La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°21 oct., nov. 1978
situation internationale du nucléaire:

LE DESENCHANTEMENT
EDITORIAL / SOMMAIRE


     Avec une foi toute particulière, le gouvernement français poursuit le programme nucléaire tout azimuth: constructions de centrales type PWR 900 et 1300 MWe, programme surgénérateur Superphénix 1.200 MWe et l'on parle déjà de  l'échelon  suivant: le programme «Saône»  (2 tranches de 1.500  MWe), contrats de retraitement avec tous les pays, vente de matériels à l'exportation sans se préoccuper le moins du monde des dangers de prolifération. Cette situation est particulière à notre pays, nos gouvernants semblant croire que la croissance à marche forcée va reprendre tôt ou tard, que la substitution du nucléaire au pétrole permettra la relance et que l'exportation de technologies sensibles ne pose aucun problème: nous n'avons pas d'hégémonie à sauvegarder. Comme illustration sur ce point, on peut remarquer qu'Israël  envisage de s'adresser à la France et éventuellement à l'Allemagne Fédérale pour la fourniture d'un réacteur PWR (site de Nitzanim) et ce alors que les Etats-Unis refusent de débloquer l'aide  financière  nécessaire. Signalons qu'Israël refuse de signer le traité de non prolifération nucléaire et refuse également le contrôle par l'AIEA de ses installations de recherche de Dimona[1].
     Ainsi donc la France s'enfonce dans son programme électro-nucléaire et le débat sur l'énergie nucléaire n'a toujours pas eu lieu. Là aussi il est intéressant de regarder ce qui se passe chez nos voisins:
     - en Autriche, un referendum national a eu lieu le 5 novembre 1975 et a conduit
au refus du nucléaire[2];
     - en Suisse, un referendum aura lieu le 28 février 1979;
     - en Belgique, un referendum local pour la Centrale d'Andeuve, près de Tihange,
a eu lieu au début octobre. Il a donné les résultats suivants: 14.269 votants (participation 75,7%), 70% de votes opposés à l'implantation d'une centrale. Les  différents mouvements qui combattent le nucléaire en apportant une information contradictoire à celle des milieux officiels, ont mis en évidence auprès de l'opinion publique l'importance des problèmes posés et la nécessité d'un débat démocratique sur la politique de l'énergie et sur l'orientation de la croissance. Il appartient à la collectivité des citoyens de décider si elle refuse les risques liés à l'utilisation industrielle de l'énergie nucléaire ou si elle les accepte et à quelles conditions.
     Et ce d'autant que dans la cacophonie mondiale actuelle où se préparent, espérons-le, des modes de civilisation encore insoupçonnés, les pays européens ont une position particulière.
suite:
     Les plus puissants d'entre eux ont fait leur révolution industrielle grâce au fer et au charbon tirés de leur sol et ils ont dominé le monde, donnant le signal du pillage du Tiers Monde et du gaspillage des matières premières qui a été poussé à la perfection par le capitalisme américain. Suivant le modèle américain, mais sans en avoir les mêmes moyens, la civilisation industrielle européenne s'est consolidée sur la certitude du bas prix des produits pétroliers: cette période est finie et ne reviendra pas. Les mêmes problèmes de tarissement des ressources et d'augmentation des prix ne tarderont pas à se poser pour toutes les matières premières et les pays européens n'arriveront pas, à moins d'efforts gigantesques qui peuvent s'avérer vains, à compenser leurs énormes besoins à l'importation par des exportations qui risquent d'être de plus en plus aléatoires dans une situation internationale tendue, surtout si elles perpétuent les relations de dominant a dominé du prétendu dialogue Nord-Sud. Le type d'exportation que symbolise le nucléaire se heurte en effet aux difficultés du transfert de technologies très complexes dans des pays dont l'infrastructure (matérielle et humaine) est faible, mais il représente aussi la transmission d'un certain type de développement capitaliste et productiviste qui  bloque  l'émergence d'équilibres nouveaux dans les pays du Tiers-Monde.
     La poursuite du type de croissance, faisant appel à toujours plus de matières premières, toujours plus d'énergie, toujours plus d'importations et d'exportations - quelle qu'en soit la nature - ne parait tout simplement pas possible. Elle n'est pas non pius souhaitable  elle ne résout pas les inégalités au niveau mondial: elles les aggrave pour les pays du tiers-monde qui n'ont pas ou peu de matières premières sur leur territoire et ne peuvent en exporter, et exerce sur les travailleurs et les populations des pays industrialisés une pression insupportable: pollution, urbanisation, extension des mégapoles industrielles, inflation et chômage structurels. Par une double nécessité, la croissance des pays industrialisés européens doit être réorientée: il vaut mieux que cette nouvelle orientation soit discutée, planifiée,  démocratiquement  élaborée, plutôt que de la voir imposée par les faits.

     Nous espérons que ce numéro aidera à la réflexion par la comparaison entre les diverses situations nationales.

p.1
1. Quant aux Egyptiens, ils semblent toujours désireux d'utiliser des explosifs nucléaires pour construire le canal permettant l'exploitation hydro-électrique de la dépression d'Al-Qattara.
2. Nous en reparlerons lors d'un prochain numéro.

SOMMAIRE
EDITO
Essor de l'industrie nucléaire
Les difficultés du développement du nucléaire
Stratégies énergétiques et place du nucléaire
Encarts: 1) CANDU et ses problèmes 2) les aborigènes d'Australie et le nucléaire 3) réacteurs à l'exportation 4) le programme Carter

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