Avec une foi toute particulière,
le gouvernement français poursuit le programme nucléaire
tout azimuth: constructions de centrales type PWR 900 et 1300 MWe, programme
surgénérateur Superphénix 1.200 MWe et l'on parle
déjà de l'échelon suivant: le programme
«Saône» (2 tranches de 1.500 MWe), contrats
de retraitement avec tous les pays, vente de matériels à
l'exportation sans se préoccuper le moins du monde des dangers de
prolifération. Cette situation est particulière à
notre pays, nos gouvernants semblant croire que la croissance à
marche forcée va reprendre tôt ou tard, que la substitution
du nucléaire au pétrole permettra la relance et que l'exportation
de technologies sensibles ne pose aucun problème: nous n'avons pas
d'hégémonie à sauvegarder. Comme illustration sur
ce point, on peut remarquer qu'Israël envisage de s'adresser
à la France et éventuellement à l'Allemagne Fédérale
pour la fourniture d'un réacteur PWR (site de Nitzanim) et ce alors
que les Etats-Unis refusent de débloquer l'aide financière
nécessaire. Signalons qu'Israël refuse de signer le traité
de non prolifération nucléaire et refuse également
le contrôle par l'AIEA de ses installations de recherche de Dimona[1].
Ainsi donc la France s'enfonce dans son programme électro-nucléaire et le débat sur l'énergie nucléaire n'a toujours pas eu lieu. Là aussi il est intéressant de regarder ce qui se passe chez nos voisins: - en Autriche, un referendum national a eu lieu le 5 novembre 1975 et a conduit au refus du nucléaire[2]; - en Suisse, un referendum aura lieu le 28 février 1979; - en Belgique, un referendum local pour la Centrale d'Andeuve, près de Tihange, a eu lieu au début octobre. Il a donné les résultats suivants: 14.269 votants (participation 75,7%), 70% de votes opposés à l'implantation d'une centrale. Les différents mouvements qui combattent le nucléaire en apportant une information contradictoire à celle des milieux officiels, ont mis en évidence auprès de l'opinion publique l'importance des problèmes posés et la nécessité d'un débat démocratique sur la politique de l'énergie et sur l'orientation de la croissance. Il appartient à la collectivité des citoyens de décider si elle refuse les risques liés à l'utilisation industrielle de l'énergie nucléaire ou si elle les accepte et à quelles conditions. Et ce d'autant que dans la cacophonie mondiale actuelle où se préparent, espérons-le, des modes de civilisation encore insoupçonnés, les pays européens ont une position particulière. (suite)
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suite:
Les plus puissants d'entre eux ont fait leur révolution industrielle grâce au fer et au charbon tirés de leur sol et ils ont dominé le monde, donnant le signal du pillage du Tiers Monde et du gaspillage des matières premières qui a été poussé à la perfection par le capitalisme américain. Suivant le modèle américain, mais sans en avoir les mêmes moyens, la civilisation industrielle européenne s'est consolidée sur la certitude du bas prix des produits pétroliers: cette période est finie et ne reviendra pas. Les mêmes problèmes de tarissement des ressources et d'augmentation des prix ne tarderont pas à se poser pour toutes les matières premières et les pays européens n'arriveront pas, à moins d'efforts gigantesques qui peuvent s'avérer vains, à compenser leurs énormes besoins à l'importation par des exportations qui risquent d'être de plus en plus aléatoires dans une situation internationale tendue, surtout si elles perpétuent les relations de dominant a dominé du prétendu dialogue Nord-Sud. Le type d'exportation que symbolise le nucléaire se heurte en effet aux difficultés du transfert de technologies très complexes dans des pays dont l'infrastructure (matérielle et humaine) est faible, mais il représente aussi la transmission d'un certain type de développement capitaliste et productiviste qui bloque l'émergence d'équilibres nouveaux dans les pays du Tiers-Monde. La poursuite du type de croissance, faisant appel à toujours plus de matières premières, toujours plus d'énergie, toujours plus d'importations et d'exportations - quelle qu'en soit la nature - ne parait tout simplement pas possible. Elle n'est pas non pius souhaitable elle ne résout pas les inégalités au niveau mondial: elles les aggrave pour les pays du tiers-monde qui n'ont pas ou peu de matières premières sur leur territoire et ne peuvent en exporter, et exerce sur les travailleurs et les populations des pays industrialisés une pression insupportable: pollution, urbanisation, extension des mégapoles industrielles, inflation et chômage structurels. Par une double nécessité, la croissance des pays industrialisés européens doit être réorientée: il vaut mieux que cette nouvelle orientation soit discutée, planifiée, démocratiquement élaborée, plutôt que de la voir imposée par les faits. Nous espérons que ce numéro aidera à la réflexion par la comparaison entre les diverses situations nationales. p.1
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