La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°253
NUMERO DEDIE A PIERRE SAMUEL,
cofondateur de la GAZETTE NUCLEAIRE

Lettre d'information n°6:
L'ASN reste vigilante et poursuit son programme de contrôle du réacteur Flamanville 3
Paris, le 31 juillet 2009



     L'ASN a poursuivi, au cours du premier semestre 2009, son contrôle du chantier de la construction du réacteur EPR de Flamanville 3. Les éléments les plus significatifs sont les suivants.

     Fabrication du liner (peau d'étanchéité métallique de l'enceinte de confinement)
     Au cours de plusieurs inspections réalisées en 2008 sur le chantier de construction, l'ASN a constaté des insuffisances dans la fabrication du liner nécessitant un fort taux de réparation des soudures (voir la lettre d'information n°5). Conformément aux demandes de l'ASN en date du 4 février 2009, EDF a réalisé le contrôle complet de certaines soudures alors déjà réalisées et a procédé aux réparations nécessaires afin de garantir l'absence d'impact des défauts rencontrés sur la fonction de confinement que doit assurer le liner.
     Dans un second temps, EDF et le titulaire de contrat réalisant les soudures du liner ont présenté à l'ASN, le 15 avril 2009, un plan d'action visant à améliorer de façon significative la qualité de réalisation de ces soudures. Les principaux axes de ce plan d'action concernent l'optimisation du procédé de soudage et des conditions de réalisation des soudures, le renforcement de la formation des soudeurs et une surveillance renforcée des opérations de soudage. Dans l'attente de l'évaluation de l'efficacité de ce plan d'action, 100% des soudures réalisées ont été contrôlés par radiographie.
     La mise en œuvre de ce plan d'action a été examinée au cours de l'inspection du 22 avril 2009 (voir lettre de suite). Les inspecteurs ont estimé que ce plan d'action devait permettre d'améliorer la qualité de réalisation des soudures. Toutefois le retour d'expérience n'était pas encore suffisant pour permettre de mesurer concrètement la pertinence et l'effectivité des actions mises en œuvre.
     Un bilan mensuel de la mise en place du plan d'action est transmis depuis le 15 mai 2009 à l'ASN.
     En juillet 2009, EDF a présenté à l'ASN une justification de la maîtrise des opérations de soudage. Les résultats des tirs radiographiques réalisés sur un mois de soudage ont notamment indiqué des taux de réparation acceptables (inférieurs à 10%). Sur cette base, EDF a décidé de relaxer les contrôles radiographiques tout en maintenant une surveillance renforcée des opérations de soudage.

suite:
     L'ASN considère que les actions mises en œuvre par EDF sont de nature à améliorer la maîtrise des opérations de soudage. Toutefois, ces opérations resteront sous surveillance rapprochée de l'ASN

     Inspections de l'ASN
     Les inspecteurs de l'ASN ont réalisé, au premier semestre 2009, 16 inspections sur le chantier de construction de Flamanville 3 sur les thèmes suivants:
     * Génie civil
     * Management de la sûreté
     * Impact du chantier sur les réacteurs en exploitation
     * Organisation et moyens de crise
     * Gestion des sources de rayonnements ionisants
     * Prestations
     * Inspection du travail
     Ces inspections ont permis d'établir que le plan d'action, mis en œuvre par EDF à la suite de plusieurs anomalies liées aux opérations de génie civil relevées en 2008, a conduit à une amélioration notable de la qualité des réalisations et de la surveillance des activités de ferraillage et de bétonnage.
     Toutefois, au cours de l'inspection réalisée le 28 mai 2009 concernant la préparation de l'opération de bétonnage du radier des structures internes du bâtiment réacteur, les inspecteurs et leur appui technique avaient alerté EDF sur le nombre conséquent d'activités à finaliser afin de permettre la réalisation de l'opération de bétonnage dans de bonnes conditions. À la suite de cette inspection, et une fois le bétonnage du radier réalisé, l'ASN a constaté l'ouverture de plusieurs fiches de non-conformité. L'ASN estime que les écarts constatés par EDF et le titulaire de contrat, notamment une insuffisance de volume de béton coulé par endroit et des modifications de coffrages pendant les opérations de bétonnage, ne remettent pas en cause la sûreté de l'ouvrage. Ces écarts mettent cependant en lumière une pression importante liée au bon avancement du planning et susceptible d'avoir un impact négatif sur la qualité de la réalisation. L'ASN a demandé à EDF de prendre les mesures adéquates afin de ne pas reproduire ce type de situation génératrice d'écarts.

 p.12

Demande d'information concernant les «défauts sous revêtement»
de J.P. Morichaud (26 août 2008)
REPONSE ASN (division de Lyon)

     Par e-mail (JP Morichaud) en référence, vous sollicitez des informations plus précises sur les défauts observés dans les cuves de réacteurs et mentionnés dans le rapport annuel 2007 de l'ASN à la page 336. Je vous prie de trouver ci-après des éléments de réponse.
     Les «défauts sous revêtement» (DSR) des cuves sont des fissures générées lors de leur fabrication. Les cuves des réacteurs ont été forgées dans un acier faiblement allié, sensible à la corrosion par l'acide borique présent dans le circuit primaire Afin de les protéger contre cette corrosion, elles sont revêtues d'une couche d'acier inoxydable. Lors de la pose de ce revêtement, au moment de la fabrication des premières séries de cuves, un phénomène de «fissuration à froid» a conduit à. la formation de fissures dans le métal de base de la cuve, sous le revêtement.
     On trouve ces DSR en petit nombre dans la «zone de coeur» en regard du combustible et en plus grand nombre dans les tubulures chaudes et froides. La problématique des DSR sur les tubulures des cuves est assez différente de celle des DSR de la zone de coeur. En effet, la zone de coeur est soumise à une intense irradiation neutronique. Ce n'est pas le cas des tubulures qui ont été, par contre, beaucoup plus affectées par le phénomène de fissuration à froid.
     Dès 1978, le phénomène de fissuration à froid a été observé lors de la fabrication de plaques tubulaires de générateurs de vapeur et de tubulures de cuve, ce qui a amené le constructeur à intégrer progressivement des mesures compensatoires dans son processus de fabrication. Cependant 28 cuves (26 tranches 900 MWe et 2 tranches 1300MWe) sont considérées «sensibles»: leurs conditions de fabrication ne permettent pas en elles-mêmes de garantir l'absence de DSR.
     Les tubulures des cuves considérées comme « sensibles » ont été régulièrement contrôlées depuis 1985, ce qui a permis de détecter puis de suivre 209 DSR répartis sur 23 tubulures de 12 cuves. Ces contrôles n'ont pas montré, jusqu'ici, d'évolution significative de la taille des DSR. Les calculs permettent de justifier la tenue des tubulures pour des défauts environ deux fois plus grands que les défauts avérés ou potentiels. Bien entendu, l'ASN s'est assurée que ces calculs intègrent les coefficients de sécurité prévus par la réglementation.
     Les DSR dans la zone de coeur ont été détectés pour la première fois au milieu des années 90, en exploitation. La présence de ces défauts en zone de coeur n'avait pas été prise en compte dans les démonstrations de tenue mécanique des cuves et l'exploitant a dû revoir les justifications. De plus, des contrôles par ultrasons sur les viroles de coeur des cuves ont été progressivement mis en oeuvre, notamment au moment des visites décennales. 
suite:
     Ces contrôles ont révélé 34 DSR en zone de coeur répartis sur 10 cuves. Ils n'ont pas montré jusqu'ici d'évolution significative de la taille des DSR, hormis celles dues aux évolutions du procédé de contrôle et aux incertitudes de mesure. La cuve de Tricastin1 fait figure de cas particulier car elle présente 17 défauts sous revêtements, vraisemblablement dus aux conditions de fabrication de la cuve.
Nombre - DSR: zone de coeur
Réacteur
DSR
Réacteur
DSR
Tricastin1
17
Fessenheim 2
1
Fessenheim 1
5
Blayais 2
1
Chinon B3
3
Dampierre 3
1
Gravelines 6
2
St-Laurent B1
1
Chinon B3
2
St-laurent B2
1

     La démonstration de la tenue mécanique des viroles de coeur repose sur des calculs spécifiques pour les défauts détectés par les contrôles et des calculs avec de forts conservatismes pour un défaut «théorique» que n'auraient pas vu les contrôles, ainsi que sur le programme de suivi de l'irradiation qui permet de suivre les effets de l'irradiation neutronique sur le métal des cuves. Les études présentées par l'exploitant concluent à la bonne tenue mécanique des cuves jusqu'à 40 ans. L'ASN estime que ces conclusions sont acceptables. Elle s'est notamment assurée que des marges suffisantes étaient prises en compte. Cependant, dans certains cas, les marges restantes après celles imposées par l'ASN sont faibles, par exemple dans le cas des accidents de perte de réfrigérant primaire dans le domaine fragile.
     Bien entendu, ces études des DSR dans les tubulures et la zone de coeur font partie de l'instruction plus générale menée par l'ASN sur la poursuite d'exploitation des réacteurs de 900 MWe. L'ASN prendra une position spécifique pour chaque réacteur à l'issue de sa troisième visite décennale.
     Par ailleurs, dans le cas où l'exploitant souhaiterait poursuivre l'exploitation des réacteurs au delà de 40 ans, il devra présenter à l'ASN des calculs garantissant la tenue mécanique des cuves alors que les caractéristiques mécaniques du métal de la zone de coeur se seront dégradées sous l'effet du vieillissement. L'ASN sera extrêmement attentive à ce processus, qui peut présenter des risques de dérive et qui entrera pour grande part dans les décisions qu'elle pourra prendre concernant les dates de mise à l'arrêt définitif des réacteurs.
     Enfin, je souhaite appeler votre attention sur l'article 19 de la loi «TSN» du 13 juin 2006, selon lequel l'exploitant d'une installation nucléaire de base est tenu de fournir les informations relatives à la sûreté qui lui seraient demandées par une personne du public. Je vous invite donc à solliciter également des éléments de réponse à vos questions auprès de lui.
     En espérant néanmoins vous avoir apporté un éclairage utile sur la question des défauts sous revêtement, je vous prie de croire, Monsieur, en l'expression de ma considération distinguée.

Le chef de la division de Lyon: Charles-Antoine Louët
p.13
BILAN DES DSR DANS LES TUBULURES DE CUVE
Répartition des DSR par tranche et par dimension
Haut. mm
6
7
8
9
10
Total
DSR
Fessenheim 1
(H2,G2,D3)
2
1
 
 
 
3
Bugey 4
(G1,G2)
5
1
 
 
 
6
Tricastin 2
(H3)
5
1
 
 
 
6
Tricastin 3
(G2, G3)
7
14
 
 
1
22
Gravelines 3 (G2)
16
12
5
 
 
33
Gravelines 4
(G1, G2)
6
2
 
 
 
8
Dampierre 2
(G1, G2)
4
8
1
 
 
13
Dampierre 4
(H1, H2, G2, G3)
32
8
2
 
 
42
Blayais 3 (H2)
4
 
 
 
 
4
St-Laurent B1 (H2, G3)
6
1
 
2
 
9
St-Laurent B2 (G1, G2)
13
16
6
 
 
35
Chinon B2
(G2)
6
18
4
1
 
29
Total:
12 cuves
23 tubulures
10
5
82
18
3
1
209

GROUPE PERMANENT D'EXPERTS POUR LES RÉACTEURS NUCLÉAIRES
Avis relatif au bilan du réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe dans le cadre
de leurs troisièmes visites décennales (VD3)
Réunion tenue à Paris le 20 novembre 2008

     I - Conformément à la demande du Président de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, notifiée par la lettre ASN/Dép-DCN-0458-2008 du 6 octobre 2008, le Groupe Permanent d'experts pour les Réacteurs nucléaires s'est réuni le 20 novembre 2008 pour examiner le bilan du réexamen de sûreté des réacteurs du palier 900 MWe associé à leurs troisièmes visites décennales.
     Le Groupe Permanent a notamment pris connaissance des dispositions de sûreté résultant des études menées par Electricité de France dans le cadre de la mise en oeuvre du référentiel de sûreté réévalué applicable aux réacteurs de 900 MWe.
     II - Le Groupe Permanent a pris connaissance de l'analyse, par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), des études transmises par Electricité de France lors du réexamen et de leur transcription dans le rapport de sûreté. Au cours de l'instruction technique, l'exploitant a pris un certain nombre d'engagements complémentaires transmis à l'Autorité de Sûreté Nucléaire.
     Le Groupe Permanent a plus particulièrement examiné les améliorations de sûreté concernant:
     - le risque de bipasse de l'enceinte de confinement en cas de rupture de la barrière thermique d'un des groupes motopompes primaires,
     - les chaînes d'instrumentation destinées, en situation d'accident grave, à détecter la percée de la cuve du réacteur par le corium et à évaluer le risque d'explosion lié à la présence d'hydrogène,
     - la maîtrise du risque de surpression à froid du circuit primaire principal lorsque le circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA) est initialement connecté,
     - les rejets radioactifs dans l'environnement susceptibles de provenir de la bâche du système de traitement et de réfrigération de l'eau des piscines (PTR) lors de la recirculation en situation accidentelle de l'eau des puisards de l'enceinte,
     - la maîtrise des agressions externes susceptibles d'affecter plusieurs réacteurs d'un même site,
     - le risque d'incendie de certains locaux identifiés comme prépondérants par l'étude probabiliste de sûreté relative à l'incendie réalisée par l'IRSN.
     De même, le Groupe Permanent a examiné le référentiel de sûreté proposé par EDF relatif aux explosions d'origine interne et son application pratique aux réacteurs du palier 900 MWe.
     III - Le Groupe Permanent souligne l'importance du travail accompli par l'exploitant pour ce réexamen. Le nouveau référentiel devrait conduire à conforter et à améliorer le niveau de sûreté global des réacteurs de 900 MWe.
     Le Groupe Permanent souligne que les résultats des études probabilistes de sûreté de niveau 1 menées pour les réacteurs de 900 MWe ont permis de déterminer des modifications de conception ou d'exploitation de ces réacteurs, permettant de diminuer significativement la probabilité calculée de fusion du coeur.
     Les études menées par Electricité de France permettent de vérifier globalement le comportement de la troisième barrière de confinement et de son extension en regard de ses exigences. 
suite:
     Cependant, concernant les risques de bipasse du confinement en situation accidentelle, le Groupe Permanent estime nécessaire qu'Electricité de France conforte les dispositions permettant de limiter les rejets radioactifs dans l'environnement pouvant résulter du dégazage des fuites dans la bâche du système de traitement et de réfrigération de l'eau des piscines (PTR) lors de la recirculation de l'eau des puisards.
     Le Groupe Permanent estime que les dispositions prévues par Electricité de France pour gérer une perte totale de la source froide ou une perte totale des alimentations électriques externes, éventuellement cumulées, à la suite d'une agression externe qui toucherait plusieurs réacteurs d'un même site, devraient permettre de maîtriser ce type de situation et notamment de disposer ou de mobiliser les réserves (eau, fioul, huile) nécessaires.
     A l'occasion du réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe, Electricité de France a présenté un référentiel en matière de protection contre les risques d'explosion interne aux sites, ainsi que sa déclinaison sur les réacteurs. Le Groupe Permanent considère que ce référentiel est globalement acceptable; toutefois, l'identification exhaustive des locaux à risque d'explosion d'hydrogène reste à achever et les dispositions prévues devront être complétées le cas échéant.
     En ce qui concerne le risque d'incendie, le Groupe Permanent a noté les améliorations apportées par Electricité de France en matière de détection précoce pour limiter les conséquences fonctionnelles et ramener rapidement la tranche dans un état sûr. Le caractère suffisant de ces modifications reste à conforter à la lumière d'une quantification probabiliste.
     IV - Le Groupe Permanent note que pour quelques sujets, des compléments d'études doivent être apportés ou des dispositions supplémentaires définies pour assurer que les objectifs de sûreté visés lors de l'orientation de ce réexamen de sûreté soient complètement atteints. Il s'agit notamment des dispositions retenues à l'égard du risque de vidange de la piscine de désactivation, pour lesquelles des justifications restent à apporter. A cet égard, il souligne la nécessité qu'Electricité de France fournisse des compléments dans des délais compatibles avec les premiers arrêts pour troisième visite décennale.
     Par ailleurs, le Groupe Permanent estime que l'ensemble des modifications proposées par Electricité de France répond de façon suffisante à l'objectif visé dans leurs principes. Cependant, l'ensemble des études de conception n'est pas achevé à ce jour, et le contour de certaines modifications peut encore évoluer compte tenu des derniers développements d'études en cours.
     A l'issue de son examen, et sous réserve de la prise en compte des recommandations jointes en annexe, de la réalisation des actions complémentaires qu'Electricité de France a décidé de mener, le Groupe Permanent considère que le nouveau référentiel d'exigences de sûreté applicable aux réacteurs de 900 MWe, ainsi que les modifications de conception ou d'exploitation prévues, sont globalement satisfaisants au regard des objectifs retenus pour ce réexamen de sûreté et qu'ils sont suffisants pour poursuivre l'exploitation des réacteurs jusqu'à leurs quatrièmes visites décennales.
p.14

Annexe
Recommandations
     Risque de surpression à froid
     Recommandation 1
     Le Permanent recommande qu'Electricité de France prescrive, dans les spécifications techniques d'exploitation des réacteurs de 900 MWe relevant du référentiel VD3, la disponibilité de la protection contre le risque de pressurisation à froid du circuit primaire dans l'état standard d'arrêt pour intervention, circuit primaire fermé.
     Réactualisation de l'étude probabiliste de sûreté de niveau 1
     Recommandation 2
     Le Groupe Permanent recommande que, dans un délai de neuf mois, Electricité de France propose une modification de conception visant à réduire le risque de fusion du coeur avec bipasse de l'enceinte de confinement en cas de rupture du circuit de refroidissement de la barrière thermique d'un des groupes motopompes primaires et présente un calendrier de mise en oeuvre.
     Accidents graves
     Recommandation 3
     Concernant la détection du percement de la cuve par le corium:
Le Groupe Permanent recommande qu'Electricité de France:
     - précise les moyens de s'assurer de la disponibilité de l'instrumentation servant à la détection du percement de la cuve (thermocouple) ainsi que les mesures à prendre en cas d'indisponibilité de celle-ci;
     - développe, en parallèle à l'installation de l'instrumentation, une aide à l'utilisation de la mesure de façon à guider au mieux les équipes de crise.
     Concernant l'évaluation du risque d'explosion lié à la présence d'hydrogène:
     Le Groupe Permanent recommande qu'Electricité de France:
     - instrumente plusieurs recombineurs auto-catalytiques passifs d'hydrogène au moyen de la solution proposée par Electricité de France et justifie le choix de leurs emplacements;
     - développe, en parallèle à l'installation de l'instrumentation, une aide à l'utilisation des mesures de manière à guider au mieux les équipes de crise.
suite:
     Confinement en situation post-accidentelle
     Recommandation 4
     Le Groupe Permanent recommande qu'Electricité de France mette en place une modification permettant de limiter les rejets radioactifs directs dans l'environnement par l'évent de la bâche de traitement et de réfrigération de l'eau des piscines (PTR) dans les situations accidentelles nécessitant une phase de recirculation sur les puisards de l'enceinte de confinement des systèmes de sauvegarde.
     Autonomie de tranche et de site vis-à-vis des agressions externes de mode commun
     Recommandation 5
     Le Groupe Permanent recommande qu'Electricité de France prescrive dans les spécifications techniques d'exploitation le volume d'eau dans les bâches du circuit de distribution d'eau déminéralisée (SER) nécessaire pour gérer une situation de perte totale de la source froide (H1) de site induite par une agression externe non prédictible.
     Recommandation 6
     Afin d'assurer la pérennité des exigences permettant de garantir une autonomie des sites suffisante pour gérer les situations incidentelles/accidentelles induites par une agression externe ou une conjonction d'agressions, le Groupe Permanent recommande qu'Electricité de France inclue les études de ces situations dans la démonstration de sûreté faisant l'objet de prescriptions d'exploitation.
     Explosions d'origine interne aux sites
     Recommandation 7
     Concernant les agresseurs retenus dans la démarche d'identification des risques:
     Le Groupe Permanent recommande qu'Electricité de France prenne des dispositions y compris, s'il y a lieu, constructives permettant de se prémunir contre la corrosion et les vibrations, agresseurs potentiels des équipements véhiculant de l'hydrogène.
     En tout état de cause, le rapport de sûreté standard du palier 900 MWe devra préciser la manière dont les risques de corrosion et de vibration sont traités.
     Recommandation 8
     Concernant la démarche d'analyse du risque d'explosion à l'intérieur des bâtiments de l'îlot nucléaire:
     Le Groupe Permanent recommande que, pour les locaux où une explosion aurait des conséquences inacceptables pour la sûreté, Electricité de France justifie par un dossier d'analyse spécifique le caractère suffisant des seules dispositions qu'il a prévues et éventuellement les renforce.
p.15a

Synthèse du rapport de l'IRSN sur le thème des accidents graves susceptibles de survenir sur les réacteurs nucléaires à eau sous pression du parc en exploitation
27 novembre 2008

     Entre 1994 et 2004, l'ASN a sollicité à plusieurs reprises l'avis du Groupe Permanent d'experts pour les Réacteurs nucléaires sur les orientations prises par EDF dans le domaine de l'étude, de la prévention et de la limitation des conséquences des accidents graves susceptibles de survenir sur les réacteurs nucléaires à eau sous pression du parc en exploitation, notamment dans le cadre du réexamen de sûreté associé aux troisièmes visites décennales des réacteurs de 900 MWe. À ces occasions, les sujets suivants ont été abordés, sur la base de dossiers d'EDF:
     - la démarche d'examen des accidents graves pour les réacteurs en exploitation, en particulier l'examen d'un référentiel dédié aux accidents graves;
     - la tenue des enceintes de confinement lors d'un accident grave, notamment au regard du risque d'une fusion du coeur avec une pression élevée dans le circuit primaire ou d'une explosion d'hydrogène dans l'enceinte lors de la fusion du combustible;
      - l'examen des situations de bipasse de l'enceinte de confinement;
     - la tenue et le fonctionnement de certains équipements dans les conditions d'un accident grave, en particulier des tandems de soupapes SEBIM du pressuriseur en cas de perte totale des alimentations électriques;
     - l'instrumentation en situation d'accident grave;
     - les stratégies de gestion du réacteur lors d'un accident grave, notamment celles de conduite du système d'aspersion dans l'enceinte, de gestion du corium dans le puits de cuve après traversée du fond de la cuve, en particulier pour les centrales de Fessenheim et de Cruas, les parades à la contamination radioactive d'un exutoire de la nappe phréatique, tel qu'un cours d'eau ou un puits de captage d'eau, en cas de percée du radier de la centrale par le corium en fusion.
     En 2007, l'ASN a demandé au Groupe Permanent d'experts d'examiner les sujets suivants, non instruits lors des précédentes réunions ou n'ayant pas fait l'objet de conclusions complètes:
     - le référentiel EDF dédié aux accidents graves;
     - la réévaluation du «terme source de référence S3», compte tenu, notamment, des connaissances actuellement disponibles sur la phénoménologie des accidents graves;
     - la stratégie de gestion de l'eau dans le puits de cuve après la percée du fond de la cuve;
suite:
     - l'ouverture de manière anticipée du dispositif d'éventage et de filtration de l'enceinte mis en place pour la gestion des accidents graves, dans le but de prévenir la fusion du coeur;
     - la quantité de débris dans les puisards de l'enceinte en situation d'accident grave;
     - les parades à la contamination radioactive d'un exutoire de la nappe phréatique, en cas de percée du radier de la centrale par le corium en fusion (L'analyse de ce dernier sujet a été présentée au GPR en juin 2009).
    Le référentiel EDF relatif aux «accidents graves»
     Le référentiel «accidents graves» proposé par EDF est composé d'un référentiel d'exigences et d'un dossier de synthèse. Le référentiel d'exigences présente:
     - la démarche et les objectifs proposés en matière de prévention et de limitation des risques associés aux accidents graves;
     - les dispositions aujourd'hui retenues et leurs bases de dimensionnement;
     - les performances attendues des équipements en situation d'accident grave.
     L'ASN a demandé l'avis du Groupe Permanent d'experts sur le contenu du référentiel d'exigences, en particulier sur le chapitre présentant la démarche générale du référentiel et la définition des objectifs de sûreté probabilistes et radiologiques proposés par EDF, ainsi que sur la démarche de qualification des matériels aux conditions d'accident grave, les exigences fonctionnelles et les durées de mission des matériels prises en compte.

Objectifs poursuivis en matière de prévention et de limitation des conséquences des accidents graves

     L'IRSN estime acceptable dans le principe la proposition d'EDF consistant à définir des objectifs probabilistes et radiologiques et présentant une partition des scénarios en deux ensembles:
     - les scénarios les plus probables, pour lesquels il doit être démontré que les conséquences sur l'environnement respectent les objectifs radiologiques;
     - les autres scénarios pour lesquels le respect d'objectifs probabilistes doit être démontré.
     L'IRSN souligne néanmoins que la démarche de l'exploitant en matière d'accidents graves doit présenter un objectif d'amélioration continue de la sûreté et ne pas se limiter au respect de valeurs seuils, que ce soit pour les aspects probabilistes ou pour les aspects radiologiques.
p.15b

Prise en compte de la gestion à long terme des accidents graves
     L'IRSN considère que la description actuelle des aspects liés à la gestion à long terme de l'accident dans le référentiel dédié aux accidents graves est insuffisante. A ce titre, l'IRSN estime nécessaire que la prochaine version du référentiel «accidents graves», applicable aux troisièmes visites décennales des réacteurs du palier 1300 MWe, intègre les exigences liées à la gestion à long terme de l'accident.
Objectifs probabilistes
     L'IRSN estime tout d'abord satisfaisant, dans le principe, le découplage proposé par EDF entre la nature des objectifs d'une part et les valeurs des seuils d'autre part, les seuils étant susceptibles d'être modifiés au fil des réexamens de sûreté et devant être discutés au moment de la définition des orientations à donner au réexamen considéré.
     L'IRSN rappelle néanmoins que, comme indiqué ci-dessus, la démarche de prise en compte des accidents graves ne doit pas se limiter à une simple vérification du respect de valeurs seuils. A ce titre, l'IRSN recommande qu'EDF formule des propositions visant à intégrer un objectif d'amélioration continue de la sûreté et d'examen des séquences «les plus graves».
     L'IRSN estime en tout état de cause nécessaire que, dans le cadre de la préparation de la réunion du Groupe Permanent d'experts pour les Réacteurs nucléaires dédiée aux orientations du réexamen de sûreté associé aux troisièmes visites décennales des réacteurs du palier 1300 MWe, EDF propose des objectifs probabilistes plus ambitieux que ceux proposés actuellement, pour ce qui concerne en particulier les scénarios avec défaillance précoce du confinement.
Objectifs radiologiques
     Pour ce qui concerne les objectifs radiologiques annoncés dans la version actuelle du référentiel dédié aux accidents graves, l'IRSN estime nécessaire qu'EDF en propose de plus ambitieux en présentant leur méthode d'obtention ainsi que les références bibliographiques montrant que la recherche de valeurs optimisées a été effectuée.
     L'IRSN considère en particulier que:
     - des objectifs qualitatifs exprimés en termes généraux (par exemple en termes d'absence de nécessité de mise en oeuvre d'actions de protection dans l'espace et le temps comme cela a été retenu pour EPR) doivent être à la base de la démarche de l'exploitant;
     - les objectifs quantitatifs doivent être dérivés des objectifs qualitatifs et fixés à des valeurs optimisées et justifiées en tenant compte de la réglementation actuelle ainsi que des recommandations et pratiques à l'international.
     Performances attendues des équipements et systèmes
     Classement des équipements
     EDF propose que les matériels spécifiques aux accidents graves ne soient pas classés de sûreté, mais fassent l'objet d'exigences particulières définies sur la base de celles relatives au classement IPSNC.
     A l'inverse, l'IRSN estime nécessaire que les matériels spécifiques aux accidents graves et nécessaires au respect des objectifs radiologiques et probabilistes soient classés au minimum IPSNC . L'IRSN considère que ces matériels doivent satisfaire à des prescriptions, notamment en termes d'essais périodiques et de conduite à tenir en cas d'indisponibilité, à définir dans les Règles Générales d'Exploitation.
     Vérification des matériels pour les conditions des accidents graves
     A l'instar de la démarche de qualification des matériels aux conditions accidentelles de dimensionnement, l'IRSN estime nécessaire qu'EDF complète et consolide le référentiel «accidents graves» en vue d'assurer la traçabilité et la pérennité des éléments de vérification et établisse une note définissant les critères d'analogie pour la vérification des matériels pour les conditions des accidents graves. L'IRSN recommande également qu'EDF mène une étude sur la définition d'un profil de conditions de chargement « pré-accident grave ».
     Exigences liées au système d'aspersion dans l'enceinte
     Pour ce qui concerne en particulier le système d'aspersion dans l'enceinte, les seules exigences figurant dans le référentiel sont des exigences à court terme. Seules sont considérées nécessaires les fonctions «isolement de la troisième barrière» ainsi que «injection de soude dans le bâtiment réacteur» pour les réacteurs des paliers P4, P'4 et N4. Les fonctions «rabattement des produits de fission» et «dépressurisation de l'enceinte» ne sont assorties d'aucune exigence particulière.
     L'IRSN estime donc nécessaire que la prochaine version du référentiel précise les exigences à court terme et à long terme pour le système d'aspersion dans l'enceinte.
suite:
    Réévaluation du «terme source de référence S3»
     Le «terme source de référence S3» est un rejet typique, représentatif des accidents graves conduisant à des rejets différés dans le temps et par des voies de transfert assurant une certaine rétention des radionucléides. Il a été historiquement défini sur la base des études du rapport WASH1400 (rapport Rasmussen; Gazettes N°11, N°28, N°82, N°227, Infonuc / Tchernobyl) appliquées aux centrales françaises et modifiées à diverses reprises pour tenir compte des évolutions des connaissances.
     L'ASN a demandé l'avis du Groupe Permanent d'experts sur la démarche générale et la méthode de réévaluation du «terme source de référence» par EDF pour le palier CPY, ainsi que sur la validité des méthodes et des hypothèses spécifiques au palier 1.300 MWe.
     L'approche d'EDF pour la réévaluation du «terme source de référence» du palier CPY est basée sur la détermination d'un unique «terme source» indépendant d'un scénario d'accident grave, construit comme une enveloppe des «termes sources» associés à des scénarios représentatifs déduits d'une étude probabiliste de sûreté de niveau 2.
     La nouvelle méthode d'évaluation qu'EDF prévoit d'appliquer au palier 1300 MWe repose sur une catégorisation préalable des scénarios, par niveaux de rejets équivalents dans l'environnement. À chaque catégorie est associé un niveau de rejets qu'EDF considère comme enveloppe. Ces rejets sont, soit spécifiquement calculés, soit eux-mêmes enveloppés par ceux d'une autre catégorie menant à des rejets supérieurs, soit jugés par EDF comme systématiquement et a priori «compatibles» ou «incompatibles» avec les objectifs radiologiques du référentiel «accidents graves».
Construction et rôle des nouveaux «termes sources»
     L'IRSN considère recevable le fait que les nouveaux «termes sources de type S3» évalués par EDF pour les paliers CPY et 1.300 MWe ne soient plus uniquement construits sur la base d'une approche déterministe mais intègrent désormais un volet probabiliste par valorisation des résultats des EPS de niveau 2, ceci conformément à la définition des exigences du référentiel «accidents graves».
     Palier CPY - Choix des scénarios représentatifs issus de l'EPS de niveau 2
Si l'IRSN considère recevable, su     r la forme, la démarche de sélection des scénarios d'accident grave utilisés en support à la réévaluation du «terme source de référence S3» pour le palier CPY, il estime, en revanche, que celle-ci ne permet pas, in fine, de vérifier de manière complète et satisfaisante l'atteinte des objectifs probabilistes et radiologiques du référentiel «accidents graves».
     En outre, EDF devrait tenir compte des états d'arrêt des réacteurs dans sa démonstration du respect des objectifs probabilistes et radiologiques définis dans le référentiel «accidents graves».
     Palier 1.300 MWe - Nouvelle approche basée sur une catégorisation des rejets
     D'une manière générale, l'IRSN considère recevable la nouvelle approche d'EDF. L'application de cette démarche couplée aux exigences du référentiel « accidents graves » constitue, selon l'IRSN, une amélioration notable pour l'étude des risques associés aux accidents graves. En effet, l'ensemble des séquences font l'objet d'une évaluation probabiliste ou radiologique et la démarche de catégorisation permet de mettre en évidence des séquences particulières.
     L'IRSN attire l'attention sur le fait que, aussi longtemps que les résultats des EPS de niveau 2 ne sont pas connus, les premiers résultats obtenus avec cette méthode ne peuvent être que préliminaires et ne permettent pas de satisfaire en totalité aux exigences du référentiel «accidents graves».
     Inventaire en produits de fission du coeur
     L'IRSN estime nécessaire qu'EDF justifie les inventaires en produits de fission du coeur utilisés pour les paliers CPY et 1.300 MWe. En outre, l'IRSN estime nécessaire qu'EDF retienne la (ou les) gestion(s) de combustible(s) mise(s) en oeuvre sur le palier étudié.
     Taux de relâchement des produits de fission en cuve et hors cuve
     L'IRSN considère, à ce jour, recevables les taux de relâchement des produits de fission en cuve et hors cuve proposés par EDF pour l'évaluation des «termes sources» des paliers CPY et 1.300 MWe.
     Taux de rétention des produits de fission dans le circuit primaire
     L'IRSN considère recevables les taux de rétention des produits de fission retenus dans le cadre des études relatives aux paliers CPY et 1.300 MWe, à l'exception des valeurs retenues pour les produits de fission volatils dans le cas de scénarios de dégradation du coeur à cinétique lente.
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     Physico-chimie de l'iode
     L'IRSN estime nécessaire qu'EDF évalue la quantité d'argent minimale se déposant dans les puisards avec un pH acide en cas de situation de fusion partielle du coeur et vérifie son impact sur la quantité d'iode gazeux relâchée dans l'enceinte de confinement.
     L'IRSN considère que la fraction d'iode moléculaire rejetée par la brèche du circuit primaire dans l'atmosphère de l'enceinte de confinement, proposée par EDF pour le palier CPY, est raisonnablement majorante. En outre, l'IRSN considère que les récents résultats obtenus lors d'un essai tendant à représenter les conditions obtenues pour un réacteur du palier 1300 MWe doivent amener à s'interroger sur le bien fondé de la reconduction, pour ce palier, des hypothèses retenues pour le palier CPY. Sur ce point, l'IRSN attire l'attention sur le fait que les programmes expérimentaux dédiés à l'amélioration des connaissances relatives à la physico-chimie de l'iode vont s'étendre au-delà des troisièmes visites décennales des réacteurs du palier 1.300 MWe. Par conséquent, l'IRSN estime nécessaire qu'EDF réactualise le «terme source» du palier 1.300 MWe en tenant compte des résultats d'interprétation de la R&D disponibles à l'échéance des troisièmes visites décennales des réacteurs du palier 1300 MWe.
     L'IRSN partage la position d'EDF sur l'importance relative de l'argent oxydé à réagir avec l'iode présent dans les puisards et ainsi limiter voire inhiber la production d'iode moléculaire en phase aqueuse et estime recevable l'hypothèse proposée par EDF.
     Par ailleurs, EDF considère que la totalité de l'iode moléculaire présent dans l'atmosphère de l'enceinte de confinement est adsorbée de façon définitive sur les parois de l'enceinte de confinement. L'IRSN ne partage pas cette position et estime nécessaire qu'EDF prenne en compte le phénomène de désorption dans les évaluations des «termes sources».
     En outre, l'IRSN souligne qu'à l'instant de la mise en oeuvre de la procédure d'éventage et de filtration de l'enceinte, l'équilibre qui pouvait régner dans cette dernière va se trouver fortement perturbé. L'IRSN considère que cette phase de l'accident pourrait conduire à une désorption supplémentaire d'iode moléculaire et à la formation d'iode organique ; l'IRSN estime nécessaire qu'EDF procède à une étude de ce sujet.
     Enfin, l'IRSN considère recevable la fraction d'iode organique rejetée dans l'environnement à l'instant de la mise en oeuvre de la procédure d'éventage et de filtration de l'enceinte, telle que définie par EDF.
     Interaction corium-béton
     Si l'IRSN considère recevable l'hypothèse d'EDF de maximiser le taux de fuite de l'enceinte pendant la totalité de l'accident pour le palier CPY, afin de s'affranchir des incertitudes relatives à la mise en pression de l'enceinte de confinement pendant la phase d'interaction corium-béton, il estime en revanche nécessaire qu'EDF justifie l'évolution de la pression dans l'enceinte de confinement pour le palier 1.300 MWe.
     Systèmes de ventilation des bâtiments périphériques
L'IRSN estime nécessaire qu'EDF tienne compte des exigences associées aux systèmes de ventilation des bâtiments périphériques dans les évaluations des «termes sources».
     Physico-chimie du ruthénium
     Le comportement particulier du ruthénium dans l'enceinte de confinement n'étant pas pris en compte dans les évaluations des "termes sources" des paliers CPY et 1.300 MWe, l'IRSN estime nécessaire qu'EDF modélise, sur la base de l'état de l'art, le comportement du ruthénium dans l'enceinte de confinement dans ses évaluations en raison de la forte radiotoxicité associée à cet élément chimique.
     Extension de la troisième barrière de confinement
     La possibilité de fuites de circuits constituant une «extension de la troisième barrière de confinement» n'étant pas prévue dans les évaluations par EDF des «termes sources» des paliers CPY et 1.300 MWe, l'IRSN estime nécessaire que, pour l'ensemble des scénarios d'accident grave faisant l'objet d'une évaluation de leurs conséquences radiologiques, EDF retienne la possibilité de fuites de ces circuits.
     Gestion de l'eau dans le puits de cuve
     La réduction du risque de percée du radier, en cas d'accident grave menant à la percée du fond de la cuve, est un objectif de sûreté important. A cet égard, l'ASN a demandé l'avis du Groupe Permanent d'experts sur la stratégie de gestion de l'eau dans le puits de cuve et les risques associés. Dans ce cadre, EDF a transmis un dossier technique comprenant un bilan de l'état de l'art des dispositions mises en oeuvre sur les autres centrales que celles exploitées en France et relatives au noyage du puits de cuve, des évaluations techniques ainsi que sa position sur les points suivants:
     - le risque de défaillance de l'enceinte de confinement lié à une éventuelle explosion de vapeur lors de la percée du fond de la cuve et de la coulée du corium dans un puits de cuve préalablement noyé;
     - le risque de criticité du corium hors cuve;
suite:
     - le risque de mise en pression de l'enceinte conduisant à une défaillance précoce de celle-ci en cas d'injection d'eau sur un corium en cours d'interaction avec le radier, dès la percée du fond de la cuve et dans le cas où le système d'aspersion dans l'enceinte n'est pas en fonctionnement.
     Risques liés à une éventuelle explosion de vapeur dans le puits de cuve
     Le comportement du puits de cuve lors d'une éventuelle explosion de vapeur est déterminé par EDF au moyen d'un chargement dynamique de découplage appliqué sur les parois internes du puits de cuve, puis de calculs aux éléments finis.
     Au terme de son analyse, l'IRSN considère que le chargement de découplage dans le puits de cuve choisi par EDF dans ses études ne peut pas être considéré comme «enveloppe». Selon l'IRSN, il conviendrait qu'EDF considère, compte tenu des résultats des EPS de niveau 2, plusieurs couples [scénarios; chargements].
     Pour ce qui concerne les calculs aux éléments finis, l'IRSN souligne le travail réalisé depuis 2004 par EDF et constate que les calculs conduisent à de possibles déplacements «centimétriques» des planchers, ce que les études réalisées par l'IRSN tendent à confirmer. Face à ces résultats, EDF conclut, à l'inverse de l'IRSN, qu'il n'y a pas de risque de perte d'étanchéité de l'enceinte de confinement par contact entre les planchers et la paroi de l'enceinte, ceci pour tous les paliers étudiés.
     Dans ces conditions, l'IRSN estime nécessaire qu'EDF se prononce sur le degré de conservatisme attaché aux calculs de mécanique réalisés avec une géométrie axisymétrique en regard de calculs 3D et sur le risque de perte d'étanchéité de l'enceinte par suite des effets secondaires d'une explosion de vapeur dans le puits de cuve, tels que ceux liés à l'ébranlement, sinon l'écroulement, de matériels lourds reposant sur les planchers ainsi que sur les conséquences à en tirer en termes de gestion des accidents graves
     Risque de criticité du corium noyé hors cuve
     L'IRSN considère, comme EDF, qu'il n'y a pas de risque de criticité du corium hors cuve si le puits de cuve est rempli avec l'eau du réservoir PTR avant la percée de la cuve.
     L'IRSN estime néanmoins nécessaire qu'EDF démontre la très faible probabilité des situations pour lesquelles le remplissage du puits de cuve ne serait que partiellement réalisé avant la percée du fond de la cuve avec une concentration en bore insuffisante pour assurer la sous-criticité du corium.
     Risque de mise en pression de l'enceinte de confinement due à une injection d'eau sur un corium en cours d'interaction avec le béton
     A l'issue de son analyse, l'IRSN considère que le risque de mise en pression de l'enceinte de confinement conduisant à une défaillance précoce de celle-ci, du fait d'une injection d'eau sur un corium en cours d'interaction avec le béton, dès la percée du fond de cuve et alors que le système d'aspersion dans l'enceinte n'est pas en fonctionnement, n'est pas important.
     Stratégie de gestion de l'eau dans le puits de cuve
     Compte tenu des éléments disponibles sur les avantages et les inconvénients associés au noyage du puits de cuve, EDF maintient actuellement sa stratégie de conduite qui vise à renoyer le coeur en cuve et à ne pas empêcher l'alimentation en eau du puits de cuve par le système d'aspersion dans l'enceinte (avec les précautions nécessaires pour éviter une production massive d'hydrogène et la rupture de la cuve en pression). Néanmoins, EDF convient que le dossier n'est à ce jour pas conclusif et estime que, dans le cadre de la préparation des troisièmes visites décennales des réacteurs du palier 1.300 MWe, il devrait disposer de plus d'éléments pour comparer les diverses stratégies possibles.
     A l'issue de son analyse, l'IRSN estime nécessaire que, à l'échéance des troisièmes visites décennales des réacteurs du palier 1300 MWe, EDF présente une actualisation du bilan des avantages et inconvénients du noyage du puits de cuve et propose une gestion de l'eau dans le puits de cuve, avec les moyens pour la mettre en oeuvre, confortée par une EPS de niveau 2 reposant sur un nombre plus important de calculs supports.
     Dans le cadre de l'établissement de cette stratégie, l'IRSN estime en particulier que devraient être comparées, sur la base d'un bilan des avantages et des inconvénients, les stratégies suivantes:
     - noyer volontairement le puits de cuve jusqu'aux boucles du circuit primaire, avant la percée de la cuve;
     - noyer volontairement le puits de cuve, mais avec un niveau d'eau dans le puits de cuve limité au niveau d'eau maximal dans les puisards;
     - assurer un puits de cuve sec jusqu'à la percée du fond de la cuve puis injecter volontairement de l'eau à cet instant sur le corium;
     - ne rien faire par rapport à la situation actuelle, c'est-à-dire ne pas empêcher l'alimentation en eau du puits de cuve par le système d'aspersion dans l'enceinte.
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     Ouverture "anticipée" du dispositif d'éventage - filtration de l'enceinte de confinement pour prévenir la fusion du coeur
     Une ouverture "anticipée" du dispositif d'éventage-filtration, prévu pour écrêter la pression dans l'enceinte de confinement en cas de fusion du coeur, pourrait permettre d'évacuer la puissance résiduelle dissipée dans cette enceinte en cas de brèche du circuit primaire avec défaillance du système d'aspersion dans l'enceinte, afin de maintenir la température de l'eau des puisards à une valeur compatible avec le fonctionnement du circuit d'injection de sécurité dans le circuit primaire, prolongeant ainsi le refroidissement du coeur.
     L'ASN a demandé au Groupe Permanent d'experts un avis sur l'efficacité de cette stratégie et en particulier sur:
     - la validité et l'éventuel bénéfice de cette stratégie à court terme;
     - le caractère réutilisable et efficace du dispositif d'éventage-filtration après son éventuelle refermeture.
     La position actuelle d'EDF sur le sujet est formalisée dans les guides d'action des équipes de crise  (GAEC) des paliers CPY et 1.300 MWe.
     Si l'IRSN ne réfute pas l'intérêt de la mise en oeuvre de cette stratégie, notamment pour éviter la défaillance de l'enceinte par mise en pression, il estime en revanche nécessaire qu'EDF étudie, en préalable, la possibilité de mettre en place d'autres solutions qui ne nécessitent pas l'ouverture du dispositif d'éventage-filtration. À ce titre, l'IRSN recommande qu'EDF décline et priorise dans le GAEC Stratégie les solutions retenues, l'ouverture «anticipée» du dispositif d'éventage-filtration ne devant intervenir qu'en dernier recours.
suite:
      Risque de colmatage des puisards en situation d'accident grave
     L'ASN a demandé l'avis du Groupe Permanent d'experts sur les risques associés à l'entraînement de débris dans les puisards en situation d'accident grave, plus précisément sur l'évaluation de la charge de débris pouvant affecter les circuits de sauvegarde et les filtres des puisards.
     Pour EDF, compte tenu du fait que les nouveaux dispositifs de filtration des puisards sont dimensionnés aux conditions de fonctionnement de dimensionnement, la défaillance de ces dispositifs ne pourrait provenir que de situations d'accident grave conduisant à un début de colmatage des filtres avec une quantité de débris supérieure à celle retenue pour leur conception.
     Sur ce point, EDF conclut que les nouveaux filtres disposent d'une marge considérable au colmatage et que, si d'éventuels effets chimiques devaient se produire, ils n'auraient pas d'impact sur le colmatage.
     D'une manière générale, l'IRSN estime que le dossier d'EDF sur la caractérisation des débris en situation d'accident grave est insuffisant pour conclure. Compte tenu du rôle du système d'aspersion dans l'enceinte en cas de dégradation du coeur, l'IRSN considère qu'EDF doit engager un programme d'études de caractérisation des débris formés en situation d'accident grave.
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ASN
Objet: Contrôle des installations nucléaires de base
Inspection n° INS-2009-CEAMAR-0012 du 30 juillet 2009 à la Centrale Phénix (INB n°71)
Marseille, le 03 août 2009

     Monsieur le Directeur, 
     Dans le cadre de la surveillance des installations nucléaires de base prévue à l'article 40 de la loi n°2006-686 du 13 juin 2006, une inspection inopinée a eu lieu le 30 juillet 2009 concernant la réalisation des essais fin de vie sur la Centrale Phénix. 
     J’ai l'honneur de vous communiquer ci-dessous la synthèse de l'inspection ainsi que les principales demandes et observations qui en résultent. 

     Synthèse de l'inspection
     L’inspection inopinée du 30 juillet 2009 portait sur les essais dits «fin de vie» de la Centrale Phénix. Ces essais sont destinés à compléter les connaissances sur la filière des réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium. Ils ont fait l’objet d’une autorisation de l’ASN par décision n°2009-DC-0131 du 17 février 2009 et se dérouleront jusqu’à la fin de l’année 2009. L’inspection a principalement été axée sur le dernier essai fin de vie en puissance nommé «Interaction DAC/Fertiles soit Interaction entre un assemblage fortement modérateur nommé DAC et des assemblages fertiles» qui a pour objectif de consolider des hypothèses sur les phénomènes à l’origine des scénarios des arrêts d’urgence par réactivité négative. Les inspecteurs ont ainsi examiné l’organisation mise en place pour la réalisation de cet essai et ont notamment consulté le planning des intervenants requis et les formations dispensées. Ils se sont également intéressés par sondage aux résultats de certains contrôles et essais périodiques, essentiellement pour ce qui concerne des équipements de sûreté requis pour l’essai fin de vie. Enfin, une visite de la salle de commande a été effectuée. 
     Au vu de cet examen par quadrillage, l’organisation mise en œuvre pour la réalisation de l’essai fin de vie «Interaction DAC/Fertiles» n’a pas soulevé de remarque majeure. La gestion des contrôles et essais périodiques devra en revanche être améliorée. Les inspecteurs ont en outre appelé l’exploitant à plus de rigueur au sujet des formations délivrées aux principaux acteurs requis pour les essais fin de vie. Cette inspection a fait l’objet de l’établissement d’un constat d’écart notable concernant l’absence de réalisation d’essais périodiques relatifs à la détection de bouchage des assemblages.

suite:
     A. Demandes d’actions correctives
     Contrôles et essais périodiques relatifs à la détection de bouchage des assemblages
     Les inspecteurs ont constaté que les essais périodiques n°144 et 145, relatifs au fonctionnement des relais de sortie de la détection de bouchage des assemblages incluse dans le système de Traitement Rapide des Températures du Cœur (TRTC) n°1 et 2, n’avaient pas été réalisés depuis le 26 mai 2009, alors que les règles générales d’exploitation en vigueur fixent une périodicité bimensuelle. Vous avez justifié ceci par le fait que ces contrôles périodiques ne peuvent être effectués que si le réacteur est en puissance. Toutefois, depuis le 26 mai 2009, le réacteur a été plusieurs fois en puissance sans que ces contrôles périodiques n’aient été réalisés, ce qui a été jugé non satisfaisant par les inspecteurs. En outre, la détection de bouchage des assemblages fait partie de la chaîne de protection du réacteur et doit être opérationnelle durant un essai en puissance. Ainsi, dans son courrier d’autorisation relatif à l’essai fin de vie «Interaction DAC/Fertiles», l’ASN vous a demandé de vous assurer que, «préalablement à sa réalisation, la sûreté de cet essai fin de vie n’était pas remise en cause par le fait que les essais périodiques précités n’ont pas été effectués selon la fréquence requise et de mettre en œuvre les actions appropriées». Vous avez répondu à cette réserve par télécopie CEA/CEN/MAR/DIR/DO 49 du 30 juillet 2009. 
     Les inspecteurs ont par ailleurs noté que les précédents essais n°144 et 145 avaient été réalisés le 4 mars 2009. 
     1. Je vous demande de justifier le fait que les essais périodiques n°144 et 145 n’ont pas été réalisés selon la périodicité prévue. 
     2. Je vous demande de garantir le respect du référentiel de sûreté de l’installation en vous assurant que les contrôles et essais périodiques prévus par le chapitre 9 des règles générales d’exploitation en vigueur sont réalisés selon les périodicités fixées.
     3. Je vous demande en outre de vous assurer que ce référentiel de sûreté est adapté à l’exploitation actuelle du réacteur. Le cas échéant, vous déclarerez à l’ASN les modifications à apporter en précisant les justifications appropriées.
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     Contrôles et essais périodiques relatifs au fonctionnement des barres de commande
     Les inspecteurs ont consulté les résultats de l’essai périodique n°507 relatif au fonctionnement des barres de commande, réalisé le 29 juillet 2009 et déclaré conforme. Il est apparu que la durée entre l’instant où les barres de commande sont insérées à 5/6ème de leur insertion maximale et le déclenchement de l’arrêt d’urgence n’était pas renseignée pour les barres de commande n°2, 4 et 5. Vous avez indiqué que cette mesure est une simple information et ne constitue pas un critère de sûreté à respecter pour assurer le bon fonctionnement des barres de commande.
     4. De façon générale, je vous demande de distinguer, dans les comptes-rendus des contrôles et essais périodiques, les critères de sûreté à respecter impérativement et les simples informations. En particulier, vous me présenterez cette distinction pour l’essai périodique n°507. 
     Formation
     Les inspecteurs se sont intéressés aux formations dispensées aux différents intervenants participant à l’essai fin de vie «Interaction DAC/Fertiles». Ils ont noté que les formations décrites dans le programme de principe d’essai n’étaient pas toutes strictement mises en œuvre. En particulier, la formation des équipes sur simulateur, axée sur les activités sensibles, est prévue entre 2 mois et 1 semaine avant l’essai. Or, cette simulation a été dispensée début 2009 pour un essai programmé fin juillet 2009. Toutefois, la formation hors simulateur des équipes a été effectuée entre fin juin 2009 et début juillet 2009. 
     5. Pour les prochains essais fin de vie, je vous demande de respecter le programme de formation défini dans le programme de principe d’essai. 

     B. Compléments d’information
     Alarmes d’aérosols de sodium
En salle de commande, les inspecteurs ont noté qu’une alarme concernant la détection d’aérosols de sodium au niveau du générateur de vapeur n°1 s’était déclenchée à plusieurs reprises.

suite:
     Vous avez expliqué que cette alarme était fugitive, c’est à dire qu’elle s’active et s’acquitte quasi-immédiatement signifiant que le défaut a disparu. Vous avez par ailleurs précisé qu’une réelle fuite de sodium serait mise en évidence par d’autres alarmes présentes en salle de commande. Néanmoins, des investigations sont en cours pour comprendre le déclenchement de cette alarme fugitive. 
     6. Je vous demande de me transmettre les conclusions des investigations relatives au déclenchement de l’alarme de détection d’aérosols de sodium dans le générateur de vapeur n°1, que vous avez qualifiée de fugitive et de mettre en œuvre les actions correctives nécessaires dans les plus brefs délais. 
     C. Observations 
     La formation du chef de quart prévu en poste pour la nuit du 30 au 31 juillet 2009 n’a pas pu être justifiée. Toutefois, les inspecteurs ont retenu votre engagement, au cours de l’inspection, d’assurer cette formation avant sa prise de quart et sa participation à l’essai. 
     Les inspecteurs ont noté que le calendrier des personnels présents en poste n’était planifié que pour les équipes de conduite. Il n’est pas défini à l’avance de suppléance ni de calendrier de présence des personnels requis pour la réalisation de l’essai hors équipes de conduite. C’est par exemple le cas des personnes en charge des opérations de manutention de la perche thermohydraulique. Il conviendra de vous assurer de la présence de chacun des agents prévus dans le programme de principe d’essai. 
     Vous voudrez bien me faire part de vos observations et réponses concernant ces points dans un délai qui, sauf avis contraire, n’excédera pas un mois. Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement, si possible par une référence, et d'en préciser, pour chacun, l'échéance de réalisation. 
Pour le Président de l'ASN et par délégation, l’Adjoint au Chef de la Division de Marseille / Signé par Christian TORD
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