Ce numéro de la Gazette
est consacré au site envisagé à Plogoff, à
l'extrémité de la Bretagne. Il est inutile de rappeler à
nos lecteurs les divers incidents qui ont marqué la demande d'utilité
publique. Le simulacre de débat, de concertation a provoqué
la réaction que l'on connaît. Si les mass média nationaux
ont reflété quelquefois l'aspect de la lutte sur le terrain,
le débat lui-même, les arguments des opposants à la
centrale ont très largement été ignorés. Avec
ses faibles moyens, la Gazette veut essayer ici d'ouvrir le dossier
Plogoff. Nous avons pour cela réuni un certain nombre de textes:
1. Commentaires et observations formulés lors de l'enquête d'utilité publique par: - le Groupement des Scientifiques pour linformation sur l'neagie nucléaire (GSIEN); |
- la Société pour l'étude
et la Protection de la Nature en Bretagne (SEPNB).
Il s'agit pour l'essentiel de la reprise d'un texte déposé lors de l'enquête. 2. L'appel à l'opinion publique signé par de nombreux scientifiques bretons. 3. De larges extraits d'une conférence de presse par la CFDT à Quimper qui fait état de notes du CNEXO particulièrement intéressantes. 4. Enfin des observations intéressantes sur la conclusion du rapport des commissaires-énquêteurs, document qui prêterait à sourire si le sujet n'était pas si grave... Voilà, bonne lecture. p.2
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Les observations que nous formulons quant au
bien-fondé de l'opération dénommée IMPLANTATION
D'UNE CENTRALE NUCLEAIRE à PLOGOFF seront articulées sur
deux axes essentiels:
1. Le recours au nucléaire La justification économique de l'implantation
d'une centrale nucléaire à Plogoff se déplace dans
le cadre de la politique énergétique nationale. Celle-ci
a deux composantes principales:
Les besoins énergétiques Besoins énergétiques réels
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Il est clair que ces tendances nouvelles dont sont issues les notions et la mise en application des économies d'énergie, de recyclage, de rationalisation des transports n'ont absolument pas été prises en compte dans l'élaboration du programme nucléaire français. Aucun scénario alternatif n'est pris en compte. Tout est basé sur l'idée de la poursuite d'une croissanoe énergétique exponentielle pour une société de gaspillage. La répartition des besoins énergétiques.
Une seconde erreur, tout à fait fondamentale, ressort des données officielles (EDF, Ministère de l'Industrie). Elle a trait à la manière dont se répartissent nos différentes consommations d'énergie (tableau 1)[1]. On constate que les secteurs résidentiel et tertiaire représentent à eux seuls 40% de notre consommation d'énergie, l'industrie environ 25%, l'agriculture 3%. Pour la Bretagne, ces chiffres sont sensiblement différents du fait de la faiblesse du secteur industriel d'une part, et de l'importance croissante des élevages hors-sol (consommateurs d'énergie) en agriculture. Bilan d'utilisation finale - 1975 (MTep) Ainsi, les secteurs résidentiel et tertiaire demandent essentiellement de la chaleur de basse température (chauffage). L'industrie demande soit de la chaleur à haute et moyenne températures, soit de l'énergie mécanique. Dans ces conditions, il est totalement aberrant de tendre à concentrer toute l'énergie demandée sous une seule forme, l'électricité, sans se préoccuper de la forme sous laquelle elle sera finalement utilisée. Cette confusion entre énergie et électricité est constante. Elle est voulue et entretenue et on oublie de dire que la transformation d'énergie thermique en énergie électrique ne se fait qu'avec un rendement faible et que le transport d'électricité est coûteux. Il tombe sous le sens commun[2] que le chauffage (basse température) des habitations et des bureaux relève par excellence de sources d'énergie dispersées et renouvelables: solaire, géothermie, etc. p.3
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En bref, un programme énergétique
cohérent doit absolument tenir compte de la diversité des
besoins, de celle des sources de production et adapter les unes aux autres.
Ce n'est pas le cas du programme énérgétique national,
basé sur un très large emploi du nucléaire comme il
l'a été autrefois du pétrole. On sait où cela
nous a conduits.
Une autre tare du système actuellement préconisé est son extrême fragilité. Plus un système est centralisé et plus il est difficile à maîtriser. En revanche, un système diversifié dans ses utilisations et ses productions et faisant appel au minimum de transferts sera toujours plus stable et de ce fait plus facile à réguler. Ceci est vrai en écologie, c'est également vrai en éconornie. C'est particulièrement clair en ce qui concerne l'approvisionnement énergétique de la France. La quantité
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- télécommander des installations, par exemple de chauffage; - utiliser des systèmes de stockage intermédiaire d'énergie, soir par pompage. puis turbinage d'eau entre un bassin haut et un bassin bas, soit en envisageant de produire (avec un mauvais rendement) de l'hydrogène par électrolyse de l'eau. Le prix de revient du kWh nucléaire est à majorer en fonction du coût de l'ensemble des investissements à réaliser pour les installations annexes. Il est extrêmement dommage que ce point soit passé sous silence dans le dossier présenté par EDF pour sa centrale de Plogoff. L'indépendance énergétique Approvisionnement
p.4
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Le recours à la surgénération
Dans ces conditions, il devient clair que l'utilisation de l'uranium comme combustible (centrales de type graphite-gaz ou PWR) ne permettra pas de résoudre nos problèmes d'énergie: les pouvoirs publics ont commencé à prendre conscience de ce problème. C'est la raison pour laquelle on tend actuellement à considérer les filières à uranium (PWR et autres) comme les éléments d'une chaîne dont la partie essentielle serait un réacteur à neutrons rapides (surgénérateurs). Ces surgénérateurs devraient, en principe, assurer une meilleure utilisation du combustible nucléaire et reculer l'échéance des approvisionnements difficiles. Localement, la centrale de Plogoff n'est là que comme élément primaire assurant la production du plutonium qui, après retraitement, servira à alimenter un surgénérateur situé soit sur le même site, soit à Brennilis[5] (voir comptes rendus de la session de 1979 du Conseil Général du Finistère consacrée à cette question). En réalité cette projection dans l'avenir n'est confortée par aucune donnée sérieuse. Au contraire, un certain nombre d'éléments permettent de conclure au fait que si la phase PWR n'est pas opérationnelle, la phase surgénérateur risque fort de ne pas l'être non plus. En résumé, on peut dire que l'impasse technologique[6] dans laquelle se trouve le retraitement obère gravement l'enchaînement du processus. L'usine de la Hague ne sera pas en mesure avant longtemps de produire le plutonium nécessaire au chargement des premières centrales de Superphénix. Actuellement, on en est réduit à importer du plutonium de Grande-Bretagne (perte de l'indépendance d'approvisionnement). Les raisons de cette impasse tiennent en particulier au fait que la très haute activité des combustibles issus des centrales PWR ne permet pas une adaptation aisée de la filière de retraitement Purex[7] utilisée avec un certain succès pour les combustibles de la filière graphite-gaz. Par ailleurs, le rendement de la surgénération ne semble, en pratique, pas aussi intéressant qu'on pouvait le penser en théorie. En particulier, ce rendement de surgénération ne compense pas les pertes en plutonium intervenant tout au long de la chaîne. En fait, pour être opérationnelle dans la prochaine décennie, la production de plutonium dans les centrales à uranium aurait dû démarrer il y a quelques décennies. il y a donc là une impossibilité matérielle[8]. Schématiquement, la situation du nucléaire se présente donc plutôt mal. Ceci explique que de nombreux pays industrialisés mettent un frein à leur programme nucléaire quand ils ne l'arrêtent pas complètement. Les USA viennent de renoncer à fmancer leur programme de surgénérateurs. Même si, techniquement, un certain nombre d'opérations sont faisables, les rendements obtenus donnent peu de chances d'équilibrer notre balance énergétique grâce aux centrales PWR. En outre, la relève des PWR par les surgénérateurs tient plus de la prouesse technique que de données sérieuses de prospective économique. A l'échelon de l'essentiel, c'est-à-dire de l'approvisionnement énergétique de la nation, il s'agit très clairement d'une utopie. (suite)
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Les solutions réalistes: les énnergies renouvelables Il est de bon ton, dans certains milieux, de considérer avec condescendance les énergies «nouvelles». Il y a deux ans, le rapport de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale n'avait pas manqué de remarquer l'effort réalisé par EDF pour déconsidérer par des arguments très mal venus ces énergies qui en fait représentent très sûrement notre seul avenir. De tels efforts dispensés dans un tel but, voici qui fait réfléchir. EDF aurait-elle peur de perdre un monopole?[9] Pratiquement, cette attitude négative a des conséquences très graves puisqu'aucun effort sérieux n'a été fait pour développer vraiment ces énergies. Dans le rapport de présentation du projet de Plogoff, on lit (p.4): «Le développement des énergies nouvelles se heurte à des problèmes de coût et il n'est pas envisageable dans l'état actuel des techniques, qu'elles couvrent une importante partie des besoins à l'échéance de la fin du siècle.» Il aurait été plus élégant de dire que le principal obstacle était l'inertie et la mauvaise volonté. Mais il faut affirmer que ces énergies sont, pour une bonne part d'entre elles, déjà au point techniquement: solaire pour le chauffage basse température, méthanisation, etc. Mais en fait, le développement de ces énergies nécessite la réalisation de pilotes pour les tester, connaître leur rentabilité, envisager leur amélioration, trouver leur spécificité. On est loin de cette démarche. Le système est basé sur une mono-culture énergétique. Il n'y a plus de moyens pour regarder ailleurs. Un petit exemple significatif: les projets de méthanisation. Des installations existent dans certains pays étrangers développés ou non, et sont opérationnelles et rentables. En Suisse, des fermes de trente hectares sont autonomes du point de vue énergétique. Le méthane produit en excès est revendu. Quel contraste avec la Bretagne, où, conseillés par EDF les éleveurs sont, du fait de la prolifération des établissements hors-sols, responsables de la croissance de consommation d'énergie. Alors qu'au contraire, ils devraient être excédentaires en énergie. Certes, sur certains points (houle en particulier), des recherches restent à effectuer. Ces recherches sont lancées à l'étranger mais demeurent à un état embryonnaire en France. L'énergie éolienne fait l'objet de développements rapides aux USA et au Canada. Peu de chose en France. Il en est de même pour les photopiles dont la production à grande échelle démarre aux USA. Faut-il s'en étonner lorsque l'on sait que le budget «Energies nouvelles» d'EDF est de l'ordre de 1% de son budget de recherche? Mettre l'accent sur le coût de ces énergies ne tient pas lorsque l'on connaît le gouffre financier que représente le programme nucléaire. p.5
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Le chiffre avancé par EDF
de 13.200 millions de francs pour l'établissement de Plogoff n'est
qu'un chiffre plancher qui ne tient pas compte des «accessoires»
de la centrale: barrages de compensation, retraitement des combustibles,
etc.
Mais, à ce même prix, l'investissement prévu pour Plogoff permettrait un développement sans précédent de l'utilisation des énergies nouvelles et renouvelables, les seules, en définitive, sur lesquelles nous puissions compter. A cet égard, la construction de la centrale de Plogoff, comme celle des autres éléments du programme nucléaire français apparaît comme un pari gigantesque pour un système technologiquement dépassé et économiquement coûteux. En ce qui concerne l'utilisation des énergies renouvelables, signalons enfin que: - le Danemark, pays très comparables à la Bretagne par sa superficie et sa population, privé comme elle de ressources pétrolières ou charbonnières, mais disposant d'une agriculture dynamique et d'industries de pointe, obtiendra sa survie énergétique sans l'apport du nucléaire considéré par les Danois comme peu fiable et peu rentable; - en Bretagne, le plan Alter breton[10] a chiffré avec précision, d'une part les besoins et d'autre part les possibilités d'utilisation des énergies renouvelables. On y démontre, là encore, le peu d'intérêt, pour notre économie, de l'investissement nucléaire. Il apparaît complètement illusoire de croire que le recours à l'énergie nucléaire puisse, à court terme ou à long terme, résoudre nos problèmes d'approvisionnement en énergie. En revanche, compte tenu de l'ampleur des investissements demandés, compte tenu également du fait que les investissements en matière d'énergies de remplacement aient été négligés, il est très vraisemblable que nous nous trouvions prochainement et à cause du nucléaire, dans une situation dramatique de pénurie énergétique (cf. affaire des fissures). La fiabilité des installations nucléaires Supposons que, malgré les remarques
précédentes, le programme nucléaire soit poursuivi
dans des conditions financières discutables.
Le choix de la filière
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L'affaire des fissures n'est pas là pour améliorer les affaires! De tout ceci se dégage l'assurance que le prix du kWh annoncé dans les rapports de la DUP ne reposent pas sur des bases sérieuses et argumentées. Concernant un projet de l'envergure de Plogoff, les citoyens sont en droit d'obtenir du pétitionnaire des données plus sérieuses. Contrairement aux affirmations officielles, l'énergie nucléaire en général et l'utilisation des centrales PWR en particulier est très loin d'avoir atteint le degré de fiabilité qu'on lui prête. Ceci conduit à des conséquences tout à fait négatives sur le choix de ce mode de production d'énergie à l'échelon national. Ces conclusions sont formulées indépendamment de toute considération portant sur les risques encourus par l'environnement (et le potentiel économique qu'il représente) et par les populations. Déjà, sur le plan strict de l'économie nationale, la réalisation du programme nucléaire n'est pas souhaitable. Le maintien d'un potentiel cohérent d'activités industrielles, agricoles, d'une qualité de confort assuré pour chacun, sont incompatibles avec la poursuite du programme nucléaire français. Dans ces conditions, il est de l'intérêt public le plus évident de ne pas donner suite au projet EDF sur Plogoff. 2. Le choix de Plogoff Besoins énergétiques de la Bretagne
Le choix du site
p.6
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Il convient, à cet égard,
de remarquer que certains des sites choisis par EDF avaient été
précédemment retenus par le Ministère de l'Environnement
pour être protégés en raison de leur intérêt
exceptionnel!!
En fait, peu d'espaces répondant à ces critères existent encore sur le littoral français. Parmi ceux-ci, un certain nombre ont été directement éliminés par EDF pour des raisons évidentes: instabilité du sous-sol, faible débit dans les estuaires, etc. En ce qui concerne les sites restants, EDF présente les modalités du choix comme relevant très directement du travail effectué par les scientifiques. Cette manière de présenter les choses est contraire à la vérité puisque: - les études scientifiques n'ont été menées que pour des sites préalablement définis par EDF; - les études réalisées par le CNEXO, l'ISTPM ainsi que par leurs sous-traitants sont des études de point ZERO destinées uniquement à donner des lieux, avant l'implantation, un état de référence. Les scientifiques qui ont réalisé ces études ont toujours précisé ce fait, même si cela n'apparaît pas dans le rapport de synthèse préparé par EDF. - en tout état de cause, les scientifiques n'ont jamais estimé pouvoir effectuer un choix parmi les sites proposés; - à cet égard, un certain nombre de conclusions importantes mais défavorables au projet EDF ont été éliminées. Ceci altère singulièrement la crédibilité des dossiers présentés. L'étude d'impact
La tache thennique
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Nous résumerons ici les principales conclusions de ce travail. Les études océanographiques effectuées sur la région de la Baie d'Audierne et de la pointe de Bretagne ainsi que l'étude par radiométrie satellitaire de cette zone font apparaître l'existence d'une structure thermique. Celle-ci est parmi les mieux marquées des mers européennes. Cette structure thermique est caractérisée au large par un front thermique qui prend appui, au nord sur la côte anglaise et au sud sur les côtes de la mer d'Iroise. Ce front thermique se raccorde à la côte, en général, au voisinage de Plogoff (selon les conditions, entre la pointe du Raz et Plogoff). La conséquence de ce phénomène est la séparation des masses océaniques en deux zones: - une zone homogène sur la verticale au niveau du Raz de Sein; - une zone non stratifiée sur la verticale au niveau de Plogoff. Le rejet thermique issu d'une nouvelle centrale située à Plogoff sera, du fait de sa nature physique plus léger que le milieu récepteur et ne s'écoulera qu'en surface de cette zone stratifiée. Le rejet sera donc piégé dans la couche superficielle, entraînant ainsi un renforcement de la dynamique des fronts. Dans les structures de ce type, connues et étudiées par ailleurs, ceci a pour conséquence: - l'apparition d'eaux rouges. Effectivement, dans cette zone, les études planctonologiques montrent la présence dans les populations d'éléments responsables de ces «blooms»[12] dont les conséquences peuvent être graves pour la santé publique; - l'invalidation du modèle mathématique du LNH qui repose sur l'hypothèse d'un mélange immédiat et l'absence de stratification des couches d'eau. Ces hypothèses ne sont absolument pas vérifiées par l'expérience. En pratique, ces données permettent d'envisager les conséquences suivantes: Du fait de la stratification, la couche superficielle glisse sur la couche immédiatement inférieure. Le niveau de séparation des deux couches est d'ailleurs parfaitement mesurable (thermocline). Cette couche superficielle est relativement peu sensible à l'action des courants marins (courant de marée). En, revanche, elle répond directement à l'action du vent. Par fort vent de S.W. on obtient un bouleversement de la stratification et un mélange des couches. Mais par vent modéré (E à S.W.), on obtiendra un bloquage à la côte des eaux réchauffées et un refroidissement de la centrale par ses propres effluents réchauffés. Ce qui n'est pas souhaitable du tout. La situation peut être représentée par trois modèles: 1. Dispersion des effluents réchauffés par les courants de.marée. 2. Echanges atmosphériques. 3. Stockage d'énergie potentielle par création de gradients de densité (peut être estimée à 11 GW). Le modèle proposé par EDF repose essentiellement sur la proposition n°1. Les données de la proposition n°2 y sont paramétrées d'une manière très simpliste. Enfin, la proposition n°3 n'est pas du tout prise en compte. Or, particulièrement en été, les apports d'énergie par rayonnement conduisent à privilégier, selon les zones, le système no°1 (Raz de Sein) ou le système n°3 (Plogoff). La limite de cohabitation des deux systèmes est définie par les conditions de marée. p.7
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La présence d'eaux réchauffées
surnuméraires (centrale nucléaire) amplifiera la fréquence
d'apparition du système n°3 et limitera tout écoulement
des effluents réchauffés au niveau du Raz de Sein.
En clair, tout ceci signifie qu'EDF a délibérément écarté de son étnde d'impact des conclusions défavorables à son projet pour ne présenter qu'un modèle mathématique sophistiqué, certes, mais sans relation avec les données expérimentales. Signalons par ailleurs que les estimations de surface de la tache thermique sont de toute manière très inférieures à leur impact réel. En effet, cette tache se déplaçant selon les vents et éventuellement selon les courants, elle balaiera une aire beaucoup plus importante. Le passage, même momentané de la tache thermique en un point est une condition suffisante pour que certains organismes soient mis en difficulté (exemple, les laminaires dont le cycle de reproduction nécessite des températures inférieures à 10°C). Thermoécologie et thermophysiologie
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Inversement, aucune donnée relative à la température n'est présentée dans le tableau relatif aux effets des effluents chlorés. De telles lacunes, d'une part, conduisent à douter très sérieusement de la qualité scientifique du travail présenté, et d'autre part, ne permettent pas d'obtenir une image correcte à long terme des effets des effluents. Les éléments présentés ne contiennent aucune donnée précise et sont beaucoup trop vagues pour servir d'étude d'impact. Il ne s'agit que de réflexions et non de données prospectives. Conclusions Nous savons que des sommes considérables
ont été dépensées par EDF pour la réalisation
d'études «écologiques». En ce domaine, il est
clair que la quantité des informations ne dispense absolument pas
d'être rigoureux sur la qualité.
Radioécologie
p.8
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En ce qui concerne les mesures
elles-mêmes, il est bon de savoir que, sur le Rhône, la station
de surveillance d'Arles a été déplacée vers
des eaux moins riches en radioactivité afm de présenter des
bilans plus rassurants.
Le fait que ces mesures soient effectuées par le SCPRI (Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants) n'est absolument pas une garantie, le laxisme de cet organisme en la matière lui ayant fait perdre depuis quelques années beaucoup de sa crédibilité. Résumer en trois lignes la situation en déclarant que les voies possibles de transfert préférentiel vers l'homme sont: - les sédiments et les algues pour l'irradiation externe, - les poissons, les crustacés et les mollusques pour la contamination interne et oublier la part importante prise par la contamination liée à l'absorption des produits laitiers d'une part, des dérivés des algues d'autre part, c'est montrer tout le caractère superficiel de cette étude. Réduire l'impact de la centrale à des problèmes d'eaux réchauffées et d'intégration dans le paysage, c'est faire preuve d'une méconnaissance totale des problèmes radioécologiques. Ou bien EDF ignore l'importance du problème de la dispersion des effluents radioactifs, ou bien EDF en est informé. Dans les deux cas, compte tenu de l'ampleur du problème, la présentation d'un dossier aussi léger est inadmissible. Enfm, le fait de présenter à part la demande d'autorisation de rejets radioactifs apparaît comme un artifice destiné à tromper les populations désireuses de s'informer. Comment, en effet, peut-on se prononcer sur l'implantation d'une centrale nucléaire sans avoir pu apprécier l'impact radioécologique de l'ensemble de l'installation? Pour notre part, nous formulons les plus vives inquiétudes quant à la prolifération des rejets radioactifs gazeux ou liquides. Cette préoccupation devient encore plus aiguë pour la Bretagne, compte tenu, d'une part de la charge déjà existante du point de vue de la radioactivité naturelle et, d'autre part, des nombreuses activités de type nucléaire en service ou en projet à l'ouest de l'Europe (centrales nucléaires, centres de retraitement, transports de déchets, etc.) Le statut génétique et l'irradiaton naturelle
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En réalité, un certain nombre de données viennent à l'encontre de cette hypothèse. Le matériel génétique d'un être vi vant (acide désoxyribonucléique-ADN) subit par irradiation des dommages qui peuvent aller de la simple modification d'une ou deux. bases à la transformation de fragments entiers de chromosomes. Toutes ces modifications de structure du matériel génétique (mutations) ne sont pas forcément retenues puisque chaque cellule possède des systèmes de réparation. Ces derniers sont composés d'enzymes capables de détecter les mal-formations de l'ADN, d'exciser les fragments anormaux et de reconstituer une architecture chromosomique correcte et fidèle. Existe4-il dans la. nature, un équilibre entre les défauts créés au niveau du chromosome par l'irradiation naturelle d'une part et les activités de réparation d'autre part? On constate, en réalité, que le taux de réparation est inférieur au taux de mutation. La conséquence en est immédiatement perceptible puisque l'évolution des êtres vivants est effectivement liée à cette dérive génétique. L'information génétique présente dans les êtres vivants se modifie aIl cours du temps et conduit progressivement à l'apparition de nouvelles espèces. Le matériel génétique de tout être vivant est en fait un système en perpétuel remodelage. Cependant, toutes les structures issues de ce remodelage ne conduisent pas nécessairement à des organismes viables. Ceci explique que dans une population « normale », les stocks de gènes soient en partie altérés. Les avortements spontanés, les malformations congénitales, les phénomènes de cancérisation, sont, pour une part, le reflet de cette instabilité génétique. Les choses sont particulièrement nettes dans le cas de populations vivant normalement sur des terrains dont la radioactivité naturelle est très élevée (Kerala, Brésil). Dans ces deux régions du globe, les doses reçues annuellement par les habitants sont de six à vingt fois plus élevées que la moyenne européenne. Dans ces deux régions, on relève des taux anormalement élevés de malformations chromosomiques[15]. La conclusion très nette des différentes études conduites dans ce domaine est qu'il n'y a pas de doses de radioactivité qui soient sans effet sur l'organisme. Le matériel génétique de tout être vivant est un système en équilibre très précaire et toute irradiation supplémentaire, même minime, conduit à accentuer ce déséquilibre. En ce qui concerne la Bretagne, avant d'affirmer que les doses reçues sont sans effet, il conviendrait d'effectuer sérieusement un travail épidémiologique permettant de mettre en relation les données de terrain et les niveaux d'altérations génétiques (et parmi ceux-ci cancers et leucémies, liés pour partie à des événements intervenant au niveau des gènes). Ce travail n'est, certes, pas aisé. Mais, à notre connaissance il n'a même pas été abordé. Activités nucléaires et irradiations
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Les rejets. Répartition de l'irradiation
Parmi les rares renseignements présentés
dans le dossier d'impact figurent des données concernant le volume
des rejets et leur nature: rejets liquides d'une part, rejets gazeux d'autre
part.
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Un exemple de la contamination interne est donné par la consommation par certains habitants du littoral du pays de Galles de gateaux à base d'alginates. Plus de 15.000 personnes ont ingéré de cette matière suffisamment de 106 ruthenium pour recevoir au niveau du tube digestif dix fois la dose maximale admissible. En 1976, à 76 kilomètres en aval de Marcoule, on décelait dans les salades une radioactivité de 6.400 pCuries/kg. C'est en fait, l'ensemble de la production agricole et marine qui risque, à terme, d'être contaminée. Sous des aspects apparemment normaux, les produits alimentaires contaminés devront être retirés des circuits commerciaux si l'on veut éviter des dommages pour la santé publique. Ceci se passe, à l'occasion, à proximité du centre de retraitement de Le Hague. Il faut, pour être complet, mentionner à ce propos le problème posé par les rejets du centre de retraitement de La Hague. Pour deux raisons: - Actuellement, les rejets radioactifs (même en dehors de tout problème de rupture de canalisation) issus de l'usine de La Hague ont déjà conduit à une contamination régulière des côtes de Bretagne-Nord par les produits de fission et par le plutonium (en quantités faibles, certes, mais mesurables et préoccupantes)[16]. - il semble que l'implantation d'un centre de retraitement à la pointe du Van ou dans un site similaire ne soit pas à écarter car l'usine de La Hague ne permet pas un retraitement rapide de l'ensemble des combustibles irradiés, français et étrangers qui y sont acheminés. Dans ces conditions, le taux de contamination radioactive de l'environnement risque fort de dépasser les normes les plus larges (puisqu'on considère toujours chaque établissement individuellement). Dans ce contexte, l'installation à Plogoff d'un complexe nucléaire n'est que le premier pas vers la contamination généralisée de cette région. 3. Quelques problèmes Le terme d'incident est souvent préféré
à celui d'accident dans la mesure où, durant le fonctionnement
normal d'une centrale nucléaire, un grand nombre d'aléas
conduisent à des rejets, parfois importants, mais toujours invisibles
d'éléments radioactifs. Les données chiffrées
concernant la contamination de l'environnement sont, dans ce cas, souvent
connues avec plusieurs mois, voire plusieurs années de retard.
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Définition des risques
En cas d'implantation d'une centrale nucléaire, les populations comme les autorités doivent être prêtes à subir les conséquences d'un accident plus ou moins grave lié à une perte du pouvoir de refroidissement du coeur de la centrale. En ce qui concerne Three Mile Island où cet accident a été évité que de justesse, il n'a pas été possible d'éviter des rejets relativement importants de gaz radioactifs. Les dernières estimations[17] permettent d'évaluer à 3.500 Homme-Rem la dose collective reçue à proximité de la centrale. On admet, en général pour une telle dose et une telle population, l'apparition de 2 à 20 cancers supplémentaires.[18] Quel serait l'impact d'un accident majeur à Plogoff? Divers centres de recherche ont procédé à l'analyse des risques et estimé les conséquences radiologiques d'un accident grave[19]. La définition des hypothèses de calcul peut être fournie sur demande. A partir de ces données, il est possible de produire un modèle géographique de contamination permettant de définir en chaque point du territoire les zones d'irradiation et la valeur de cette irradiation (voir fig. 1). On conçoit que selon l'orientation des vents, les agglomérations de Brest, Morlaix, Ouimper, Lorient puissent être atteintes. Ce qui est également important à noter, c'est que dans l'hypothèse, non souhaitable mais réaliste d'un accident grave (perte du réfrigérant primaire et fusion du coeur), des zones entières seront contaminées par des éléments à vie moyenne ou longue, rendant ainsi impossible et pour longtemps toute vie et toute activité normale. (Les conséquences graves de réacteur nucléaire à eau légère (PWR) de 1000 MWé, d'après une étude de l'Institut de Sûreté des Réacteur: de la République Fédérale Allemande - 1976). La zone hachurée est celle où l'irradiation d'un individu, consécutive au passage du nuage radioactif est supérieure à 600 rem et peut être considérée comme mortelle. Sa largeur a été calculée à partir des valeurs de l'irradiation dans l'axe du vent figurant dans les résultats de l'étude, à l'aide des coefficients usuels (Martin-Tipvart) du dispersion du modèle gaussien de diffusion atmosphérique utilisé par l'étude. Le profil de cette zone peut être modifié par le relief. Conditions météorologique: vent de 3,6 km/h, atmosphère très stable stabilité F (conditions défavorables). Si l'on tient compte du renouvellement du combustible dans les réacteurs PWR, la largeur, mais non la longueur de cette zone doit être légèrement diminuée, elle passe de 11 km à 9,8 km à l00km du réacteur. Il est à noter par contre que le calcul a été fait en admettant un relâchement partiel et non total des produits radioactifs dans l'atmosphère et qu'il ne correspond donc pas à la pire des hypothèses. (suite)
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Dans des conditions météorologiques de stabilité de l'atmosphère neutre (conditions normales), la zone où l'irradiation est supérieure à 600 rem est sensiblement de même importance que la précédente, mais les valeurs de l'irradiation dans l'axe du vent sont plus faibles. Valeurs de l'irradiation dans l'axe du vent
Le plan ORSEC-RAD
p.11
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Le personnel des cellules
nucléaires
Pour être complet, il convient de porter son attention sur l'irradiation des personnels travaillant dans les installations nucléaires. Ceci a d'autant plus d'intérêt qu'une étude commandée par l'Atomic Energy Commission (USA) et réalisée par Mancuso, Stewart et Knale, a permis de suivre près de 35.000 personnes ayant travaillé au centre nucléaire de Hanford de 1944 à 1977. Parmi celles-ci, 23.700 avaient été soumises à irradiation (18.000 hommes et 5.700 femmes). Pour les hommes, 3.671 sont actuellement décédés, dont 743 pour cause de cancer. On peut constater que les doses cumulées reçues ont été en moyenne de: 2,03 rad/homme pour les morts par cancer 1,66 rad/homme pour l'ensemble des morts 1,57 rad/homme pour les morts par d'autres causes que le cancer. A ce niveau de dose, 5% des cancers seraient dus à l'impact des rayonnements subis, soit dix fois plus que ce à quoi on aurait pu s'attendre (selon les normes de la CIPR). Les doses cumulées varient de 0,08 à 5 rad/homme. La publication de ces résultats a déclenché une très vive polémique. Certaines critiques ont fait état d'une longévité moyenne des travailleurs de Handford plus élevée que celle du reste de la population (très vraisemblablement liée aux contrôles de santé extrêmement sévères effectués sur tous les personnels avant l'embauche, et à l'élimination des sujets déficients). En revanche, toutes les contre-études confirment la liaison dose reçue-cancérisation. Une autre étude intéressante concerne les employés du centre de Portsmouth, spécialisés dans l'entretien des sous-marins nucléaires. Une enquête conclut en effet, à un accroissement de près de 65% des cancers par rapport à une population non exposée. Et ceci, pour des doses cumulées estimées à moins de 10 rem. En ce qui concerne les mines d'uranium, l'analyse des données du CEA montre que les travailleurs de la Crouzille en Limousin sont sujets à contamination par le radon. Les statistiques médicales de Razes (siège de la division minière uranifère de la Crouzille) montrent un quasi-doublement des cas par rapport à la moyenne nationale. Ces exemples permettent de formuler plusieurs observations: - L'affrrmation tant entendue selon laquelle «l'énergie nucléaire civile n'a encore jamais tué personne», ne repose sur aucun fondement sérieux, mais elle est démentie par l'analyse des données d'expérience[20]. - Ces résultats confirment également que les faibles doses de radioactivité, reçues en plusieurs fois, ont un effet certain sur la santé. L'accent doit être mis sur le fait qu'une période relativement longue s'écoule entre l'irradiation et le déclenchement d'un cancer (au moins dix ans). (suite)
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En outre, si le développement d'un cancer ou d'une tumeur est lié à la baisse d'efficacité du système immunitaire, cette baisse d'efficacité pourra aussi se traduire par une plus forte sensibilité à des infections diverses à développement plus rapide que le cancer, masquant ainsi par une «mort pour causes diverses» l'apparition d'une tumeur radio-induite identifiable. - L'ensemble des observations de cet ordre conduisent à préconiser régulièrement une diminution des seuils de dose admissible pour les personnels du nucléaire comme pour les populations[21]. Cette réduction des doses peut être obtenue par une augmentation des blindages, des automatismes, des procédures de sécurité, ce qui conduit évidemment à accroître les coûts de construction et de fonctionnement du nucléaire. En fait, une application sérieuse des normes de sécurité peut rendre pratiquement impossible l'exploitation de certaines installations nucléaires, par exemple dans les mines. @ L'ensemble des points que nous venons d'aborder
n'est absolument pas exhaustif. Bien d'autres questions restent à
développer quant aux impacts biologiques de l'implantation de centrales
nucléaires à forte puissance.
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