EDF - Coûts de démantèlement
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Aux charges de démantèlement, s’ajoutent celles « pour derniers cœurs » qui « correspondent d’une part, au coût du stock de combustible en réacteur non totalement irradié au moment de l'arrêt définitif et qui ne peut pas être réutilisé du fait de contraintes techniques et réglementaires, et d’autre part, au coût de traitement de ce combustible ainsi qu’au coût d'évacuation et de stockage des déchets de ces opérations ».
« Les provisions pour déconstruction des centrales nucléaires arrêtées comprennent également les coûts de déconstruction d’installations annexes comme l'Atelier pour l'entreposage du combustible (APEC) à Creys Malville, et la Base chaude opérationnelle du Tricastin (BCOT) ».
EDF a également prévu les charges de gestion à long terme des déchets radioactifs répertoriées dans la rubrique « Aval du cycle ». Elles concernent « les dépenses futures relatives :
« à l’entreposage, l’évacuation et le stockage des colis de déchets radioactifs issus du traitement du combustible usé ;
au stockage direct après entreposage longue durée, le cas échéant, du combustible usé non recyclable dans les installations existantes, à savoir le combustible au plutonium (MOX) ou à l’uranium issu du traitement, le combustible de Creys-Malville et celui de Brennilis ;
aux opérations de caractérisation, traitement, conditionnement et entreposage intermédiaire des déchets radioactifs issus de la déconstruction ou de certains déchets d’exploitation, et à l’évacuation et au stockage définitif de ces déchets radioactifs ;
à la quote-part d’EDF des charges d’études, de construction, de maintenance et d’exploitation, de fermeture et de surveillance des centres de stockage existants ou à créer » [EDF - Comptes consolidés 2023].
Tableau 9 - EDF - Évolution de l’estimation du reste à charge pour le démantèlement des centrales nucléaires et pour la gestion de l’aval du cycle 2014-2023 |
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2009 |
2014 |
2018 |
2023 |
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(en millions d’euros 2023) |
Brut |
Actualisé |
Brut |
Actualisé |
Brut |
Actualisé |
Brut |
Actualisé |
Aval du cycle |
45 691 |
18 924 |
50 099 |
20 900 |
58 076 |
24 297 |
57 465 |
25 862 |
Démantèlement* |
30 746 |
15 780 |
31 335 |
19 135 |
36 142 |
21 120 |
36 835 |
21 139 |
Total EDF |
76 437 |
34 704 |
81 434 |
40 035 |
94 218 |
45 417 |
94 300 |
47 001 |
* « y compris derniers cœurs » |
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Sources EDF - Comptes consolidés 2009, 2018 et 2023 et Comptes sociaux 2014 |
Dans le tableau 9, on peut voir que les charges brutes ont augmenté
entre 2009 et 2023, dans une moindre mesure que celles du CEA sur la
même période, de +120% pour les démantèlements des centrales
arrêtées et en fonctionnement à fin 2023 (sans Flamanville 3)
et de +126% pour l’aval du cycle. Mais ces charges brutes, comme
celles des autres exploitants, ne représentent que ce qu’il reste
à dépenser.
EDF précise les échéances de décaissement « sous 10 ans » et « au-delà de 10 ans » comme on peut le voir dans l’extrait du rapport comptable (Tableau 10).
Tableau 10 - EDF - Échéancier prévisionnel de décaissement des provisions brutes
EDF - Comptes consolidés 2023
Parc REP
Sans les dépenses de gestion des derniers cœurs, le coût de démantèlement du parc en exploitation (56 REP) est estimé par EDF à 23,3 Md€2023. Dans son rapport comptable, EDF indique le « coût de déconstruction à terminaison (ensemble des coûts réalisés et restant à dépenser) » comme par exemple celui de Fessenheim : « Sur la base des estimations réalisées sur les différents postes de coûts, le devis à terminaison (en euros 2023) s’élève à environ 0,56 milliard d'euros, pour une tranche de Fessenheim à comparer à 0,42 milliard d'euros de coût moyen par tranche pour le parc REP complet en tenant compte des effets de série et mutualisation » [EDF - Comptes consolidés 2023].
Le coût de déman-tèlement à termina-ison est donc estimé à 24,4 Md€2023 pour l’ensemble du parc REP de 58 réacteurs. Le devis a doublé en 30 ans...
Ce coût a considéra-blement évolué depuis les estimations de la commission PEON qui « avait recommandé en 1979 que le coût complet d’investis-sement des centrales REP de 900 MW serve de référence à l’estimation de la charge du démantèlement sur la base de 16% de ce coût . Cette charge, qui a été ajustée à 15% du coût complet en 1991, est ramenée à la puissance installée pour le calcul de la provision » [CComptes, 2005].
C’est à l’aide d’un autre rapport de la Cour des comptes publié en 2012 que l’on va pouvoir calculer le coût de référence. La construction des 34 tranches de 900 MWe s’établit à 32,1 Md€2010 (72,9 Md€2010 pour le parc). Sur la base de la commission PEON ajustée en 1991, 15% de ce coût correspond à 4,8 Md€2010 (6 Md€2023) pour une puissance installée de 30 630 MWe (REP 900) [CComptes, 2012]. Ramené à la puissance installée, la charge de démantèlement estimée en 1991 est de 195,2 €2023 par kWe. Rapporté au parc de 58 réacteurs (63,1 GWe) le devis s’établissait à 12,3 Md€2023.
Centrales de première génération
Nous ne pouvons que constater la hausse des devis de démantèlement présentés dans le tableau 11. Dans ses comptes consolidés, EDF indique les « coûts à terminaison » en euros 2023 :
Brennilis, « environ 1,0 milliard d'euros » ;
UNGG, « environ 7,3 milliards d'euros de coût à terminaison pour 6 réacteurs » ;
Superphénix, « environ 2,1 milliards d'euros ».
Soit 10,4 Md€ selon EDF sans compter le démantèlement de Chooz A évalué à environ 600 M€.
L’estimation du coût total du démantèlement des centrales de première génération s’élève à 11 Md€ à fin 2023.
Tableau 11 - Évolution des devis de démantèlement des réacteurs dits de « 1ère génération » hors charges de post-exploitation et de gestion des déchets radioactifs (en euros constants de 2023 sauf indication contraire) |
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Nom |
Filière |
EDF 2000 |
CComptes 2014 |
CCtes 2020 |
EDF |
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MF1999 |
M€2023 |
2001 |
2003 |
2006 |
2008 |
2012 |
2018 |
2023 |
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Chinon A1 |
UNGG |
1800 |
1230 |
1006 |
904 |
772 |
1023 |
1111 |
3185 |
/ |
Chinon A2 |
1800 |
|||||||||
Chinon A3 |
1800 |
|||||||||
St Laurent A1 |
1800 |
820 |
1090a |
1021 |
809 |
1014 |
1190 |
2287 |
||
St Laurent A2 |
1800 |
|||||||||
Bugey 1 |
1800 |
410 |
505 |
382 |
335 |
520 |
699 |
1446 |
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Total UNGG |
10 800 |
2461 |
2601 |
2444 |
1916 |
2557 |
3000 |
6918 |
7300 |
|
Chooz A |
REP |
1700 |
387 |
355 |
312 |
285 |
278 |
410 |
560 |
600c |
Brennilis |
EL |
1000 |
228 |
368 |
362 |
350 |
471 |
547 |
762b |
1000 |
Superphénix |
RNR-Na |
5900 |
1345 |
1364 |
1325 |
1201 |
1191 |
1565 |
1996 |
2100 |
Total 1ère génération |
19 400 |
4421 |
4688 |
4443 |
3752 |
4497 |
5522 |
10 236 |
11 000 |
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Légende UNGG : Uranium naturel graphite gaz EL : Eau lourde |
REP : Réacteur à eau sous pression (PWR) RNR-Na : Réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium |
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a : avec le démantèlement des silos d’entreposage de chemises de graphite irradiées (environ 160 M€) b : réévalué en 2020 lors de l’Enquête publique à 850 M€ 2020 soit 953 M€2023 c : augmentation de provision de 37 M€ en 2022 selon EDF |
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Sources EDF 2000 – EDF - Démantèlement des centrales de première génération : pour une stratégie plus offensive – Janvier 2000 CComptes 2014 - Cour des comptes - Le coût de production de l’électricité nucléaire - Actualisation 2014 – Mai 2014 CCtes 2020 - Cour des comptes - L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires – Février 2020 EDF – EDF - Comptes consolidés au 31 décembre 2023 |
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Comme on peut le remarquer dans la copie de l’échéancier prévisionnel
de décaissement (Voir Tableau 10), EDF indique un reste à
charge de 8,8 Md€ pour les centrales à l’arrêt, celles de
première génération et celle de Fessenheim (11 réacteurs) mais
aussi pour démanteler les INB annexes (environ 300 M€) :
Atelier des matériaux irradiés (AMI) en démantèlement à Chinon ;
Base chaude opérationnelle (BCOT) en déman-tèlement à Tricastin ;
Silos d’entreposage de graphite irradié en exploitation à St Laurent.
D’autre part, EDF estime le reste à charge pour terminer ces démantèlements à 8,5 Md€ :
Chooz A, « 340 M€ » ;
Fessenheim (2 tranches), « 994 M€ » ;
Réacteurs UNGG (6 tranches), « 6172 M€ » ;
Brennilis, « 392 M€ » ;
Superphénix, « 637 M€ » [EDF - Comptes consolidés 2023 (§ 15.1.1.3)].
On peut alors estimer les coûts de démantèlement des centrales de première génération supportés par EDF jusqu’en 2023 à environ 2,5 Md€2023.
Le démantèlement des autres INB annexes est compris dans la soulte des réacteurs en exploitation :
Atelier pour l'entreposage du combustible (APEC) en exploitation à Creys Malville ;
Installation de conditionnement et d’entreposage des déchets activés (ICEDA) en exploitation au Bugey ;
Magasin interrégionaux d’entreposage du combustible neuf du Bugey ;
Magasin interrégionaux d’entreposage du combustible neuf de Chinon.
Certaines dépenses n’apparaissent pas dans les chiffres publiés. Ce sont « Les charges de post-exploitation » comme l’explique la Cour des comptes dans une publication :
« Par ailleurs, certaines dépenses postérieures à l’exploitation ne donnent aujourd’hui pas lieu à provisions comptables (charges dites de post-exploitation, impôts et taxes dues pendant les démantèlements). Dans un récent rapport remis au Sénat, la Cour s’est déjà prononcée en faveur de l’intégration d’une grande part de ces dépenses au périmètre de provisionnement des charges nucléaires de long terme. En tout état de cause, ces dépenses doivent être intégrées aux coûts de production du parc existant. Elles correspondraient à une somme actualisée de 10,9 Md€ vue depuis fin 2018, calculée selon la même méthode que les provisions pour démantèlement.
En l’état actuel, ces dépenses ne sont pas provisionnées par EDF et ne donnent donc lieu aujourd’hui à aucune inscription dans ses comptes »[CComptes, 2021].
Épilogue (avec une pensée pour Jean-Claude Autret)
L’évaluation des coûts de démantèlement et de fin de cycle comporte de nombreuses incertitudes tant techniques que financières, le radeau nucléaire naviguant à vue et à voiles réduites entre récifs de déchets et courants contraires de sureté.