La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°25, mars-avril 1979

L'UTOPIE SURGENERATRICE
EDITORIAL / SOMMAIRE
 
     L'accident du réacteur à eau pressurisée de Three Miles Island vient de démontrer qu'une suite d'événements «imprévus» et «incontrôlables» peuvent se dérouler dans une centrale nucléaire, et qu'un dégagement «improbable» de radioactivité peut avoir lieu.
     Ajoutons d'ailleurs que par chance le coeur du réacteur était peu irradié; cela a joué un rôle très favorable dans le déroulement des événements. Nous y reviendrons dans la prochaine Gazette (26/27).
     Dans ce numéro consacré aux surgénérateurs, il nous paraît opportun de rappeler que la très officielle Commission Royale britannique sur la pollution de l'environnement a estimé, dans son rapport de septembre 1976, qu'un accident de surgénérateur peut provoquer de dix à cent fois plus de victimes qu'un accident de réacteur à eau pressurisée.
     A côté des séries d'événements imprévus et incontrôlables, aux conséquences improbables, il existe des enchaînements parfaitement prévus, aux conséquences certainement désastreuses, mais pourtant incontrôlables. Le programme nucléaire français en est un exemple. Après s'être brutalement aperçu que notre planète ne regorgeait pas de pétrole, les technocrates de l'économle ont décidé en 1974 qu'il y avait plein d'uranium, et qu'un programme massif de réacteurs à eau pressurisée nous sauverait de l'asphyxie énergétique: d'où le plan Messmer. Une année de réflexion encore et ils découvrent qu'il n'y a pas non plus tellement d'uranium.
     C'est alors que des technocrates d'une autre espèce, l'espèce rêveuse, rappellent qu'ils ont trouvé la solution miracle, permettant de multiplier par cinquante ou cent les ressources en uranium fissile: la surgénéation. Déjà deux prototypes fonctionnent en France, Rapsodie et Phénix. Il n'y a plus qu'à passer à l'échelle industrielle. Technocrates économistes, parfaitement incompétents en nucléaire, et technocrates rêveurs, parfaitement incompétents en économie, s'unissent alors: c'est le projet Superphénix, 1.200 MW à 45 kilomètres de Lyon, avec une technologie qui en est à ses premiers balbutiements.
     Mais bien vite les difficultés apparaissent. Politiques: la voie du retraitement et de la surgénération est aussi celle de la prolifération des bombes atomiques au plutonium. Technique: des problèmes «imprévus» apparaissent alors que Superphénix est déjà en construction, et la possibilité du retraitement s'évanouit peu à peu. Financières: le kWh sera au moins deux fois plus cher que celui obtenu avec du charbon.
     Mais le pouvoir technocratique ne peut pas perdre la face, et il ne peut pas reculer. Il se trouve dans la situation d'un explorateur qui a promis à son expédition de trouver l'Eldorado. Il a engagé ses hommes sur le seul sentier possible, et il se rend compte que ce sentier mène à un gouffre. Mais l'expédition veut l'Eldorado, on le lui a promis, le chef ne veut pas la décevoir. Alors il continue à avancer...
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SOMMAIRE
EDITO
1. Introduction 2. problèmes techniques
3. Le cycle du combustible 4. Les aspects économiques et politiques
Annexes: 1. Le retraitement, les surgénérateurs et les USA; 2. Les surgénérateurs dans le monde; 3. Le plutonium et ses problèmes
Drôles de propos; petites informations; courrier des lecteurs

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