La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°121/122, décembre 1992
LA SAGA DE L'URANIUM

Editorial / SOMMAIRE


     Un joli titre est utilisé dans une revue anglaise Physics World pour qualifier Superphénix: "Cleaner role proposed for trouble breeder" ce qui peut se traduire par un "poste d'éboueur préposé pour un géniteur à problème" (je vous rappelle que breeder signifie reproducteur et que ce mot a été choisi par les Américains au lieu de surgénérateur). Ils osent se moquer de notre bel oiseau? Ils sont jaloux!!
     En attendant restons vigilant parce que le Directeur de la Centrale continue d'affirmer sans état d'âme que la décision est politique et sans fondement technique. Le dossier DSIN ne laisse pourtant pas de doute: le côté technique laisse beaucoup à désirer et les Autorités de Sûreté ont réservé leur jugement à partir de données techniques et rien d'autre. En plus il suffit de lire Magnuc pour apprendre que Phénix, le petit frère se paie une fissure de 35cm perforante sur 20cm ET circonférentielle sur une des boucles (160cm de circonférence, cela fait un cinquième de troué) du circuit secondaire peut-être mais sous sodium quand même!!. Alors les réserves de la DSIN se justifient une fois de plus. Mieux, si elle ne les avait pas formulées, qui aurait vérifié Phénix? Car cette découverte met à mal la théorie de la fuite "précurseur": il n'y avait pas de fuite. Quand on vous dit qu'on a de la chance et des autorités qui font un gros travail.
     Sur les REP le gros point actuel est encore et toujours le problème des aciers. On reviendra sur tous les dossiers, les 1300, les 900, ainsi que la tête de série Fessenheim et son tronçon protégé. Si protégé signifie que ce tronçon doit être particulièrement bien soigné parce que particulièrement important alors il y a à revoir les procédures, les contrôles. Il est à craindre qu'on "se protège" avec... du papier et encore ils peuvent être falsifiés!
Voir à ce sujet les rapports de SpIe Batignoles pour les contrôles des soudures de Dampierre, les sociétés d'interim ont bon dos et le SN était bien pudique en parlant d'un prestataire. C'est un gros prestataire, bien connu (!) et il est intervenu quasi sur tous les réacteurs. Bonjour les dégats, qui va payer les réparations et surtout combien de soudures sont affectées? Certaines peuvent être situées à des endroits où on ne pourra jamais aller. Le problème est quasiment insoluble et pourtant les réacteurs existent!!
     Mais les ingénieurs d'EDF nous rassurent: si on n'a pas la solution ou si cette solution ne peut pas être appliquée immédiatement, ils prennent des mesures "compensatoires", par exemple moindre puissance, température plus basse, etc. Question: Est-ce que la mesure compensatoire de sûreté prise en attendant que les fixations des réacteurs des Boeing soient changées (les compagnies n'avaient pas envie de tout changer en même temps, frêt oblige...) a été la consigne... "volez plus bas"...?
     Parlons un peu de Pu ,ce noble résidu du retraitement!! Il faut convaincre nos politiques qu'accepter d'en faire commerce va multiplier les risques de le trouver sur le marché parallèle des armes. Cela risque de déstabiliser encore plus un monde fou qui ne sait que faire la guerre. Cependant ne soyons pas naifs: le Japon s'il le veut le peut déjà. Il a la technique et le Pu. En fera-t-il lui aussi des bombes et un commerce?
     Après tout le Pu est peut-être mieux stocké dans un pays qui ne fait pas d'essais et qui a seulement de tout petits surgénérateurs (à dire vrai il ferait mieux d'abandonner cette filière, miroir aux alouettes du nucléaire). Il a aussi de surcroît subi les effets des bombes et il est le seul.
     La Gazette fait l'examen des "petits" sites "oubliés" ainsi que l'examen d'enquêtes pour différents résidus.
p.1

     On est vraiment dans l'impasse. Une loi a été votée pour trouver des sites de stockage profond, pardon, des sites de laboratoires. Or rien n'est prêt au niveau des critères de prospection au moins pour les critères scientifiques. L'IPSN a en cours d'analyses et d'études des résultats provenant de ses LEMI (Laboratoire d'Etudes Méthodologiques et Instrumentales). Mais pour le moment il est largement prématuré de décider car il y a du travail avant de pouvoir conclure si on parvient à une conclusion. En effet il n'est pas possible de poser en a priori que le retraitement et le stockage profond sont les seules solutions sinon inutiles de faire des recherches, mieux vaut faire des calculs de simulations sur ordinateur. Au moins ce sera tout a fait clair: on trouvera ce qu'on a entré comme hypothèse et on cessera de faire croire qu'on a compris quelque chose au processus physique.
     De toute façon la France du monde nucléaire connaît un peu le granite mais pas grand chose des autres matériaux. Comme elle est toujours splendidement isolée elle n'a pas pris de contact pour les autres milieux (sels, schistes et argiles). Il y a des programmes CEE sur les stockages de déchets mais comment transposer aux sites français. Il y a aussi intérêt à utiliser l'expérience des autres industries pour avoir leur éclairage, leurs approches et même leurs échecs: stockage de gaz, d'hydrocarbures, sondage off-shore, relevé vulcanologique, etc. Il y a encore du pain
sur la planche avant de décider des sites sur des bases scientifiques pas sur des bases sociologiques.
     L'IPSN a pour le moment à l'étude (voir la carte ci-dessous pour la localisation):
     - le granite à Saint Sylvestre, Auriat, Fanay-Augères,
     - le schiste à Revin,
     - l'argile à Tournemines.
     mais les LEMI n'ont pas reçu des accueils enthousiasmes et ce type d'études est long.
     Ce problème de déchets est vraiment très délicat Il faut pourtant trouver des solutions. Mais il ne sera possible de démarrer qu'en faisant l'effort de:
     1 - limiter les déchets en limitant le programme nucléaire à ce qu'on est capable de gérer,
     2 - étudier les petits sites "oubliés",
     3 - faire le travail nécessaire sur ces sites et ne pas lésiner.
     Sans ces préliminaires le stockage des déchets restera infaisable!
     Certes la Gazette est pour limiter, arrêter même le retraitement. Cependant les déchets existent: mines, petits sites, combustibles usés etc. Il est exclu de les laisser. Il faut chercher et trouver une solutien transitoire peut-être, mais protégeant les populations et leur environnement maintenant. Quant au long terme il faut, certainement intensifier les recherches, mais seulement après avoir fait le point, un vrai point.
     C'est vrai l'écologie a fait du chemin. On l'étudie comme une philosophie, on cherche ce que les gens ont dans la tête, on leur prête des tas d'intentions. Bon, et alors?
     Tout ceci est inquiétant car en fait ça ne va pas bien, tout est au niveau du discours mais dans les faits il y a peu de progrès.
     La DSIN est toujours menacée. Tous les contrôlés ont du mal à supporter ses remarques.
     Le CSSIN n'existe plus de fait puisque devant être renouvelé, il ne l'a pas été et il ne s'est pas réuni depuis janvier 1992.
     Le SCPRI est toujours sous sa vieille forme. Aucune des remarques de C. Birraux (Office Parlementaire) n'a subi le moindre début d'exécution.
     Bien sûr rien ne va vite mais tout de même.
     Il y a eu une table ronde à l'Office parlementaire sur le Plan Particulier d'intervention (PPI). Sa nécessité est reconnue mais que se passe-t-il chaque fois qu'on a besoin d'un plan pour gérer une catastrophe ou plus gentiment un incident? Ça ne marche pas!
     Remarquez, ce n'est guère étonnant: l'affaire du sang contaminé nous remémore les dysfonctionnements possibles des instances. Pourquoi le nucléaire serait-il épargné?

     Bonne lecture, c'est le dernier numéro de l'année. N'oubliez pas de vous réabonner.

p.2a

Petit glossaire
Déchets de faible et moyenne actIvité (catégorie A)
     Ce sont les résidus de l'utilisation des radioéléments dans la recherche, la médecine, l'industrie et bien sûr les installations nucléaires. Les restes de démantèlement on font partie aussi. Ils contiennent principalement des corps de période courte. On calcule la quantité de chaque corps pour que le site de surface puisse être rendu à l'environnement dans 300 ans. On limite la quantité d'émetteurs alpha à 3,7 GBq/t par colis et 0,37 GBq/t en moyenne sur tous les colis. Ils sont stockés sur les sites de la Manche (fermé) et le site de Soulaines. On on produit environ 30.000 m3 par an sous forme conditionnée.

Déchets à vie longue (Catégorie B)
     Ces déchets proviennent du fonctionnement des installations nucléaires en particulier la Hague, Marcoule et Mélox Ils ont une activité alpha supérieure à 3,7 GBq/t. Leur stockage est envisagé en formation géologique profonde. Un entreposage est on cours de réalisation à Cadarache. Leur production est d'environ 1.000 m3 par an sous forme conditionnée.

Déchets de très haute activité (déchets C)
     Ces déchets proviennent du retraitement des combustibles. Ils contiennent la quasi totalité des produits de fission et sont fortement contaminés en alpha. Comme ils dégagent beaucoup de chaleur ils sont entreposés avant stockage. En France ils seront conditionnés dans le verre. Dans d'autres pays c'est le combustible qui est le déchet et que l'on conditionnera. Leur stockage est envisagé en formation géologique profonde.

Ils sont, pour le moment, entreposés à la Hague et Marcoule. Leur production était 50 m3 par an en 989 et remontera à environ 100 m3 par an (si la Hague marche bien!).

Déchets miniers
     Ils contiennent les familles de l'Uranium et du Thorium soit principalement Radium et radon. Ils sont contaminés par des émetteurs alpha. Ils sont stockés sur les sites et en cas d'abandon de la mine que fait-on? On entame les procédures d'abandon ce qui a conduit à la situation actuelle: lac de rétention avec Radium, verses à stériles contaminées à des niveaux incompatibles avec les textes (ça on a l'habitude) mais surtout incompatible avec la santé des populations. Les tonnages sont les suivants (voir Gazette n°113/114 pour plus de détails):
     exploitation minière: environ 20 Mt-à faible teneur (mais laquelle?)
     traitement des minerais: environ 26 Mt de résidus fins (700 téraBq de radium) et 17 Mt de résidus grossiers(54 téraBq de radium).

Déchets très faiblement actifs
     Déchets de démantèlement et d'entretien des installations. Il n'y a pas de définition pour ce type de déchets. De plus il y a un trou juridique car on définit un contenu massique 100 Bq/g ou un contenu total 5.000 Bq. L'analyse des différents sites où on a stocké sans avoir les 2 limites conduit aux problème de Saint-Aubin, du Bouchet et des sites de mines. C'est pourquoi il faut un contenu massique ET un contenu total sinon ce sera gravissime pour les populations. Les tonnages sont élevés et, à partir du moment où on va démanteler, ils vont croître vertigineusement, d'où la bagarre du clan nucléaire pour faire admettre des valeurs qui l'arrange.

p.2b
Sites expérimentaux


ERRATA
     Malgré nos efforts, il y a toujours des erreurs qui nous échappent (elles sont installées sur le web!):

Gazette N°119/120:
     Page 7, En Biélorussie: cancers de la thyroïde chez les enfants, un paragraphe a sauté:
     "L'effet combiné du niveau élevé de rayonnement par les retombées radioactives et du nombre important de personnes exposées peu de temps après l'émission du panache font de Tchernobyl un événenent sans précédent. Aux Iles Marsshall bien que les doses aient été notablement comparables, le nombre de personnes exposées a été beaucoup plus faible de plusieurs ordres de grandeur. Dans le cas de l'accident de Windscale..."

     page 29, 2è col.: Madame Veil s'est transformé en Malade (le lecteur aura rectifié de lui~rnême).
     Page32: La fusion:
     - 200 millions de curies = 7,4 1018 Bq (voir le tabeau page2)
     - le Meson m est un meson mou ou m
Gazette N°117/118:
     Page 4, Les nouvelles recommandations de la CIPR
     Les effets héréditaires: le nombre pondéré des effets héréditaires attendus dans toutes les générations est de 10-2 par Sievert pour la population.
     Page 14, Le suivi de mortalité des travailleurs de l'industrie nucléaire briannique. Pour les leucémies: l'excès de décès observé par rapport au nombre attendu est de 430% par Sievert soit 4,3 Sv-1. Pour les myélomes multiples il est de 6,87Sv-1
p.3b

SOMMAIRE

EDITO
C'est beau la France!
L'utilisation du plutonium: l'emballage FS-47; le dossier ACRO; la position Verte
Déchets St-Aubin-Le Bouchet: lettre au ministère de l'Environnement; conseil municipal de Ballancourt; St-Aubin; Le Bouchet
Enquêtes publiques; les radifères de Rhône-poulenc; la concession de St-Symphorirn-de-Marmagne; le dossier de la mine de l'Uzège
Melox; retraitement au niveau mondial

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