NUCLEAIRE  CONTROVERSES NUCLEAIRES !
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Voici ce qu'écrivait, avant Tchernobyl, un groupe non-violent de Toulon...

ACCIDENT GRAVE DANS UNE CENTRALE NUCLEAIRE
LES CONSEQUENCES

Des dizaines de milliers de morts, immédiates ou différées?
L'exode définitif de millions de personnes?
La ruine de la nation? peut être...

     Ce texte, édité par le CLICAN (Centre local d'information et de coordination pour l'action non violente) de Toulon, a été diffusé sous forme de tract  avant Tchernobyl, vers les années 80. Il n'a pas pris une ride.
     La catastrophe majeure de Tchernobyl lui a donné, hélas une terrible confirmation. Il est toujours valable!

     Un réacteur, autre qu'un surgénérateur, ne peut pas exploser comme une bombe atomique. Mais il accumule une énorme quantité de corps radioactifs qui, libérés en partie dans l'atmosphère par un accident majeur, pourraient contaminer gravement non seulement le voisinage du site, mais des lieux peut être éloignés. Si les régions touchées étaient à forte concentration humaine, la catastrophe pourrait prendre alors une dimension épouvantable. Un accident majeur d'une usine de retraitement aurait, lui, des conséquences à l'échelle d'un continent comme l'Europe. Paradoxalement, c'est l'ampleur de ses conséquences qui fait le plus douter de la possibilité d'un tel accident. Pourtant... 

THREE MILE ISLAND
     A Three Mile Island, le 28 mars 1979, 2 heures 20 environ après le début de l'accident du réacteur, l'opérateur décide de téléphoner au responsable de la construction de la centrale. II a la chance de le trouver chez lui. Celui-ci lui conseille de fermer une vanne du pressuriseur du réacteur. Cette opération, en arrêtant une fuite importante du circuit d'eau de refroidissement du coeur du réacteur, dont le personnel de la centrale ne s'était pas rendu compte, évite la catastrophe. Que se serait-il passé si elle n'avait pas été réalisée à temps? (Il s'est fallu d'une demi-heure à une heure, d'après les experts officiels de la N.R.C., la commission nationale américaine de réglementation nucléaire). Le coeur aurait fondu complètement: une masse compacte formée du métal des gaines, d'uranium, de plutonium et de différents corps radioactifs produits lors de la fission du combustible, se serait effondrée sur la base de la cuve, la transperçant malgré ses 20 centimètres d'épaisseur d'acier. Elle aurait ensuite fait fondre le béton de l'enceinte de confinement pour s'enfoncer dans la terre jusqu'à une profondeur qu'il est impossible d'évaluer. Un nuage composé de gaz et d'aérosols de corps radioactifs se serait alors formé dans l'enceinte de confinement et se serait probablement répandu dans l'atmosphère au travers les brèches faites par l'explosion de vapeur due au contact de l'eau et du coeur en fusion, ou par le passage de celui-ci au travers de l'enceinte de confinement.
     Quelles seraient les conséquences d'un accident de ce type?

CERTITUDES ET INCERTITUDES SUR LES CONSEQUENCES D'UN ACCIDENT DE REACTEUR 
     Différentes études ont été faites sur ce sujet et une étude internationale commanditée par l'O.C.D.E. (Organisation de Coopération et de Développement Economique) est en cours. Certaines des indications techniques figurant dans le présent document ont été d'ailleurs précisées par un des experts participant à cette étude.
     Le problème de l'estimation de ces conséquences comporte un certain nombre de données connues et d'autres qui le sont moins. Ce qui est bien connu est la quantité de produits radioactifs qui se sont accumulés dans un réacteur au bout d'un certain temps de marche. Cette quantité est énorme. Il se fabrique et s'accumule par jour dans un réacteur de 1.000 MWe (méga watts électriques) une quantité de produits de longue vie radioactive (comme le Strontium 90 ou le Césium 137) à peu près équivalente à celle que libérerait l'explosion de quatre bombes de type Hiroshima. Un réacteur ayant fonctionné plusieurs années contient une quantité de ces corps du même ordre de grandeur que celle qui a été libérée dans I'atmosphère par toutes les explosions nucléaires (en radioactivité, plusieurs milliers de bombes Hiroshima). Il contient aussi une quantité de produits de courte vie radioactive, moins grande mais néanmoins considérable.
     Cependant, le danger présenté par la libération de ces corps lors d'un accident de réacteur est tout différent de celui d'une explosion où une grande partie des produits est projetée en haute altitude et met plusieurs années pour retomber, se dispersant sur toute la surface de la terre. De plus, ces explosions ont été échelonnées dans le temps et l'espace. Dans le cas du réacteur, la libération s'effectuerait près du sol, en un même lieu et en un même temps, d'où une très forte concentration de produits radioactifs se déplaçant sous la forme d'un nuage invisible mais mortel dans la direction du vent. Certes, la totalité des corps radioactifs ne serait sans doute pas libérée dans l'atmosphère lors de l'accident. La proportion qui s'échapperait est une première inconnue, mais les estimations les plus optimistes correspondent à des quantités très importantes, de l'ordre, pour les produits de longue vie radioactive, de celle que libéreraient des centaines de bombes type Hiroshima.
     Une autre inconnue concerne les conditions météorologiques (direction et vitesse du vent, stabilité de l'atmosphère) au moment de l'accident et pendant les heures qui suivent. De plus, même pour des conditions atmosphériques données, la dispersion dans l'atmosphère et le dépôt au sol des produits comportent une marge d'incertitude. Une chose est cependant certaine, c'est l'extraordinaire possibilité de diffusion de ces produit... En 1957, à Windscale, en Grande Bretagne, (c'est "Sellafield") la libération d'environ un cinquième de gramme d'Iode 131 avait contaminé 500 kilomètres carrés de terre de manière à rendre le lait impropre à la consommation pendant trois à cinq semaines et touché de façon significative plus de 19.000 kilomètres carrés, une superficie équivalente à celle de trois départements français, jusqu'à des distances dépassant 200 km. (En cas d'accident d'un réacteur de 1.000 MWe, c'est 3.000 fois cette quantité d'iode 131 qui pourrait être libérée).
     La dernière inconnue réside dans l'estimation, d'une part de la quantité de rayonnement, la dose (mesurée en rems), subie effectivement par un individu pour une concentration donnée du nuage; d'autre part, les dommages qu'il peut causer à l'organisme. Les études sur ce sujet sont faites par la C.I.P.R. (Commission Internationale de Protection Radiologique), en vue des réglementations concernant l'exposition aux radiations des travailleurs du nucléaire et du public. Mais le petit nombre des  membres de cette commission, dont certains, qui font carrière dans l'électro-nucléaire, sont à la fois juge et partie.

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La quasi exclusivité des recherches dosimétriques, l'absence de critiques extérieures et, ce qui est inquiétant, les positions manifestement pronucléaires de cette commission, des déclarations cyniques en particulier sur la nécessité de réviser certaines bases de calcul de façon à permettre la réalisation des centrales, peuvent faire craindre l'influence d'un parti-pris unilatéral sur ces estimations et augmenter leur marge d'incertitude. Il est, par exemple, troublant de constater que l'estimation par la C.I.P.R. de la nocivité d'un des plus gênants  radionucléides, le strontium 90, a été en dix ans, minorée dans un facteur 10.

ESTIMATION SUR LES CONSEQUENCES  RADIOLOGIQUES D'UN ACCIDENT DE REACTEUR . 
     Une étude a été réalisée en 1976 par l'Institut de Sûreté des réacteurs de République Fédérale d'Allemagne. On peut la transposer à tous les réacteurs de 1.000 MWe comme ceux de Tricastin ou de 1.300 MWe comme ceux qu'EDF envisage de construire à Plogoff en tenant compte de l'orientation possible des vents et du relief de la région choisie. Elle correspond à des conditions météorologiques défavorables où le vent est faible et l'atmosphère très stable. 
     Elle montre qu'en cas d'accident grave la dose subie par un individu se trouvant sous le vent du  réacteur, dans l'axe du vent, serait à un kilomètre supérieure à un million de rem; à 10 km, proche de 50.000 rem; et à 100km encore supérieure à 4.500 rem; la largeur de la zone où la dose reçue dépasserait 600 rem, ce qui correspond à une grande probabilité de mort immédiate ou différée, serait à 100 km sous le vent du réacteur, d'une dizaine de kilomètres, L'étude n'a pas été poussée au delà de 100 km mais la contamination pourrait évidemment s'étendre beaucoup plus loin. Une étude antérieure, le rapport Rasmussen,  donne des estimations qui bien qu'elles ne soient pas directement comparables par suite de I'utilisation de critères radiologiques différents, sont plus optimistes (1). Par exemple, la distance dans l'axe du vent où la probabilité de mort rapide est très élevée, ne dépasse pas 16 km.
     Le rapport Rasmussen (Gazettes Nucléaires N°11, N°28, N°82, N°227, Infonuc / Tchernobyl) a fait l'objet de vives critiques et, depuis l'accident de Three Mile Island, les faits ont d'ailleurs apporté à la partie de ce rapport qui traite des possibilités d'un accident un démenti cinglant: la fusion d'un réacteur qui a été évitée de peu à Three Mile Island y était jugée comme hautement improbable.
     Une étude récente (2) réalisée par le CEA finlandais utilisait les mêmes facteurs de diffusion atmosphérique et de dépôt au sol que ceux du rapport Rasmussen, mais une méthode de calcul par ordinateur beaucoup  plus réaliste a montré que, sur un point important, les résultats de ce rapport devaient être considérés comme entièrement  faux: dans certaines circonstances météorologiques, la proportion de produits radioactifs encore en suspension dans l'atmosphère à grande distance du lieu de I'accident est considérablement plus forte que dans le rapport Rasmussen, Si bien qu'en cas de pluie précipitant au sol ces produits, les habitants d'une ville éloignée de plusieurs centaines de kilomètres pourraient être gravement contaminés, 
     On peut craindre que des erreurs aussi graves ne se soient glissées dans d'autres  extrapolations du rapport Rasmussen, par exemple celles qui traitent dea proportion de produits s'échappant du réacteur ou des estimations dosimétriques. Il est donc prudent de prendre très au sérieux les estimations plus pessimistes de l'étude de RFA) 

LES CONSEQUENCES A LONG TERME
     La particularité d'un éventuel accident de réacteur réside dans l'irréversibilité de ses effets.
     La zone initialement touchée par le dépôt des produits à longue vie radioactive lors du passage du nuage devrait être évacuée pour des décennies, et non seulement cette zone, mais aussi les régions plus ou moins voisines, car les vents soufflant ensuite sur cette zone et y soulevant des poussières à forte concentration radioactive pourraient les transporter rendant le risque de contamination trop élevé. Si un accident au Tricastin touchait la basse vallée du Rhône, il ne semble pas exclu, par exemple, que non seulement les villes d'Orange, Avignon, Châteaurenard aient à être abandonnées, mais aussi Carpentras, Cavaillon, la région de Fos, Marseille Aix, Arles, Nimes, Montpellier, Sète, Béziers, et, vers le nord, Montélimar, Valence, non parce que la radioactivité y serait trop élevée en moyenne, mais parce que, certains jours de vent le risque de contamination par dépôt de poussières sur la peau et les aliments y serait inacceptable.
     Que ferait-on des personnes déplacées?
     Que ferait-on de cet immense trou radioactif dans le territoire français?

LES USINES DE RETRAITEMENT
     Les conséquences d'un accident majeur dans un des chaînons indispensables du développement nucléaire, le centre de stockage ou de retraitement du combustible usé, où peut s'accumuler une cinquantaine de coeurs de réacteurs seraient extrêmement plus graves que celles d'un accident de réacteur. Par vent d'ouest, un nuage radioactif issu de La Hague, dans le Cotentin, pourrait encore provoquer des dégats considérables en U.R.S.S.,contaminant tout sur son passage.

EN GUISE DE CONCLUSION
     Tels sont les risques auxquels nous exposerait un accident grave dans un réacteur nucléaire ou une usine de retraitement. Et il ne s'agit nullement d'hypothèses invraisemblables: en Union soviétique, à l'est de l'Oural, une immense zone est désormais interdite à la suite d'un accident nucléaire survenu à la fin des années 50.
     Les accidents graves ne sont d'ailleurs pas Ie seul danger que présente l'énergie nucléaire. C'est en permanence que les rejets gazeux, liquides et solides des centrales contaminent l'environnement, même en fonctionnement «normal». Il s'agit certes de radiations a faibles doses mais des études récentes en ont montré les dangers, jusqu'à présent sous-estimés. Les mines d'uranium rejettent en permanence du radon, gaz radioactif, et leurs terrils sont une source, permanente elle aussi, de contamination. Mentionnons aussi, pour mémoire les risques d'accidents dans les surgénérateurs qui, eux, contrairement aux réacteurs ordinaires peuvent subir une explosion d'origine nucléaire ou des explosions classiques en raison  des 5.000 tonnes de sodium liquide qu'ils contiennent. (le sodium s'enflamme spontanément à l'air et explose au contact de l'eau). Faut-il aussi rappeler qu'en cas de guerre, les 200 réacteurs dont EDF à commencé à  parsemer la  France deviendraient autant de sources de contamination nucléaire mises à la disposition de l'adversaire par nos propres soins pour nous anéantir plus sûrement...