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N°76/77
SITES DE STOCKAGE: UN POINT

SITES DE STOCKAGE


A. Commentaire Gazette

     Le stockage des déchets nucléaires est un des problèmes de notre programme énergétique. La France a choisi de mener des expériences dans toutes les formations retenues par l'ensemble des experts:
     - sel à côté de Bourg-en-Bresse
     - granite de Neuvy Bouin près de Parthenay
     - schistes à Segré dans le Maine-et-Loir
     - argile à Montcornet dans l'Aisne.
     La Gazette a donc repris les dossiers et vous présente:
     - les conclusions du rapport de la Commission Castaing
     - rapport que nous vous conseillons de réclamer au ministère (secrétariat du Conseil Supérieur de Sureté et d'Information Nucléaire, 101 rue de Grenelle 75007 Paris)
     - l'Annexe 1 du 3e plan quinquenal de la CEE pour la gestion des déchets radioactifs
     - un papier de l'ANDRA sur les schistes et le sel
     - la présentation au CSSIN des sites de stockage
     Nous avons bien sûr d'autres papiers sur les verres et les problèmes qu'ils posent, sur les emballages. Mais pour cette fois, nous nous en tiendrons à cet ensemble.
     Tout de même, la première chose à faire n'est pas le recensement des granites, sels, schistes et argiles mais de définir la règle fondamentale de sûreté applicable à un stockage en profondeur.
     Il est indispensable d'avoir défini cette règle avant tout parce qu'autrement il est à craindre qu'elle soit établie en fonction du site retenu et de ses caractéristiques.
     Par ailleurs, le groupe Castaing avait demandé des études complémentaires. Il faut qu'elles soient faites et si elles ont été mises en oeuvre, il faut publier les résultats.
     Les déchets sont un point sensible du cycle. Leur accumulation est inéluctable et il est incontournable de les stocker de façon à ce que l'environnement soit préservé. Il est certain qu'en 1960 on avait le temps de réfléchir. Malheureusement, à force de s'être arrêté sur cette idée, on va finir par manquer de temps.
     L'inconvénient des déchets c'est qu'ils présentent un risque pour les générations futures, nous n'avons pas le droit de les léguer tels quels à nos petits enfants.
     On aimerait que le dossier soit étoffé car pour le moment il est plein de points d'interrogation. Quant aux présentations de l'ANDRA, elles ne répondent pas aux légitimes questions des citoyens. Il ne s'agit plus de présenter des dépliants publicitaires ou bien de vanter le site de la Manche. Il faut répondre aux questions, admettre les inconnues expliquant que, puisque nous avons des déchets, nous sommes contraints à trouver la solution mais qu'être contraint n'oblige pas aux impasses et aux à-peu-près.
     Le stockage des déchets est le problème crucial de notre fin de siècle, que ces déchets soient chimiques ou radioactifs d'ailleurs. Ces déchets exigent une gestion rigoureuse car nous avons appris, à nos dépens, les limites de notre écosystème.
     Voici donc les dossiers.
     Bonne lecture et faites-en bon usage.

suite:
B. Extraits du 3e rapport Castaing (1984)*
Conclusions et principales recommandations

     Au terme de son examen, le groupe a pu identifier un ensemble de questions pour lesquelles un effort tout particulier de R et D lui paraît devoir être consenti. Rappelons tout d'abord les deux grandes préoccupations qui ont guidé ses travaux.
     La première concerne les incertitudes dont est entachée toute évaluation sur les effets à long terme de telle ou telle option de gestion de déchets radioactifs; cette situation a amené le groupe à souligner l'importance de réduire autant que faire se peut la nuisance potentielle des déchets produits, c'est-à-dire celle qui est déterminée par l'inventaire des radionucléides présents, compte tenu de leur toxicité respectives.
     La deuxième concerne le contexte industriel et politique dans lequel s'inscrit toute action dans le domaine de la gestion des déchets, contexte caractérisé, en ce qui concerne la France, par le choix d'extraire le plutonium des combustibles irradiés de la filière EP dans l'usine actuelle UP2-400 puis dans les extensions prévues à La Hague et de l'utiliser éventuellement dans une nouvelle filière NR dont l'ampleur future n'est d'ailleurs actuellement pas arrêtée.
     Tout en examinant les points sur lesquels devrait porter un effort de R et D en matière de gestion des déchets produits au cours de ce retraitement, le groupe rappelle qu'il tient pour important que soit assurée la disponibilité d'autres stratégies de gestion des combustibles irradiés, telles que le retraitement différé ou le stockage définitif des combustibles sans retraitement.
     Ce sont ces considérations qui ont amené le groupe à dégager les principales recommandations suivantes, autour desquelles s'articulent finalement les divers thèmes de R et D énoncés au chapitre II du présent rapport.
     En ce qui concerne les déchets produits au cours du retraitement actuel et tel qu'il est prévu dans les usines en construction, le groupe recommande:
     - qu'une large priorité soit accordée à la décontamination la plus poussée possible en émetteurs a, responsables pour l'essentiel de la radiotoxicité à long terme. Cela n'est que plus justifié si l'on anticipe - ce qu'il nous paraît sage de faire dans un domaine industriel à grande inertie dans le temps - la nouvelle norme pour le plutonium ingéré qui sera probablement d'un ordre de grandeur plus sévère que celle qui découle de la CIPR 30;
     - que l'on poursuive les études de qualification et d'amélioration des conditionnements des déchets (conteneurs et enrobés) au regard de leur tenue à long terme, notamment dans des conditions modélisant celles des stockages définitifs en situation normale.
     Ces recommandations prennent encore plus de force pour le retraitement éventuel des combustibles mixtes, contenant de plus grandes quantités de plutonium, tels que ceux qui seraient utilisés dans la filière NR ou lors du recyclage de ce corps dans la filière EP actuelle.

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* Pour les Gazettes précédentes, voir les:N°41/42, N°48/49, N°52, N°62, N°64/65. Pour les suivantes, faire une recherche depuis la page d'accueil.
     Le groupe a souligné (voir § 11.6) que, dans le cas du retraitement des combustibles irradiés de la filière NR, un gain de l'ordre de 4 à 6 devra être réalisé sur le facteur de décontamination en plutonium des déchets si l'on veut maintenir la nuisance potentielle due à ce plutonium au niveau prévu pour les déchets de retraitement de la filière EP produits dans la future usine UP3.
     En ce qui concerne le retraitement poussé, le groupe recommande:
     - que l'effort actuel de R et D, de l'ordre du pour cent du budget total R et D sur les déchets, soit dès maintenant porté â un niveau compatible avec la volonté de rendre disponible, d'ici au début du siècle prochain, un procédé industrialisable d'extraction des actinides mineurs, ainsi que les modifications de certaines étapes du retraitement qu'implique cette option;
     - que soient évaluées les incidences économiques de la stratégie complète du retraitement poussé sur le coût du retraitement, des entreposages et des stockages;
     - que la conception d'une éventuelle usine de taille industrielle succédant à TOR soit menée de façon à permettre les adjonctions ou aménagements nécessaires à la mise en oeuvre d'une telle option, compte tenu de l'intérêt tout particulier du retraitement poussé dans le cas de la filière NR.
     En ce qui concerne le stockage définitif des combustibles irradiés en l'état, le groupe recommande:
     - que des solutions techniques pour l'entreposage et l'évacuation définitive soient élaborées et qu'une évaluation économique détaillée soit entreprise;
     - que la France se dote d'une stratégie globale correspondant au non-retraitement, compte tenu des incertitudes sur les quantités futures de combustibles irradiés qui pourraient pour des raisons diverses ne pas être retraitées.
     En ce qui concerne le stockage définitif des déchets produits dans les diverses options, le groupe recommande:
     - qu'aussi bien dans le cadre du retraitement immédiat sans séparation des actinides mineurs que dans celui du non-retraitement, un gros effort soit consenti dans la ligne des conclusions du chapitre II.4, pour combler le retard pris en France dans le domaine géologique; le groupe reprend à cet égard toutes les recommandations contenues dans son précédent rapport;
     - qu'en particulier l'effort de R et D sur la caractérisation en situation d'enfouissement géologique des verres ainsi que des combustibles irradiés d'une part, des déchets B de retraitement d'autre part, soit intensifié;
     - que si, comme il est très vraisemblable, à l'issue des étapes a, b, c (chapitre II. 4, § 2) de sélection et du reconnaissance de sites par des sondages et de façon générale par des mesures effectuées depuis la surface, plusieurs sites apparaissent comme potentiellement favorables, un choix soit proposé aux autorites de sûreté, pour ce qui concerne la poursuite des opérations, entre les deux stratégies ci-avant évoquées à cet égard, à savoir:
     a) sélection d'un site initial, appuyée éventuellement sur des études complémentaires par sondages, pour l'installation d'un laboratoire souterrain unique où seraient poursuivies les mesures et opérations diverses visant àqualifier ce site pour un stockage définitif,
suite:
     b) poursuite des opérations de reconnaissance par des mesures effectuées par accès et galeries sur plusieurs sites appartenant si possible à des types de formations différents, la sélection d'un ou de plusieurs sites où seraient menées les étapes ultimes de qualification n 'intervenant qu'au vu des résultats obtenus dans ces laboratoires souterrains, et que ce choix soit soumis pour avis au conseil supérieur de la sûreté nucléaire;
     - que l'éventuelle prise en considération, en France, d'une formation saline pour l'enfouissement de déchets de type B ou C soit précédée d'une étude détaillée des conséquences d'une intrusion humaine dans un site de stockage dont la mémoire n'aurait pas été conservée. Quels que soient les avantages qui, pour un tel milieu de stockage, apparaissent résulter de l'absence d'eau en situation normale, il est nécessaire que les conséquences d'une telle intrusion humaine y soient jugées acceptables; en effet la probabilité d'une telle intrusion, liée par exemple à l'extraction de sel ou à la réalisation de cavités de stockage de produits divers, ne nous paraît pas - du moins dans le cas de la France -, si elle est cumulée sur de très longues durées, pouvoir être tenue a priori pour négligeable;
     - que la recherche de sites d'enfouissement soit réalisée en priorité en vue des déchets B; une fois qu'un ou plusieurs sites favorables auront été complètement caractérisés du point de vue géologique, l'enfouissement ne pourra cependant intervenir que s'il a été démontré que les matrices et enrobages des déchets B à enfouir sont compatibles avec le milieu retenu. Dans le cas contraire, ces matrices et enrobages devront être rendus compatibles avec ce ou ces milieux;
     - que pour les déchets C la recherche de sites potentiellement favorables soit entreprise dès maintenant, en vue de permettre l'étude et la qualification des barrières ouvragées les plus appropriées aux roches hôtes potentielles; cependant, du fait de leur émission thermique, l'enfouissement des déchets C ne pourra intervenir avant une cinquantaine d'années, laissant ainsi le temps soit d'atteindre une meilleure connaissance des milieux, des barrières, et donc de la sûreté, soit de proposer des modes de gestion différents ne faisant pas appel à l'enfouissement en profondeur:
     - qu'un groupe de réflexion plundisciplinaire, faisant intervenir notamment des géologues, des chimiste spécialistes de radioprotection, des hygiénistes, des sociologues, des spécialistes de la protection civile, de l'environnement, propose des critères de choix de sites de stockage profond et que les autorités de sûreté, prenant en compte ces critères, arrêtent une règle fondamentale de sûreté applicable à l'enfouissement en formation géologique;
     -qu'une commission consultative, analogue au comité technique permanent des bprrages par exemple, et constituée essentiellement de géologues, géotechniciens, mineurs et spécialistes de la sûreté, mais indépendants des opérateurs, soit appelée à donner un avis motivé sur les choix qui seront proposés aux pouvoirs publics à chaque étape du processus de décision, allant de la sélection des sites à la réalisation des stockages, par l'organisme responsable de la gestion des déchets, en l'occurrence le C.E.A.
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     En tout état de cause, le groupe tient à préciser que la large part qu'il a réservée dans le présent rapport aux recherches concernant le stockage définitif des déchets du type actuel ne doit pas faire oublier l'importance qu'il attache à la recherche de procédés de retraitement permettant de réduire de façon très significative la radiotoxicité potentielle à long terme des stockages, et par là même les incertitudes quant aux risques lointains. Il rappelle que la majorité de ses membres considère le retraitement poussé comme la solution intrinsèquement la plus satisfaisante du problème de la fin du cycle électronucléaire.
     Pour conclure, le groupe souligne tout l'intérêt qu'il verrait à ce que la stratégie française actuelle en matière de gestion des déchets produits dans le cycle électronucléaire fût décrite dans un document de haut niveau scientifique par les instances qui ont élaboré cette stratégie et qui sont chargées de sa mise en oeuvre.
     La réalisation d'un exercice d'analyse des risques présente l'immense avantage d'obliger les équipes à mettre noir sur blanc leurs hypothèses de travail, l'état de leurs connaissances sur les milieux et sur les techniques utilisées. Dans le cas qui nous occupe, une telle analyse permet de s'assurer de la cohérence de l'ensemble et de se faire une première idée du degré de confinement qu'apporte un milieu donné. Elle permet enfin, si elle est largement diffusée, de soumettre à la communauté scientifique la démarche par laquelle le problème posé par les déchets radioactifs est abordé par les équipes qui en ont la charge et par suite de réunir très tôt, soit un consensus, soit des indications sur les directions vers lesquelles il conviendrait d'infléchir le programme de recherche.
     Cette approche ne pourrait que contribuer à asseoir sur les meilleures bases possibles, du point de vue scientifique, la crédibilité du programme de gestion des déchets produits dans le cycle du combustible que met en oeuvre le pays qui, depuis 10 ans, a orienté avec une vigueur toute particulière son programme énergétique vers le recours à l'énergie électronucléaire.
     Tous les membres du groupe, quelles qu'aient pu être les préférences de chacun d'eux quant aux points dont il souhaitait l'examen ou quant à la rédaction de telle ou telle des questions qui ont été abordées, se sont mis d'accord sur les termes de ce rapport.
R. Castaing
Président du Groupe de Travail
Paris, le 12 octobre 1984

 
suite:
C. Extraits du 3e plan quinquenal (1985-1989)
sur la gestion et le stockage des déchets radioactifs
(programme CEE)

ANNEXE 1

Exposé détaillé des résultats obtenus au cours du 2e programme

1. Traitement et conditionnement des déchets de basse et moyenne activités

     Ces opérations étant menées depuis plusieurs décennies de façon industrielle dans de nombreux pays membres, le programme a visé seulement leur amélioration grâce à:
     - une réduction des volumes finaux à stocker, en particulier pour ce qui concerne les déchets contenant des éléments à vie longue;
     - une meilleure résistance à long terme des déchets conditionnés en vue d'un stôckage sûr.
     Les principaux procédés sélectionnés pour réduire les volumes des déchets liquides ont fait appel soit à la dénitration des déchets fortement acides, soit à la précipitation chimique couplée ou non avec l'ultrafiltration, soit à des réactions électrochimiques. Les résultats obtenus à l'échelle labortoire ou semi-pilote ont confirmé, dans l'ensemble, le bien-fondé de ces choix.
     La séparation des radionucléides à vie longue de ces déchets en vue d'un stockage séparé (ou d'un recyclage éventuel dans le cas du plutonium) a été abordée principalement en développant trois procédés:
     - les échangeurs d'ions minéraux,
     - l'extraction par solvant,
     - la précipitation sélective des oxalates d'actinides et de terres rares.
     Eu égard à l'aptitude des échangeurs d'ions minéraux à permettre un conditionnement optimal des radionucléides polyvalents fixés, un effort particulier a été porté sur ce type d'échangeurs. Les facteurs de décontamination élevés obtenus associés à des essais de céramisation prometteurs pourraient justifier un développement ultérieur de ce procédé.

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     Bien qu'également très performants à petite échelle, les procédés basés sur la précipitation/floculation des principaux radioéléments des concentrats de retraitement nécessitent encore des développements importants dans le domaine de l'ingéniérie.
     L'abaissement des coûts de traitement a été réalisé dans le cas précis des effluents de servitude des réacteurs PWR, par substitution à l'évaporateur d'une installation de floculation.
     Enfin l'amélioration des méthodes de conditionne-ment a porté essentiellement sur les liants hydrauliques.

2. Conditionnement des déchets de haute activité: gaines de combustible et résidus de dissolution

     Ces déchets sont actuellement entreposés, d'une façon préliminaire, sans conditionnement ou sont incorporés dans des matrices de ciment. Cette dernière méthode de confinement présentant certaines déficiences pour le long terme, des travaux de recherche et de développement sont poursuivis dans le cadre du 2e programme pour en améliorer le conditionnement. Ces travaux portent en particulier sur:
     - la caractérisation des propriétés des gaines du combustible irradié et des résidus de dissolution tant pour la filière des réacteurs à eau que pour celle des réacteurs surrégénérateurs;
     - le conditionnement des gaines de combustible par enrobage dans des matrices à base d'alliages au plomb, de graphite compacté, d'aluminium et de ciment amélioré;
     - l'immobilisation des gaines par des procédés de fusion ou de conversion par voie chimique;
     - l'immobilisation des résidus de dissolution dans des matrices céramiques à base d'alumino-silicates.
     Les résultats obtenus jusqu'ici ont permis d'acquérir une meilleure connaissance des différentes méthodes de conditionnement proposées à l'échelle de laboratoire. D'une manière générale, les travaux passent maintenant de la phase de recherche sur des matériaux inactifs à celle des essais en actif. Cette deuxième phase devrait apporter l'information nécessaire pour juger de l'application industrielle des méthodes de conditionnement étudiées.

3. Traitement des déchets solides contaminés par du plutonium et/ou d'autres actinides

     La production de ce type de déchets a commencé à devenir significative, parallèlement au développement de la partie «finale» du cycle de combustible nucléaire; les principes de quelques procédés de traitement avaient été établis lors du 1er programme communautaire. Le 2e programme concernait la construction, la réception de l'exploitation expérimentale avec des matériaux radioactifs d'installations de nature variée afin que la Communauté dispose de plusieurs procédés de traitement satisfaisants le moment venu.
     Ce programme a été réalisé avec succès puisque:
     - l'installation pilote ALONA, utilisant un procédé de traitement par digestion acide, est entrée en service en mars 1983 sur le site d'Eurochimie et aura traité environ 10 tonnes de déchets à la mi-l 984; environ 8 kg de plutonium auront été récupérés au cours de ces opérations;
     - l'incinérateur, prototype à haute température de Mol, fonctionne depuis septembre 1983 avec des déchets contaminés a; l'incinérateur brûle ces déchets à raison d'environ 100 kg/h; les résidus de combustion obtenus enferment toute la radioactivité dans des granules pratiquement insolubles;
     - une chaîne de traitement, sur laquelle déchets combustibles et incombustibles peuvent être décontaminés par des lavages spéciaux et immobilisés ensuite définitivement dans du ciment devrait entrer en service en 1984 à Hanau avec des matériaux radioactifs.
     Il est désormais possible d'envisager la phase d'utilisation industrielle de ces procédés.

suite:
     L'étude d'autres procédés, moins prometteurs, a été arrêtée en 1982, après réexamen du programme.
     Cette action de développement a été complétée par une série d'essais menés par six laboratoires européens afin de comparer les méthodes de mesure des teneurs en actinides dans les fûts de déchets; les qualités et limitations des différentes méthodes ont été mises en évidence (après analyse des résultats par le CCR), ce qui permettra d'améliorer le contrôle de certains déchets avant admission au stockage.

4. Examen et évaluation des diverses formes de déchets radioactifs

     Le développement et l'amélioration, satisfaisants au cours des années récentes, de procédés de conditionnement des déchets visant à immobiliser les radioéléments dans des matrices conservant leur intégrité sur de longues périodes, ont conduit à déplacer l'accent de la recherche du développement de procédés vers l'examen et l'évaluation de l'aptitude au stockage final des produits obtenus après traitement.
     L'action communautaire coordonnée relative à l'évaluation des déchets solidifiés de haute activité, est depuis 1975 un exemple positif de la collaboration scientifique multinationale et d'une approche intégrée unissant 7 laboratoires européens.
     Plusieurs matériaux (verres borosilicatés et vitrocéramiques) ont été définis par tous les participants.
     Les aspects principaux ont été:
     - investigations paramétriques de la lixiviation des verres,
     - effets des agents lixiviants (par exemple, saumure) spécifiques des formations géologiques potentiellement intéressantes pour un stockage profond,
     - stabilité thermique (dévitrification, cristallisation),
     - dommages dus aux rayonnements,
     - résistance mécanique et mécanismes de la fracturation.
     Les conditions gouvernant le relâchement des radioéléments à partir de déchets vitrifiés ont été identifiées et, dans la plupart des cas, les effets ont pu être quantifiés.
     Le développement de modèles physiques et chimiques décrivant ces phénomènes a été commencé afin d'être introduit dans les études de sûreté relatives au stockage géologique.
     Un deuxième objectif de cette action est de développer des techniques communes pour tester et évaluer les caractéristiques des matériaux d'enrobage.
     En 1983, un «Round Robin Test» a été lancé entre 12 laboratoires (dont un américain, un finlandais et le CCR) pour mettre au point un test communautaire de lixiviation en autoclave pour les déchets vitrifiés. D'autres effort de standardisation ont également été entrepris.
     Finalement, le problème de l'assurance de qualité a fait l'objet d'études préliminaires et une approche systématique est actuellement développée.
     Parallèlement aux recherches ci-dessus consacrées aux déchets de haute activité vitrifiés, des travaux relatifs à la stabilité de dix des formes de déchets de basse et moyenne activités les plus communes dans la Communauté (telles que résines échangeuses d'ions venant des réacteurs et enrobées dans les matrices époxy ou que des boues de retraitement enrobées dans du ciment ou du bitume) ont été exécutés par un réseau de 10 laboratoires européens travaillant en commun sur le problème.
     Des essais reproduisant des situations normales ou accidentelles relatives aux phases de manutention ou d'évacuation des déchets conditionnés ont identifié les causes d'un relâchement éventuel de radioactivité. On peut citer le dommage dû aux rayonnements et la radiolyse, la lixiviation par l'eau, les attaques microbiennes lors des stockages, la combustion accidentelle du bitume ou des matrices en polymères lors du transport ou du stockage intermédiaire. Les recherches ont non seulement fourni des résultats importants pour l'évaluation de la sûreté de la gestion et du stockage des déchets, mais encore ont permis d'améliorer dans de nombreux cas la formule des produits d'origine.

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5. Immobilisation et stockage des déchets gazeux

     La dissolution du combustible irradié donne lieu, lors de son retraitement, à la production d'effluents gazeux contenant des radionucléides (déchets radioactifs) tels que le krypton-85, le tritium, l'iode-129 etc... qui sont essentiellement rejetés dans l'atmosphère. A la longue, ces rejets peuvent devenir inacceptables. Des travaux de R et D, visant à assurer une gestion plus adéquate des déchets gazeux, ont été entrepris dès le premier programme communautaire.
     Actuellement ces travaux concernent:
     - la séparation du krypton des autres effluents gazeux par une méthode avancée de distillation cryogénique
     - l'immobilisation du krypton dans les zéolites et des matrices en métal;
     - la rétention du tritium, par un procédé de concentration;
     - le développement des préfiltres réutilisables pour la rétention d'aérosols dans le but de prolonger la période de service des filtres absolus.
     Les résultats préliminaires de ces travaux montrent en général que certaines techniques de traitement et immobilisation pourraient déjà être appliquées pour réduire les quantités des déchets gazeux relâchés dans l'atmosphère.

6. Enfouissement à faible profondeur des déchets solides de basse activité

     Cette option d'évacuation des déchets de faible activité étant pratiquée depuis une vingtaine d'années dans quelques Etats membres, les études et les travaux de R et D inclus dans le programme actuel visent l'amélioration de la sûreté générale de l'option même, et le développement de concepts avancés d'installations d'évacuation.
     Dans le domaine de l'amélioration de la sûreté, des travaux de R et D ont permis de sélectionner des coulis qui en cas de nécessité, peuvent être injectés dans le sol environnant les tranchées (où sont stockés les déchets) pour le rendre imperméable et retarder la migration des radionucléides. D'autre part on a développé un modèle mathématique permettant de prédire la migration des radionucléides dans les sols hétérogènes typiques de sites d'enfouissement des déchets. Ce modèle sera validé vers la fin du programme actuel sur base d'études expérimentales de migration, en cours de réalisation, en laboratoire et «in situ».
     D'autres modèles mathématiques ont été utilisés pour évaluer les doses et les risques potentiels pour la population, résultant d'un relâchement éventuel des radionucléides dans l'environnement pendant l'exploitation des sites d'enfouissement et après leur fermeture. Les résultats y afférant peuvent être utilisés, par exemple, par les Autorités compétentes pour dériver les valeurs limites des concentrations des divers radionucléides dans les installations d'enfouissement et pour déterminer la période pendant laquelle des restrictions d'utilisation des sites fermés doivent être imposées.
     Pour ce qui concerne le développement d'installations d'évacuation de type avancé, les résultats préliminaires des tests effectués sur des unités de confinement des déchets réalisées en béton spécial, laissent entrevoir la possibilité de construire des installations d'évacuation même dans des sites qui présentent des caractéristiques hydrogéologiques peu favorables. Un projet d'installation d'évacuation dans laquelle seraient utilisées les unités de confinement susmentionnées est actuellement en cours de développement.

suite:
7. Développement du stockage définitif des déchets en formations géologiques profondes

     Plus de la moitié de l'effort de R et D (en termes budgétaires) du programme est concentrée sur cette question.
     Il est rappelé qu'au cours du 1er programme (1975-1979), un recensement des formations géologiques salines, cristallines et argileuses présentant des caractéristiques techniques favorables à l'implantation de dépôts souterrains, avait montré qu'un grand choix de régions méritant des investigations était disponible dans la Communauté.
     Il convenait donc de confirmer - ou infirmer - au niveau de la R et D le réalisme et les mérites du concept de stockage définitif en formations géologiques profondes en général et des variantes précitées en particulier.
     Les recherches ont porté sur la faisabilité et la sûreté du système de confinement des déchets et les propriétés de ses composants le déchet emballé et son conteneur, les matériaux de remblayage, les installations de dépôt souterrain et la roche hôte, et enfin la formation géologique elle-même.
     En ce qui concerne la connaissance des formations géologiques continentales, les campagnes de reconnaissance par forage lancées au cours du programme précédent ont pu être menées à bien à Auriat en France et Altnabreac au Royaume-Uni; elles ont fourni de précieuses informations sur la géologie profonde des milieux cristallins considérés. Il convient de noter à ce propos la difficulté de planifier de semblables campagnes en raison des obstacles non techniques qui surgissent souvent dans les Etats membres concernés.
     L'étude en laboratoire des propriétés des roches hôtes à partir des échantillons prélevés a été complétée. C'est ainsi qu'on a acquis une meilleure connaissance du comportement des roches sous l'effet de la température et de la pression par des essais sur les granites français et anglais, sur l'argile belge de Boom et en Italie, et sur le sel de la mine de Asse (République Fédérale d'Allemagne, voir page suivante). En particulier, on a pu déterminer des valeurs préliminaires de charge thermique admissible pour l'évacuation géologique, c'est-à-dire le nombre de conteneurs que l'on peut mettre en place dans un volume de roche donné. Cette étude a de plus confirmé que l'émission thermique des déchets à haute activité n'est pas un facteur qui rendrait impossible l'évacuation géologique.
     Des reconnaissances sur place de systèmes géologiques particuliers confirment cette conclusion: par exemple, on a pu observer l'effet d'intrusion volcaniques dans une couche d'argile, et montrer que les modifications notables étaient limitées à une zone restreinte autour des intrusions; les températures prévues pour l'évacuation géologique étant bien plus faibles, la même conclusion semble a fortiori valable.
     La vérification à grande échelle des propriétés et du comportement de formations géologiques préalablement sélectionnées a pu débuter grâce à la construction et la mise en service de cavités expérimentales ou laboratoires souterrains.
     On a ainsi réalisé une chambre expérimentale à 225 m de profondeur dans l'argile plastique de Boom sous le site de Mol (Belgique), en congelant l'argile préalablement à l'excavation. Cet ouvrage représente une première mondiale; il sera possible d'y réaliser des essais d'interaction entre déchets (réels ou simulés) et la roche hôte.

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     Des galeries existantes de la mine de sel de Asse ont été aménagées pour l'implantation d'essais en grandeur réelle: tests de chauffage en place, mesures de contraintes et déformations, relevé des quantités de fluides et gaz libérés par le sel. De plus, un forage de 300 m entre les niveaux -750 m et -1.050 m a été réalisé à sec à partir d'une chambre de la mine, et sa stabilité a été suivie pendant près de deux ans. Toutes ces expériences ont montré la bonne tenue d'excavations dans le sel, et permettent d'accorder une confiance raisonnable dans les propriétés de confinement du sel. En complément, on a étudié l'adéquation de l'ancienne mine de fer de Konrad (République Fédérale d'Allemagne) pour le dépôt final de déchets de basse et moyenne activités.
     En ce qui concerne la conception des dépôts profonds, une étude avait montré la faisabilité d'un dépôt dans le granite avec les techniques actuelles, pour un coût n'excédant pas 2-3% de celui de l'électricité nucléaire ayant produit les déchets à évacuer. Les recherches citées ci-dessus à propos de l'argile et du sel, montrent également que, là encore, des solutions techniques existent pour évacuer les déchets de haute activité dans ces milieux.
     Les matériaux adaptés au remblayage des dépôts souterrains après leur fermeture, ont d'abord fait l'objet d'études bibliographiques, puis de travaux en laboratoire en vue de définir les produits et techniques les plus adaptés. Des matériaux prometteurs ont été présélectionnés pour le colmatage des ouvertures en roche dure (matériaux artificiels ou à base d'argile), en milieu argileux (mélange réutilisant l'argile excavée), et en milieu salin (sel broyé provenant du creusement des galeries et puits). A l'avenir, il est certain que des solutions adéquates pourront être mises au point pour chaque problème spécifique de colmatage.
     Quant au déchet lui-même, les travaux ont porté sur son emballage; un nombre important de matériaux potentiels pour la fabrication de conteneurs de déchets de haute activité a été étudié, principalement en ce qui concerne leur résistance à la corrosion dans les milieux géologiques considérés. Trois matériaux ont été sélectionnés au niveau communautaire et font actuellement l'objet d'essais intensifs dans le cadre d'une action concertée entre différents laboratoires des Etats membres.
     Deux de ces matériaux sont hautement résistants à la corrosion (Hastelloy C4 et titane avec 0,2% de palladium), le troisième est de l'acier au carbone et compense sa moindre résistance par une épaisseur plus importante. Les résultats partiels disponibles indiquent qu'il devrait être possible de réaliser des conteneurs conservant leur intégrité pendant quelques centaines d'années au moins (souligné par la Gazette). Des modèles sont actuellement en cours de développement en vue d'évaluer leur comportement à long terme.
     L'étude d'une option visant à enfouir les déchets dans les sédiments marins recouvrant le fond des océans a également été entreprise et complète les travaux du CCR dans le même domaine. Elle a été essentiellement centrée sur la faisabilité du concept.
     Le forage de trous de stockage en grande profondeur suivi d'une mise en place des déchets à l'aide d'une plate-forme semi-submersible apparaît faisable avec la technologie existante. Un effort particulier reste à faire pour assurer la bonne fiabilité des opérations.
suite:
     On a démontré qu'il est possible également de placer, par larguage dans les sédiments couvrant les plaines abyssales de la mer profonde des conteneurs profilés contenant des déchets (pénétrateurs). Les estimations de la profondeur de pénétration dans les sédiments ont été confirmées par des essais sur des sites possibles. Les efforts actuels portent sur une meilleure connaissance de l'état des sédiments remplissant le trou après passage du pénétrateur.
     Quelques études ont porté également sur la mesure des courants dans l'Atlantique Nord et sur les propriétés géochimiques et géophysiques des sédiments marins.

8. Sûreté du stockage définitif en formations géologiques profondes

     La sûreté du stockage pendant des milliers d'années ne peut être «démontrée» qu'indirectement. Afin de contribuer à cette démonstration indirecte, deux projets communautaires ont été mis sur pied au cours du programme, les projets PAGIS (Performance Assessment of Geological Isolation Systems) et MIRAGE (Migration des Radioéléments dans la Géosphère).
     Le projet PAGIS se développera en trois phases (collection des informations et définition des bases de l'étude, exploitation, examen des résultats) dont seule la première est inclue dans le 2e programme; il vise à utiliser les connaissances accumulées dans les programmes nationaux et communautaire et à réaliser une évaluation en commun des capacités de confinement de la radioactivité offertes par les différentes options de stockage géologique (milieux salins, argileux, cristallins, sédiments marins).
     Les informations ont déjà été réunies et analysées et un consensus s'est établi en ce qui concerne les méthodologies d'évaluation, grâce à la coopération étroite, établie au sein d'un bureau composé de quatre responsables nationaux spécialistes des différents milieux et de 3 fonctionnaires de la Commission (Programme AFP déchets et radioprotection, CCR).
     L'étude de la migration éventuelle de radionucléides dans la géosphère, à partir des déchets conditionnés, fait l'objet du projet MIRAGE; il doit apporter les résultats scientifiques encore manquants pour établir les modèles décrivant les phénomènes physiques lors des évaluations de sécurité, fournir des données numériques et valider les résultats.
     Le projet est bâti sur sept thèmes: chimie des radionucléides, simulation en laboratoire de la migration, caractérisation des interactions roche hôte/radionucléides, mesures en place, recherche d'analogues géologiques naturels, rôle des micro-organismes en profondeur, mise au point de nouveaux outils de calculs. Les codes de calcul actuellement disponibles ont été au préalable recensés à l'échelle mondiale dans un annuaire afin d'identifier les voies où des progrès restent à faire.

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     Tous les travaux ci-dessus fournissent des éléments utilisables pour l'évaluation de la sûreté de l'évacuation géologique. Un cadre nouveau a été proposé pour cette évaluation, destiné à améliorer les anciennes approches jugées incomplètes. Cette méthode, qualifiée de géoprospective, est spécifique pour un site et un projet de dépôt donnés; elle repose sur la prédiction de l'évolution géologique du site (obtenue à partir d'une analyse rétrospective détaillée de son passé géologique) et sur l'étude complète des interactions entre le dépôt et son environnement. Cette méthode prometteuse se concrétise actuellement par des reconstitutions et des prédictions des facteurs géodynamiques (sismicité, climatologie, érosion, etc...) de sites choisis. On espère qu'à terme, elle fournira un cadre général adapté pour les futures études de sûreté de projets réels.

9. Cadre général de la gestion des déchets radioactifs

     Il convient de dessiner progressivement le cadre stratégique administratif et financier dans lequel la gestion des déchets radioactifs doit s'intégrer afin d'assurer une cohérence entre le développement des techniques et mise en oeuvre industrielle ultérieures.
     Les études exécutées lors du premier programme relatives aux aspects administratifs, juridiques et financiers en général ont été complétées par des études relatives à certaines stratégies de gestion des déchets, aux coûts et au mode de financement du stockage définitif des déchets, et aux avantages et inconvénients d'une approche multinationale du stockage définitif.
     Une première étude vise à évaluer les différentes stratégies de gestion de deux types de déchets a provenant d'une installation de fabrication de combustible à oxydes mixtes d'uranium-plutonium et d'une usine de retraitement du combustible irradié. Les stratégies sont évaluées sur la base de critères économiques et radiologiques. Bien que des résultats partiels commencent à devenir disponibles pour certains points spécifiques de l'étude, il est trop tôt pour en tirer des conclusions.
     Les coûts et les modes de financement du stockage et de l'évacuation des déchets radioactifs sont en cours d'évaluation sur la base des informations les plus récentes. Les scénarios représentatifs des tendances actuelles en matière de gestion des déchets dans la Communauté (évacuation des déchets dans les divers types de formations géologiques) sont pris en compte pour évaluer les coûts directs et indirects du stockage intérimaire, du transport, de l'évacuation des déchets, et de leur répartition dans le temps. Les différents mécanismes qui pourraient être mis en place pour financer les charges résultantes, font l'objet d'une analyse détaillée. Cette analyse a déjà mis en évidence que ces mécanismes doivent reposer sur l'application du principe pollueur-payeur, c'est-à-dire mettre en cause les producteurs d'électricité; le développement des différentes variantes dépend, entre autres, des structures nationales.
     Les avantages et désavantages des approches multinationales concernant l'évacuation des déchets dans les formations géologiques sont examinés dans le cadre d'une troisième étude. La situation actuelle en matière de gestion des déchets est qu'aucun pays ne pourrait accepter d'entreposer définitivement sur son territoire des déchets provenant des pays tiers. Dans divers milieux internationaux, il a été souligné d'autre part, qu'une solution internationale au problème de l'évacuation des déchets, regroupant les pays qui profitent de l'énergie nucléaire, pourrait offrir certains avantages. Cette approche «internationale» pourrait même s'avérer indispensable pour les pays ayant des programmes nucléaires d'envergure limitée. La Commission, pour sa part, a toujours soutenu ce point de vue.

suite:
     Dans ce contexte, l'étude en cours analyse et quantifie les problèmes inhérents à l'approche «nationale» tels que le retour des déchets provenant du retraitement du combustible irradié vers le pays d'origine du combustible et à l'approche «internationale» tels que la définition d'une équivalence entre différents types de déchets. Cette équivalence pourrait faciliter la création de sites de dépôts spécialisés pour certaines catégories de déchets indépendamment de leur origine. Cette étude devrait apporter une contribution à la solution du problème de l'évacuation des déchets dans le cadre communautaire.

ANNEXE 2

Description du contenu technique du programme proposé

PARTIE A
ETUDES RELATIVES A LA GESTION DES DECHETS
ET ACTIONS DE R ET D ASSOCIEES

Tâche I
Etudes de systèmes

     Objectifs:
     - caractériser les divers schémas de gestion globale pour chaque catégorie de déchets en vue d'évaluer leur faisabilité et leur disponibilité et d'optimiser leurs caractéristiques radiologiques et économiques
     - orienter la R et D et intégrer les travaux dans des schémas cohérents.
     Les nombreux résultats obtenus au cours des deux programmes précédents permettent désormais d'évaluer et d'optimiser les différents schémas de gestion des déchets radioactifs. A cet effet, les études porteront sur:
     - l'établissement de «flow-sheets» utilisant les procédés technologiques et les concepts d'évacuation développés au cours du programme
     - l'évaluation des caractéristiques de chaque variante en termes de volume et activité des déchets conditionnés, de relâchement des effluents dans la biosphère, de sûreté d'exploitation, de coût d'exploitation par m3, etc.
     - l'évaluation de la faisabilité des options intéressantes, du temps et du budget nécessaires pour les mettre à disposition, et l'identification des points délicats
     - l'évaluation globale de chaque variante, compte tenu des aspects radiologiques et économiques
     - la comparaison avec les pratiques actuelles.
     Les systèmes étudiés seront:
     - Système 1: gestion de déchets de longue durée de vie (a) et de haute activité
· la distinction sera faite, en cas de besoin, entre déchets a et déchets de haute activité solidifiés
· le combustible usé sera pris en considération lorsque ce sera nécessaire pour obtenir une vue d'ensemble des différentes options de gestion, et particulièrement en ce qui concerne un stockage intermédiaire de longue durée.

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· des schémas de séparation de radioéléments grands émetteurs de chaleur (ex.: Sr et Cs) à partir du flux principal de déchets de haute activité pourront être entrepris en vue de compléter les études précédentes.
     - Système 2: gestion des déchets de basse et moyenne activités
· comparaison des différentes options de gestion des déchets et analyse de l'expérience acquise au cours de l'exploitation d'installation de traitement et conditionnement des déchets.
     - Système 3: gestion des déchets gazeux
· les schémas de gestion seront optimisés; avec priorité pour le carbone 14 et le tritium.
     Contribution communautaire: 3,5 MECU sur cinq ans.

Tâche 2
Amélioration des techniques de traitement et de conditionnement des déchets radioactifs

     Objectifs:
     - minimisation du volume et des activités des déchets
     - promotion de procédés de conditionnement pour les déchets de coques, les déchets a et les déchets gazeux
     Les programmes précédents ont permis de développer des procédés de traitement et de conditionnement pour certains types de déchets radioactifs. Il convient maintenant, d'une part, de compléter ces travaux mais surtout d'améliorer la qualité des méthodes de gestion. A cet effet, les études porteront sur:
     a. Optimisation de la gestion des déchets de moyenne activité
     - Amélioration des méthodes et procédés pour la ségrégation de la radioactivité par séparation, contrôle et décontamination
     b. Réduction du flux des déchets a
     - Développement et essais de méthodes de gestion basées sur les critères «de minimis» (ségrégation à la source, séparation, contrôle)
     - Amélioration des méthodes de décontamination des déchets solides, et en particulier des déchets de coques
     - Elimination des agents complexants dans les flux de déchets
     - Décontamination des déchets a liquides.
     c. Essais en actif d'installations pilotes pour le traitement et le conditionnement de déchets a et de coques
     d. Développement et démonstration de techniques avancées de rétention et d'immobilisation pour les gaz radioactifs
     Ces travaux seront exécutés si besoin en est et suivant les résultats obtenus par la tâche 1, système 3.
     Contribution communautaire: 14,5 MECU sur cinq ans.

suite:
Tâche 3
Evaluation des déchets conditionnés et qualification des barrières ouvragées

     Objectifs:
     - évaluation du comportement à long terme des systèmes multibarrières pour la rétention de la radioactivité: matrices d'enrobage des déchets, conteneurs, matériaux de remplissage, etc. en vue d'établir des modèles de prédiction
     - établissement du contrôle de qualité des produits. Le comportement des déchets conditionnés et des barrières ouvragées a été étudié au cours des programmes précédents pour des cas de référence simples; il faut désormais étudier des cas complexes proches des conditions réelles et établir des modèles permettant leur description; ces modèles seront utilisés dans les analyses de la sûreté à long terme du stockage. Il faut vérifier également que les produits en cours de développement offriront les garanties de qualité nécessaires à un stockage définitif sûr. A cet effet, les études ci-après seront entreprises:
     a. Déchets conditionnés
     - Stabilité des déchets de moyenne activité (non a) conditionnés
     - Comportement des déchets de moyenne activité conditionnés dans les conditions d'évacuation (influence des micro-organismes incluse)
     - Stabilité des déchets de haute activité vitrifiés; mécanismes de lixiviation en milieux géologiques
     - Caractérisation des déchets de coques et des résidus de dissolveur conditionnés
     - Acquisition des données et établissement des modèles nécessaires à l'analyse de sûreté; banque de données
     b. Autres barrières
     - Conteneurs: mécanismes de dégradation et évaluation des performances
     - Effets à long terme de l'irradiation sur les barrières
     - Expériences d'interaction déchet conditionné/barrière intermédiaire/roche hôte, en vue de définir les termes source nécessaires aux études de migration
     - Continuation de la caractérisation des matériaux candidats pour le remblayage des galeries et puits; essais à grande échelle de mise en place et de comportement des matériaux de rétention.
     c. Contrôle des produits
     - Développement des tests standards pour l'évaluation de la radiolyse et des dommages causés par l'irradiation
     - Développement des moyens et méthodes, y compris les méthodes non destructives, devant assurer le contrôle de qualité des déchets conditionnés; démonstration à propos de la gestion des déchets de LWR
     - Développement des méthodes de monitoring du contenu et de la distribution des émetteurs a dans les déchets emballés
     - Comparaisons interlaboratoires (Round Robin tests) des équipements et méthodes d'essai et de contrôle
     Contribution communautaire: 18 MECU sur cinq ans.

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Tâche 4
Recherche en soutien au développement d'installations d'évacuation;
études sur l'enfouissement au voisinage de la surface et sur l'évacuation géologique

     Objectifs:
     - évaluation du comportement à long terme de la barrière géologique en vue de sa modélisation; développement d'installations d'évacuation.
     La réalisation d'installations d'évacuation souterraines demande la poursuite des travaux de R et D de soutien, tant en ce qui concerne leur conception et construction qu'en ce qui concerne le rassemblement des données scientifiques destinées à l'évaluation de leur sûreté à long terme. A cet effet, les études porteront sur:
     a. Evacuation géologique des déchets a et de haute activité
     - Etude du transport des radioéléments par les eaux souterraines, hydrogéologique du milieu environnant l'installation d'évacuation
     - Etudes de laboratoire concernant les propriétés des milieux objets d'études expérimentales in-situ
     - Etude des systèmes géologiques naturels pour ce qui concerne le confinement de certains radioéléments
     - Etudes géoprospectives
     - Mécanique des roches et études expérimentales in situ (forages profonds et laboratoires)
     - Conception des installations d'évacuation souterraine
     - Etudes conceptuelles relatives à l'évacuation dans les sédiments marins
     b. Stockage des déchets de basse activité
     - Amélioration du stockage des déchets de basse activité en surface ou sub-surface
     - Techniques de contrôle de l'isolation au cours du temps
     Contribution communautaire: 18 MECU sur cinq ans.

Tâche 5
Sûreté de l'évacuation géologique

     Objectifs:
     - évaluation des performances des systèmes d'isolation et des risques radiologiques
     La première phase (rassemblement des informations, définition des méthodologies et scénarios) du projet PAGIS (Performance Assessment of Geologic Isolation Systems) a été menée lors du programme 1980-1984; il faut poursuivre et terminer le projet afin d'obtenir une évaluation en commun du pouvoir de confinement de la radioactivité des différents systèmes d'évacuation des déchets; ce projet, limité aux déchets de haute activité au cours du 2e programme, devrait être étendu à d'autres types de déchets et de stockage. A cet effet, les études porteront sur:
     a. Déchets vitrifiés haute activité
     - Evaluation des performances des systèmes d'isolation géologique. ContinuatiQn et achèvement du projet PAGIS commencé pendant le 2e programme de R et D
     b. Déchets à longue vie non émetteurs de chaleur (déchets «a»)
     - Extension du projet PAGIS aux déchets «a»
     c. Déchets de moyenne activité
     - Evaluation des propriétés de confinement du stockage en sub-surface

suite:
     d. Assurance de qualité pour les logiciels utilisés dans l'évaluation de la sûreté
     - Elimination des erreurs de logique interne
     - Elimination des erreurs de programmation.
     Contribution communautaire: 4 MECU sur cinq ans.

Tâche 6
Elaboration en commun de politiques de gestion des déchets radioactifs

     Objectifs:
     - Elaboration, en commun, des critères pour la gestion et l'évacuation des déchets
     - Evaluation d'approches possibles, à l'échelle communautaire, pour l'évacuation des déchets
     La coopération communatitaire qui s'est développée aux niveaux scientifique et technique au cours des programmes précédents devrait être étendue à l'élaboration des critères et recommandations et à l'étude des moyens d'approfondir cette coopération. A cet effet, les études porteront sur:
     a. Mise au point et harmonisation de critères d'acceptabilité pour les conditionnements de déchets en vue de leur manipulation et de leur évacuation finale
     b. Mise au point de critères radiologiques pour l'évacuation, surtout pour les périodes de temps impliquées par l'évacuation géologique
     c. Elaboration de recommandations pour l'exécution satisfaisante, eu égard aux normes de sûreté et de protection de l'environnement, des diverses opérations impliquées dans la gestion et l'évacuation des déchets radioactifs
     d. Etude des critères «de minimis» à propos des déchets «a»/«non a» et des déchets radioactifs/non radioactifs
     e. Dimensions multinationales de la gestion des déchets influence sur son optimisation ; évacuation à l'échelle d'une région.
     Contribution communautaire: 1,5 MECU sur cinq ans.
 
 

PARTIE B
CONSTRUCTION ET/OU EXPLOITATION
D'INSTALLATIONS SOUTERRAINES OUVERTES
A DES ACTIONS CONJOINTES DE LA COMMUNAUTE

     Les projets spécifiques de cette partie du programme sont ouverts à la coopération communautaire par les organismes responsables des pays membres sur le territoire desquels les installations seront construites. Ils concernent des installations expérimentales et pilotes sans usage industriel. Ces installations permettront de confirmer sur place les valeurs numériques des paramètres à prendre en compte pour la réalisation d'installations industrielles de confinement et de développer les techniques de mise en place des déchets radioactifs.
     Les déchets ou matériaux radioactifs qui seront utilisés dans certains projets pour étudier les conditions d'exploitation d'une intallation industrielle seront récupérables.

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     La coopération vise en particulier la participation de chercheurs d'autres pays membres aux projets en cause, notamment par le détachement de personnel, et la possibilité de compléter les programmes par des activités propres, suivant des modalités à définir cas par cas.
     La direction et la responsabilité des projets seront assurés par les organismes d'accueil.
     En addition aux 3 projets ci-dessous, d'autres projets pourront être ajoutés en cours de programme.

PROJET N°1: installation pilote souterraine dans la mine de sel de Asse[1]

     Le projet débutera en 1984 et l'installation devrait être opérationnelle vers 1986. Les travaux couverts par le programme communautaire 1985-89 seront les suivants:
     - Creusement au niveau -800 m et équipement d'une galerie ayant les dimensions et caractéristiques envisagées pour une future installation industrielle de dépôt de déchets hautement radioactifs.
     - Acquisition et mise en place de verres borosilicatés enrichis en Cs-137 et Sr-90 permettant d'atteindre la production de chaleur et le flux de rayonnements b et g exigés.
     - Etude de l'effet conjoint de la chaleur et des rayonnements sur le sel pour ce qui concerne:
· la détermination qualitative et quantitative de l'eau et des gaz libérés;
· l'interaction de ces éléments avec la roche hôte et l'enceinte de confinement;
· le comportement contrainte-déformation d'un pilier de sel dans des conditions de dépôt.
     - Essai des moyens de transport, manutention et mise en place de déchets de haute activité, dans l'environnement minier et radioactif de la galerie, en vue de l'utilisation de ces moyens dans une installation industrielle future.
     - Démonstration du fonctionnement de l'ensemble du système d'évacuation.
     Contribution communautaire: 8,4 MECU sur 5 ans.
 

PROJET N°2: installation pilote souterraine dans la couche d'argile située sous le site nucléaire de Mol[2]

     Le projet débutera vers 1984 et l'installation sera opérationnelle en 1995. Les travaux couverts par le programme communautaire 1985-1989 seront les suivants:
     - Définition du projet: nombre et caractéristiques des galeries et nature des déchets (déchets de haute activité vitrifiés, déchets a enrobés dans du bitume, etc...) puis étude détaillée: ingénierie minière, manutention, radioprotection.
     - Creusement, au niveau -230 m à partir du puits d'accès existant, d'une ou plusieurs galeries représentative(s) d'une future installation industrielle de dépôt.
     - Eventuellement, et au vu des résultats du programme de R et D en cours, développement et construction d'une machine de creusement spécialement adaptée aux milieux argileux.
     - Commande et réalisation d'équipements de manutention et de radioprotection.
     Contribution communautaire: 7,4 MECU sur 5 ans.

suite:
PROJET N°3: installation expérimentale souterraine en France dans un millieu géologique de nature complémentaire[3]

     Le projet devrait débuter avec l'obtention de l'autorisation gouvernementale en 1984; l'installation serait opérationnelle en 1989. Les travaux couverts par le programme communautaire 1985-1989 seraient les suivants:
     - Conception détaillée de l'installation souterraine (type d'excavations, dimensions des galeries) et définition du programme expérimental (en particulier sources de chaleur et rayonnement employés);
     - Construction des puits, galeries et chambre expérimentale;
     - Mise en service et début d'exploitation de l'installation: détermination qualitative et quantitative du comportement de la roche hôte (à l'état non perturbé et dans les zones perturbées par les travaux miniers), détermination des paramètres caractéristiques du transfert des radioéléments et des produits de corrosion, essais in situ des composants d'une future installation industrielle.
     Contribution communautaire: 9,2 MECU sur 5 ans.

D. Extraits ANDRA - mars 87

Les schistes: un milieu adapté au stockage des déchets radioactifs

Principales qualités d'un site de stockage

     On demande les qualités suivantes à une formation géologique pour qu'elle puisse convenir au stockage de déchets radioactifs:
     - Posséder des caractéristiques mécaniques favorables à la réalisation d'ouvrages souterrains de style minier (puits, galeries) et garantissant la sécurité des travailleurs pendant la période d'exploitation.
     - Avoir des dimensions suffisantes pour accueillir les installations souterraines.
     - S'opposer autant que possible à toute circulation de l'eau.
     - Avoir une bonne capacité de piégeage des éléments radioactifs afin de freiner leur migration dans la roche.
     - Avoir une bonne résistance aux élévations de température et une bonne conductivité thermique de façon à supporter et évacuer la chaleur produite par les déchets fortement radioactifs.
     - Ne pas renfermer de substance pouvant présenter un intérêt minier.
     On demande d'autre part au site d'être situé dans une zone tectoniquement stable.


1. présenté par les autorités de la République Fédérale d'Allemagne
2. Présenté par le CEN/SCK avec le soutien des autorités belges.
3. Présenté par le CEA avec le soutien des autorités françaises. Le choix du milieu géologique fera l'objet d'une décision gouvernementale ultérieure.
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Les schistes argileux remplissent de façon remarquable ces conditions

     Pour la recherche de sites de stockage, une préférence est donnée aux schistes argileux. En effet, ceux-ci présentent des qualités héritées à la fois des roches dures comme les granites, et des roches souples comme les argiles:
     Du granite, les schistes ont acquis la dureté et la rigidité qui permettent de réaliser aisément des ouvrages souterrains de grande dimension comme dans les ardoisières. Ces roches résistent par ailleurs très bien à l'altération comme le prouve leur utilisation pour la couverture des maisons. Elles se sont formées à des températures variant de 150 à 300°C et par conséquent résisteront bien à l'élévation de température provoquée par le stockage.
     - Des argiles, les schistes ont conservé dans une certaine mesure la souplesse et surtout l'imperméabilité, qui se traduit dans la nature par les difficultés des recherches d'eau dans ce milieu en dehors des grandes zones de failles. Enfin, l'abondance des minéraux argileux et des micas est un facteur très intéressant pour la capacité des schistes à retenir les éléments radioactifs qui pourraient s'échapper du stockage.
     Comme les granites, les schistes présentent parfois des fractures mais celles-ci sont presque toujours colmatées par des argiles très fines qui conservent au milieu son étanchéité.

L'anticlinal du Lion d'Angers comporte des secteurs pouvant convenir à la réalisation d'un stockage souterrain

     Du fait de leur appartenance à une famille très large, les schistes se rencontrent dans un grand nombre d'entités géologiques, en particulier dans des zones montagneuses anciennes ou récentes. Les formations schisteuses les mieux développées se situent toutefois dans le Massif Armoricain.
     Les schistes existent dans de nombreux endroits du Massif Armoricain mais tous ne sont pas intéressants. Souvent les schistes du pourtour du Massif Armoricain ont été désorganisés et transformés par la mise en place de granites dans leur environnement proche. D'autres comme les  schistes ardoisiers d'Anjou se situent au-dessus d'une nappe d'eau souterraine importante au niveau régional contenue dans les grès armoricains.
     Seule le centre de la Bretagne offre une vaste zone «calme» où les schistes sont très épais et n'ont pas subi de bouleversements importants au cours de leur très longue histoire géologique (âge supérieur à 600 millions d'années). Dans cette zone la forme des couches apparaît simple et on observe le même type de roche schisteuse sur de grandes superficies.

suite:
Situation des communes concernées par les recherches sur les schistes d'Anjou

     La forme simple des couches et la régularité de la roche à l'échelle d'une grande zone n'empêchent pas des variations locales. A l'Ouest de Rennes il semblerait que ces dépôts de schistes soient moins épais; même chose au Sud de Chateaubriant où des granites peu profonds pénètrent dans les schistes en se rapprochant de la surface.
     Par contre, la région située à l'Ouest du Lion d'Angers semble présenter une très grande épaisseur de sédiments schisteux de qualité intéressante. Les terrains les plus superficiels sont constitués par des quartzites ou des conglomérats peu épais et discontinus. Ils recouvrent des schistes à grains très fins, riches en argiles, épais de plusieurs centaines de mètres. En profondeur, les schistes sont constitués de grains plus grossiers de natures diverses liés entre eux par de l'argile.
     Les informations disponibles concernent essentiellement les données de surface et proviennent de la cartographie géologique et des études par télédétection qui ont été effectuées sur le massif. Cependant il est possible d'extrapoler ces données vers la profondeur en utilisant les résultats de campagnes de géophysique et de quelques forages réalisées dans un objectif de prospection minière. Ces recherches ont par ailleurs montré que le secteur ne présentait pas d'intérêt particulier sur le plan minier.
     Les couches de schistes ne sont pas horizontales mais présentent des ondulations bien marquées. La vallée de la Mayenne en recoupant certains de ces plis permet au géologue de se rendre compte des variations de terrain.
     La zone sélectionnée est située au coeur d'un grand anticlinal Est-Ouest d'une largeur de 10 km environ appelé par les géologues «anticlinal du Lion d'Angers». Cet anticlinal est découpé en blocs homogènes, peu fracturés et peu perméables dont les volumes peuvent atteindre plusieurs km3. Ces blocs sont limités par des failles ou des filons plus perméables dont les principales correspondent à la Mayenne à l'Est, à l'Argos au centre et à l'axe Candé-Pouancé à l'Ouest. Un de ces blocs situé au Sud-Ouest de Segré entre Combrée, Challain-la-Potherie et Chazé-sur-Argos présente des dimensions suffisantes pour la réalisation du stockage et a été retenu pour des investigations plus détaillées.

p.13

     D'autre fractures plus petites existent dans le bloc ainsi défini mais elles sont difficiles à repérer en surface car des dépôts récents recouvrent en partie les schistes. Les recherches viseront à s'assurer qu'aucune faille importante n'a échappé aux études antérieures et que les mouvements d'eau à l'intérieur du bloc sélectionné sont et resteront très faibles ou nuls.

Bloc diagramme et coupe géologique
de la région de Segré


 

Le sel: une roche adaptée au stockage des déchets radioactifs

Principales qualités d'un site de stockage:

     On demande les propriétés suivantes à une formation géologique pour qu'elle puisse convenir au stockage de déchets radioactifs:
     - posséder des caractéristiques mécaniques favorables à la réalisation d'ouvrages profonds de style minier (galeries, puits...);
     - s'opposer à toute circulation de fluides gazeux ou liquides, donc être aussi imperméable que possible;
     - s'opposer à la dispersion de la radioactivité dans l'environnement, donc posséder un pouvoir de confinement;
     - évacuer la chaleur produite par les déchets radioactifs;
     - avoir des dimensions suffisantes (superficie, épaisseur) pour accueillir les installations souterraines.

Le sel est un matériau qui remplit de façon assez remarquable ces conditions:

     - il permet aisément le creusement de galeries ou d'ouvrages souterrains, comme l'atteste l'existence de nombreuses mines et de cavités de stockage de gaz ou d'hydrocarbures; de plus le sel est un matériau plastique, des cavités creusées dans du sel se referment d'elles-mêmes avec le temps. Cette propriété d'autocolmatage est particulièrement intéressante pour un futur stockage;

suite:
     - le sel est un matériau imperméable, d'où son utilisation fréquente dans le monde pour le stockage de différents produits liquides ou gazeux;
     - le sel est bon conducteur de la chaleur
     - dans de nombreux pays du monde, on connaît des dépôts de sel, sous forme de couches plates d'extensions et d'épaisseurs importantes, ou sous forme de dômes ou diapirs.
     - par contre le sel est soluble dans l'eau. Une couche de sel, recouverte par une autre couche imperméable telle que l'argile, constitue un ensemble particulièrement favorable au stockage des déchets.

Géologie du bassin de la Bresse

     Les nombreux forages et recherches géophysiques réalisés en Bresse pour la recherche pétrolière et minière, la géothermie, les stockages de gaz, ont permis d'avoir une bonne connaissance du sous-sol.
     Le bassin de la Bresse a été retenu en raison de la présence d'épaisses couches de sel en profondeur, susceptibles d'accueillir un laboratoire d'études géologiques destiné à étudier la possibilité d'y implanter un stockage de déchets radioactifs.
     Les dépôts de sel du bassin de la Bresse s'étendent sur environ 50 km du Nord au Sud, et 20 km d'Est en Ouest.
     Le centre des dépôts se situe entre Montrevel et Bourg-en-Bresse.

Les dépôts de sel datent d'une trentaine de millions d'années

     Il y a environ 65 millions d'années, commence l'ère tertiaire. Pendant la première partie de cette ère géologique, une dépression en forme de cuvette se forme dans la région de Bresse. Cette dépression va devenir une mer fermée contenant de l'eau salée, et le rester pendant plusieurs millions d'années (époque Oligocène), ce qui va être propice au dépôt de grandes quantités de sel.
     Quand, il y a environ trente millions d'années, prennent fin ces dépôts, ce sont plus de 1.000 mètres de sel qui sont accumulés dans le centre de la dépression.


BLOC DIAGRAMME OU BASSIN BRESSAN

     Ce sel va être recouvert pendant les périodes qui vont suivre par des sédiments variés: marnes, calcaires, sables et argiles qui atteindront une épaisseur de plusieurs centaines de mètres. Il existe deux couches de sel, séparées par une couche intermédiaire de marnes.

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     Seule la couche de sel la plus haute appelée «Sel Supérieur» est à une profondeur convenant à la réalisation d'un stockage souterrain.
     On observe que le sel supérieur s'enfonce sur le Sud.
     Le sommet de la couche passe environ de la cote -500 mètres au Nord à la cote -100 mètres au Sud.
     Entre Montrevel et Saint-Trivier-de-Courtes le sel est épais (300 mètres), et se situe à une profondeur d'environ 600 mètres.
     L'eau est le principal agent qui pourrait transporter la radioactivité, si jamais elle venait au contact du stockage.
     Il est donc important de s'assurer que les mouvements d'eau dans les terrains entourant le stockage sont très faibles ou nuls, et que le sel est bien isolé des aquifères de surface.
     En ce qui concerne le site de la Bresse, la présence d'épaisses couches d'une roche comme le sel, soluble dans l'eau comme chacun sait, est déjà une preuve raisonnable de l'absence de circulation d'eaux souterraines pendant plus de 30 millions d'années.

Le déroulement des recherches

     Le choix définitif d'un site pour le laboratoire souterrain ne se fera qu'au terme de longues et nombreuses études, aussi bien sur le terrain qu'en laboratoire.
     Un stockage de déchets radioactifs ne se réalise que dans un site géologique répondant à des exigences précises.
     Si les caractéristiques d'un site montrent qu'il ne répond pas à ces exigences, on peut être conduit à l'abandonner.
     C'est pourquoi l'ANDRA est amenée à entreprendre des travaux sur plusieurs sites, pour en retenir un qui soit favorable à l'implantation d'un laboratoire souterrain destiné à y étudier la possibilité d'y implanter un stockage.
     Une première étape d'études sur documents, à partir de travaux déjà réalisés pour le compte d'autres sociétés (pétrolières, minières, stockage de gaz...), a conduit à retenir des zones a priori favorables.
     Dans le but de confirmer les caractéristiques reconnues favorables du site et d'approfondir sa connaissance, des investigations sur le terrain sont nécessaires. Elles consistent en:
     - des études géophysiques depuis la surface, destinées à définir les caractéristiques géométriques des formations en profondeur,
     - des forages profonds d'exploration (1.000 m et plus) destinés à étudier les caractéristiques des couches salifères en place,
     - des petits forages complémentaires pour étudier les couches aquifères.
     Ces travaux de terrain seront complétés par des études en laboratoire à partir des échantillons et des données recueillies sur le terrain. Ils dureront environ trois ans.

suite:
     A chaque étape, pendant le déroulement des travaux, et au fur et à mesure de l'acquisition des données, des décisions seront prises afin de réorienter les recherches, voire de les arrêter s'il s'avère que les résultats obtenus ne sont pas conformes à ceux attendus.
     A l'issue de ces recherches, un site parmi ceux que l'ANDRA aura étudiés, sera choisi pour le laboratoire souterrain. A qualités de sûreté équivalentes, ce choix se fera en fonction de critères techniques et économiques.
     Ce n'est qu'après deux ou trois ans de travail dans ce laboratoire souterrain, que la décision sera prise d'en faire ou non un site de stockage définitif pour les déchets.

La recherche géophysique

     L'étude des résultats des travaux et prospection antérieurs réalisés aussi bien par des centres universitaires que par des compagnies pétrolières et minières, a permis dans une première phase de situer une zone susceptible de convenir au stockage des déchets radioactifs.
     Une deuxième étape va permettre d'envisager une localisation plus précise, par la connaissance des limites et de la géométrie des terrains en profondeur.
     La recherche géophysique apporte de tels renseignements. La campagne de mesures sur le terrain dure un à deux mois environ. Elle est suivie d'une longue période de dépouillement et d'interprétation des données recueillies (6 à 12 mois).
     Une première image du sous-sol est ainsi obtenue, suffisante pour permettre de décider de la suite des travaux.

Le principe de la prospection géophysique

     Différentes techniques existent, mais la principale utilise la capacité des couches du sous-sol à renvoyer des ondes sonores.
     Ces ondes sont émises par des vibrateurs adaptés à des véhicules qui se déplacent sur les principaux axes de la zone à prospecter.
     Ces impulsions sonores se réfléchissent sur les diverses couches rencontrées.
     Des capteurs disposés en surface recueillent les ondes ainsi réfléchies, et en transmettent les signaux par câble à un véhicule laboratoire qui les enregistre.
     Ces informations feront ensuite l'objet de traitements pour être interprétées.


Principe de la prospection géophysique

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Le déroulement des opérations de prospection

     - la zone de recherche géophysique est déterminée approximativement par des études sur documents (première étape). Elle couvre une surface beaucoup plus vaste que celle requise par l'éventuel stockage souterrain.
     - des petits forages peu profonds (40 mètres) seront effectués par des camions légers, pour effectuer des mesures préliminaires.
     - puis les mesures seront assurées par deux ou trois véhicules émetteurs, un camion laboratoire, et quelques véhicules légers; en principe, les enregistrements se font de jour en continu et ne nécessitent qu'un seul passage des véhicules en un lieu donné.
     - les véhicules émetteurs se déplacent suivant une trace couvrant toute la zone de recherche et empruntant dans la mesure du possible les routes et chemins.
     - dans certains cas, les véhicules seront contraints d'emprunter des chemins privés ou d'entrer sur des parcelles de terrain en dehors des accès existants.
     Les propriétaires seront informés du passage des véhicules sur leurs terrains, étant entendu que l'ANDRA prendre à sa charge la réparation des éventuels dommages commis pendant la prospection.
     Toutes les précautions seront cependant prises pour respecter l'environnement et limiter les dégâts au maximum.

La recherche au moyen de forages

     Le recueil d'échantillons de roches et les mesures effectuées directement sur les terrains du sous-sol, sont nécessaires pour compléter les résultats obtenus par les recherches géophysiques.
     Un forage profond dure environ deux à trois mois. Il est suivi par une longue période d'analyses et de travaux en laboratoire (6 mois et plus).
     Les premiers résultats obtenus à l'issue de la campagne de géophysique seront complétés pour préciser:
     - les caractéristiques géométriques des couches étudiées (profondeur, épaisseur, limites)
     - la nature et les caractéristiques physiques des matériaux constituant ces couches (perméabilité, porosité, propriétés mécaniques et thermiques...).
     Ces connaissances sont obtenues de façon complémentaire:
     - par des mesures géophysiques dans les puits;
     - par l'étude d'échantillons de roches prélevées à des profondeurs variables du sous-sol pendant le forage;
     - grâce à. des essais hydrauliques réalisés une fois les forages terminés.

suite:
     Les échantillons cylindriques ou carottes, de 10 cm de diamètre environ, sont soumis à des tests en laboratoire.
     Plusieurs puits forés à différentes profondeurs permettent d'avoir une idée d'ensemble des caractéristiques de la formation géologique étudiée.

Implantation et déroulement des forages

     En ce qui concerne l'implantation précise des forages, liée à des contraintes techniques de terrain (accès par exemple), on dispose de quelques degrés de liberté qui permettront le plus souvent de choisir des endroits entraînant la moindre gêne possible pour les exploitants du sol et le voisinage.
     Les forages sont réalisés à l'aide de matériel de type pétrolier ou minier appelé «sonde».
     L'ensemble du matériel de forage et de ses annexes est installé sur une plateforme de 1 ha environ de superficie, réalisée spécialement à cet effet.
     Le forage est effectué en continu, 24 h sur 24 par trois équipes.
     Un forage dure environ deux à trois mois.
     Le dépouillement des informations recueillies dure plusieurs mois.

La zone des recherches

     Le sous-sol de la région de Montrevel/St-Trivier-de-Courtes présente des caractéristiques favorables à l'implantation d'un laboratoire souterrain destiné à y étudier les propriétés des roches en place.
     La zone des recherches est représentée par la figure ci-dessous.
     Afin de confirmer les études antérieures, l'ANDRA va y effectuer des mesures le long de profils géophysiques, semblables à celles que la Compagnie Générale de Géophysique a effectuées pour le compte de Gaz de France dans le secteur d'Etrez.
     Elles seront complétées ultérieurement par des forages profonds.

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E. Stockage en profondeur des déchets radioactifs
Présentation et contexte des travaux de reconnaissance géologique préliminaires
(Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaire)
Mai 1987

     1. Les déchets radioactifs représentent une très faible part de l'ensemble des déchets produits par notre civilisation: 1 kg contre 5 tonnes par habitant et par an.
     Pour le programme nucléaire français; cela représente un volume cumulé en l'an 2000 de l'ordre de 1 million de m3. Pour présenter les différentes solutions retenues pour le stockage définitif de ces déchets, il est commode de distinguer les 3 catégories suivantes, appelées A, B et C (1):

     - les déchets A dits «b, g»:
     Ces déchets contiennent essentiellement des radionucléides de période courte ou moyenne (inférieure à 30 ans); leur teneur en radionucléides de période longue doit être très faible. Ce sont les déchets communément dénommés déchets de faible et moyenne activité, qui proviennent principalement des centrales nucléaires E.D.F. et, pour le reste, des usines du cycle du combustible, des grands laboratoires de recherche, et des divers utilisateurs de radioéléments (hôpitaux, universités, laboratoires d'analyses, industries...).
     Ces déchets représentent en volume plus de 90% du total, 800.000 m3 environ en volume cumulé en l'an 2000, et 1% seulement en radioactivité.

     - les déchets B dits «a»:
     Ces déchets contiennent des quantités significatives de radionucléides de période longue, supérieure à 30 ans, qui sont généralement des émetteurs a. Ils proviennent principalement des usines du cycle du combustible (fabrication, mise en forme, retraitement).
     Leur volume cumulé en l'an 2000 sera d'environ 70.000 m3.

     - les déchets C dits de «haute activité»:
     Ces déchets renferment des produits de fission et des éléments lourds issus du traitement des combustibles irradiés. En France, il est prévu de les solidifier par vitrification et de les entreposer en surface dans des installations spécifiques avant leur stockage définitif.
    Leur volume cumulé en l'an 2000 sera de l'ordre de 3.000 m3.

2. Les solutions adaptées an stockage à long terme de ces 3 catégories de déchets radioactifs sont différentes.
     Les orientations retenues dans notre pays en la matière sont exposées dans le programme général qu'a présenté le Commissariat à l'énergie atomique en 1983. Ce programme général a été approuvé par le Gouvernement à l'issue de son examen, effectué dans le cadre des travaux du conseil supérieur de la sûreté nucléaire, par une commission que présidait le professeur Castaing.

suite:
     Ainsi, après un conditionnement convenable, les déchets A sont destinés à être stockés à la surface du sol. La France dispose actuellement d'un centre adapté à ce type de stockage; il s'agit du site de la Manche, situé au Cap de La Hague, qui est en exploitation depuis 1969. Toutefois, la capacité de ce centre sera saturée vers 1990. Pour prendre le relais, l'ANDRA a choisi un site dans le département de l'Aube, près de Soulaines-Dhuys, dont les procédures de déclaration d'utilité publique et d'autorisation de création (au titre de la réglementation des installations nucléaires) sont en cours, en vue d'une mise en service en 1990.
     En particulier, l'enquête publique prévue par ces procédures s'est déroulée du 29 septembre au 10 novembre 1986. Le 8 décembre 1986, la commission d'enquête a émis un avis favorable à l'utilité publique des travaux. Actuellement, le Conseil d'Etat est saisi d'un projet de décret de déclaration d'utilité publique.

     3. Le stockage géologique profond
     La solution envisagée dans notre pays pour le stockage à long terme des déchets radioactifs de type B et C est le dépôt en profondeur dans une formation géologique appropriée.
     Le choix du stockage en profondeur pour les déchets B et C se fonde en particulier sur un très large consensus de la communauté des experts internationaux. Les principes de base d'un tel stockage et les types de structures géologiques a priori favorables sont étudiées dans plusieurs pays depuis de nombreuses années.
     Bien qu'aucune réalisation ne soit actuellement opérationnelle, plusieurs projets sont développés dans le monde:
     - le centre américain «WIPP» (Texas) est le plus avancé; il s'agit d'une installation réalisée dans du sel destinée à des déchets de type B issus du programme militaire. Un laboratoire souterrain est le lieu d'études et d'expérimentations, depuis plusieurs années. L'excavation des ouvrages de stockage est en cours, mais aucun déchet n'a encore été mis en place.
     - aux Etats-Unis toujours, 3 sites ont été sélectionnés en vue du choix de l'un deux pour un dépôt civil, dans trois formations géologiques différentes.
     - la République Fédérale d'Allemagne a choisi l'ancienne mine de fer de Konrad pour le stockage de déchets de faible et moyenne activité, et le site de Gorleben (dôme de sel) pour le stockage profond. Un laboratoire d'études fonctionne dans la mine de sel d'Asse. A Gorleben, les puits d'accès au stockage sont en cours de forage; l'un d'eux a déjà atteint le dôme de sel.
     - en Suède, des sondages de reconnaissance, en vue d'acquérir des informations sur la géologie profonde des formations susceptibles d'accueillir un stockage, ont également été forés sur huit sites distincts. Un laboratoire souterrain est opérationnel à Stripa. Un projet de stockage dans le granite a été développé (KBS2 - KBS3).
     - en Suisse, un laboratoire souterrain mène des expérimentations à Grimsel (granite). En parallèle, des reconnaissances de sites sont en cours.
     - l'argile fait l'objet d'études au centre de Mol, en Belgique, au sein, notamment, d'un laboratoire souterrain opérationnel depuis plusieurs années.
     - des études générales et de présélection de sites sont en cours au Royaume-Uni, au Japon, etc.

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     La démonstration complète de la sûreté d'un site français de stockage en profondeur demandera encore plusieurs années, délai lié à l'aboutissement d'importants travaux de recherche et développement actuellement en cours et à l'acquisition de données sur le terrain, dans le sous-sol. Naturellement, cette démonstration complète conditionnera l'introduction de déchets radioactifs dans le centre de stockage souterrain. Toutefois, comme cela a été souligné plus haut, il est tout à fait raisonnable de penser que cette démonstration pourra être apportée pour un site bien choisi; c'est pourquoi il était nécessaire que l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) entreprenne désormais des travaux de reconnaissance préliminaires, destinés à permettre la sélection d'un site géologique présentant des caractéristiques favorables, afin qu'un laboratoire souterrain y mette en oeuvre un programme de qualification approfondi.
     La présente note va maintenant préciser les caractéristiques attendues d'une formation géologique pour qu'elle soit adaptée au dépôt de déchets radioactifs de période longue; ensuite, on décrira le processus qui devrait conduire à la mise en service d'un centre de stockage profond, en précisant son calendrier prévisionnel. En dernier lieu, les quatre zones qui ont été retenues pour des travaux de reconnaissance géologique préliminaires seront présentées.

4. Les qualités recherchées pour la formation géologique d'accueil

     Pour fixer les idées, nous allons présenter dans ses grandes lignes le concept de stockage élaboré par l'ANDRA (figure 1). Le dépôt occupera une superficie de quelques km2, à une profondeur de plusieurs centaines de mètres (300 à 1.000 suivant les sites). Il est prévu un centre commun aux déchets B et C, ceux-ci étant toutefois placés dans des ensembles d'ouvrages distincts, en raison des contraintes thermiques et de niveau d'irradiation différentes. Il est prévu des galeries pour les déchets B et des puits verticaux pour les déchets C. Ces ouvrages seront desservis par des puits d'accès. La sûreté du dépôt reposera sur l'interposition entre les substances radioactives à stocker et l'environnement, de plusieurs «barrières», qui sont schématiquement: les colis de déchets, le matériau de remplissage des cavités et les structures géologiques. La contribution de ces dernières à la sûreté est essentielle: la «barrière géologique» apporte en effet au regard du confinement de la radioactivité, les meilleures garanties de stabilité à long et très long terme.
     L'importance pour la sûreté des qualités de la formation géologique d'accueil a conduit le ministre chargé de l'industrie à constituer en avril 1985 un groupe de travail scientifique, placé sous la présence du professeur Goguel, chargé de définir des critères techniques de choix de site profond. Malgré la disparition brutale du professeur Goguel, le 5 janvier 1987, le rapport de ce groupe est en cours d'achèvement et pourra être présenté très prochainement au conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires (voir Gazette Nucléaire N°52, 1983).

suite:
Figure 1

     Pour l'essentiel, il apparaît nécessaire de rechercher un site ayant les qualités suivantes:

a) stabilité

     A long terme, la stabilité du site est une exigence essentielle au maintien de l'isolement des déchets vis-à-vis de l'environnement. Seront donc écartées les zones présentant un risque significatif de volcanismes, de manifestations tectoniques (mouvements verticaux, diapirisme, fissurations...) d'activité sismique.

b) hydrogéologie

     La stabilité du site acquise, on recherchera des zones propres à isoler la radioactivité de l'environnement, en empêchant ou en limitant les venues d'eau vers les colis, et en limitant et en ralentissant les départs éventuels de radionucléides. Ces conditions seront satisfaites dans des formations géologiques à très faible perméabilité, et dans lesquelles la part d'eau susceptible de se déplacer est aussi faible que possible. Des gradients hydrauliques horizontaux ou verticaux faibles, aussi bien à l'intérieur de la roche d'accueil que dans les formations adjacentes, seront favorables. Ceci rend les zones de plaine ou de bord de mer plus intéressantes que les régions montagneuses à fort dénivellement topographique, propices aux mises en charge hydraulique.

c) géochimie

     La vitesse de propagation des éléments radioactifs est en général inférieure à celle de l'eau. Le facteur de retard, différent pour chaque radionucléide et pour chaque forme chimique, est fonction de la capacité de rétention physico-chimique des roches.
     Lorsque des mouvements d'eau pourront intervenir, un bon coefficient de rétention des formations géologiques constituera un facteur favorable.

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d) propriétés mécaniques

     La stabilité des terrains est tout d'abord une contrainte de génie minier, à considérer en phase de construction et d'exploitation des ouvrages souterrains (puits, galeries, cavités).
     A l'inverse, la plasticité de certaines roches peut être un avantage intéressant pour assurer un rebouchage et un scellement efficace des cavités souterraines.

e) risque d'intrusion

     On évitera les sites dans lesquels l'implantation du stockage compromettrait l'exploitation de ressources de valeur, ou stériliserait des zones d'intérêt exceptionnel. Ces dispositions contribueront à prévenir le risque d'intrusion humaine.
     Compte tenu des caractéristiques recherchées, plusieurs types de milieux géologiques sont envisageables pour le stockage des déchets radioactifs en profondeur, la condition première étant la recherche de structures présentant des circulations d'eaux souterraines aussi petites que possible.
     A partir des différents travaux d'étude accomplis dans le monde et de l'inventaire des formations géologiques disponibles sur le territoire métropolitain, on peut citer pour la France:
     - les roches cristallines, et notamment les granites;
     - les formations évaporitiques, et notamment les massifs salins;
     - les formations d'argile plastique;
     - les formations schisteuses.
     Les roches critallines se prêtent relativement bien aux travaux souterrains; leur abondance et leur manque d'intérêt économique limitent les risques d'une intrusion future.
     Par contre, ces roches dures comportent toujours des réseaux de fissures et de fractures, dont la reconnaissance est difficile et le rôle hydraulique délicat à apprécier et à prévoir.
     En outre, en raison de la faible plasticité de ces roches, le rebouchage étanche à court et à long terme des galeries et des puits, une fois les déchets mis en place, est un problème technologique difficile.
     Les formations salines présentent des avantages indéniables, qui tiennent d'une part à l'absence d'eau libre, d'autre part à leurs propriétés mécaniques permettant une exploitation aisée par l'excavation de galeries de grands volumes où peuvent circuler des engins; en outre, la plasticité du sel assure un colmatage au bout de quelques siècles des vides subsistant après le rebouchage des ouvrages. Le sel présente au regard de ces avantages, l'inconvénient de constituer un minerai exploité industriellement et d'être également un milieu utilisé à des fins de stockage (gaz, pétrole). De plus, la formation saline doit être tenue à l'abri des venues d'eau, et la réalisation des puits d'accès doit en tenir compte.
     Les formations argileuses ont également des propriétés favorables au confinement des déchets très faible perméabilité, forte porosité et généralement un fort pouvoir de rétention des radionucléides par absorption, plasticité du matériau permettant, comme dans le cas du sel, la bonne fermeture des excavations par convergence des parois.

suite:
     Par contre, les propriétés mécaniques de ces formations peuvent entraîner des difficultés pratiques de réalisation des ouvrages et donc des coûts d'excavation élevés. En outre, les propriétés thermiques des argiles sont moins bonnes que celles d'autres milieux.
     Les formations schisteuses recouvrent une vaste catégorie de roches, qui se distinguent des argiles principalement par leurs propriétés mécaniques. Du point de vue du confinement des déchets, leur intérêt réside dans leur grande imperméabilité générale, leur faible fracturation, et une plasticité résiduelle pouvant entraîner l'auto-colmatage des fissures et des fractures éventuelles. Par ailleurs leurs propriétés mécaniques sont plus favorables au génie minier que celles des argiles.
     Par contre, la faible conductivité thermique limite, comme pour les argiles, les possibilités de stockage de déchets à fort dégagement de chaleur; de plus l'anisotropie du milieu, la présence de schistosités et de discontinuités compliquent, comme dans le cas des roches cristallines la démonstration de la sûreté d'un éventuel stockage de déchets.

5. Processus de choix et calendrier
     La décision de réaliser et d'exploiter un centre de stockage en profondeur devra résulter d'un processus rigoureux et précis, dont l'organisation en plusieurs étapes successives est un aspect fondamental. Ce processus a été décrit par le secrétaire d'Etat chargé de l'énergie lorsqu'il a présenté au cours de la séance du 19 juin 1984 du conseil supérieur de la sûreté nucléaire, les orientations retenues par la France en matière de gestion des déchets radioactifs.
     Ainsi, quatre étapes peuvent être distinguées:
     1ère phase: l'inventaire national et la présélection de zones a priori favorables.
     Cette phase a été menée à bien; conduite par l'ANDRA avec l'appui du bureau de recherches géologiques et minières, elle a consisté en une revue de données géologiques disponibles sur le sous-sol français (bibliographies, forages effectués dans le cadre de recherches pétrolières ou minières, etc...) afin de choisir quatre zones dont le sous-sol présente des caractéristiques favorables. Ces quatre zones sont présentées au point 6. de la présente note.
     2ème phase: la sélection d'un site pour l'implantation d'un laboratoire souterrain.
     Cette deuxième phase, qui vient de commencer, se déroulera jusqu'en 1990. Les quatres zones présélectionnées à l'issue de la phase 1 vont être reconnues au moyen d'études géophysiques conduites à partir de la surface (gravimétrie, sismique), de forages superficiels et de forages profonds. Cette étape débouchera sur le choix d'un site géologique destiné à accueillir un laboratoire souterrain.
     3ème phase: le laboratoire souterrain.
     Les informations fournies par les deux premières phases seront encore insuffisantes pour décider de la construction d'un stockage, et en particulier pour apporter la démonstration complète de sa sûreté, dans le site géologique choisi. C'est pourquoi l'objectif de cette troisième étape sera, au moyen d'investigations poussées conduites depuis la surface ou en profondeur, dans un laboratoire souterrain, de qualifier ce site de manière fine et de s'assurer qu'il a les qualités appropriées pour l'accueil d'un stockage.

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     Ce n'est qu'à l'issue de cette étape, au cours de laquelle aucun déchet radioactif ne sera introduit, qu'une demande d'autorisation de création au titre de la réglementation des installations nucléaires sera examinée, vers 1995 dans le calendrier prévisionnel.
     4ème phase: la préparation de la mise en service.
     La réalisation du stockage étant désormais, au début de cette quatrième phase, décidée et autorisée, les études se poursuivront pour optimiser le concept de stockage et les méthodes de sa réalisation; elles seront aussi mises à profit pour confirmer les valeurs des paramètres géologiques du site, et affiner l'observation de certains phénomènes. Cette phase comprendra également le début de la construction du dépôt, et devrait aboutir, vers l'an 2000, à l'autorisation de mise en exploitation, après examen par les organismes de sûreté nucléaire du dossier correspondant.

6. Les quatre zones pré-sélectionnées
     Les quatre formations géologiques retenues par l'ANDRA pour y entreprendre des travaux de reconnaissance préliminaires sont les suivantes (figure 2):
     - le massif granitique de Neuvy-Bouin, à l'Ouest de Parthenay (Deux-Sèvres);
     - le sous-sol argileux d'une zone située au Nord de Sissonne (Aisne);
     - le sel présent dans le sous-sol de la région de St-Julien sur Reyssouze (Ain);
     - les schistes présents dans le sous-sol d'une zone située au Sud-Ouest de Segré (Maine et Loire).
     Les travaux s'étaleront sur deux ans et demi, et entraîneront la présence d'une vingtaine de personnes sur chaque site, avec des pointes de 40 ou 50 selon l'échéancier. Le coût total de l'opération s'élèvera à 70 MF environ.

Figure 2

     Entre mi-février et mi-mars, dans chaque département concerné, l'engagement de ces travaux de reconnaissance a été annoncé par le Préfet, commissaire de la République, au cours d'une réunion rassemblant les élus de la zone de prospection, suivie d'une conférence de presse. Après cette annonce, l'ANDRA s'est employée à mettre en place ses équipes et ses moyens techniques, et à diffuser largement des informations au sein des élus et de la population sur le stockage en profondeur des déchets radioactifs et sur les travaux de reconnaissance qu'elle est en train d'entreprendre.

a) le granite de Neuvy-Bouin (figures 3 et 4)

Figure 3

Situation de la zone de recherche dans le département des Deux-Sèvres

     Le massif armoricain, région stable depuis 300 millions d'années environ, comporte une très grande variété de granites, quelques-uns de dimensions considérables, mais qui ne sont pas tous intéressants pour l'implantation d'un site de stockage de déchets radioactifs.
     Le massif de Neuvy-Bouin a été choisi en raison de sa surface importante, de sa faible fracturation et  de son homogénéité; il forme une bulle de 250km2 environ de superficie, et d'épaisseur moyenne 3.500m.
     Deux granites sont en fait emboîtés l'un dans l'autre au centre du massif, le granite de Pougne-Hérisson et autour de celui-ci, le granite de Largeasse. Ces deux granites sont divisés en blocs homogènes peu fracturés et peu perméables dont les volumes peuvent atteindre plusieurs km3. Ces blocs sont limités par des failles ou des filous plus perméables. L'un de ces blocs, situé entre la Chappelle-Seguin, Vernoux-en-Gâtine et Neuvy-Bouin dans le granite de Largeasse, présente des dimensions suffisantes pour la réalisation du stockage et a été retenu pour des investigations plus détaillées.
     Les recherches viseront notamment à s'assurer qu'aucune faille importante n'a échappé aux études antérieures et que les mouvements d'eau à l'intérieur du bloc sélectionné sont et resteront très faibles ou même nuls.

p.20

Figure 4

Bloc-diagramme du massif de Neuvy-Bouin

b)  l'argile du Champenois (figures 5 et 6)

     Il y a environ 200 millions d'années, au début de l'ère secondaire, l'ensemble du bassin de Paris a été occupé par deux fois par une mer peu profonde.
     Ces invasions marines ont été propices au dépôt de vases argileuses sur de fortes épaisseurs. Ces argiles ont été ensuite recouvertes par des calcaires, des sables et des craies, au fur et à mesure des allées et venues de la mer qui caractérisent l'évolution du bassin parisien. Au Nord-Est de ce bassin, l'épaisseur des dépôts sédimentaires dépasse 1.500 m. Au Nord de Sissonne, les couches d'argile sont à des profondeurs convenables (300 à 600 m) pour la réalisation d'un stockage souterrain. Elles sont épaisses (plus de 100 m), homogènes, et peu fracturées. De plus, les conditions hydrogéologiques semblent a priori favorables car les autres roches du sous-sol sont de médiocres aquifères. Grâce à leur imperméabilité, les argiles profondes sont de plus isolées d'éventuelles circulations d'eau.
     Les travaux de reconnaissance de cette région visent à confirmer ces caractéristiques.

Figure 5

Situation de la zone de recherche dans le département de l'Aisne
Figure 6

c) Le sel de la Bresse (figures 7 et 8)

     Les nombreux forages et travaux de recherche géophysique réalisés en Bresse pour la recherche pétrolière et minière, la géothermie, les stockages de gaz naturel, ont permis d'avoir une bonne connaissance du sous-sol de cette région. On sait notamment qu'il y a 65 millions d'années environ, au début de l'ère tertiaire, une dépression en forme de cuvette s'y est formée, et est devenue une mer fermée. Elle va le rester au cours de l'époque ohligocène, ce qui va être propice au dépôt de grandes quantités de sel. Au bout de 30 millions d'années, 1.000 m de sel se sont ainsi accumulés sur une zone de 50 km sur 20 km. Par la suite, des sédiments variés: marnes, calcaires, sables et argiles les ont recouverts, sur plusieurs centaines de mètres. Des deux couches de sel que comporte le sous-sol de la Bresse, le sel dit supérieur est situé à une profondeur adaptée.
     Ainsi, entre Montrevel et St-Trivier-de-Courtes, le sel est épais de 300 m et situé à une profondeur de 600 m environ.
     Les travaux de reconnaissance auront pour but de vérifier que le sel est bien isolé des aquifères de surface et que les mouvements d'eau dans les terrains entourant le stockage sont très faibles.

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Figure 7

Situation de la zone de recherche dans le département de l'Ain
Figure 8

Bloc-diagramme du bassin Bressan

d) les schistes du Segréen (figures 9 et 10)

     Les schistes appartiennent à une famille très large, et se rencontrent dans un grand nombre d'entités géologiques. Toutefois, les formations schisteuses les mieux développées se situent dans le massif armoricain: elles présentent un intéret variable pour l'implantation d'un stockage. Les schistes du pourtour du massif ont été désorganisés et transformés par la mise en place de granites à proximité; les schistes ardoisiers d'Anjou se situent au-dessus d'une nappe d'eau souterraine importante. Par contre, la région située à l'Ouest du Lion d'Angers semble présenter une très grande épaisseur de sédiments schisteux de qualité intéressante, à grains très fins et riches en argile. Les couches présentent des ondulations bien marquées.

     La zone sélectonnée est située au coeur d'un grand anticlinal Est-Ouest d'une largeur de 10 km environ, appelé par les géologues «anticlinal du Lion d'Angers». Cet anticlinal est découpé en blocs homogènes, peu fracturés et peu perméables dont les volumes peuvent atteindre plusieurs km3. Ces blocs sont limités par des failles ou des filons plus perméables dont les principales correspondent à la Mayenne à l'Est, à l'Argos au centre et à l'axe Candé-Pouancé à l'Ouest. Un de ces blocs situé près de Segré entre Combrée, Challain-la-Potherie et Chazé-sur-Argos présente des dimensions suffisantes pour la réalisation du stockage et a été retenu pour des investigations plus détaillées.
     Les travaux de reconnaissance viseront à vérifier qu'aucune faille importante n'a échappé aux études antérieures, et que les mouvements d'eau, à l'intérieur du bloc sélectionné, sont et resteront extrêmement faibles.

Figure 9

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Figure 10

Coupe schématique de la zone d'étude

F. Analyse du site de Soulaines
(par un de nos lecteurs)

A propos d'un centre de stockage de déchets

     On parlera ici du centre de déchets nucléaires et de tous les problèmes d'eau inhérents à ce centre. Les parties développées seront les suivantes:
     01: Définition du centre et ses risques
     02: L'eau exploitée dans le secteur
     03: La géologie et les divers cas de figure
     04: Les problèmes de chaque cas de figure
     05: Ce qui est fait dans l'Aube et la Haute Marne

01. Définition d'un centre de déchets à vie courte

     C'est un endroit où l'on va enterrer les déchets et les abriter de l'extérieur jusqu'à disparition de toute radioactivité supérieure au maximum autorisé par la législation en vigueur.
     Comment est-il fait? Il faut, pour le créer, une couche de sable argileux reposant sur des argiles. Les déchets, dans des fûts en béton, sont entreposés dans le sable, sur un radier en béton, et recouvert d'argiles. Le tout est donc, en principe, parfaitement étanche.
     Les risques existants sont les suivants:
     - l'argile de couverture n'est pas totalement imperméable et l'eau de pluie peut y pénétrer. Un brevet existe, relatif à cette couverture. On ne peut donc pas connaître sa nature exacte;
     - cette couverture contient peut-être du gypse (sulfate de calcium) qui va se dissoudre et être corrosif pour le béton contenant les déchets et le radier sous-jacent.
     Supposons maintenant qu'une fuite se produise dans le radier en béton. L'eau pénètre dans les sables sous-jacents. Là, il y a des minéraux argileux (glauconie) qui vont échanger les éléments radioactifs solubles entraînés contre du calcium ou du magnésium. Or, si les eaux sont riches en sulfate, les minéraux argileux locaux sont dénaturés par cet ion et ne peuvent plus piéger toutes les fuites radioactives éventuelles.

02.  L'eau exploitée dans le secteur

     L'eau utilisée à Louze et Sauvage-Magny est pompée dans les sables. Elle alimente environ 8.000 têtes de bétail et 800 humains. L'origine de ces sables pourrait être double:
     - sable albien inférieur: Louze,
     - sable barrémien supérieur: Sauvage-Magny.

suite:
     Reste à savoir quelle peut être l'influence d'un centre de stockage de déchets nucléaires à vie courte sur la qualité de ces eaux. C'est ce que la géologie peut expliquer.

03. La géologie du secteur

     L'examen de la carte géologique (1/50.000 Doulevant-le-Château) indique les points suivants:
     - structure relativement calme
     - coupe stratigraphique comprenant de haut en bas:
· 10 à 20 m, argile: albien supérieur,
· 10 à 15 m, sable: albien inférieur et aptien supérieur, fournissant l'eau de Louze,
· 15 à 20 m, argile: aptien inférieur et barrémien supérieur,
· 10 à 12 m, argile: barrémien supérieur fournissant, jusqu'à preuve du contraire, l'eau de Sauvage-Magny.
     On constate aussi l'existence d'une faille importante à l'Est de Soulaines. Cette faille orientée vers le N.E. délimite une partie Est relevée, d'environ 30 à 40 m par rapport à la partie Ouest.
     Cela permet ainsi, aux eaux situées à l'Est de remonter en surface à la faveur de cette faille. Les eaux à l'Ouest ne peuvent donc pas s'enfoncer dans le sol.
     La carte géologique date de 1965. Depuis, un certain nombre de recherches pétrolières furent effectuées et fournirent des renseignements complémentaires.
     C'est ainsi que l'on sait, qu'aux environs de Montier-en-Der, la faille est double. On ignore s'il en est de même dans les environs de Sauvage-Magny. Il existe aussi des accidents W.N.W. - E.S.E. qui décrochent les argiles albiennes vers le bas.
     En clair, cela signifie que l'on ne sait pas très bien ce qu'il en retourne du point de vue géologique. On peut avoir les coupes suivantes:

04. Les problèmes de chaque cas de figure
04.1. La carte géologique est vraie:
     Dans ce cas, on est ramené au cas des figures 0l et 02. L'eau de Sauvage-Magny ne craint rien. L'eau de Louze, à l'opposé, est directement concernée puisque provenant de la zone où se trouve p.
04.2. La carte géologique est fausse:
     Cela est résumé par les coupes 01' et 02'. L'eau de Louze, toujours touchée en cas de fuite, est moins vulnérable, puisque mélangée en partie avec de l'eau barrémienne.

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     A l'opposé, l'eau de Sauvage-Magny est plus directement concernée. Dans ce cas, les fuites iront alimenter Laine (et donc la majeure partie des puits privés d'Anglus, Sauvage-Magny et Louze utilisant l'aquifère libre et l'albien supérieur et celui de la vallée).
     Dans ce cas, la présence de failles risque de créer des cavités sous le site éventuel de P. Il y aurait donc alors fissures et circulation d'eau jusqu'au barrémien sableux, d'où contamination plus élevée au forage de Sauvage-Magny.
     On constate donc que, dans tous les cas de figure, la Haute-Marne sera contaminée par d'éventuelles fuites radioactives.

05. Les études en cours

     Il est bien évident que le B.R.G.M. est conscient des problèmes existants. Voilà pourquoi un certain nombre de forages et d'études sismiques (ou électriques) sont effectuées pour mettre en évidence les failles éventuelles.
     Ces études se déroulent dans l'Aube. A notre connaissance, rien n'est fait dans la Haute-Marne. On aimerait savoir pourquoi?

06. En guise de conclusion

     Il faut se rappeler que les risques pour la Haute-Marne ne sont pas négligeables. Un centre de stockage de déchets nucléaires, dans le secteur Ville-aux-Bois, Soulaines, Saint-Victor présente jusqu'à nouvel ordre des risques non négligeables pour la Haute-Marne, en cas de fuite d'eau chargée de radioactivité. L'eau ne mettra pas 300 ans pour aller de P. jusqu'à Louze!
     Il vous faut donc:
· demander la nature exacte des radionucléides stockés,
· exiger des études de percolation en laboratoire,
· réclamer un complément d'étude structurale en Haute-Marne,
· réclamer un dédommagement financier si, par hasard, on estimait le choix du site favorable.

suite:
CARTE GEOLOGIQUE DU PAYS DE SOULAINES


01


02


01'


02'

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G. Conclusion Gazette

     Voici donc une série de dossiers relatifs au stockage des déchets.
     Que penser de cet ensemble?
     Tout d'abord on peut rappeler qu'un groupe de travail sur les critères techniques de choix d'un site pour le stockage en profondeur des déchets radioactifs a commencé des travaux en 1985. On aurait souhaité avoir connaissance des travaux du groupe avant d'avoir les noms des sites. Car de deux choses d'une, ou bien en 2 ans le groupe est parvenu à se faire une philosophie et il a rédigé un rapport, ou bien il est encore en train de travailler et alors sur quels critères a-t-on choisi les 4 sites sur lesquels on prospecte?
     Dans les 2 cas, pourquoi ce silence sur cette commission et pourquoi ne pas fournir les dossiers complets?
     Curieux que nos technocrates n'arrivent pas à comprendre la nécessité d'une information. Ils en sont toujours à penser pour les autres. Pourtant l'expérience leur a montré, à leurs dépens, que les citoyens ne se satisfont pas de cette démarche.
     La confiance cela se gagne. Et, pour le moment, il manque trop d'éléments au dossier pour qu'un dialogue s'établisse.
     Evidemment, l'ANDRA table sur le fait que la décision sera de toute façon prise et en plus déclarée d'Utilité Publique ce qui, en cas de recours, permet au Conseil d'Etat de déclarer «comme la Nation en a besoin, inclinez-vous», c'est bien sûr un raccourci du jargon juridique mais en gros c'est le résumé que l'on peut faire.
     Voici d'ailleurs le point de vue de T.O. S. sur les enquêtes publiques telles qu'elles sont définies maintenant par la loi 83-630 du 12 juillet 83 et ses décrets d'application:

T.O.S. (Truite Ombre Saumon)
3, rue de Rocquencourt - 78150 Le Chesnoy

Sur le fond de cette loi

     Cette nouvelle législation est ambitieuse et son but est de faire diminuer le volume des affaires contentieuses dont sont saisis les Tribunaux Administratifs.
     Pour ce faire, le législateur a axé sa demande sur les points suivants:
     a) il a voulu donner à l'enquête publique réalisée dans le cadre de cette loi un caractère beaucoup plus ouvert, moins confidentiel et davantage tourné vers les préoccupations des citoyens et des Associations qui peuvent s'exprimer plus largement sur les projets d'aménagement et travaux qui touchent leur environnement local.
     b) Dans ce but, il a élargi les pouvoirs conférés aux Commissaires-enquêteurs pour mener les enquêtes et faire une publicité la plus large possible. Chaque Commissaire-enquêteur sera désigné par le Président du Tribunal administratif le rendant plus indépendant vis-à-vis de l'autorité publique. Enfin, le Commissaire-enquêteur doit donner son avis personnel sur l'opération soumise à l'enquête publique en se fondant sur son intime conviction.
     c) En orientant les enquêtes publiques sur tous les projets touchant l'Environnement, la loi confère, de ce fait, une grande valeur à l'étude d'impact qui devient la pièce maîtresse du dossier de l'enquête publique mis à la disposition du Commissaire-enquêteur et du public.

suite:
     Regrettons cependant que les textes antérieurs régissant l'étude d'impact n'aient pas été modifiés et que cette étude soit toujours réalisée à l'initiative du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.
     Dans la plupart des cas, celui-ci sera tenté de présenter son projet de «façon attrayante» en omettant de faire ressortir, tout ou partie des éléments pouvant nuire à l'Environnement ou des renseignements importants pour la bonne information du Commissaire-enquêteur et du public.
     Pour aller au bout de sa logique, le législateur aurait dû confier la réalisation de l'étude d'impact à des cabinets spécialisés, neutres, et aggréés par les T.A, les frais de l'établissement de cette étude d'impact restant, cela va de soi, à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.
     Le Commissaire-enquêteur se voit donc conférer une grande responsabilité en matière de sauvegarde de l'Environnement. Les enquêtes publiques réalisées dans le cadre de cette nouvelle législation seront donc à l'image des Commissaires-enquêteurs et à la hauteur de leurs connaissances en matière d'Environnement et d'écologie...
     Il leur faudra, en effet, un minimum de connaissance dans ces domaines pour juger de la fiabilité des études d'impact sinon des erreurs, très graves parfois, continueront à être commises en privilégiant l'intérêt économique immédiat au détriment de l'Environnement.
     Une régulation existe cependant dans la mesure où les Commissaires-enquêteurs peuvent soumettre les études d'impact à l'examen des spécialistes du Ministère de l'Environnement et notamment aux D.R.A.E. Mais cela est laissé à l'appréciation des Commissaires-en quêteurs.
     Auront-ils toujours le réflexe nécessaire? Nous pouvons en douter...

Rôle des Associations de Protection de la Nature

     A notre avis, cette législation devrait permettre d'accroître le rôle des Associations de Protection de la Nature et le rôle de T. O. S. puisque nous pourrons agir dès l'ouverture des enquêtes publiques en suggérant notamment aux Commissaires-enquêteurs de faire vérifier les études d'impact par les D.R.A E. ou le Ministère de l'Environnement.
     Par ailleurs, si le Commissaire-enquêteur émet un avis défavorable et si l'Administration passe outre, nous pourrons demander, immédiatement dès la publication de l'arrêté, un sursis à exécution au Tribunal Administratif ce qui, dans certains cas, pourrait éviter des contentieux interminables.
     Notons au passage qu'un avis favorable du Commissaire-enquêteur donné aux réserves devient négatif dès l'instant que ces réserves ne sont pas levées.
     Cependant, il ne faut pas se faire d'illusions. Certaines pressions continueront à s'exercer pour faire aboutir tel ou tel projet. Il n'est donc pas certain que cette loi, bonne a priori, se traduise réellement dans les faits par une diminution sensible des affaires contentieuses, but final pourtant recherché par le législateur.
     Tant que les moyens financiers du Ministère de l'Environnement resteront aussi faibles, les textes juridiques de protection de la Nature, aussi bons soient-ils, resteront lettre morte faute de moyen pour les faire appliquer... et T. O. S. devra continuer à plaider pour défendre l'Environnement contre ceux-là même qui ont reçu mission de le protéger... et c'est bien regrettable.
     Pour défendre efficacement notre Environnement, des lois sont certes nécessaires, mais c'est surtout d'un changement des mentalités et d'une prise de conscience nationale dont nous avons besoin et cela demandera encore du temps.

p.25

Courrier des lecteurs sur le stockage de déchets
(en direct de Parthenay)

     Nous sommes arrivés à la phase finale de notre réflexion
     Que l'on nous ait imposé comme seul choix possible cette source d'énergie ne peut nous mettre à l'abri notre responsabilité face aux déchets. Si leur nature les relie au nucléaire, leur volume dépend en grande partie de notre consommation (pour le domaine civil s'entend) et nous sommes les détenteurs à part égale avec l'ANDRA qui, en fait, n'est qu'un mandataire, dont la tâche doit être définie officiellement par le pouvoir politique sans doute, mais dont la définition de cette tâche, avant décision, doit impérativement passer par une large information, réflexion et choix avec comme corollaire: le coût.
     Les populations non seulement des sites mais de la France entière sont concernés.

     Les solutions
     Les choix faits en fonction des multiples destinations civiles et militaires ont conduit à:
     - effectuer un retraitement immédiat ou différé, plutôt différé pour l'instant;
     - vitrifier et conteneuriser, on enrobe et cimente selon les cas;

     - enfouir après un programme assez illusoire de recherche. Car, lorsqu'on voit le travail de haute voltige, sans filet, auquel vont se livrer nos chers, très chers experts pour définir la qualité de leur choix, on ne peut conclure qu'à une tendance exagérée de leur part à prendre leurs désirs pour des réalités et à vous faire prendre des vessies pour des lanternes.
     Eh bien, ils sont allés vite en besogne, ayant, sans doute dans l'euphorie d'un démarrage sur les chapeaux de roues, oublié les déchets.
     La lecture du rapport Castaing, ces sages que l'on rejette dans les sphères du pouvoir, comme si le fait de se défouler avait tranquillisé les consciences - nous fait entrevoir d'autres solutions..
     Nous sommes déterminés à faire triompher la sagesse, la vraie, celle qui fera qu'on pourra continuer à procréer, sans avoir aussitôt le regret d'en avoir pris le risque.
     Il devient impératif que le pouvoir nous entende, le Préfet refuse de nous recevoir; combien faudra-t-il de blessés ou de morts pour que triomphe la voix du bon sens?
     Pour des gens, peu habitués à réagir vite, quel cheminement. Il faut, très vite, que les décideurs se rendent compte que les gens de France ne sont plus des enfants, des moutons. Ils sont adultes et possèdent la capacité de choisir en personnes responsables.
p.26a
(1) les pouvoirs publics ont mis en place les catégories B et C. Avant de finalement abandonner cette classification il y a quelques années, certainement de peur que les gens pensent que les catégories pouvaient aller jusqu’à Z.
Aujourd’hui, il existe donc ce que j’appelle des noms de codes : les FA-VC, soit « faiblement actifs – vie courte », équivalents de la catégorie A ; les MA-VC, soit « moyennement actifs – vie courte » ; les HA-VL, soit « hautement actifs – vie longue » ; les TFA, soit « très faiblement actifs » ; les FA-VL, soit « faiblement actifs – vie longue » ; et d’autres déchets, qui n’ont pas encore de noms de code... (retour au texte)
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