d'un indice raisonnable d'indexation du prix du pétrole brut sur une période suffisamment longue pour qu'une politique économique puisse être formulée*...
*Qu'est-il advenu de tels souhaits depuis 1974? (suite)
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suite:
En fait, la recherche de l'indépendance nationale qui était à l'origine des efforts de l'Etat en matière de maîtrise des approvisionnements pétroliers, a consisté à partir de cette date dans l'effort industriel considéré comme la priorité des priorités. Cependant, ce pari industriel reposait en grande partie sur l'importation à bas prix d'un pétrole abondant, dans le même temps où la solidarité des pays de l'OPEP devenait de plus en plus efficace. On a le sentiment qu'en cette affaire la technocratie a supplanté la politique... ...Mais ne nous attardons pas sur le passé. Il importe cependant de faire en sorte qu'un tel processus ne se renouvelle pas, d'autant que votre Rapporteur est inquiet de voir se multiplier les déclarations péremptoires des partisans du tout nucléaire qui font irrésistiblement penser aux démonstrations non moins péremptoires de ceux qui étaient partisans du tout fuel. Ce sont d'ailleurs parfois les mêmes»... Il n'est pas inintéressant de noter, à l'occasion de l'examen de l'activité des compagnies pétrolières, combien celles-ci se sont déjà intéressées - et engagées - dans le domaine du nucléaire. Les perspectives affichées par un certain nombre de grandes et moyennes compagnies américaines sont données dans le tableau suivant: p.9
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Le programme nucléaire a été
fondé sur le coût du kilowatt-heure (kWh). Des études
"très fines" ont permis de garantir que le kWh d'origine nucléaire
revenait à peu près moitié moins cher que les kWh
fabriqués à partir d'une centrale thermique. C'est cette
constatation qui a justifié l'ampleur du programme; elle n'est plus
vérifiée aujourd'hui.
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Enfin, il n'est pas impossible que l'expérience
d'exploitation des premières tranches PWR conduise à revoir
les projets afin d'en améliorer les conditions d'exploitation, notamment
en ce qui concerne l'entretien.[42]
Compte tenu de l'expérience acquise, il semble toutefois qu l'ensemble de ces augmentations devraient rester limitées.[43] Il faut également noter que cette évolution n'est pas spécifique du cas français et se retrouve dans tous les pays réalisant des programmes nucléaires.» Dès lors, le prix du kWh nucléaire s'est sensiblement rapproché du kWh «charbon» (11,6 centimes) et son écart avec le kWh «fuel» (13,3 centimes) s'est notablement amenuisé, encore qu'il demeure significatif. D'ores et déjà, il n'est plus question de substituer le nucléaire aux centrales thermiques existantes, la compétitivité du nucléaire nouveau n'étant que faiblement positive par rapport au centrales existantes à fuel et négative par rapport aux centrales charbon.[44] A elle seule, cette évolution devrait conduire à réexaminer le objectifs précédemment fixés. Au surplus, on peut, à bon droit, émettre quelques réserves sur les conditions dans lesquelles les calculs présentés par les pouvoirs publics sont opérés. En ne calculant pas simplement le coût du kWh aux bornes de la centrale mais en tenant compte du coût total c'est-à-dire en y incluant les frais de transport et de distribution (qui sont du même ordre que le coût de production) la différence relative entre les différentes formes d'électricité se réduit encore. Or, on peut admettre que c'est le prix de revient global qu'il convient de considérer et non seulement un élément de ce prix[45]. p.10
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Le coût du kWh nucléaire
est calculé en fonction d'un taux de disponibilité des centrales
relativement élevé, puisque l'on suppose qu'au cours d'une
année ces centrales fonctionneront pendant au moins trois heures
sur quatre. Or, ce taux de disponibilité n'a pas jusqu'alors été
vérifié. Si l'on se réfère aux deux centrales
nucléaires construites en participation avec la Belgique (réacteurs
PWR), le taux de disponibilité de ces installations a été
jusqu'alors de l'ordre de 60%. On sait, au surplus, que la moyenne pondérée
de la filière graphite-gaz s'établissait au 31 décembre
dernier à 57%. Il apparaît à l'évidence que
si le taux de disponibilité des centrales devait en pratique être
inférieur à celui de la prévision, le coût du
kWh s'en trouverait sensiblement majoré. Un problème de même
nature est posé par le refroidissement. Dans la mesure où
les centrales situées sur les fleuves devraient s'arrêter
temporairement de fonctionner dans les périodes de forte chaleur
pour éviter d'élever la température de l'eau dans
des proportions excessives, le coût de ces arrêts non programmés
se retrouverait nécessairement dans le prix du kWh. Il ne semble
pas que cette éventualité ait été prise en
compte. On notera cependant. qu'en 1976, année de particulière
sécheresse, la production thermique nucléaire a diminué
de 14% par rapport à 1975.
Le mode de calcul utilisé par les pouvoirs publics ne permet pas non plus de prendre en compte le prix du démantèlement des centrales parvenues au terme de leur période de fonctionnement[46].Un article du Nouveau Journal en date du 20 octobre 1977 faisait récemment état des préoccupations des Américains sur ce point. Le coût du démantèlement fait problème et les méthodes à utiliser sont encore en question. La solution qu'il faudra bien apporter au problème des déchets pourrait enfin majorer à nouveau le prix du kWh nucléaire. Des facteurs de majoration du prix existent donc à l'heure actuelle. On peut prévoir un nouvel accroissement du coût du kWh nucléaire, à supposer que techniquement le fonctionnement des centrales ne pose pas de problème sérieux[47]. Dès maintenant, le fondement chiffré du programme nucléaire doit être revu. Cependant, l'énormité du programme conduit EDF à mobiliser des ressources financières très importantes. Ses besoins de financernent sont de l'ordre de 16 milliards de francs en 1977 et de 20 milliards de francs en 1978. L'autofinancement de l'entreprise étant insuffisant, comme l'a souvent relevé la commission des Finances, EDF est amenée à se porter sur les marchés financiers pour des montants considérables: environ 9 milliards en 1977 et plus de 13 milliards en 1978. L'entreprise nationale est donc lourdement endettée et elle acquitte actuellement près de 5 milliards de frais financiers par an. Sa dette extérieure s'accroît dans de fortes proportions (3.7 milliards en 1976) et les risques de change qui en résultent sont sérieux. (suite)
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EDF fait valoir que l'effort qu'elle consent en faveur du nucléaire n'atteint pas, en valeur relative, celui qui a été effectué, voici vingt ans, en faveur des grands équipements hydrauliques. Cet argument ne peut être retenu. La France de 1976 est devenue une puissante nation industrielle et un pays exportateur. Des activités de tous ordres se sont développées et diversifiées. En conséquence, les besoins de financement de maints secteurs sont de beaucoup supérieurs à ce qu'ils pouvaient être après la guerre. Dès lors, il n'y a aucune chance que l'on puisse, sans inconvénient grave, collecter l'épargne dc façon privilégiée au bénéfice d'EDF comme on le faisait voici près d'un quart de siècle. La place qu'occupe EDF sur le marché financier français limite les possibilités de financement des entreprises privées; elle peut donc restreindre leurs possibilités d'investissement. Cette éventualité n'est pas sans gravité, de même qu'il n'est pas sans importance de s'endetter lourdement à l'étranger. c) La maîtrise du programme(1). Il est certain que le programme électro-nucléaire
contribuera à réduire notre dépendance vis-à-vis
des producteurs de pétrole. Mais il n'est pas exact de dire qu'il
garantira par là même notre indépendance. Qu'il s'agisse
en effet de la construction des centrales ou du cycle de l'uranium, le
dossier n'est pas aussi simple que la présentation du Gouvernement
pourrait le laisser entendre.[48]
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Le choix d'une licence américaine
a entraîné la constitution d'un ensemble industriel que nous
ne maîtrisons pas totalement. D'une part, s'agissant des cuves (îlot
nucléaire) aussi bien que des turbo-alternateurs (îlot conventionnel),
l'entreprise nationale qui fondait initialement sa politique sur la concurrence
doit désormais s'adresser à un seul fournisseur qui se trouve
dès lors en situation de monopole, à savoir Creusot-Loire
pour l'îlot nucléaire et Alsthom pour l'îlot conventionnel
(1).
La capacité de négociation de l'entreprise nationale s'en
trouve réduite.
La construction des cuves est conduite par la société FRAMATOME dans laquelle le groupe Creusot-Loire détient la majorité (51%). Or, ce groupe se trouve en fait dépendre du groupe Belge Empain lié par ailleurs avec la firme américaine Westinghouse. Cette dernière firme possède d'ailleurs directement une participation de 15% dans le capital de FRAMATOME. Certes, le CEA est entré dans cette dernière société, mais sa participation de 30% ne lui permet pas de disposer de la minorité de blocage.[51] Dans la situation actuelle, la prépondérance du groupe Empain dans la fabrication des cuves comme le recours à une licence américaine ne permettent pas d'affirmer que l'énergie nucléaire nous soustrait à toute contrainte extérieure. Cette constatation est vérifiée si l'on considère ce qu'il en est du cycle de l'uranium.[52] ** Le cycle du combustible nucléaire est
long et complexe.. Il exige une structure industrielle diversifi& et
des investissement lourds. Une fois le minerai d'uranium extrait il se
passe, selon le Commissariat à l'énergie atomique, 21 mois
avant que le combustible soit introduit dans le réacteur. Il y reste
trois ans. A la sortie du réacteur, il faudra encore deux années
pour traiter le combustible irradié. C'est dire que le cycle industriel
avant et au sortir de la centrale est plus long que le temps pendant lequel
l'uranium est à l'intérieur du réacteur.
(1) EDF a toutefois commandé des turbo-alternateurs pour deux groupes de l.300 MWe à la Compagnie électromécanique, filiale du groupe suisse Brown-Boveri. (suite)
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En effet, alors que la filière française graphite-gaz permet d'utiliser directement l'uranium naturel qui ne contient que.0,7% d'uranium 235 fissile, le procédé Westinghouse suppose l'utilisation d'un uramum enrichi contenant environ 3% d'uranium 235. Cette distinction est capitale, car l'enrichissement de l'uranium est une technique industrielle complexe et financièrement lourde. A l'heure actuelle, la France ne dispose pas encore d'usine d'enrichissement pour ses centrales nucléaires productrices d'électricité. Il lui faut donc faire appel pour l'alimentation de la nouvelle filière à des fournisseurs extérieurs. L'uranium enrichi est actuellement fourni par l'E.R.D.A. des Etats-Unis (Energy Research and Development Administration). Quelques contrats d'enrichissement ont été conclus avec l'Union soviétique, mais ils ne représentent qu'une faible part de nos besoins. Il est clair que, dans cette situation, notre dépendance est totale, tant en ce qui concerne les quantites livrées que leur prix. C'est pourquoi, la France s'est engagée dans la construction d'une usine d'enrichissement de l'uranium située sur le site du Tricastin. Les travaux sont actuellement en cours et leur terme est prévu pour 1980. Une telle entreprise est toutefois très onéreuse et le coût de cette installation est actuellement évalué à 13 milliards de francs, compte non tenu des intérets intercalaires et du prix des centrales électriques destinées à alimenter l'usine. Or, il ne faudra pas moins de quatre centrales nucléaires pour pourvoir aux besoins de l'usine d'enrichissement; il est vrai que la technologie française a porté son choix sur un procédé d'enrichissenient particulièrement vorace en énergie(2). Pour rassembler de tels capitaux, la France a fait appel à des concours extérieurs. La société EURODIF qui conduit l'opération est constituée par l'A.G.I.P. (Italie) pour 12,5%, par le C.N.E.N. (Italie) pour 12,5%, par l'E.N.U.S.A. (Espagne) pour 11,11% et par la S.O.B.E.N. (Belgique) pour 11,11%. Ces intérêts étrangers représentent déjà à eux seuls 47,2%. Les 52,8% majoritaires sont partagés entre le CEA (COGEMA) pour 27,8% et la société SOFIDIF pour 25%. Toutefois, cette dernière société est constituée par le CEA (60%) et par l'organisation de l'énergie atomique de l'Iran pour 40%. A l'intérieur de cette société, l'Iran détient la minorité de blocage, de sorte que, faute d'accord avec son partenaire iranien, la France n'est plus en mesure d'imposer ses vues dans EURODIF. La participation consolidée du CEA dans EURODIF n'atteint que 42,8% On ne peut que s'inquiéter à l'idée que les partenaires pourraient ne pas s'entendre.[53] (2) On a pu calculer que les réacteurs nécessaires à l'alimentation en électricité de l'usine d'enrichissement rejetteraient dans le milieu ambiant - donc sans l'utiliser - l'équivalent de la production thermique d'EDF en 1969. p.12
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Le lancement d'une deuxième
usine d'enrichissement est envisagé qui permettrait de doubler les
capacités d'enrichissement de la première usine à
l'horizon 1990. Cette deuxième usine serait édifiée
par la société COREDIF dans laquelle EURODIF détient
51% du capital. Les 49% restant sont partagés entre le CEA (29%)
et l'Iran (20%). On voit que les difficultés susceptibles de surgir
dans le fonctionnement. de la première société pourraient
se reproduire dans la seconde.
L'uranium une fois enrichi, il convient de fabriquer le combustible qui sera utilisé dans les réacteurs. Là encore, il s'agit d'un processus industriel complexe qui fait appel à une technologie de pointe. Actuellement, la fabrication du combustible aux réacteurs français PWR est effectuée par la société franco-belge de fabrication du combustible (F.B.F.C.). La fabrication de l'assemblage est effectuée dans une usine située en Belgique, en attendant qu'elle puisse être partiellement réalisée dans l'usine de Romans (Drôme). Il convient de souligner que la société F.B.F.C. est poesédée à 80% par la société EUROFUEL, les 20% restants se partageant entre une société belge (12%) et Westinghouse (8%). Le capital d'EUROFUEL est partagé entre Pechiney-Ugine-Kulmann (51%) et Westinghouse qui, avec 35%, possède la minorité de blocage. Aux 35% de Westinghouse s'ajoutent 14% de Creusot-Loire et de FRAMATOME. En définitive, la société qui assure la fabrication des éléments combustibles se trouve, si l'on considère la participation consolidée de ses actionnaires, dominée par des intérêts étrangers où l'on retrouve en bonne place la firme américaine Westinghouse. Cette entreprise occupe donc une place de choix dans la fabrication des cuves nucléaires et dans la fourniture du combustible. On mesurera mieux son influence, si l'on sait que, manquant d'uranium et menacée de procès aux Etats-Unis par les clients auxquels elle s'était engagée à en fournir, elle a obtenu du Commissariat à l'énergie atomique la fourniture de 1.200 tonnes d'uranium à livrer de 1977 à 1982. Ces 1.200 tonnes représentent 70% des besoins français en l976.[54] A la sortie du réacteur, le combustible irradié doit être retraité. On sait que ce retraitement pose des problèmes redoutables qui ne sont pas encore complètement maîtrisés. L'industrie américaine de retraitement se débat au milieu de difficultés dont elle ne paraît pas en voie de sortir. Pour le moment, seule la France avec l'usine de La Hague pourrait comencer à retraiter les combustibles de la filière à eau pressurisée, mais il faudra augmenter la capacité de l'usine, si l'on entend qu'elle traite les combustibles français et ceux qui lui sont, d'ores et déjà, promis par contrat. Le stockage des déchets soulève de son côté des problèmes dont la solution est difficile. En l'état actuel, le retraitement est le stade le plus délicat du cycle du combustible et son coût est en constante augmentation.[55] (suite)
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L'industrie nucléaire s'est développée en France à un rythme rapide et il s'y est constitué un ensemble ndustriel de grande valeur. L'influence des intérêts étrangers aux divers stades de la fabrication de l'énergie nucléaire ne peut toutefois être sous-estimée. Ainsi, les exportations de centrales, dont on fait grand cas, sans toujours en apprécier les effets au plan international, ne peuvent-elles être réalisées qu'avec l'accord de la société Westinghouse. A cet égard, on peut rappeler que la filière dite française (uranium naturel - graphite -gaz) avait permis de mettre sur pied un circuit de fabrication du combustible reposant sur des entreprises françaises et, par conséqùent, susceptibie d'être entièrement maîtrisé par les pouvoirs publics. d) La rigidité et les risques de blocage[56] La construction d'une centrale nucléaire
exige un délai de plusieurs années. La période préliminaire
(dossiers administratifs, information et consultation des habitants) tend
par ailleurs à s'allonger. C'est dire que le délai de réponse
du programme nucléaire est long et qu'il ne peut s'adapter
à l'évolution de la conjoncture. En effet,
la production d'électricité, dès lors que la centrale
est en fonctionnement, est une production obligée dont le volume
ne peut être modulé à volonté. Et l'arrêt
d'une centrale nucléaire est une opération complexe et onéreuse
qu'il importe de programmer. On mesure les risques qu'une telle rigidité
fait courir aux fournisseurs des autres formes d'énergie qui seront
demain en situation de supporter la totalité des variations de la
consommation. Les coûts des autres formes d'énergie s'en trouveront
augmentés, ce qui, d'une certaine façon, revient à
transférer du secteur nucléaire aux autres secteurs une fraction
du coût de notre énergie.
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Or, la transformation du fuel
en électricité, puis d'électricité en chaleur,
représente un gaspillage d'énergie que seuls peuvent nier
ceux qui récusent les lois de la physique. Quelles
que soient les arguties, il faut admettre que pour chauffer pendant un
an une maison de 100 mètres carrés, raisonnablement isolée,
il est nécessaire de consommer en moyenne moins de 2 tonnes de fuel
lourd lorsque cette habitation est équipée d'un chauffage
central au fuel domestique et près de 4 tonnes du même fuel
lorsqu'elle est équipée du chauffage électrique. Comme
pendant longtemps encore - et bien après 1985 - les consommations
à la marge seront alimentées par du pétrole importé,
il y a quelque paradoxe à soutenir que le chauffage électrique
est une facon pour la France d'économiser et l'énergie et
les devises.[57]
Il n'empêche que les résultats de la campagne d'EDF ont été spectaculaires. Pour partie, la raison en est que le chauffage électrique est bon marché à l'investissement, mais au contraire fort onéreux à l'exploitation. Les promoteurs immobiliers ont donc compris, au bout de quelque temps, qu'il leur était aisé en proposant le chauffage électrique, de faire des économies sur le coût de construction et d'arrondir ainsi leur profit, la contrepartie de l'opération étant entièrement couverte par l'occupant du logement qui n'a pas fini d'être surpris par le montant de ses factures d'électricité. Dans ces conditions, le chauffage électrique s'est développé à un rythme soutenu. Par rapport au total des logements neufs raccordés au réseau, 7,5% d'entre eux étaient assortis du chauffage électrique au premier semestre 1974 et, au second semestre 1976, ce pourcentage était passé à 36,5%. L'entreprise nationale elle-même était dépassée par son succès, mais la conjonction de la campagne d'EDF et des intérêts bien compris des promoteurs avait fait exploser la demande. Il a fallu que le Gouvernement, tardivement, prenne des mesures de restriction pour limiter les méfaits de cette opération trop réussie. EDF poursuit par ailleurs dans la construction de ses centrales des économies d'échelle, les coûts étant supposés décroître en valeur relative à mesure qu'augmente la puissance des installations. L'effet tarde toutefois à se faire sentir. L'entreprise continue à élever la dimension de ses unités de production et après le pallier de 900 MWe, nous en sommes à celui des 1.300 MWe. Dans ces conditions, l'effet de série ne peut donner tous ses résultats avant que l'établissement ne passe au pallier supérieur. C'est une façon de multiplier les prototypes et avec eux les risques de jeunesse qu'implique tout nouveau modèle. Ces considérations ne sont pas de pure forme au moment où les incidents que l'on sait sont survenus à Fessenheim et au prototype Phénix. Il est certain que l'accroissement de la dimension des centrales va augmenter la rigidité du système. (suite)
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La difficulté où se trouve EDF de trouver des sites appropriés pour l'installation de ses centrales va conduire l'entreprise à rassembler plusieurs unités de production au même endroit. Cette concentration, outre qu'elle peut poser des problèmes de transport d'énergie pourrait, en cas de difficultés d'ordre social, permettre à quelques centaines de manifestants ou de grévistes de bloquer la production d'électricité de la France. Ce risque n'est pas actuellement inexistant, mais le programme nucléaire va l'accroître dans de singulières proportions. On peut se demander si cette vulnérabilité de notre alimentation en énergie correspond à l'intérêt public. La dernière rigidité qu'il paraît utile d'évoquer est d'un ordre différent. On saît que toute la politique nucléaire française est élaborée et proposée par la commission de production d'électricité d'origine nucléaire[58] (commission dite PEON). Or, cette commission est composée pour une large part par les représentants d'EDF et du CEA ainsi que par les représentants des industriels intéressés à la réalisation du programme. Cette composition en elle-même fait problème. On n'imagine pas que la politique des constructions scolaires soit pour l'essentiel élaborée par les entreprises du batiment. On peut être assuré que les personnalités de grande capacité et de haute qualité qui composent la commission PEON savent, autant que d'autres, faire prévaloir ce qu'elles considèrent comme étant l'intérêt national. Mais leur formation comme leurs choix professionnels donnent à penser qu'ils examinent davantage les possibilités du développement du nucléaire que les orientations à donner à notre politique énergétique. Il en résulte que la place des différentes formes d'énergie se trouve prédéterminée, en quelque sorte sans débat au fond, dès lors que la commission a arrêté ses choix sur le déroulement du programme nucléaire. Il n'est pas rationnel qu'à partir de considérations essentiellement techniques, le sort des autres formes d'énergie soit traité par différence. La position centrale que la commission PEON se trouve occuper dans la détermination de notre devenir énergétique devrait conduire soit à en modifier la composition, soit plus normalement à créer une instance mieux représentative des divers intérêts en cause. Cette instance arrêterait les grands choix et la commission pour la production d'électricité d'origine nucléaire élaborerait, compte tenu de ces choix, les modalités de la politique à suivre dans lesecteur qui est le sien. p.14
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1° La pression des événements Depuis quelques trimestres les faits se sont
chargés de démentir progressivement les hypothèses
qui avaient retenues pour fonder notre politique énergétique.
La «facture» pétrolière, toujours aussi lourde,
est demeurée partiellement impayée: en font foi et le déséquilibre
de notre balance commerciale et le montant accru de nos emprunts à
l'étranger. Progressivement, mais inéluctablement, le programme
nucléaire a «dérapé» et les décalages
commencent à,rendre des proportions dont il faut bien tenir compte.
Dérapage physique, en ce sens que les délais de construction,
les problèmes industriels, les maladies de jeunesse ont retardé
la mise en service des unités de production et que les prévisions
sur la fiabilité des installations ne paraissent plus aujourd'hui
aussi satisfaisantes qu'elles l'étaientt naguère. Dérapage
financier, car les coûts vont croissant dans tous les domaines et
l'on ne s'aventure plus à proclamer une compétitivité
qui commence à faire problème. On
pourrait même affirmer que si, d'aventure - hypothèse d'école
évidemment - il fallait aujourd'hui remplacer la totalité
du programme nucléaire par un programme de centrales thermiques
classiques et de centrales hydrauliques, il n'en coûterait pas plus
cher à la Nation.[59]
(suite)
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Il est bien vrai qu'en toute hypothèse les prochaines années auraient été délicates. Nous aurions eu grand besoin de la petite marge de manoeuvre que nous n'avons pas su nous ménager en conduisant des politiques trop brutales et trop peu diversifiées. Il faut aller plus loin, plus vite et plus fort dans la voie d'une nécessaire diversification. 2° La nécessité d'un réel changement. Le contenu d'un tel changement est inscrit dans les critiques qui précèdent. Toutefois, il paraît tout aussi nécessaire d'obtenir un changement dans les comportements que de modifier les orientations de la politique. a) Un changement dans les comportements.[62] Les ingénieurs sont généralement
inhabiles au contact populaire et souvent choqués lorsque l'on s'oppose
à leurs thèses. Au vrai, c'est la première fois que
cette aventure leur advient. D'ordinaire chacun est contesté dans
sa vie professionnelle, sauf, jusqu'alors, les scientifiques qui ne discutaient
guère qu'entre eux.
p.15
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Au reste, les erreurs commises au plus
haut niveau dans la conduite de notre politique énergétique
devraient conduire chacun à faire preuve de modestie intellectuelle.
Que l'on évite l'anathème. Les guerres de religion n'ont
jamais rien produit de bon.[63]
Dans cet esprit on souhaite que l'information officielle soit a la fois plus sérieuse et plus équilibrée; elle y gagnera en crédibilité.[64] On a vu EDF, pour défendre le chauffage électrique, comparer une habitation chauffée électriquement mais pourvue d'une bonne isolation thermique à une autre habitation chauffée au fuel mais non isolée! Au-dessous d'un graphique qui fait apparaître une extraordinaire progression de l'électricité d'origine nucléaire, le dernier numéro d'un mensuel économique a porté la légende suivante: «Pétrole et charbon se faisant rares, l'électricité devra se substituer à eux. Pour la fabriquer, on ne peut plus compter brûler des combustibles dans les centrales, ni édifier de nouveaux barrages, Il ne reste donc que l'uranium». Qu'un périodique de cette qualité profère autant de contre-vérités en si peu de mots est fächeux pour sa réputation, si l'on ajoute que les auteurs de l'article sont particulièrement bien informés, on ne peut que s'interroger. En ce domaine délicat, on souhaite que le bon sens et le sang-froid l'emportent sur l'excès et la violence. Il doit être possible en France de traiter convenablement le dossier de l'énergie. On ne peut donc que se féliciter hautement de la création, à l'initiative du Chef de l'Etat, du conseil de l'information électro-nucléaire. On peut raisonnablement en espérer une information objective et de grande qualité. b) Un changement de politique. · La politique des prix. La commission des Finances a souvent dénoncé l'aberration que constitue la politique des prix conduite par les Pouvoirs publics. Elle aboutit, on le sait, à subventionner massivement la consommation d'énergie, le contribuable payant en définitive pour le consommateur. C'est déraisonnable et inéquitable. Il convient donc de rétablir la véracité des coûts[65] et de faire payer l'énergie à son prix[66]. Faute de cette nécessaire remise en ordre, il sera difficile de conduire une politique raisonnable. (suite)
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· Les économies d'énergie.[67] Il faut les réaliser effectivement.
Il est bon de s'attaquer au chauffage domestique mais il est inutile d'édicter
des règlernents si chacun s'aperçoit rapidement qu'on peut,
sans inconvénient, ne pas les appliquer. Il convient de sensibiliser
davantage encore l'opinion publique à ce problème et d'édicter
des contraintes plus sévères à l'encontre du chauffage
électrique. A cet égard, il faut surtout mettre en relief
le coût de ce mode de chauffage pour l'utilisateur.
· Une politique active de recherche. Elle doit s'appliquer aussi bien aux. hydrocarbures
qu'au charbon. La recherche pétrolière devrait pouvoir disposer
de moyens accrus pour qu'en aucun cas l'effort de nos compagnies ne se
ralentisse.
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· L'hydro-électricité.[70]
Elle doit pouvoir être développée
dans des limites certes restreintes mais néanmoins significatives.
Il n'est pas indispensable de faire de très grands aménagements
pour produire l'électricité nécessaire à la
consommation locale.
· les énergies nouvelles.[72] Elles présentent de l'intérêt.
On aimerait que les responsables évitent de les déconsidérer
par des arguments qui ne sont pas de la meilleure venue. On explique, avec
gravité, que pour construire une centrale solaire de 1.000 MW, il
conviendrait d'occuper une superficie considérable. C'est exact(*).
Mais qui a jamais pensé que l'énergie solaire doive être
produite à partir d'une énorme centrale alors que son intérêt
est précisément de s'accommoder d'équipements légers,
de répondre à des besoins minimes, d'être en quelque
sorte l'énergie de la décentralisation, évitant l'inconvénient
du transport à longue distance?
(*) Ndwebmaistre: encore ne doit-on pas penser exclusivement aux terrains mais surtout aux immenses surfaces de toitures et autres parois verticales... (suite)
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LE RAPPORT «PINTAT» SUR L'HYDRAULIOUE Le 15 janvier 1975, le Ministre de la Recherche créait une Commission d'Étude de la production d'électricité d'origine hydraulique et marémotrice sous la présidence du Sénateur Pintat dont on parle par ailleurs dans cette Gazette. Ce rapport a été publié à la Documentation Française (Dossier de l'Énergie 9). il est intéressant de citer ici quelques-unes des recommandations de ce volume de 120 pages: · Recommandation 2
· Recommandation 3
· Recommandation 8
· Recommandation 10
· Recommandation 12
· Recommandation 13
Ces recommandations, par ailleurs fort technocratiques, semblent avoir été oubliées à peine publiées... Dans son rapport au Sénat, cité par ailleurs, le Sénateur Pintat annonce les chiffres suivants: potentiel techniquement équipable: 100 milliards de kWh, dont 65 à 72 milliards économiquement exploitables et 3 à 6 milliards de kWh pour les petites installations. p.18
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· L'énergie nucléaire.
Il ne s'agit en rien de la récuser,
mais il faut la développer selon un programme raisonnable. L'expérience
des dernières années devrait nous conduire à fixer
des objectifs plus modestes mais aussi plus sérieux en prévoyant,
autant que faire se peut, les difficultés et les aléas inhérents
à ce type d'entreprise. Il faut espérer également
qu'une étude de coût sera conduite qui intégrerait,
plus qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant, tous les éléments
d'un calcul économique aussi complet que possible. Ce programme
ne serait toutefois arrêté que lorsque les moyens propres
à le réaliser auraient été programmés.
Moyens industriels certes, mais aussi moyens financiers, tant en ce qui
concerne l'épargne nationale que les emprunts à l'extérieur.
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La commission des Finances a insisté à plusieurs reprises pour qu'il soit procédé à cette inflexion, toujours en vain jusqu'alors. Au reste, il existe des prototypes de petites centrales mixtes électro-calogènes ou purement calogènes qui paraissent assez bien adaptées au type de services qu'on en attend.[75] Ces réacteurs qui ont été développés par le Commissariat à l'énergie atomique sont à eau pressurisée et ils fonctionnent très convenablement. Le CEA en possède la licence et il n'est pas nécessaire pour les construire de faire appel à une firme étrangère. Certes, il ne saurait être question ici de prendre parti sur les techniques qui s'avèreront les meilleures. Mais le fait est qu'il faut utiliser massivement la chaleur nucléaire: l'heure n'est plus au gaspillage. Enfin, on souhaitera que la politique énergétique de la France soit élaborée par un organisme largement ouvert et indépendant. Actuellement, le ministère de l'Industrie paraît trop ancré dans les raisonnements qui ont été développés par les entreprises nationales pour opérer une indispensable synthèse. Au reste, comment être insensible aux arguments d'une entreprise publique quand elle oublie de faire parvenir ses factures aux fonctionnaires qui, précisément, ont pour mission d'exercer sur elle la tutelle de l'Etat. Faut-il rappeler ici les dispositions traditionnelles de l'article premier de la loi de finances: «Sont également punissables des peines prévues à l'égard des concessionnaires, tous détenteurs de l'autorité publique qui, sous une forme quelconque, et pour quelque motif que ce soit, auront, sans autorisation de la loi, accordé toute exonération ou franchise de droit, impôt ou taxe publique, ou auront effectué gratuitement la délivrance de produits des établissements de l'Etat. Ces dispositions sont applicables aux personnels d'autorité des entreprises nationales qui auraient effectué gratuitement, sans autorisation légale ou réglementaire, la délivrance de produits ou services de ces entreprises.» Votre Rapporteur entend qu'il soit mis fin au plus tôt à ces abus et qu'ils soient sanctionnés.[76] Il serait bon que les propositions ainsi élaborées, par un organisme indépendant, puissent être réellement débattues dans des instances appropriées et dans des délais raisonnables. La politique énergétique de la France ne se bâtira pas sans un assentiment fondé et réfléchi des Français. p.19
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Cette Gazette est consacrée
au rapport de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale.
Parallèlement, travaille au Sénat une Commission des affaires
économiques et du Plan sur le projet de loi de finances pour 1978.
Le tome IV est consacré à l'énergie et le rapporteur
en est le Sénateur Pintat (Document n° 90). Ce document de 64
pages reprend dans ses grandes lignes l'argumentation officielle actuelle
et il nous est apparu intéressant de citer certains passages qui
pourront être comparés avec leurs homologues du rapport Schoesing.
Le lecteur qui voudrait en savoir plus pourra, nous l'espérons,
se procurer ce document à l'Imprimerie Nationale.
Introduction: Le rapport foumit les chiffres
de consommations mondiales des diverses énergies, compare les ressources
et en déduit une ligne de conduite:
Ainsi, dès le début le cadre
est fixé et clair. On reste dans l'analyse traditionnelle.
(suite)
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En ce qui concerne le pétrole, le rapport est conscient des difficultés d'approvisionnement, on verra plus loin qu'il affiche par contre un bel optimisme pour l'uranium et pourtant... (voir Gazette n° 3): «Mais, comme nous l'avons déjà indiqué, les ressources mondiales en pétrole, bien qu'elles apparaissent encore considérables, sont limitées et, selon les conclusions du rapport présenté à Istanbul par M. Desprairies, un problème d'alimentation du marché pourrait se poser dès 1990, si comme il est prévu, la consommation continue à progresser même au rythme réduit de 3,5% par an (qui conduirait au chiffre de 6,5 milliards de tonnes à la fin du siècle).» A propos de l'énergie hydraulique, on
peut lire:
On ne peut que s'étonner une nouvelle
fois que l'on propose un peu partout du nucléaire, alors que les
ressources hydrauliques sont si importantes en Afrique et en Amérique
du Sud en particulier.
p.20
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Voilà la boucle est bouclée!
On lance un programme, on s'aperçoit qu'il ne peut avoir un sens
que si on se lance à fond dans la course en avant...
Pour l'enrichissement, relevons cette phrase assez caractéristique : «On notera, en terminant ce chapitre, que la réalisation d'une puissante usine d'enrichissement constitue une opération financièrement très lucrative pour notre pays, compte tenu des besoins mondiaux croissants en produits fissiles.» Le programme électronucléaire français: n'est-il pas extraordinaire de lire les propos suivants: «Au 31 août 1977, le parc nucléaire français en service avait une puissance totale installée de 2.758 mégawatts (MW) non compris les centrales franco-étrangères de Chooz (305 MW) (France: 50%), de Tihange (870 MW) (France: 50%) et Vandelios (480 MW) (France: 25%). A ces équipements, il convient d'ajouter les tranches de 890 MW de Fessenheim 1 et 2 couplées au réseau, la première au début de l'année, et la seconde en octobre. A la suite de divers incidents, Fessenheim 1 a dû être arrêtée à plusieurs reprises et ne fonctionne pas encore en pleine puissance. Quant à Bugey 2 (985 MW), elle devrait être couplée au réseau en avril 1978. Pour ces trois équipements, le retard dans la mise en service est de l'ordre de dix-huit mois. Cette situation, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas surprenante, s'agissant de têtes de série et compte tenu des sécurités supplémentaires exigées par les pouvoirs publics. Quoi qu'il en soit, la mise en oeuvre de ces trois tranches marque le départ du programme qui va nous doter d'un parc de centrales entièrement nouvelles dont la puissance (en exploitation) devrait, en principe, atteindre 17.500 mégawatts en 1980 et 37.800 mégawatts èn 1985. » Cela ne va pas très bien, mais heureusement on va en faire beaucoup! A propos' des surrégénérateurs et en particulier de Superphénix, l'auteur avoue son incompréhension: «La France peut se féliciter d'avoir atteint dans cette technique de pointe une avance sensible sur tous les pays occidentaux y compris les Etats-Unis. Il serait donc tout à fait regrettable qu'une telle situation qui fait honneur à nos chercheurs et à nos techniciens puisse être compromise alors qu'aucune caractéristique fondamentale ne différencie, comme nous l'avons dit, ce type de réacteur des autres installations nucléaires. On s'explique difficilement les réticences de certains secteurs de l'opinion publique alors qu'une large majorité a constamment soutenu la réalisation du supersonique Concorde, autre prouesse technique certes, mais d'une utilité et d'une rentabilité beaucoup moins évidentes.» (suite)
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En ce qui concerne le retraitement, il n'y a pas à se poser trop de problèmes car l'enjeu est clair: «Nous avons dit de plus que le retraitement est la condition première de la mise en oeuvre des surrégénérateurs sans lesquels les réserves mondiales d'uranium seraient sans doute épuisées d'ici vingt-cinq ans. Enfin, répétons une fois de plus que le plutonium qui se forme dans les combustibles irradiés n'est pas produit par le retraitement mais simplement isolé par celui-ci et qu'une nation disposant d'un équipement technique suffisant pourra donc toujours en obtenir à partir de «piles» à uranium naturel et sans chercher à produire de l'électricité, comme nous l'avons fait d'ailleurs nous-mêmes. Il apparaît donc vain et à terme très dangereux sous prétexte d'éviter la production de plutonium de renoncer au retraitement de combustibles nucléaires irradiés, conditions indispensable de la mise en oeuvre d'une technique qui, nous l'avons montré, est seule capable d'apporter au monde l'apport massif d'énergie dont il a besoin.» Energies nouvelles: il est intéressant de comparer ce qui est dit de l'énergie solaire à usage thermique et ce qui est dit de la fusion: «Cette première application est de loin, aujourd'hui, la plus répandue et la plus intéressante d'autant que les usages thermiques domestiques, qui représentent en France de 18 à 19% de la consommation totale d'énergie, utilisent surtout du fuel. Les inconvénients de cette conversion directe en chaleur sont cependant non négligeables. En premier lieu, l'apport thermique varie en fonction inverse des besoins (maximum en été et à midi: périodes les moins froides, minimum en hiver et durant la nuit), d'où la nécessité d'un stockage d'eau chaude. En second lieu, l'énergie produite ne peut être utilisée que sur place. En troisième lieu, les panneaux solaires sont encombrants, relativement inesthétiques et coûteux (7.500 à 12.500 F pour un collecteur de 46,5 mètres carrés nécessaire au chauffage d'une maison moyenne [130 mètres carrés]). Enfin, il apparaît, en pratique, qu'un chauffage d'appoint reste indispensable, ce qui vient grèver sensiblement le coût de l'installation. » C'est pas beau, cela coûte cher... etc. Donc: «Pour notre pays, il ne faut donc pas attendre de l'énergie solaire mieux qu'un appoint et en aucun cas une production thermique ou électrique massive de nature à faire fonctionner une usine ou éclairer une agglomération.» p.21
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Par contre, la fusion, «on
ne sait pas faire, mais cela est prometteur»:
«La réunion de telles conditions n'a pu être encore réalisée même en laboratoire où l'on n'a pas encore dépassé douze millions de degrés - mais les spécialistes pensent que la «faisabilité» du procédé, non encore démontrée à ce jour, le sera d'ici quinze ans au plus et que son application industrielle interviendra vers 2020.» Cela est même tellement intéressant qu'il faut malgré tout tempérer l'enthousiasme « Les délais nécessaires à la réalisation de la fusion «commerciale» et les incertitudes subsistant concernant sa possibilité de mise en oeuvre n'autorisent cependant en aucun cas que l'on renonce aux techniques énergétiques connues, comme certains ont pu le prétendre, pour écarter notamment la mise en service des surrégénérateurs.» Le rapport examine ensuite les problèmes de l'électricité et s'indigne des récentes décisions relatives au chauffage électrique intégré: «Mais, quoi qu'il en soit, votre commission déplore encore une fois que le souci de réaliser des économies qui se révèlent marginales, et à incidence limitée dans le temps, ait conduit le Gouvernement à freiner une technique qui va incontestablement dans le sens du progrès et nous rendra d'ici à sept ans plus indépendants de l'étranger. Il offre enfin, à l'EDF un moyen de financer son programme nucléaire.» Enfin, la conclusion résume parfaitement
l'esprit général du texte. Que l'on en juge par ces quelques
extraits:
(suite)
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suite:
Nous n'ignorons pas, bien entendu, les réserves que suscite le nucléaire, du moins dans les pays occidentaux, marqué qu'il est par le souvenir d'Hiroshima, mais nous estimons, pour notre part, qu'en raison de la rigueur des précautions prises et de la sévérité des contrôles, à la mesure du danger potentiel s'attachant aux matières employées, cette énergie est sans doute la plus sûre et la moins polluante de toutes alors que personne ne s'est soucié suffisamment, jusqu'à maintenant, des nuisances entraînées par l'utilisation du charbon et des hydrocarbures. Il serait donc tout à fait regrettable que l'avance que nous avons acquise sur ce point et que l'indépendance énergétique que nous pouvons ainsi espérer acquérir puissent être compromises par des prises de position où la défiance vis-à-vis de l'Etat et des techniques scientifiques et industrielles tient un rôle aussi important que la nostalgie d'un retour impossible à la vie pastorale. Il nous faut dire, à ce propos, un mot encore du rôle que pourront jouer demain et plus tard les énergies nouvelles dont on confond trop souvent le potentiel effectivement quasi illimité et les possibilités réelles d'utilisation. Sans revenir sur ce sujet, nous notons que l'intérêt de ce recours aux forces «naturelles» n'a pas échappé aux responsables énergétiques de tous les pays mais qu'aucun n'accorde à ces techniques mieux qu'une contribution de quelques pour cent aux bilans énergétiques nationaux. Quand on connaît la puissance des mouvements écologiques dans des pays tels que les Etats-Unis et le Japon, une telle unanimité est de nature à faire réfléchir. Nous nous devons enfin, en terminant, rappeler le rôle croissant qu'est appelé à jouer l'électricité notamment en France où sa place est encore bien modeste. On a souligné, à son propos, le danger de la concentration de sa production par des unités de taille de plus en plus impressionnante mais, a-t-on dit, en contrepartie, la contribution qu'elle apporte dès maintenant et doit apporter davantage encore demain à une décentralisation effective. En effet, par sa diffusion et l'égalité des moyens qu'elle fournit à toutes les régions, elle remédie aux inégalités inhérentes à l'éloignement et à la répartition défectueuse des ressources en énergie fossile. Pour nous, Français, elle est de plus le moyen le plus efficace de réduire notre dépendance et c'est ce qui nous a conduit à souhaiter que tout soit mis en oeuvre pour favoriser son développement. Nous souhaitons donc vivement en conclusion que le Gouvernement définisse très clairement ses objectifs au plan énergétique et y associe les forces vives de la Nation, la meilleure formule pouvant être, à notre avis, de soumettre au Parlement une loi-programme comme l'ont demandé la plupart des intervenants au cours du débat que le sénat a consacré à l'énergie le 18 novembre dernier. Ainsi l'ensemble des problèmes qui se posent dans ce domaine et les solutions à leur apporter seraient largement et publiquement débattus et l'on éviterait que beaucoup puissent continuer à affirmer non sans raison parfois, que notre politique énergétique a été décidée au sein des Administrations par quelques technocrates alors qu elle est et doit être l'affaire de tous.» Ne croierions-nous pas un texte officiel... écrit par un tenant du programme?... p.22
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